mardi 3 février 2009

Biocarburant

Saludos, amigos! J' m' appelle Dudu l' biker! J'ai deux passions : la moto et l'écologie. Les copains, y m'ont surnommé "Shazan" à cause de mon look copié sur ce héros oriental de cartoon du genre Hanna-Barbera des seventies : crâne rasé avec seulement une queue d' cheval noir corbeau, de grosses bacchantes brunes et des anneaux aux oreilles. Mais j'ai en plus un tatouage dans l'dos : une chauve-souris toutes ailes déployées! Aucun lien avec Batman, celui du portrait peint par Roy Lichtenstein, masterpiece of the pop'art, propriété de TQT, l' gov'nor du Nouveau Mexique! Dans son phylactère en amerloque, y dit : "I'm not an animal! I'm a human being! I'm a Batman!" Les amiches, y trouvent qu'mes frusques font un peu tante ou chippendale, à cause des cuirs et des marcels, mais j'suis un hétéro pur jus! J'vis avec Ginette, une métisse de black et de chinoise, qui a de fabuleux roberts 120 bonnet E et porte des strings XXL! Comme Léo Malet l' faisait écrire par un d' ses personnages d'un roman d'Nestor Burma (un poème surréaliste j' crois) : "La beauté du buste…" Ceci dit, Ginette et moi, même si on partage les joints, la neige et la Marie-Jeannette, on a pas les mêmes goûts musicaux : elle est plutôt pour le zouc, et mois j' suis partisan du hard rock, du heavy metal et de Marilyn Manson!

Mais trêve d' bavardages, les mecs! Venons-en au sujet : la moto écologique que j'ai conçue pour marcher au biocarburant, un bio très spécial, comme vous allez l' voir! J'ai bricolé à partir d'une Harley Davidson un nouvel engin au moteur particulier qui n'accepte plus les carbus fossiles qui puent et polluent à fond la caisse! Ce soir là, j'ai dit à Ginette que j' devais faire le plein. J'ai jeté un dernier coup d'œil à mes superbes posters de choppers californiens et à mes affiches de "L'équipée sauvage", d' "Hell's Angels" et d'"Easy Rider", puis j' suis parti, direction les ponts des quais d' la Seine! Pour ce genre d'expédition, j'équipe mon bike d'un side-car, comme celui de Léo Campion,
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le chansonnier belge qui jouait dans un fameux feuilleton télé, "La brigade des maléfices", avec aussi Jacques François qui f'sait son chef!
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Y'avait un épisode avec un vampire, "Les dents d'Alexis". Z'allez encore m 'dire qu' vous zyeutez pas l' rapport avec mon histoire! Hé bien, z'allez voir c' que vous allez voir! Mon side, pour terminer la description, était peint en rouge fluo avec une hampe sur le devant : un authentique bâton de commandement indien Arapaho! La moto, elle, était bleu électrique!

Bon, faisons bref : j' suis parti faire le plein, d' nuit, le 23 septembre 200., en quête d'une "station essence bio", sous l' pont Alex' III! J'l' ai trouvée! Y' avait une superbe cloche affalée là, toute seule, un SDF bien imbibé avec c' qu'il m' fallait! L'mec ressemblait à Colucci. J'ai pas dit Coluche, le grand comique, mais l'autre, son sosie qui tournait pour l' cinoche parallèle des westerns Z "pommes frites", expression créée à l'époque pour le "Roy Bean" avec Pierre Perret. Des westerns plus ou moins gores et X d'ailleurs, destinés au départ pour les cinés crados qui proposaient deux films au même programme : un karaté et un cul! Après y ont fini en VHS passées sous l' manteau. Ces westerns étaient limite "snuff movie" parce que dedans, Colucci, qui jouait toujours le héros, le chef des broncos ivres, avait l'air d' flinguer pour de bon les Indiens et les desperados! Y s' dandinait sur son canasson en rotant et gerbant comme pas deux! J'sais pas comment y tombait pas du cheval ou sombrait pas dans l' coma éthylique tellement il était imbibé!

