Chapitre
6.
Les yeux vides d’aveugle, le corps chétif
soigneusement entravé par une camisole écrue, Aude Angélus se trouvait reliée
par un étrange fil cuivré fixé à son front via une cervelière à un baquet
mesmérien
qu’elle ne pouvait voir. On avait incisé sa peau pour cela, et l’écorchure, bien qu’elle cicatrisât, la brûlait encore. Etrange baquet en vérité ! Non pas clos mais ouvert, et moulé en une matière vitreuse, transparente, qui permettait aux expérimentateurs d’observer son contenu ! La seule chose qu’elle percevait – ou plutôt reconstituait via les odeurs qu’elle en captait - était une forme vague, batracienne,
à demi immergée dans le baquet, objet hideux, dont la fragrance post-mortem herborisée frappait ses narines. De son odorat, de la perception parapsychique de ses prunelles ternes et blanchâtres, elle devinait la nature de cette chose sans toutefois qu’elle pût lui attribuer un nom voire une valeur, si ce n’était une localisation dans l’échelle distinguant le vivant de l’inanimé.
qu’elle ne pouvait voir. On avait incisé sa peau pour cela, et l’écorchure, bien qu’elle cicatrisât, la brûlait encore. Etrange baquet en vérité ! Non pas clos mais ouvert, et moulé en une matière vitreuse, transparente, qui permettait aux expérimentateurs d’observer son contenu ! La seule chose qu’elle percevait – ou plutôt reconstituait via les odeurs qu’elle en captait - était une forme vague, batracienne,
à demi immergée dans le baquet, objet hideux, dont la fragrance post-mortem herborisée frappait ses narines. De son odorat, de la perception parapsychique de ses prunelles ternes et blanchâtres, elle devinait la nature de cette chose sans toutefois qu’elle pût lui attribuer un nom voire une valeur, si ce n’était une localisation dans l’échelle distinguant le vivant de l’inanimé.
Cela avait failli posséder une âme ;
mais cela était mort avant de vivre. Cela n’avait jamais bougé car aucun
système nerveux n’y avait été efficient, bien que constitué. Il y avait cette
senteur entêtante du non-être qui évoquait en Aude ces prostituées charcutées
qu’elle avait parfois croisées çà et là après quelque opération
clandestine ; cette exhalaison de chair morte inaboutie, éjectée
prématurément des matrices ; cet ange en devenir quoique sans avenir
terrestre (comment qualifier autrement cela,
cet innommé ?). Le cœur de la chose
avait peut-être battu il y avait longtemps, en quelque poche liquide, mais,
bien qu’elle baignât à demi dans une solution aqueuse préservatrice et
électrolysée, succédané de l’élément originel amniotique dont nous sommes tous
issus, elle avait oublié son ascendance pisciforme et se trouvait présentement
inerte et inerme.
Le fil de cuivre reliait de fait la tête
de mademoiselle Angélus à l’être du baquet. Il constituait en quelque sorte son
cordon ombilical synthétique. La cécité d’Aude l’avantageait en cela que les
détails de la monstruosité médicale à laquelle on la confrontait lui
demeuraient voilés par l’enténèbrement de sa rétine. Elle fût tombée en pâmoison
si elle avait vu que tout le dos du monstre (un ichtyanthrope ?) était
incisé, révélant l’ensemble de son épine dorsale, de sa moelle épinière à
l’extrémité de laquelle, l’arrière de la tête bulbeuse, hypertrophiée, quasi
hydrocéphalique, avait été éviscéré, amputé de son cerveau inachevé.
La chose était donc un fœtus humain
spinal, et son ouverture hideuse la rapprochait de ces anencéphales à la
neurulation ratée, qui, outre la tête plate batracienne, présentent un système
vertébro-nerveux à vif mal conformé.
Aude commençait à émettre quelques
gémissements sporadiques. De doctes messieurs assistaient à cette nouvelle
expérience, ces Bichat,
ces Dupuytren, ces Larrey qui patiemment attendaient que l’influx électrique des nerfs de la petite mendiante se décidât à agir à la manière de Galvani
avec ses grenouilles. Le fil de cuivre cervical de la pauvre enfant, plongé dans le baquet puis en jaillissant, s’achevait par une pince refermée sur la corde spinale du triste avorton dépigmenté par les alcools conservateurs. Nos savants attribuaient à Aude des facultés extraordinaires, surhumaines, qu’il leur fallait activer pour l’intérêt du nouveau roi. Elle serait l’arme secrète de Napoléon le Grand.
ces Dupuytren, ces Larrey qui patiemment attendaient que l’influx électrique des nerfs de la petite mendiante se décidât à agir à la manière de Galvani
avec ses grenouilles. Le fil de cuivre cervical de la pauvre enfant, plongé dans le baquet puis en jaillissant, s’achevait par une pince refermée sur la corde spinale du triste avorton dépigmenté par les alcools conservateurs. Nos savants attribuaient à Aude des facultés extraordinaires, surhumaines, qu’il leur fallait activer pour l’intérêt du nouveau roi. Elle serait l’arme secrète de Napoléon le Grand.
