dimanche 11 janvier 2015

Cybercolonial 1ere partie : Belles Lettres d'une Rose méconnue chapitre 5 2e partie.



Daniel Lin avait laissé s’accomplir les tristes desseins de la baronne de Lacroix-Laval alors qu’il aurait pu tout effacer d’un seul clignement des yeux. Mais il ne l’avait pas voulu. Pourquoi donc? Était-ce faiblesse de sa part ? Devait-il une fois encore composer avec son côté obscur ? Ou bien était-ce encore un aveu de son immaturité ? Lorsqu’il avait pris l’apparence d’un groom chez la duchesse d’Uzès, il avait ainsi révélé son âge réel aux yeux de ses compagnons.  Or, ces derniers n’avaient pas compris ce signe.
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Oui, Dan El était bien cette Entité parturiente adolescente, pas toujours sûre d’elle-même, pas toujours satisfaite du résultat de ses expériences.
Aujourd’hui, il aspirait à comprendre d’où pouvait provenir cette chronoligne qu’il n’avait pas désirée. Qui tenait maintenant toutes les cartes entre ses mains ? Pour ce faire, il lui fallait laisser se dérouler les événements, y compris les plus désagréables, les plus gênants pour son orgueil.
Cependant, Daniel Lin n’était pas de bois, loin s’en fallait. Il souffrait mille morts, se morigénait d’avoir sacrifié ainsi la journaliste Yolande de la Hire. Mais voilà. La force des choses lui commandait de ne pas intervenir, de rester en retrait. Aurore-Marie de Saint-Aubain avait emporté la partie dans ce duel, mais cette victoire, toute relative, se solderait bientôt par le plus retentissant des échecs.
De cela, Dan El en était persuadé. Il ferait tout pour que la baronne soit éliminée de la scène et du Multivers. Il y avait longtemps qu’il avait pris cette résolution. Cela faisait déjà quelques millisecondes, c’est-à-dire une éternité au sein de la Réalité trans quantique. 
Il n’empêche. Observer sans intervenir, étudier les bouleversements qui se produisaient sur le continent africain, voir le chamboulement de la nature, contrecarrer l’ordre qu’il y avait mis jadis, l’agaçaient prodigieusement.
Dan El se voulait fort, au-dessus de toute peine et de toute colère. Antan, il avait combattu ses démons intérieurs, piétinant en-dedans de lui Fu le Suprême ou encore Johann van der Zelden qui avaient surgi de son inconscient. Il pouvait renouveler cet exploit de se vaincre lui-même.
Or, était-ce bien le cas cette fois-ci ? Le Mal toujours renaissant était-il à l’intérieur de lui ?
Il en doutait et il croyait ne pas se tromper. Quel avantage avait A-El à essayer de le doubler et à prendre le dessus dans cette Création toujours en gésine, mais également toujours renouvelée et perfectionnée ? Antor, son autre lui-même, avait accepté de lui laisser conduire le bal. Il s’en souvenait clairement.
Daniel Lin avait pris grand soin de ne pas céder à la tentation de sacrifier tous les êtres vivants résultant de sa parturition. Désormais, les Castorii, Helladoï, médusoïdes, ovinoïdes et autres espèces avaient autant de chance de parvenir au climax de l’intelligence que ses humains si privilégiés et si chouchoutés. 
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Du moins Dan El tentait-il de s’en persuader.
Bien évidemment, il se trompait. Ses yeux se dessilleraient mais pas dans cette piste temporelle. Le réveil serait amer. Alors, l’incorrigible divinité, acculée, serait contrainte à faire le plus difficile et le plus improbable des choix. Résignée, elle accepterait l’impensable. Non pas son effacement quoique en quelque sorte c’en serait un…
Le hasard, la destinée…
Déjà les dés avaient été lancés. Ils roulaient sur le tapis des probabilités et, au fur et à mesure que l’incertitude quantique s’estompait, le gong du renoncement retentissait tel un glas annonciateur de l’enterrement des illusions de celle ou celui qui, un instant, avait cru tenir entre ses mains, le sort du Pantransmultivers.
Chant funèbre, regrets de ce qui aurait pu être avec plus de discernement.
Qui avait besoin d’un dieu?
Le libre arbitre…
Pourtant ce besoin de donner la vie était plus que pressant car un monde dépourvu de mouvement et de pensée lui était insupportable…
Déchirement de son être au-delà de toute douleur.
