Paru en version française en 1994, le roman « Les limons vides » est le début de la saga nordique intitulée « Le Livre de Dina » publiée par Herbjørg Wassmo, très populaire et prolifique romancière norvégienne. Les deux autres tomes de la trilogie sont « Les vivants aussi » et « Mon bien-aimé est à moi ». « Les Limons vides » est un roman intemporel, presque inclassable dans la mesure où il se situe à la lisière du conte et de la légende. Il est à la fois une épopée romanesque à l’érotisme flamboyant d’une femme-enfant rebelle frappée par le destin et un magnifique roman d’émancipation.
L’histoire qui se déroule au milieu du dix- neuvième siècle dans le Nordland norvégien,
s’ouvre sur la fin du roman. Dina, l’héroïne, raconte la chute dans un ravin du traîneau où se trouve son époux Jacob, blessé, pendant qu’elle le transporte chez le médecin, entraînant sa mort. Le lecteur plonge alors dans la vie tragique de Dina, depuis qu’à l’âge de 5 ans elle a provoqué accidentellement la mort de sa mère, jusqu’à, treize années plus tard, la mort de son mari.
« Les Limons vides », c’est le récit d’une héroïne tragique, portée par sa destinée mais dont l’indépendance, l’animalité sauvage, l’indifférence aux règles et conventions sociales, la sensualité tellurique entre la glace et le feu, l’expose à tous ceux qui l’approchent qui se trouvent en retour confrontés à sa démesure et sa provocation, révélatrice des tensions inhérentes au sein de ces sociétés isolées.
« Les Limons vides », c’est un long requiem, un chant de douleur et de violence, de folle passion et d'insondable solitude. Ici, l'amour est une danse effrénée et voluptueuse, une torture, une mise à mort où Herbjorg Wassmo dirige son tumultueux personnage d'une plume rapide, sensuelle, vertigineuse, domptant les mots, les images, les sens, tout comme sa Dina asservit son étalon ou ses amants, assouvit sa rage de vivre.
C’est aussi une galerie de portraits qui sont loin d’être secondaire, palefrenier, professeur de musique, cuisinière et tant d’autres
« Les Limons vides » c’est enfin un portrait magistral de cette Norvège ancestrale, sauvage très conventionnelle avec ses us et ses traditions où Dina tente de faire sa place dans la société malgré son ignorance.
Un récit qui se lit en un seul souffle, suspendu, emporté comme par le fougueux cheval sauvage de Dina par une écriture torrentielle et vertigineuse qui nous dépose enfin, épuisé, sur la grève d’une de ces côtes les plus septentrionales et les plus sauvages de la Scandinavie,
Jackie Bourella