Après une dizaine de minutes, quelque
phénomène, d’abord à peine perceptible, commença à se manifester. Le fil de
cuivre se tendit, émergeant presque entièrement du baquet de Mesmer. Les yeux
vitreux et atones du fœtus s’ouvrirent grands, comme s’il s’éveillait d’un
sommeil éternel, et ses membres gigotèrent avec maladresse, entamant des
mouvements natatoires à vide qui rappelaient la brasse, par-dessus l’eau
électrolysée. Alors que nul crépitement électrique et galvanique ne se faisait
voir ou entendre, bien que commençât à planer une ténue odeur d’ozone, le
gigotement fœtal alla s’accentuant, jusqu’à ce que la monstruosité acquît une
célérité sans borne, digne de la danse de Saint Guy. D’abord fascinés et ravis,
nos scientifiques ne tardèrent point à s’effrayer de la démonstration, d’autant
plus que la souffrance de la patiente devenait visible. Des suées humidifiaient
son front pâle et sa bouche grimaçait alors que le fœtus dansant devenait
incontrôlable dans l’acquisition anarchique de son mouvement perpétuel. Ce fut
vite le chaos, au point que Bichat cria :
« Arrêtons l’expérience ! Elle
est suffisamment concluante ! »
Las, un assistant eut beau déconnecter
Aude, l’avorton, par acquisition d’une autonomie et d’une dynamique musculaire
diaboliques, poursuivit sa nage spasmodique.
Alors, l’enfant cria ; un hurlement
continu, si aigu qu’il en fut inaudible, à l’échelle de l’ultrason que seuls
les chiens entendent.
Les ondes s’en vinrent frapper le fœtus
qui explosa sans crier gare, en une projection immonde de pulpe morte. Elles
furent si puissantes que les théories de bocaux en étagères enfermant divers
spécimens tératologiques furent touchées à leur tour.
Cela éclata en deux phases. D’abord, les
fœtus siamois, cyclopes
ou autres se métamorphosaient en bouillie éclaboussant et jaspant les parois internes des bocaux. Ensuite, le verre se fissura et se brisa en épanchant et projetant et les liquides conservateurs, et l’ichor innommable des créatures non-nées, comme victimes d’une brusque remontée de pression depuis quelque fosse abyssale. Les éclats de verre fusèrent dans tout le laboratoire de Bicêtre, avec leurs corolaires organiques réduits à d’écœurants déchets. L’odeur s’additionna au reste, odeur d’ordure et d’hôpital. Certains assistants ne furent pas assez prompts pour empêcher quelques blessures. L’un d’eux manqua finir égorgé.
ou autres se métamorphosaient en bouillie éclaboussant et jaspant les parois internes des bocaux. Ensuite, le verre se fissura et se brisa en épanchant et projetant et les liquides conservateurs, et l’ichor innommable des créatures non-nées, comme victimes d’une brusque remontée de pression depuis quelque fosse abyssale. Les éclats de verre fusèrent dans tout le laboratoire de Bicêtre, avec leurs corolaires organiques réduits à d’écœurants déchets. L’odeur s’additionna au reste, odeur d’ordure et d’hôpital. Certains assistants ne furent pas assez prompts pour empêcher quelques blessures. L’un d’eux manqua finir égorgé.
Et Aude Angélus hurla, hurla encore bien
que les sons émis demeurassent inaudibles à l’être humain, alors que saignaient
les tympans et les chairs des doctes assistants et expérimentateurs, tant que
l’un d’eux, indemne, n’eut pas la présence d’esprit de la faire taire par un
bâillon grossier, juste suffisant le temps que des infirmiers, postés derrière
la porte et les oreilles bouchées par des tampons de cire, se saisissent de la
jeune cobaye torturée et la ramenassent en son accoutumée chambre de
confinement réservée aux malades dangereux.
********
Napoléon avait réuni dans son cabinet son
comité politico-scientifique restreint. Il avait posé, bien en évidence, la Telluris Theoria Sacra de Thomas Burnet,
don d’outre-tombe du supposé spectre de l’abbé de Firmont, confesseur irlandais
du ci-devant Louis XVI.
