vendredi 6 janvier 2017

Cybercolonial 2e partie : Du rififi à Kakundakari-ville chapitre 19 1ere partie.



Chapitre 19.
D’instinct, après cette éprouvante nuit, elle avait rejoint l’antre luxueux de Sir Charles, encore revêtue de ses grotesques oripeaux aliciens. Encore tremblotante, le pas incertain, la poétesse le découvrit fulminant de colère, jurant en un anglais trivial pratiqué dans les docks et les bas-fonds de Blackfriars. La vraie Alice s’était enfuie avant même qu’eût sonné prime au campanile de Saint-Marc.

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- Bitch ! La garce m’a faussé compagnie ! Lorsque je la retrouverai, je la ferai frire dans l’huile puis la donnerai à manger à mon Orang Pendek.
Aurore-Marie préféra ignorer les éructations de Sir Charles. Son esprit embrumé lui disait qu’elle saurait calmer le mathématicien.
Arrachant la perruque brune qui la coiffait encore, elle s’exclama alors : « Alice, c’est moi ! »
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Le rire démentiel de la nuit des catacombes de Cluny retentit lors à la face d’un Sir Charles abasourdi et sidéré. Il balbutia :
« Ce rire… je le reconnais… C’est celui du comte…Galeazzo. »
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Désormais, le résidu noir possédait Aurore-Marie de Saint-Aubain, une Aurore-Marie dont l’existence dépendait de lui seul, trace fantôme du Mal, subsistance infime non point de Fu, mais de Galeazzo di Fabbrini et Don Sepulveda de Guadalajara, cette trace qu’A El/Antor avait révélée à Daniel Lin. Poursuivant, la poétesse affirma, assenant ses paroles, s’obstinant dans le mensonge :
« Je suis la seule et authentique Alice, celle voulue par votre double positif, celle illustrée par John Tenniel.
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Alice jumelle blonde qui sa rivale brune assassina après qu’elle l’eut piégée… Miss Liddell n’était qu’une usurpatrice. Ne regrettez point son escapade. »
Comme en affirmation réitérée de ses dires, elle s’ébroua, secoua ses boucles d’or miellées et cendrées. Reprenant, Sir Charles révéla à Aurore-Marie un fait qu’elle ignorait :
- Stoppe-là ma belle ! Le baron Kulm aussi a disparu après qu’il m’eut dévoilé sa véritable nature…
- Comment ! Kulm était à Venise et vous ne m’en dîtes rien ! Pour quelle obscure raison ne m’en confiâtes-vous pas le secret ?
Les tempes de la poétesse pulsaient d’un accès de fièvre turbide, presque démoniaque.
- Mais pour qui te prends-tu, mijaurée ? Je n’ai aucun compte à te rendre, surtout pas le fait que Kulm n’était point humain. Tu aurais dû t’en apercevoir depuis Cluny et ton intronisation dans ta secte d’opérette. En onze années, tu n’as rien senti ? Aucun effluve suspect émanant de lui ? Un mareyeur aurait vite compris ! Il puait le rotten fish, le poisson pas frais. Il n’est resté de lui qu’une flaque nauséabonde d’une eau douteuse. Des traces blanchâtres témoignaient cependant qu’il avait regagné son élément naturel : les eaux de la lagune.
Le récit fantastique de Marguerite de Bonnemains revint à la souvenance de la poétesse.
- Une tête trop allongée, un bec de calmar…
- Tout à fait.
- Mais un être aussi difforme ne peut exister ? A moins qu’il provînt de l’autre côté du miroir.
- Non pas un démon, un Sélénite plutôt.
- Sir, vous vous moquez !
- La multiplicité des mondes est un fait avéré. Dans cette optique, il est donc logique qu’il existe une multiplicité des formes de vie.
- Vous en êtes une n’est-ce pas ?
- Tout comme vous. De fait, vous souffrez d’un dédoublement de la personnalité. Le spectre de Galeazzo di Fabbrini vous hante, madame !
- Dîtes plutôt celui de Marie d’Aurore ! Sir, j’ai une révélation… Je vous la réserve… Le lendemain de mon crime… Je fus tentée par l’expiation.
- Réaction féminine. Preuve d’une authentique faiblesse, jeta avec mépris Sir Charles, plus misogyne que jamais.
- Le repentir… Je songeais à ceux de là-bas, à la mère, au frère que Marie d’Aurore avait eu la chance d’encor connaître. Je voulus leur dire, leur avouer mon forfait… C’était le 2 septembre de l’année 1876. Je croyais ma mauvaise action réversible, rachetable, réparable. Mon expérience se reproduirait-elle ? Traverser la psyché une seconde fois pour leur conter ce qu’il advint. Des heures durant, j’attendis le miracle, la possibilité que la glace devînt molle… Des heures durant, je scrutai mon reflet, guettant le moindre signe… jusqu’à ce que celle que je vis en face ne fût plus tout à fait moi. C’était une entité tierce, ni Marie d’Aurore, ni moi-même. Une nouvelle Aurore-Marie, plus mauvaise que moi-même, plus dangereuse. Une arme que rien ne pouvait retenir. Je crus à son désir irrépressible de s’extraire à son tour de la glace afin de m’absorber, de se substituer à moi.
Sir Charles se retint de rire. Son sarcasme blessait la poétesse dans sa chair.
- Fantasmagorie d’opiomane ! Quelle fiole de laudanum aviez-vous donc absorbée avant que ces visions ne se produisent ?