L’énergie dont il avait dû se séparer, ces lumières qui se détachaient de lui et se faisaient matière, ces incandescences sublimes qui devenaient pré particules, photons, planétésimaux, soleils, planètes, cellules…
Abandonner cette transcendance…
Il pleure dans mon cœur…
Or Daniel Lin n’avait pas de cœur. Ni de corps véritable à proprement parler. Illusion… dans un monde simulé en réduction.
Mon beau navire, ô ma mémoire…
Cette mémoire si cruelle qui refusait de se mettre en berne…
Cela lui était impossible. Il aurait fallu qu’il ne fût qu’une créature sans conscience, sans souvenirs… moins qu’un crabe, moins qu’une amibe…
Il avait tant lutté pour obtenir la perfection…
Mais le vert paradis des amours enfantines… 
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Quel malheur qu’il fût tombé amoureux de sa création !
Quelle ironie de s’être autant entiché de l’humanité !
Sisyphe, Prométhée, Achille, Ulysse, il était, incarnait tous ces dieux, demi-dieux ou héros… portant sur ses épaules le fardeau de l’ardente obligation. Donner la vie lui était plus nécessaire que respirer, voir ou entendre, penser, réfléchir ou anticiper…
A qui pouvait-il confier ce qu’il éprouvait et ressentait ? Personne en ce monde ne pouvait partager sa peine infinie… pas même A-El… lui était trop raisonnable… lui ne se serait pas lancé dans cette insensée création… oui… lui n’aurait pas agi et rien n’aurait vu le jour…
 Ah! Soupirs et larmes mêlés pour celui qui n’avait ni yeux ni bouche…
Pourquoi ne pas flotter dans le rien empli du tout potentiel comme autrefois? Sans se poser de question… existant une seconde, un milliard d’années. Se laissant emporter par les vagues d’un néant grouillant de mille opportunités…
Revenir en arrière, au commencement du commencement…
Sans identité encore, sans désir ni volonté…
Pas assemblé, morcelé et fragmenté encore, nageant au hasard, ne sachant pas même qu’il était vivant et que la conscience frappait à la surface de son être…
Un embryon, un têtard divin, ni créé ni engendré…
Un miracle ? Non !
Une malédiction, plutôt…
Aspirer à ce chaos primordial, à n’être rien ou presque, retourner à cette innocence, à cette enfance en gésine…
Mais il était trop tard.
Daniel Lin avait des devoirs, des obligations, des serments à respecter…
Dan El se devait à lui-même.
Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé… 
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Hélas ! Trois fois hélas…
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans…
Relevant la tête, Daniel Lin sortit de sa sombre méditation. Sa décision était prise. La partie continuait. Aurore-Marie était condamnée, Charles Merritt également ainsi que le baron Kulm et toute son engeance.
Ah ! Dan El ! Tu ne te posais surtout pas la question de savoir d’où provenait ce pseudo baron, ce faux humain et véritable Asturkruk. Sans doute, le savais-tu  et te contentais de lui tenir la bride. Peut-être te sentais-tu quelque peu coupable ?
Oui, assurément.
Mais il était plus confortable pour toi de laisser les choses aller quelques millisecondes encore dans ce temps leurre, dans cet univers tronqué et menteur…
Tu repoussais la sanction autant que tu le pouvais… peur ou lâcheté de ta part ? Indifférence ou désinvolture ? Incapacité à grandir pour de bon ou refus d’admettre ta responsabilité dans ce gâchis ?
Qui aurait pu t’analyser ? Lobsang Jacinto si tu lui en avais donné les moyens.
Or le noble Amérindien te vénérait trop pour oser te dire en face que tu étais dans l’erreur depuis l’aube des temps. Il était ta conscience mais tu l’avais muselé en partie.
Il pleure sans raison dans ce cœur qui s’écœure…
Mensonge. Trahison, déraison…abysses de l’impuissance…
Pauvre Dan El.


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Le spectacle était terminé, et les avis partagés. Violetta n’y avait vu qu’esbroufe et voyeurisme tandis que Deanna Shirley, d’évidence, malgré la conclusion violente attendue et redoutée, avait goûté à cette exhibition de femmes qui lui rappelait toute cette tradition romantique hollywoodienne où le duel au pistolet ou à l’épée tient une place non négligeable dans les scénarios plus ou moins tortueux et librement adaptés de maints chefs-d’œuvre européens du XIXe siècle.