Face à ce cuir vénérable, bien que la
reliure ne valût pas celle d’un elzévir, Pierre-Simon Laplace,
futur comte et marquis, écarquilla les yeux. Il eut l’audace de questionner le tout-puissant monarque, dont le simple uniforme de colonel ne l’impressionnait guère.
futur comte et marquis, écarquilla les yeux. Il eut l’audace de questionner le tout-puissant monarque, dont le simple uniforme de colonel ne l’impressionnait guère.
« Est-ce là la raison principale de
notre convocation ? »
Il était neuf heures passées de dix
minutes et Galeazzo guettait les réactions des nouveaux arrivants, plus
scientifiques que politiciens. Le comte di Fabbrini attendait de grandes choses
de ce comité-là. L’acquiescement du tyran à la question de l’astronome se fit
sur un ton coupant, marqué par l’agacement.
« Evidemment ! Mais cet ouvrage
singulier n’est pas le seul objet de votre présence ici. »
Cuvier s’attendait à ce que le despote lui
demandât un dernier compte rendu des expériences tentées sur mademoiselle
Angélus. Il se sentait moins qualifié que Bichat dans cette affaire. Alors,
Napoléon articula un nom :
« Monsieur von Humboldt devrait se
trouver parmi nous. »
Le roi le savait présentement aux
Amériques, fort occupé en un voyage d’exploration passionnant en des contrées
plus que sauvages. Il connaissait cet Allemand, natif de Berlin, de tempérament
francophile, quoiqu’il en coûtât à la Prusse. Madame Récamier
avait manifesté son désir de le mieux connaître, de l’inviter en son salon fort couru par l’élite intellectuelle, acquise ou opposée au nouveau monarque.
avait manifesté son désir de le mieux connaître, de l’inviter en son salon fort couru par l’élite intellectuelle, acquise ou opposée au nouveau monarque.
« Napoléon envisagerait la
préparation d’une expédition d’exploration… mais de quelle
contrée ? » songea Talleyrand.
« Avant de vous faire part de mes projets
qui imposeront que nous louions les services de Monsieur von Humboldt, je dois
vous confier, Monsieur Laplace, l’examen du livre ici présent, et vous révéler
les circonstances de son acquisition. Mais d’abord, croyez-vous aux
esprits ?
- Nous sommes tous des partisans des
Lumières et nous avons rejeté les superstitions et le fanatisme, répliqua
prudemment Cuvier.
- Apprenez, messieurs, qu’un esprit me fit
don de cet ouvrage. »
Galeazzo fut, parmi l’assistance, la seule
personne à n’exprimer aucune surprise, puisque Napoléon l’avait informé dès son
éveil du comment de l’arrivée de la Telluris
Theoria Sacra au palais des Tuileries, en cette fin d’hiver de l’an
dix-huit cent. Jamais en reste, celui que l’on n’osait encore surnommer le diable boiteux se risqua à formuler
une question nouvelle :
« Sire, si vous le permettez, ce
spectre, ce fantôme ou chimère, de quelle chair était-il constitué ?
Quelle était sa substance, à moins qu’il se fût agi d’une imposture, d’une
farce ?
- Il n’en était pas à sa première visite,
Monsieur de Talleyrand. Son nom s’inscrivit en mon cerveau, telle une intuition
intruse, dès qu’il vint me hanter : De
Firmont. Plus exactement, l’abbé Edgeworth de Firmont, papiste jacobite
irlandais, qui exerça à Versailles la fonction de dernier confesseur du Bourbon
déchu ainsi que me le révéla le comte di Fabbrini, bon connaisseur de
l’ancienne cour. Et ce nom s’accompagnait d’un autre, qui a marqué mes méninges
comme au fer rouge : Lang Darma, ou Langdarma…
- Le nœud de l’affaire, enfin ! se
dit pour lui-même le Maudit.
- Votre Majesté, êtes-vous certaine que ce
Firmont n’était pas un imposteur s’amusant à vous faire peur ? reprit
Talleyrand, qui jouait à merveille le rôle du sceptique.
- J’en réponds de mon fidèle mameluk.
Il aurait transpercé de son sabre le moindre intrus voulant oser venir me tourmenter ou attenter à mes jours dans ma chambre. Roustan est le meilleur de mes gardiens, mon chien fidèle ! »
Il aurait transpercé de son sabre le moindre intrus voulant oser venir me tourmenter ou attenter à mes jours dans ma chambre. Roustan est le meilleur de mes gardiens, mon chien fidèle ! »
Les mains de l’astronome se faisaient
avides. Il tardait à Laplace de prendre connaissance de la Telluris Theoria Sacra.
