Compte-rendu du Café Littéraire exceptionnel qui a eu lieu
le mercredi 4 décembre
Et au cours duquel, chacun avait choisi son livre préféré de la rentrée littéraire de septembre 2024.
« Les présences imparfaites » de Youness Bousenna – Editions Rivages - 1er Roman
Marc Pépin, 58 ans, est grand reporter au Figaro et écrivain. À l’automne de sa vie, il décide de coucher sur le papier une confession douce-amère, récit autobiographique sans concession qui est aussi un tableau générationnel des années 1990-2000, qu’il ne destine pas à la publication. Il y revient sur son enfance dans la classe moyenne à Thiais, sa carrière de journaliste et d’écrivain, ne s’épargnant pas dans l’aveu de ses faiblesses et de ses lâchetés, fruits d’un égoïsme existentiel. Se croyant protégé par le destin, pensant que les événements glissent sur lui, cette sorte d’homme sans qualités de la fin du XXe siècle sera rattrapé par les épreuves de la séparation, du deuil, de la maladie, et, surtout, de sa propre vieillesse. Sans que l’on sache si cela le transforme ou le terrasse.
« Houris » de Kamel Daoud – Prix Goncourt 2024
17 centimètres. C’est la taille de la cicatrice que possède Aube, le personnage principal de ce roman, victime de la guerre alors qu’elle avait 5 ans. Une métaphore évidente du silence, qui se couple à une langue très symbolique de la part de l’auteur, qu’il met au service de cette histoire poignante.
« Le monologue de la louve » de Gilles Leroy – Ed. Lattès
Hécube, la reine de Troie, voit sa cité détruite, ses enfants massacrés. Faite captive après la guerre, elle est condamnée à devenir l’esclave de son ennemi Ulysse. Une légende dit que, pour échapper à l’humiliation, elle se change en louve. Ce Monologue puissant, incantatoire, raconte sa métamorphose.
« Le rêve du jaguar » de Miguel Bonnefoy – Ed. Rivages
Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
« Le harem du roi » de DjaÏli Amadou – Ed. Emmanuel Colas
Quand l’ambition et la tradition tuent l’amour…
Boussoura et Seini forment un couple moderne qui vit à Yaoundé. Il est médecin, elle est professeure de littérature. Une famille épanouie jusqu’au jour où tout bascule quand Seini est rattrapé par son passé. Fils de roi, il est appelé à prendre la succession. Malgré les réserves de son épouse, l’attrait du pouvoir est le plus fort. Devenu lamido, commandeur des croyants et garant des traditions et de la religion, il se transforme en roi tout-puissant.
Après Les Impatientes et Cœur du Sahel, Djaïli Amadou Amal nous livre une histoire d’amour bouleversante et romanesque d’une cruelle actualité. Dans Le Harem du roi, elle brise à nouveau les tabous sur le mariage forcé et la polygamie, en dénonçant la servitude en Afrique et en donnant une voix à celles et ceux dont on ne connaît pas l’existence.
« Lumière vacillante » de Nino Haratischwili – Ed. Gallimard
Elles sont quatre : il y a Nene la romantique, Ira la cérébrale, Dina l'idéaliste et Keto l'observatrice. Voisines depuis l'enfance, elles grandissent ensemble à Tbilissi, en Géorgie, au moment où l'Union soviétique s'effrondre et où se pose la question de l'avenir de leur pays. Chacune à leur manière, les quatre amies vont faire l'expérience de l'amour, de l'espoir, de la déception, de la trahison, et être confrontées aux conséquences, dans leur vie privée, de ces événements politiques et historiques qui feront bifurquer à jamais leurs existences.
« Théodoros » de Mircea Cartarescù
À 68 ans, Mircea Cărtărescu
s’est depuis longtemps imposé comme l’un des maîtres de la littérature du XXIe siècle, de sa grande trilogie Orbitor (1996) au chef-d’œuvre Solénoïde (2015). Avec Théodoros, l’écrivain roumain franchit peut-être un nouveau cap : celui de maître du Verbe. Cette histoire fantasmée de l’empereur Téwodros II d’Éthiopie, qui régna au XIXe siècle, emprunte à l’onirisme et au fantastique dont Cărtărescu aime peupler sa création, comme dans Le Levant (1990) où il narrait l’épopée d’un jeune révolté. Mélangeant habilement le vrai et l’imaginaire, rendant possible l’impossible, l’écrivain roumain Mircea Cărtărescu rembobine à sa façon l’existence de ce personnage historique réel en lui faisant faire quelques tours de plus.