Mon clodo du soir valait pas mieux, mais il me vit et essaya de me parler, ouvrant sa gueule qui empestait la pyorrhée et la bière, avec ses chicots pourris et sa fausse dent en or! Quel râtelier!

"Beuarrrp, mec t'as soif? Heuarrrk! Tu veux pas partager une boîte de beer avec moi, heuuurk! Et puis, t'as pas un frrrranc?"
Pourquoi qu'y disait boîte de beer au lieu d'canette de bière comme tout le monde? L'était belge, ou quoi! Il était d'ailleurs entouré d' canettes vides et aussi de non entamées, certaines ultra "avariées" et gonflées! A cet instant, j' me suis senti dans la situation des droogs dans "Orange mécanique" de Kubrick. Y m'fallait mon plein, alors, j'ai pas hésité une seconde, j'ai fracassé le crâne du clochard à coups de barre de fer! Il était tellement imprégné qu'il a pas pu réagir. J' ai eu aussi l'impression de devenir un émule de Donald Pleasence dans le fameux film de terreur "L'impasse aux violences", un vieux machin anglais en noir et blanc! Puis, quand j'ai constaté qu'il bougerait plus jamais, j'ai sorti de ma boîte à outils tout l'attirail nécessaire pour siphonner l'carbu. Parce que vous l'avez compris : mon biocarburant, c'est l'sang des SDF, les plus alcoolisés de préférence! Un vrai éthanol humain, quoi! J'ai "transfusé" les cinq litres dans l' réservoir de mon bike, puis j'ai soulevé l' corps et l'ai mis dans le side. Fallait pas laisser d'cadavre! Je savais comment m'en débarrasser. J' l'ai recouvert d'une couverture, bien assis au chaud dans le side, puis, en route pour l' palais d'Chaillot! Au fait, j' m'aperçois que j'vous ai pas donné l' nom d' ma moto : c'est une Nosferatu 750 cc, conception 100 % Dudu! Au Musée de l'Homme, mon complice qui me prenait les dépouilles des clodos m'attendait, comme convenu. Julot avait un look marrant : imaginez un croisement de Pee Wee, ce mec qui a sombré pour onanisme pris en flag et de Yahoo Serious, l'ex Einstein Junior tout aussi oublié! Bref, l'était archi ringard! Y travaillait comme gardien de nuit dans les réserves d'anthropologie biologique, ces collections dont plus personne savait c' qu'il y avait dedans, et qui étaient interdites d'exposition, de visite et de photos depuis que vingt ans auparavant, un conservateur tatillon les avait reléguées dans l'"enfer" muséographique au nom du politiquement correct. Y avait notamment une collection pléthorique de momies du monde entier, surtout précolombiennes. Avec l'aspect desséché, grimaçant et parcheminé que prenaient les cadavres des tramps une fois vidés de leur sang, Julot, mon complice n'avait plus qu'à les mettre à poils, à incinérer leurs frusques puantes et à les maquiller en momies Incas en leur faisant prendre une pose assise en fœtus et en les entourant de vieux cordages.
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Et comme plus personne ne se souciait d'inventorier la collection interdite, on pouvait pas s'apercevoir de l'augmentation anormale du nombre des momies! J'ai payé Julot au tarif habituel : 200 € le SDF! Ça faisait bien trois ans que c' manège durait! Mais, ce soir-là, j'ai fait une couillonnerie : j'ai pas fait cas de la note de service affichée dans le bureau de Julot (après coup, j'crois qu'il m'a donné), note qui annonçait que, suite au déménagement des collections d'ethnologie au Quai Branly, l' musée de l'Homme allait se reconcentrer sur l'anthropologie et la préhistoire et procéder à l'inventaire, au catalogage et à la restauration des pièces d'anthropologie biologique, notamment les momies, pour les ré exposer dans un "nouveau Musée de l'Homme", entièrement rénové, à compter de 2008-2009! Bref, l' pot aux roses a vite été découvert! Voilà, j'ai fini ma déposition et je vais la signer, m'sieur l' OPJ! J'peux être mis en examen!

Christian Jannone