« Cette nuit donc, plus hardi que de
coutume, De Firmont, ou sa dépouille putréfiée, me donna cette Telluris sans que je comprisse la raison
de cette offre. Etait-elle liée à Langdarma – un dieu, un de ces avatars
hindous ? - ou mieux encore, à la légende du prétendu
Baphomet ? »
Le
ministre des affaires extérieures tiqua davantage à ces mises en relation
hasardeuses, qu’il soupçonnait forgées de toutes pièces par le comte di
Fabbrini qu’il savait féru de sciences occultes mais aussi de mesmérisme.
Quelle machination, quel complot avions-nous là ? Charles-Maurice se
rappelait le rôle autrefois joué par le duc d’Orléans et ses partisans dans
l’ascension des Bonaparte et son exécution toute récente encore. Napoléon était
prêt à tout pour asseoir sa légitimité, même à s’adonner à l’alchimie et à la
magie noire. La France de 1800 ne comportait plus de sorcières depuis Louis XIV
et la Raison s’était imposée aux consciences, quelquefois par la force. On
usait des mêmes armes coercitives que l’Eglise pour que la multitude adhérât
aux idées nouvelles. Napoléon profitait de la récente vacance du Trône de
Pierre. Le conclave se traînait depuis un mois, incapable de s’accorder sur le
nom d’un successeur à Pie VI.
Pourquoi donc le nouveau roi faisait-il
preuve d’autant de crédulité devant ce qui ressemblait à une mascarade ?
L’ancien évêque sorti de religion soupçonnait l’abbé irlandais d’être
parfaitement en vie, quelque part. Napoléon allait lui imposer de le rechercher
partout en Europe. Si, en plus, il mêlait ce « Baphomet » à cette
affaire… Heureusement que le monarque n’avait pas évoqué la perception des
phénomènes acoustiques qu’il partageait avec son éminence grise, batterie
frénétique de tambours, chute de couperet et autres…
« Le livre, lorsque je le vis, était
gluant, verdâtre, frappé d’une putridité immonde, fragrant de miasmes, comme si
sa matière avait été en symbiose avec le corps corrompu du spectre. Ce matin, à
mon réveil, j’eus la surprise de constater qu’il avait acquis un tout autre
aspect, une toute autre consistance : c’était désormais une œuvre neuve,
un exemplaire princeps que j’avais en ma possession, bien qu’il fût vieux de
cent vingt années. Monsieur Laplace, je vois votre impatience. Prenez l’ouvrage
et feuilletez-le. Je vous conseille de vous attarder à la gravure du frontispice.
Attention, la reliure est inversée, le commencement se trouvant à la fin, cette
singularité s'ajoutant aux autres. Donnez-moi vos premières impressions avant
de vous charger d’un examen détaillé dont vous me rendrez compte. »
Puisque Napoléon l’autorisait,
Pierre-Simon Laplace put enfin se saisir du maroquin hétérodoxe. Sa
manipulation s’avéra malaisée ; elle eût davantage convenu à un mahométan
ou à un adepte de la loi mosaïque. De même, un habitant de Cipango aurait
trouvé l’ouvrage à sa convenance. Ainsi vont les systèmes d’écriture qui
déterminent la reliure et la pagination ainsi que le sens de la lecture… Dès
lors que ses yeux furent confrontés au fameux frontispice de Thomas Burnet,
l’astronome ne put s’empêcher de s’exclamer :
« Quel système cosmogonique étrange
que voilà ! Il est vrai que ce savant ne pouvait connaître les différentes
théories que j’ai récemment formulées, qu’il s’agisse de la nébuleuse
primordiale ou du trou noir… [1]
Ces sphères telluriques ou aquatiques successives, classées par stades – du
plus ancien au plus récent - semblent relater un récit synthétisant la Genèse
et la science. La Terre de Burnet a traversé toutes les étapes de sa
constitution, de la boule incandescente à l’astre que nous connaissons, en
passant par ce qui s’apparente à la Terre du Déluge.
