mardi 17 décembre 2024

Compte rendu du café littéraire du 4 décembre 2024 seconde partie.

 « Le Bastion des larmes » d’Abdellah Taïa – Ed. Julliard

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L’auteur y décrit comment les lois et la société, dans leur symbiose oppressive, empêchent les histoires d’amour entre hommes de s’épanouir au grand jour, créant une atmosphère étouffante pour ceux qui ne se conforment pas aux normes sexuelles dominantes. Ce roman dépasse la simple narration : il reflète un contexte marocain politique et social complexe, particulièrement pour les populations vulnérabilisées.
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, pour liquider l’héritage familial. En lui, c’est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre. À travers lui, les voix du passé résonnent et l’interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique.
« Le Bastion des larmes » d’Abdellah Taïa, est en résonnance avec « 2084 : la fin du monde » de Boualem Sansal -  paru en 2017.  

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Nous avons parlé de Boualem Sansal au dernier Café Littéraire, et nous avons  pensé que lire ou relire ses ouvrages était un soutien à cet écrivain, arrêté à l’aéroport d’Alger le 25 novembre 2024, en rentrant d’un salon du livre en France  et emprisonné par le régime algérien ; certainement victime des différends politiques entre la France et l’Algérie.
« 2084 » de Boualem Sansal

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En 2015, Boualem Sansal publie «  2084 : la fin du monde », un roman dystopique inspiré de 1984 de George Orwell. Ce livre, qui décrit un régime totalitaire islamiste, reçoit le Grand Prix du roman de l'Académie française.

L’Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, «délégué» de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions. Mais un homme, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur un peuple de renégats qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion.
Au fil d’un récit plein d’inventions cocasses ou inquiétantes, Boualem Sansal s’inscrit dans la filiation d’Orwell pour brocarder les dérives et l’hypocrisie du radicalisme religieux.
 
Il publie « Le Village de l'Allemand ou le journal des frères Schiller »  en 2008,  que nous avons lu au Café Littéraire, un roman qui aborde les thèmes de la mémoire et de l'identité à travers l'histoire de deux frères découvrant le passé nazi de leur père. Ce livre a été récompensé par le Grand Prix RTL-Lire et le Grand Prix de la francophonie de l'Académie Française.

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A été proposé, en dehors de la liste des romans, un beau livre de photographies :
« Le photographe, Alexis Vettoretti, auteur de la série « Paysannes », primée, est parti depuis 2013 à la rencontre des femmes françaises, filles et femmes de paysans nées dans l'entre-deux-guerres, témoins d'une époque révolue et dans laquelle, pourtant, elles vivent toujours
« Paysannes » d’Alexis Vettoretti : « Ce fut un choc de découvrir qu’une réalité sociale d’hier était là, sous mes yeux, vivante »  Guillaume Delacroix

Le photographe ardéchois Alexis Vettoretti expose sa série "Paysannes" à  Paris - France Bleu

 La romancière Marie-Hélène Lafon signe les textes : « Je les reconnais ». 

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« Des visages creusés de sillons, une posture fière, le regard profond. À partir de 2013, le photographe a parcouru les campagnes à la rencontre de femmes nées dans la première moitié du XXᵉ siècle. Ses photos racontent des vies subies, passées entre la ferme et la cuisine, faites de labeur et d’acceptation. »
 


« Bonne lecture à toutes et tous »
Michel Antoni et Michèle Pouget

vendredi 13 décembre 2024

Compte rendu du café littéraire du 4 décembre 2024 première partie.

 Compte-rendu du Café Littéraire exceptionnel qui a eu lieu
le mercredi 4 décembre

 

Et au cours duquel, chacun avait choisi son livre préféré de la rentrée littéraire de septembre 2024.


« Les présences imparfaites » de Youness Bousenna – Editions Rivages -  1er Roman

Youness Bousenna - Babelio
Marc Pépin, 58 ans, est grand reporter au Figaro et écrivain. À l’automne de sa vie, il décide de coucher sur le papier une confession douce-amère, récit autobiographique sans concession qui est aussi un tableau générationnel des années 1990-2000, qu’il ne destine pas à la publication. Il y revient sur son enfance dans la classe moyenne à Thiais, sa carrière de journaliste et d’écrivain, ne s’épargnant pas dans l’aveu de ses faiblesses et de ses lâchetés, fruits d’un égoïsme existentiel. Se croyant protégé par le destin, pensant que les événements glissent sur lui, cette sorte d’homme sans qualités de la fin du XXe siècle sera rattrapé par les épreuves de la séparation, du deuil, de la maladie, et, surtout, de sa propre vieillesse. Sans que l’on sache si cela le transforme ou le terrasse.