Michel Simon, la raillant, déclara :
- Ouaip, ma jolie, c’était pas très bath tout ça. Deux pépées avec des flingues, quoi de plus banal ? J’aurais préféré mille fois un beau duel dans la boue de catcheuses bodybuildées en bikini. Y aurait eu de quoi se rincer l’œil.
- T’as raison, opina Carette, mais les boxeuses, c’est pas mal non plus.
- Mes aminches, vous oubliez le Harrtan, le championnat galactique féminin de l’an 2501 que j’ai pu admirer en holo vision en direct, siffla Craddock. Là, c’était un combat de première, la finale entre la Castorii Ouata et la dinosauroïde Krriiauuis. Il m’a fallu deux nuits pour m’en remettre.
- Vous avez de ces goûts violents, jeta Louis Jouvet tout en allumant une cigarette. J’en suis resté au lawn tennis avec Suzanne Lenglen. 
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- Des passe-temps de papy, se moqua DS De B de B.
Un peu en retrait, le faux groom entendait cet échange mais restait dans sa bulle. Nous savons pourquoi.
«  Je ne suis pas ce jeune dieu primesautier qui, tout à son caprice, engendre le désordre et efface tout ce qui n’est pas à sa convenance. Que n’ai-je encore un mentor, un Gana-El, pour me conseiller et me remettre sur les rails ! »

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Aurore-Marie avait été ramenée à Bonnelles, gênée par son bras en écharpe. Victurnienne, puisque c’est ainsi qu’il faut la désigner, la cajolait, afin que sa convalescence se déroulât le plus doucettement possible. Elle venait apporter la bonne nouvelle à son égérie tandis que Marguerite elle-même la consolait par de menus colifichets. Tout cela entretenait une amitié sincère.
La baronne de Lacroix-Laval recevait force lettres de soutien, de souhaits de bon rétablissement venus des quatre coins de la France boulangiste. Il y eut même un courrier en anglais rédigé par un certain Lord Percival Sanders. Alors que la maîtresse du brav’général s’entretenait de choses et d’autres avec notre poétesse anonchalie sur un lit de repos, la duchesse fit son entrée dans la chambre avec tout son éclat habituel, porteuse d’informations propres à émerillonner celle qui passait son temps à gémir sur son sort de blessée infortunée (ceci selon ses dires perturbait sa fertilité créatrice du fait d’une persistance chronique des élancements musculaires et, par conséquent, l’empêchait de jeter par écrit de nouveaux vers inspirés qui, telles des fumerolles, se dissipaient en sa psyché et en son intellect, à peine extirpés de la gésine de son cerveau). Elle eût voulu bibeloter en compagnie de Marguerite du côté du Bon Marché mais son corps la trahissait.
- Ah! Que je suis aise de vous trouver ainsi, à demi assise plutôt qu’allongée. Cela prouve que vous recouvrez vos forces.
- Point tout à fait, chère tendre. Je ne puis encor ingurgiter autre chose que quelques maigres bouillons fort peu nutritifs et la vacuité de mes entrailles tend à se manifester par de malséants grondements. Je vous fais grâce des tisanes dont m’abreuve cette bonne Alphonsine.
- Mon amie, j’ai de grandes nouvelles qui vont réjouir votre cœur et porter au loin tous les noirs nuages qui assombrissent votre front. Ce Petit Bleu.
- Puis-je en prendre connaissance ? s’enquit Aurore-Marie avec une impatience non feinte.
La duchesse lui tendit alors le pli soigneusement conservé dans son réticule. La baronne s’en empara d’une main tremblante.
- Albin ! Albin sera là ce soir !
- Il est normal que l’époux se préoccupe de votre état et vienne vous réconforter.
- Ce geste d’affection me soulage grandement. Déjà je me sens mieux.
Marguerite de Bonnemains crut bon de remarquer le journal quelque peu froissé que madame de Rochechouart de Mortemart tenait en son autre main.
- La bonne presse relaterait-elle avec objectivité l’exploit dont vous fûtes la reine ?
- C’est Le Petit Journal ? questionna la baronne.
- Le Supplément Illustré seulement, répondit la duchesse. 
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- Ah ! Ma chère, faites que je puisse savoir si la meute des plumitifs stipendiés à la gueuse a cessé d’aboyer à mon encontre et a su compatir à ma souffrance !