- Monsieur, l’interrompit Cuvier,
permettez que je me joigne à votre examen. Je pense que la Terre a connu plusieurs déluges effaçant chaque fois toute vie, celle-ci renaissant sans cesse sous d’autres formes. Vous me penserez dogmatique. Certes, je suis d’origine protestante et j’essaie de réconcilier la Bible et la géologie, ainsi que le fit monsieur Burnet en 1680. Cependant, j’admets que la Terre n’a pu être créée en seulement six jours, mais plutôt que sa constitution a nécessité plusieurs milliers d’années.
permettez que je me joigne à votre examen. Je pense que la Terre a connu plusieurs déluges effaçant chaque fois toute vie, celle-ci renaissant sans cesse sous d’autres formes. Vous me penserez dogmatique. Certes, je suis d’origine protestante et j’essaie de réconcilier la Bible et la géologie, ainsi que le fit monsieur Burnet en 1680. Cependant, j’admets que la Terre n’a pu être créée en seulement six jours, mais plutôt que sa constitution a nécessité plusieurs milliers d’années.
- Monsieur Buffon affirmait – sans
toutefois qu’il osât rendre cette pensée publique, de crainte que les foudres
de l’Eglise s’abattissent sur sa personne – que notre astre avait au moins cent
mille années… »
Napoléon s’agaçait à cet échange de
paroles.
« Messieurs, mon cabinet n’est point
un lieu approprié pour un tel débat. Vous aurez tout le loisir de me rédiger un
rapport détaillé sur ce livre. Je vous donne un mois pour cela »,
martela-t-il.
Il voulut les congédier mais se retint.
Galeazzo, instruit des avancées scientifiques postérieures, connaissait les
théoriciens des années 1860 et se gaussait de Cuvier et Laplace. En donneur
d’ordres impérieux à défaut d’être déjà impérial, le despote tourna son regard
vers Talleyrand.
« Monsieur mon ministre, appuya-t-il à dessein sur ces deux mots, je vous
charge d’une double mission secrète. Primo, vous vous enquerrez du destin de
l’abbé de Firmont. Secundo, vous enquêterez sur le Baphomet. »
L’acquiescement à peine marqué de Charles-Maurice
suffit au roi. Il enchaîna :
« Messieurs, mes services vont se
charger de recruter Monsieur von Humboldt afin que nous montions une expédition
en Asie. Monsieur le comte du Fabbrini m’a instruit ce matin de l’existence
d’un mystérieux empereur tibétain qui vécut il y a près de mille années et dont
tantôt, j’ai prononcé le nom. Il m’a invité à prendre connaissance de notes
confidentielles d’un proscrit russe. Le tsar Paul ne doit aucunement avoir vent
de nos projets. Le Céleste Empire non plus. Il n’est pas question que
l’Empereur Jiaqing
se mêle de nos affaires et que les intérêts de nos ennemis anglais y trouvent un terrain favorable à leurs machinations. Il existerait quelque part dans les montagnes himalayennes un tombeau secret abritant la momie maléfique de ce Tibétain du IXe siècle de notre ère, ce Langdarma qui, selon les légendes, serait doté de pouvoirs tels que, si nous pouvions nous en accaparer, tous nos adversaires trembleraient, de crainte de l’anéantissement suprême. Monsieur Cuvier, je vous désigne comme second de cette expédition que je compte faire diriger par Monsieur von Humboldt. Mon gouvernement saura se montrer persuasif… Messieurs, vous pouvez disposer. »
se mêle de nos affaires et que les intérêts de nos ennemis anglais y trouvent un terrain favorable à leurs machinations. Il existerait quelque part dans les montagnes himalayennes un tombeau secret abritant la momie maléfique de ce Tibétain du IXe siècle de notre ère, ce Langdarma qui, selon les légendes, serait doté de pouvoirs tels que, si nous pouvions nous en accaparer, tous nos adversaires trembleraient, de crainte de l’anéantissement suprême. Monsieur Cuvier, je vous désigne comme second de cette expédition que je compte faire diriger par Monsieur von Humboldt. Mon gouvernement saura se montrer persuasif… Messieurs, vous pouvez disposer. »
Le Maudit jubilait. Il pensait l’énergie
négative des tulpas imparable une fois libérée… Ce serait l’arme absolue.
******
A suivre...
[1]
Laplace, après le révérend John Mitchell en 1783, fut le deuxième scientifique
à formuler une première théorie des trous noirs, en 1796, dans son livre Exposition du Système du Monde. Il y
écrivit : Un astre lumineux, de la
même densité que la Terre, et dont le diamètre serait 250 fois plus grand que
le Soleil, ne permettrait, en vertu de son attraction, à aucun de ses rayons de
parvenir jusqu'à nous. Il est dès lors possible que les plus grands corps
lumineux de l'univers puissent, par cette cause, être invisibles. Il fallut
attendre 1915 pour que naissent les prémices de la théorie moderne des trous
noirs grâce à Karl Schwartzchild et Albert Einstein.