« Cabane » d’Abel Quentin » Ed. de L'Observatoire.
C'est le troisième roman d'Abel Quentin. Au cœur de ce livre, un rapport scientifique qui a été publié au début des années 1970 et qui nous alertait déjà sur les limites et les dangers de la croissance pour la planète. À partir de là, Abel Quentin invente la vie des quatre chercheurs qui ont établi ce constat alarmant : un couple d'Américains qui a tenté d'alerter sans être entendu, un Français surtout motivé par l'appât du gain, et un mathématicien norvégien qui disparaît mystérieusement. La moitié du roman est consacrée à l'enquête d'un jeune journaliste sur ce mathématicien. C'est une fresque du début des années 1970 à aujourd'hui sur l'inaction climatique et les destins qu'elle dessine.
« Jacaranda » de Gaël Faye Ed. Grasset
En arrivant au Rwanda, Milan ignore tout de l'histoire nationale. Le tabou autour de la situation politique et du génocide est immense. L'apprentissage de Milan se fait alors au fil des brèches laissées ouvertes par son entourage, autant de témoignages qui constituent une fresque intime et bouleversante. Jacaranda, dont l'intrigue s'étend sur vingt-six ans, est un tâtonnement vers la compréhension d'un récit familial qui dévoile, en filigrane, la terrible histoire du pays. Sans jamais négliger la fiction, G aël Faye offre ainsi un livre d'une grande pédagogie autour d'événements souvent méconnus en France. L'auteur explore les racines coloniales du génocide des Tutsis, remonte l'histoire politique, religieuse, et s'intéresse aux lendemains, aux traumatismes de la population. Publié à l'occasion de la commémoration du trentième anniversaire du génocide du Rwanda, Jacaranda est un livre important, à ne pas manquer.
« Tous tes enfants dispersés » de Béata Umubyeyi Ed. Maresse
Peut-on réparer l'irréparable, rassembler ceux que l'histoire a dispersés ? Blanche, rwandaise, vit à Bordeaux après avoir fui le génocide des Tutsi de 1994. Elle a construit sa vie en France, avec son mari et son enfant métis Stokely. Mais après des années d'exil, quand Blanche rend visite à sa mère Immaculata, la mémoire douloureuse refait surface. Celle qui est restée et celle qui est partie pourront-elles se parler, se pardonner, s'aimer de nouveau ?
« Les jardins de Torcello » de Claudie Gallay
Jess vit à Venise où elle est guide touristique. Alors que son propriétaire lui demande de quitter son appartement actuel, il lui recommande de prendre contact avec Maxence, un avocat très réputé de la région, qui vit sur l'île de Torcello dans la baie vénitienne.
A la suite de cette rencontre s'égrainent les mois et l'errance de la jeune femme, qui fait les allers-retours entre l'île et la ville. De ces errances advient une réflexion sur grandir, sur l'épanouissement amoureux, sur les sentiments partagés ou bien encore des constats écologiques.
Jess nous fait découvrir ou plutôt redécouvrir Venise au gré de ses pérégrinations dans la ville. Elle se perd dans les rues de la ville avec le lecteur. On prend plaisir à suivre la narratrice dans ses pensées aux détours des rues. Puis, il y a l'île de Torcello, moins connue que ses sœurs Murano et Burano mais plus sauvage, comme la narratrice. Petit à petit, on découvre une île mais aussi les personnages qui la peuplent : Maxence, son jeune amant Colin, et leur homme à tout faire Elio.
Les Jardins de Torcello a des accents de dolce Vita, où l'on peut se surprendre à paraisser sous un arbre sous la chaleur étouffante de l'été italien.
« Un livre qui vous hante après l’avoir fermée. » nous dit Anne qui a présenté l’ouvrage.
« Le sentiment des crépuscules », de Clémence Boulouque – Ed Robert Laffont :
La romancière met en scène une (vraie) rencontre entre Sigmund Freud, Salvador Dalí et Stefan Zweig qui s'est déroulée chez le célèbre psychanalyste un après-midi de juillet 1938, alors que Freud est en exil à Londres et Zweig a fui l'Autriche. La performance tient dans cet art de narrer la conversation entre trois monstres sacrés comme si Clémence Boulouque faisait partie des convives. On y est totalement. Ce faisant, elle donne à cette rencontre une tournure sacrément romanesque et savoureuse, grâce aux dialogues et aux portraits qu'elle brosse de chacun par esquisses.
« De belles pages sur « l’exilé. On y entend la montée des populismes ».
A suivre...
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