Madame d’Uzès montra l’illustration avec un sourire qui en disait long.
Le dessinateur représentait avec tous les poncifs mélodramatiques en usage à cette époque la scène du duel, respectant jusqu’au moindre détail les tenues vestimentaires de ces dames. Dans une autre réalité, dans une autre chronoligne, les protagonistes eussent dû apparaître tout à fait différemment.
Le cours de l’histoire, comme nous le savons, est fort élastique, et, dans un autre 1888, le Supplément Illustré du Petit Journal aurait montré aux lecteurs ébahis Barbenzingue en personne, ridiculisé par Monsieur Charles Floquet, Président du Conseil, humilié par ce péquenot, ce politicard,  car, blessé au cou par l’épée de ce jean-foutre républicain ![1]

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Là, en cette autre piste, rien de tout cela. Deux femmes superbement adonisées, l’une bringue brune en rouge criard, l’autre blonde et éthérée coiffée de longs tortillons, s’affrontaient sur la lice du Champ de Mars avec d’antiques pistolets à un seul coup. L’artiste avait choisi de figurer le moment décisif où la balle de l’arme de la baronne de Lacroix-Laval frappait au cœur Yolande de la Hire.
Aurore-Marie aurait dû afficher son ravissement devant l’exactitude objective de ce rendu graphique de l’événement. Las ! Elle critiqua.
- Mais ce n’est pas moi ! Je ne suis pas ressemblante. Le goujat qui m’a dessinée ne m’a jamais vue, c’est indubitable ! Je n’ai pas une poitrine aussi développée, un buste aussi conséquent et un nez aussi long. Il me défigure et il m’a maquillée comme une créature de café-concert ! C’est un scandale. J’exige un droit de réponse.
- Ne vous fâchez pas, ma mie. Lisez plutôt. Le texte est élogieux et vous rend justice.
Aurore-Marie fit la moue et consentit à jeter un coup d’œil à la prose alambiquée du journaleux.
« La frêle muse, notre championne des lettres, est le nouveau David de notre Grande France. Elle a mis fin au règne du Goliath armé de cette République putrescente. Il était temps ! »
- Ce n’est pas possible ! s’exclama avec joie la poétesse. Edouard Drumont a dû dicter le texte. Bravo ! 
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- Que vous disais-je ? papillonna la duchesse. Nous avons de nouveaux ralliés à notre cause grâce à votre geste courageux.

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Albin arriva comme prévu mais il ne put demeurer que deux jours au chevet de son aimée. Les affaires l’occupaient trop ainsi que la santé de Lise qui avait attrapé froid alors que nous étions pourtant à la belle saison. Il était vrai que le moindre courant d’air nuisait à la fillette et que cette dernière avait commis l’imprudence de sortir dans le jardin de Rochetaillée où elle avait voulu que le jardinier lui cueillît quelques nouvelles roses. Elle tenait bien de sa mère ce goût exquis pour toutes les floraisons enchanteresses du printemps. Sept ans seulement et beaucoup de promesses… Un don déjà affirmé pour la musique et pour le dessin, une piste à creuser pour ceux qui souhaiteraient se pencher davantage sur cette innocente enfant et le mystère qui l’entourait.
Des photographies d’Aurore-Marie prises en 1870 au studio de Nadar comparées à un cliché de Lise daté de la Noël 1887 auraient trompé le plus grand des experts tant les deux fillettes étaient exactement semblables hormis la coiffure et la vêture. 
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Avant de prendre congé, Albin offrit à Aurore-Marie des pendentifs d’oreilles d’une suprême délicatesse. Des camées datant de l’empereur Auguste.

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Sir Charles Merritt vint rendre compte à Lord Percival Sanders des circonstances de sa nouvelle acquisition en la propriété fabuleuse et célèbre de par ses collections extravagantes de notre sybarite Des Esseintes britannique. Il le trouva en pleine activité examinatrice en ce qu’il appelait son salon des mille merveilles. Lord Percy était en train d’étudier sous toutes ses coutures un objet singulier qu’il venait d’acquérir fort cher (plusieurs milliers de livres), objet dont le sujet fort macabre s’apparentait aux vanités baroques. Ce faisant, il tirait des bouffées suaves d’un Trichinopoly dont les volutes, en se répandant dans la pièce, embaumaient tous les aîtres.