« Houris » de Kamel Daoud – Prix Goncourt 2024

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17 centimètres. C’est la taille de la cicatrice que possède Aube, le personnage principal de ce roman, victime de la guerre alors qu’elle avait 5 ans. Une métaphore évidente du silence, qui se couple à une langue très symbolique de la part de l’auteur, qu’il met au service de cette histoire poignante.


« Le monologue de la louve » de Gilles Leroy – Ed. Lattès

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Hécube, la reine de Troie, voit sa cité détruite, ses enfants massacrés. Faite captive après la guerre, elle est condamnée à devenir l’esclave de son ennemi Ulysse. Une légende dit que, pour échapper à l’humiliation, elle se change en louve. Ce Monologue puissant, incantatoire, raconte sa métamorphose.


« Le rêve du jaguar » de Miguel Bonnefoy – Ed. Rivages

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Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.


« Le harem du roi » de DjaÏli Amadou – Ed. Emmanuel Colas

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Quand l’ambition et la tradition tuent l’amour…
Boussoura et Seini forment un couple moderne qui vit à Yaoundé. Il est médecin, elle est professeure de littérature. Une famille épanouie jusqu’au jour où tout bascule quand Seini est rattrapé par son passé. Fils de roi, il est appelé à prendre la succession. Malgré les réserves de son épouse, l’attrait du pouvoir est le plus fort. Devenu lamido, commandeur des croyants et garant des traditions et de la religion, il se transforme en roi tout-puissant.
Après Les Impatientes et Cœur du Sahel, Djaïli Amadou Amal nous livre une histoire d’amour bouleversante et romanesque d’une cruelle actualité. Dans Le Harem du roi, elle brise à nouveau les tabous sur le mariage forcé et la polygamie, en dénonçant la servitude en Afrique et en donnant une voix à celles et ceux dont on ne connaît pas l’existence.


« Lumière vacillante » de Nino Haratischwili – Ed. Gallimard

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Elles sont quatre : il y a Nene la romantique, Ira la cérébrale, Dina l'idéaliste et Keto l'observatrice. Voisines depuis l'enfance, elles grandissent ensemble à Tbilissi, en Géorgie, au moment où l'Union soviétique s'effrondre et où se pose la question de l'avenir de leur pays. Chacune à leur manière, les quatre amies vont faire l'expérience de l'amour, de l'espoir, de la déception, de la trahison, et être confrontées aux conséquences, dans leur vie privée, de ces événements politiques et historiques qui feront bifurquer à jamais leurs existences.


« Théodoros » de Mircea Cartarescù

Illustration.
À 68 ans, Mircea Cărtărescu

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 s’est depuis longtemps imposé comme l’un des maîtres de la littérature du XXIe siècle, de sa grande trilogie Orbitor (1996) au chef-d’œuvre Solénoïde (2015). Avec Théodoros, l’écrivain roumain franchit peut-être un nouveau cap : celui de maître du Verbe. Cette histoire fantasmée de l’empereur Téwodros II d’Éthiopie, qui régna au XIXe siècle, emprunte à l’onirisme et au fantastique dont Cărtărescu aime peupler sa création, comme dans Le Levant (1990) où il narrait l’épopée d’un jeune révolté. Mélangeant habilement le vrai et l’imaginaire, rendant possible l’impossible, l’écrivain roumain Mircea Cărtărescu rembobine à sa façon l’existence de ce personnage historique réel en lui faisant faire quelques tours de plus.


« Cabane » d’Abel Quentin » Ed. de L'Observatoire.