Admiratif devant l’horreur qu’il contemplait et caressait avec lascivité, le noble dépravé récitait La belle dame sans merci de Keats. 
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J’ai rencontré une dame, dans les prés,
D’une grande beauté - la fille d’une fée; -
Ses cheveux étaient longs, ses pieds légers
Et ses yeux sauvages. [2]
C’était un autel miniature en provenance des Flandres dont la facture s’apparentait à un style composite mi espagnol mi brabançon. Les experts en antiquités dataient l’œuvre d’environ 1680. Traité à la manière des décors du Bernin, constitué d’ivoire, d’onyx, d’or et de platine, sculpté de colonnes torses surmontées d’un fronton en marbre de Carrare avec des incrustations de porphyre, l’objet rappelait quelque tombeau papal. Son sujet était la Mort, crue et cruelle, en cela que les artistes y avaient intégré trois figurations hideuses mais authentiques, des cadavres de fœtus humains. Le premier gisait de tout son long, tel un Christ de Mantegna descendu de la croix, momie bistrée et parcheminée, comme extirpée des collections érudites d’un Peiresc, couchée sur la table niellée de l’autel à l’imitation des transis du bas Moyen Âge. Ce corps fœtal traité aurait extasié un Stankin et un grand prêtre de la Mexafrica dont, comme nous le savons, la civilisation ineffable aimait à honorer et à naturaliser les dépouilles obstétricales à tous les stades de leur conception. L’artiste ou concepteur avait souhaité que les jambes de cette petite momie fussent enveloppées de fines bandelettes de lin, afin que s’accusât une certaine ressemblance avec les pratiques égyptiennes d’embaumement. De fait, ces bandages, dont les chancissures n’étaient pas sans évoquer quelque peau de banane pourrissante, annonçaient, en une prémonition remarquable, en une anticipation archéologique hardie, ceux gainant les membres inférieurs de l’enfant gallo-romain des Martres d’Artières, exhumé en 1756.
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Les deux autres fœtus se tenaient de part et d’autre du cadavre, dressés tels des gardiens du Saint Sépulcre. À l’état de squelettes, leurs mâchoires édentées surmontées d’une voûte crânienne polie disproportionnée, paraissaient esquisser un sourire sardonique. Ce qui frappait tout visiteur, indépendamment de la présence de ce nouvel objet morbide, c’était l’abondance de toiles de nouveaux maîtres britanniques accrochées au sein d’un décor qu’avait conçu William Morris lui-même.
Se mêlaient d’une manière éclectique et hétéroclite, les superpositions de styles troubadour, roman, gothique et Tudor - notamment de grands médaillons en émaux qui alternaient avec des vitraux et des écussons héraldiques hétérodoxes frappés du lambel des Percival caractérisé par des armes à enquerre.
La plus récente des peintures était un portrait en pied du maître de céans exécutée par George Frederick Watts. À ses côtés, on reconnaissait des sujets plus ou moins médiévaux, mythologiques ou élisabéthains transposés par les pinceaux inspirés d’Alma-Tadema, James Tissot, John-Everett Millais
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 et Sophie Gengembre Anderson. 
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Remarquant enfin la présence du mathématicien, Lord Percy interrompit ses investigations, leva les yeux et dit:
- Quelle bonne nouvelle m’apportez-vous, très cher ?
- Le dernier codex que j’ai dernièrement acquis pour vous. Suite à des circonstances tragiques indépendantes de ma volonté, celui qui me l’a vendu n’est plus de ce monde pour en confirmer l’authenticité. Je me suis permis de le décrypter du fait de son ésotérisme aigu et j’ai tout consigné dans ce petit carnet noir qui doit impérativement être joint à l’ouvrage pour qui veut en comprendre les arcanes.
- Ah! Vous m’appâtez avec vos énigmes ! Quelle est donc la teneur exacte du contenu de ce vénérable livre ? Corrobore-t-il ceux qui, grâce à vous, m’appartiennent depuis tantôt onze années ?
- Tout à fait, my Lord. Ce codex cléophradien ici présent complète et achève le corpus. Il confirme bien des points qui demeuraient encore obscurs ou sibyllins et permet enfin d’éclairer en leur totalité la Tetra Epiphaneia, la Tetra Sphaira et l’Embruon Theogonia.
- Mais cher ami, pouvez-vous me lire quelques extraits choisis dans ce carnet ? Vous me mettez l’eau à la bouche.
- L’ouvrage est essentiellement un recueil d’épîtres que Cléophradès d’Hydaspe adressa à Celse, Justin Martyr, Polycarpe, Marcion de Sinope, Tryphon dont il croyait à l’existence réelle et l’Imperator Antonin le Pieux en personne. Ce codex ou recueil est passé entre les mains d’un procurateur équestre du nom de Quintus Severus Caero - ce nom dénote une origine étrusque - aux services successifs d’Antonin et de Marc-Aurèle. J’ai choisi de vous faire goûter à quelques fragments de la prose épistolaire du fondateur de cette secte gnostique à Marcion. 

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Tu dis, Marcion, qu’il nous faut rejeter toute l’ancienne Alliance, que nous devons bannir du Saint Corpus l’ensemble des livres traduits par les Septante et n’accepter que ceux du nouvel Israël, du Verus Israël, notamment tous les écrits de Paul et ceux de Jean de Patmos. Ce serait nous enfermer tous dans la stérilité et entraîner à terme l’extinction de l’Ecclésia. Jeshua ne fut que l’ultime prophète. Avant lui, Sakyamuni prêcha l’humilité, la charité, la compassion. La Religion doit être syncrétique. La Parole de Pan Logos doit être enseignée aux gentils, prêchée partout, parce qu’elle est universelle. Nous sommes l’Assemblée, nous ne sommes pas une simple secte orientale.
Lord Sanders interrompit un court instant cette lecture et s’exclama :
- Passionnant ! Tout est remis en cause. Décidément, les gnostiques auraient dû l’emporter.
- Le plus intéressant vient après, fit Merritt avec un sourire plein de signification. 
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Tu fais erreur, Marcion, lorsque tu dis que le Logos fait chair en Jeshua, puis mû en Saint Esprit sous forme de colombe, se résume en seulement trois hypostases. En vérité, je te le dis, Pan Logos se sépara en quatre personnes tout en demeurant intègre. Il fut Lui mais aussi Pan Phusis, Pan Chronos et Pan Zoon. Il extirpa le Mal, l’Anticréateur noir, la négation de l’énergie, le démon A-El qui voulait le défier et provoqua sa chute sur la Terre, le frappant de son foudre, l’engloutissant au fin-fond de la terre d’Afrique, métamorphosant toute roche alentour en cristal irradiant la mort. Ainsi fut recréé, reconstitué l’orichalque du Timée et du Critias. Des créatures démoniaques naquirent alors de ce bouleversement et se tapirent au sein de cette contrée désolée, étape ratée de la création de ton faux dieu, singes hybrides géants, reptiles inachevés, ours des ténèbres, pour qui des païens, des gentils, des tribus égarées des Chamites bâtirent une cité troglodyte, baptisèrent de nouveaux dieux hérésiarques qui eurent pour noms Kikomba-kakou et Kakundakari-kakou. Ils leurs rendirent un culte indigète déviant pour les siècles des siècles.
- Diable ! Je reconnais ces noms. Van Vollenhoven m’a rapporté exactement les mêmes faits lors d’une de ses relations de voyage effectué dans le bassin conventionnel du Congo sur les pas de Stanley.
- Je crois que notre cher ami commun a été copié dernièrement par un de ces auteurs aventuriers à la mode…
- Henry Rider Haggard ! lança Lord Percy tout joyeux. 
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Aussitôt, il se précipita vers une bibliothèque et en retira un petit volume en cuir de Russie d’une noirceur d’ébène, marqué sur la couverture lettrée d’or d’un curieux cartouche hiéroglyphique en forme d’ibis, livre qu’il tendit au mathématicien.
- She, paru l’an passé. Ce roman nous conte l’existence d’une cité mystérieuse confinée au centre de l’Afrique et gouvernée par une reine impitoyable et immortelle, honorée comme une déesse sous le nom de Celle qui doit être obéie, par une tribu belliqueuse gardienne de ce sanctuaire.
- Un ramassis de balivernes.
- Il est normal que vous vous montriez sceptique, reprit Percival, vous êtes un scientifique donc un rationaliste.
- Vous oubliez que Rider Haggard est une sorte d’espion. Les services qu’il rendit au Natal à la Couronne contre la monarchie zouloue après la rouste d’Isandlwana ne sont pas à dédaigner. Certes son roman s’avère assez ridicule mais le problème est qu’à l’heure actuelle, des machinations ont cours à l’étranger, en France et en Allemagne, machinations qui peuvent contrecarrer nos plans et la prochaine expédition de van Vollenhoven.