Abel Quentin (auteur de Le voyant d'Étampes) - Babelio
C'est le troisième roman d'Abel Quentin. Au cœur de ce livre, un rapport scientifique qui a été publié au début des années 1970 et qui nous alertait déjà sur les limites et les dangers de la croissance pour la planète. À partir de là, Abel Quentin invente la vie des quatre chercheurs qui ont établi ce constat alarmant : un couple d'Américains qui a tenté d'alerter sans être entendu, un Français surtout motivé par l'appât du gain, et un mathématicien norvégien qui disparaît mystérieusement. La moitié du roman est consacrée à l'enquête d'un jeune journaliste sur ce mathématicien. C'est une fresque du début des années 1970 à aujourd'hui sur l'inaction climatique et les destins qu'elle dessine.

« Jacaranda » de Gaël  Faye Ed. Grasset

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En arrivant au Rwanda, Milan ignore tout de l'histoire nationale. Le tabou autour de la situation politique et du génocide est immense. L'apprentissage de Milan se fait alors au fil des brèches laissées ouvertes par son entourage, autant de témoignages qui constituent une fresque intime et bouleversante. Jacaranda, dont l'intrigue s'étend sur vingt-six ans, est un tâtonnement vers la compréhension d'un récit familial qui dévoile, en filigrane, la terrible histoire du pays. Sans jamais négliger la fiction, G aël Faye offre ainsi un livre d'une grande pédagogie autour d'événements souvent méconnus en France. L'auteur explore les racines coloniales du génocide des Tutsis, remonte l'histoire politique, religieuse, et s'intéresse aux lendemains, aux traumatismes de la population. Publié à l'occasion de la commémoration du trentième anniversaire du génocide du Rwanda, Jacaranda est un livre important, à ne pas manquer.


« Tous tes enfants dispersés » de Béata Umubyeyi Ed. Maresse

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Peut-on réparer l'irréparable, rassembler ceux que l'histoire a dispersés ? Blanche, rwandaise, vit à Bordeaux après avoir fui le génocide des Tutsi de 1994. Elle a construit sa vie en France, avec son mari et son enfant métis Stokely. Mais après des années d'exil, quand Blanche rend visite à sa mère Immaculata, la mémoire douloureuse refait surface. Celle qui est restée et celle qui est partie pourront-elles se parler, se pardonner, s'aimer de nouveau ?

« Les jardins de Torcello » de Claudie Gallay

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Jess vit à Venise où elle est guide touristique. Alors que son propriétaire lui demande de quitter son appartement actuel, il lui recommande de prendre contact avec Maxence, un avocat très réputé de la région, qui vit sur l'île de Torcello dans la baie vénitienne.
A la suite de cette rencontre s'égrainent les mois et l'errance de la jeune femme, qui fait les allers-retours entre l'île et la ville. De ces errances advient une réflexion sur grandir, sur l'épanouissement amoureux, sur les sentiments partagés ou bien encore des constats écologiques.
Jess nous fait découvrir ou plutôt redécouvrir Venise au gré de ses pérégrinations dans la ville. Elle se perd dans les rues de la ville avec le lecteur. On prend plaisir à suivre la narratrice dans ses pensées aux détours des rues. Puis, il y a l'île de Torcello, moins connue que ses sœurs Murano et Burano mais plus sauvage, comme la narratrice. Petit à petit, on découvre une île mais aussi les personnages qui la peuplent : Maxence, son jeune amant Colin, et leur homme à tout faire Elio.
Les Jardins de Torcello a des accents de dolce Vita, où l'on peut se surprendre à paraisser sous un arbre sous la chaleur étouffante de l'été italien.
« Un livre qui vous hante après l’avoir fermée. » nous dit Anne qui a présenté l’ouvrage.


« Le sentiment des crépuscules », de Clémence Boulouque – Ed Robert Laffont :

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La romancière met en scène une (vraie) rencontre entre Sigmund Freud, Salvador Dalí et Stefan Zweig qui s'est déroulée chez le célèbre psychanalyste un après-midi de juillet 1938, alors que Freud est en exil à Londres et Zweig a fui l'Autriche. La performance tient dans cet art de narrer la conversation entre trois monstres sacrés comme si Clémence Boulouque faisait partie des convives. On y est totalement. Ce faisant, elle donne à cette rencontre une tournure sacrément romanesque et savoureuse, grâce aux dialogues et aux portraits qu'elle brosse de chacun par esquisses.
« De belles pages sur « l’exilé. On y entend la montée des populismes ».

A suivre...