- D’où tirez-vous de telles informations, sir Charles? Je sais votre réseau efficace et habile mais tout de même… Voilà que vous vous mêleriez de géopolitique en sus de nos affaires communes?
- J’ai placé des hommes à moi au sein du Foreign Office, de la Wilhelmstrasse et du Deuxième Bureau. Apprenez, et je vous simplifie tout à gros traits, que le chancelier Bismarck ainsi que le général Boulanger semblent avoir eu vent de l’existence de cette cité africaine qui, si ce que Cléophradès d’Hydaspe affirme est vrai, recélerait non pas un trésor fabuleux mais les matières et minerais nécessaires à la conception d’une arme absolue qui assurerait la domination définitive de l’un ou l’autre protagoniste. La cité de She et de Cléophradès existe. Cornelis, s’il ne l’a pas découverte, en a recueilli au moins des preuves verbales auprès des indigènes qu’il a interrogés. C’est pourquoi je vous demande instamment de mettre en sécurité ce codex avec mon carnet au cas où des personnes malveillantes appartenant à l’une ou l’autre de ces puissances viendraient à s’y intéresser. 
- Cela ne me gêne point de vous rendre service. Je possède un secrétaire à secrets recelant tout le corpus des Tétra-épiphanes ainsi que vos autres calepins de décryptage, meuble où, par ailleurs, j’entrepose mes collections de photographies spéciales, mes cyanotypes morbides… 
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- Vous parlez sans doute de ces épreuves dans ce goût décadent bien digne de vous où les photographes n’ont point hésité à fixer le souvenir d’enfants et de bébés morts, de jeunes filles agonisantes et d’autres joyeusetés.
Lord Sanders murmura :
- She never told her love, de Henry Peach Robinson… La pièce la plus éminente de ma collection.  
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Percy s’exécuta. Merritt lui confia les précieux écrits qu’il s’empressa d’enfermer dans le meuble dont eux seuls détenaient les combinaisons nécessaires à en révéler les contenus turbides.
Alors que le lord achevait de verrouiller le secrétaire sous l’œil satisfait du chef de la pègre de Londres, une voix sépulcrale retentit, comme venue du tréfonds d’un abyme :
« Moi A-El vous conjure de ne plus jamais sortir ce codex de sa cachette… J’ai dit ! »
La voix s’était exprimée en latin. Lord Percy devint blême. Sir Charles, tout incrédule qu’il fût, ne put s’empêcher de frissonner.
« A. L. Ce ne peut être elle ! La voix était masculine ! Il me faut en avoir le cœur net ! »
Il songea.
« Depuis ces deux années, depuis que je l’ai sortie de Bedlam, les faits étranges, inexpliqués, se sont multipliés. D’abord, la rematérialisation inopinée (et j’ai la conviction de n’être pas la seule personne à avoir bénéficié de ce tour de passe-passe) du codex de ce monde afro-mexicain parallèle, ce livre dit de Sokoto Kikomba (encore ce nom !). Les corrélations entre ce texte et les écrits de Cléophradès à Marcion vont au-delà d’une similitude fortuite. Tous deux parlent de la même chose, de cette matière irradiante capable de détruire. Et l’ouvrage de cet outre-monde inconnu, que la possession de l’ensemble des codex cléophradiens permettrait d’atteindre et de piller, nous décrit en termes terrifiants l’anéantissement d’une révolte amérindienne par l’utilisation d’une bombe fabriquée à partir des matériaux venus de cette cité congolaise que Cornelis prétend proche d’une région dénommée Katanga par les géographes au service de Stanley et du roi des Belges Léopold II.
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Mais je fus témoin, un témoin irréfutable, de la réduction en cendres dudit ouvrage, aux mains de cet aventurier, de ce D’Arbois, qui mourut calciné, lorsque moi et ma bande volâmes tout le corpus cléophradien, durant la tragique cérémonie d’initiation de cette jeune folle, de cette Aurore-Marie, dans les souterrains de Cluny. Ensuite, toute cette série d’événements en France, avec ce général Boulanger, cette visite londonienne l’an dernier d’Aurore-Marie de Saint-Aubain, l’héritière de Cléophradès, la détentrice de sa chevalière sacrée, qui osa faire de Lord Percy un ami et un admirateur… Depuis, ma bande la piste, espionne tout ce qu’elle et son mentor, ce Kulm, entreprennent. Leur plan est bien plus avancé que celui de la Wilhelmstrasse. Le sous-marin, le Bellérophon noir, qu’un de mes agents aurait dû saboter, doit appareiller début juin. Un grain de sable s’est glissé, a grippé toute la machine : il porte la signature de Frédéric Tellier, car lui seul détient cette capacité à contrer les plus redoutables chefs de bandes. Je ne suis pas né de la dernière pluie ; je ne suis pas Galeazzo, mon ancien maître. Tellier doit mourir, mais d’abord, je ne dois point apparaître dans ce complot à visage découvert. Il faudra hélas m’attirer les faveurs de Madame de Saint-Aubain, la pièce maîtresse de ce jeu multidimensionnel, si je veux parvenir à mes fins.  Je vais interroger A. L. »
Ce que Sir Charles ne pouvait pas savoir, c’était la propension de cette voix mystérieuse, d’une entité éthérée, indéterminée, à s’exprimer simultanément en plusieurs langues et plusieurs lieux, à l’adresse de personnes aussi importantes et opposées qu’Aurore-Marie de Saint-Aubain, Georges Boulanger, Werner von Dehner et Gabrielle d’Annunzio (qui venait de réceptionner un courrier de la baronne de Lacroix-Laval l’informant de sa blessure de duelliste, tout en espérant qu’elle irait mieux d’ici juillet où elle se rendrait à Venise afin de recueillir le fruit des recherches cléophradiennes du poète maniéré). Un autre lien, un autre corollaire échappait au mental de Merritt, parce qu’il ne possédait pas les connaissances nécessaires, au contraire, par exemple d’un Tony Hillerman. L’historien d’Agartha City aurait pu expliquer à notre représentant perverti de l’ère victorienne que les bibliothèques de Tombouctou, constituées dès le XIIIe siècle, dans cette piste temporelle comme dans d’autres, avaient servi de vecteur de transmission des écrits et traités tétra-épiphaniques entre l’Antiquité gnostique et la Mexafrica. Ces documents, recopiés et traduits dans les langues ésotériques sahéliennes, en sus de l’arabe, avaient été aussi du voyage triomphal d’Abou Bakari II
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 et de la conquête du Mexique par l’Afrique noire. C’était pourquoi les rédacteurs successifs du Codex de Sokoto Kikomba – dont N’Kongo Utlaln, grand prêtre du dieu renard Ogo en l’an 2148 d’une histoire alternative[3] - connaissaient d’une manière altérée les formules d’invocation des quatre hypostases et détenaient un savoir scientifique et géographique étonnant, dont faisaient partie les composants et les procédés de fabrication de la bombe absolue convoitée par Barbenzingue.
Fort peu disert sur les raisons qui le poussaient à prendre aussi brusquement congé de son ami, Sir Charles se hâta de quitter la pièce et gagna les sous-sols de la propriété du collectionneur. Un domestique exotique, un authentique indien chuar, dénommé Varami, l’attendait. L’homme aimait à porter en sautoir des trophées de guerre, des têtes humaines réduites que l’on appelle tsantsas. Varami actionna un portail secret en fer forgé, qui dévoila un monte-charge. Tous deux y prirent place. Fonctionnant à la fois à la vapeur et à l’énergie hydropneumatique, cet ascenseur secret mena le mathématicien et son serviteur singulier jusqu’à un tunnel, digne du métro de Londres (sans doute s’agissait-il d’une ligne clandestine, reliée indirectement au réseau officiel), tunnel où stationnait une espèce de motrice électrique à phare central unique, digne d’un cyclope. Le convoi s’ébranla : il reliait la demeure de Lord Sanders à la propriété du chef de la pègre. Parvenu au but, Sir Charles donna congé à Varami et, se saisissant d’une lampe à pétrole, pénétra dans un corridor où s’alignaient des espèces de cellules qui renfermaient des captifs d’une nature bien particulière, dont seul Phineas Barnum se serait avisé. 
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A suivre...

[1]    Dans le cours réel de l’Histoire, ce duel a eu lieu en juillet 1888 : il y a donc ici anticipation volontaire afin de marquer les coïncidences et similitudes transtemporelles.
[2]    John Keats: La belle dame sans merci. Traduction: Paul Gallimard.
[3]    Confère le roman Mexafrica.