- Rien, monsieur le goujat. Je vous ouvre mon âme. Je vous avoue ce que même mon époux ignore. Et vous vous moquez. Cet autre moi transsudait la haine et le sang par tous les pores de sa peau pellucide. Sa vêture surannée rappelait un peu le célèbre tableau de Velázquez Les Menines. 
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 Un large vertugadin emprisonnait sa taille fluette. Cela ne l’empêchait nullement de se mouvoir avec une facilité déconcertante. Ce moi frappé d’albinisme, aux prunelles d’escarboucle, aux longues torsades de lin, souhaitait sortir de sa geôle, gagner ce monde. Il n’était pas seul. Derrière lui se tenait un gnome répugnant, frappé d’une pathologie similaire. Je ressentis en lui le Mal quintessencié. Je pourrais vous le décrire en usant de la comparaison avec les différents simiens empaillés que j’eus le loisir de voir en différents muséums d’histoire naturelle. Il arborait des crocs très fins, très aiguisés, dans une énorme bouche, au sein d’un visage frappé de macrocéphalie.
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 Quant à ses griffes noires et recourbées, elles crissaient, tentant de rayer le tain du miroir, comme si elles eussent voulu le lacérer afin de le traverser. Les globes oculaires disproportionnés qui achevaient de défigurer sa face fantasmatique scintillaient d’un éclat rubescent rappelant le rougeoiement des Enfers. Je fis du mieux que je pus afin que ces créatures ne pussent mettre leurs desseins à exécution. Déjà, une main d’enfant marmoréenne, dotée de longs doigts d’albâtre, friselait la glace de petites ondes imperceptibles, déformant davantage ce qu’il y avait de l’autre côté du miroir. Je n’eus d’autre choix que de briser la psyché, la renversant, privant ces monstruosités d’une issue. Je venais de clore à jamais le passage vers cet univers.
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A ces mots, Sir Charles cogita. Ses lèvres lui brûlaient. Il se souvenait de certaines recherches, dangereuses, menées autrefois par son mentor, Charles Babbage,
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 dans ce monde, ou dans l’autre, en ce côté de l’interface, ou de l’autre côté. Il s’agissait du problème de l’anti-information auquel Dan El, dès les origines, avait été confronté. Il se résolut ; il parla, sachant pertinemment que Madame de Saint-Aubain ne saisirait mie de son discours.
- Madame, vous qui venez de Lyon, devez connaître le mécanisme de la mémoire des métiers à tisser que mit au point monsieur Jacquard.  
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- J’ai idée à quoi vous faites allusion, bien que mon mari Albin soit plus au fait de la chose que moi. J’ai vu ces cartes perforées ; chaque trou correspond à une instruction.    
- Oui-da. Un trou, un ordre ; pas de trou rien… Nous pourrions à la rigueur assimiler tout cela à des chiffres… Pas de trou égale zéro, un trou égale un.
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- Je n’envisageais point les métiers à tisser sous un tel angle mathématique.
- Madame, apprenez qu’un beau soir, à l’orée de ce siècle, notre inventeur, alors qu’il se tenait assis près d’un miroir, une de ces bandes perforées en mains…
- Il lui advint une aventure étrange similaire à la nôtre ? La glace l’absorba ?
- Non pas, Madame. Seule la bande perforée subit ce sort… que je comparerais presque à un sortilège, nonobstant le fait incontestable qu’il n’y a aucune sorcellerie là-dedans. Tout est lié aux lois de la physique, d’une physique que nous ne parvenons pas encore à expliquer. Une physique dépassant le modèle de l’espace d’Euclide admis à l’ordinaire. Il y aurait plus de trois dimensions dans l’espace.
- Celui qui saura mettre au point un modèle explicatif à ce que vous décrivez n’appartient pas à ce siècle. Du moins est-ce mon avis.
- Oh, je vois. Vous êtes persuadée que votre adversaire, ce Daniel vient de l’avenir.
- Tout à fait. Il transcende le temps.
- Je préfère ricaner. Le voyage dans le temps est impossible… hormis en songe. Nous appartenons à une époque précise. Bien que notre esprit soit capable de créer, d’inventer d’autres univers, nous n’en restons pas moins prisonniers du siècle qui nous a vus naître. J’ai en ma possession un bien étrange ouvrage dû à la plume du révolutionnaire Auguste Blanqui,
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 du temps où il purgeait une peine de prison après les sinistres exploits de la Commune qui ensanglanta Paris.
- Je ne les vécus point. Père nous avait exilés en Belgique par crainte de la contagion révolutionnaire. Mais où donc voulez-vous en venir ?
- La bande perforée de Jacquard était passée de l’autre côté. Toutefois, après une nuit, le miroir la restitua… ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
- Vous paraphrasez là quelque poëte que j’exècre.
- Madame, vous exécrez beaucoup de choses. Mais je poursuis mon récit. Tâchez de rester impassible. Notre inventeur eut tôt fait de constater que la bande restituée par le miroir était inversée. Il connaissait ses modèles. Désormais, les motifs étaient à l’envers. Une symétrie inverse parfaite.
- La gémellité, les doubles… Longtemps, je me suis passionnée pour ce sujet. J’errai longuement parmi les collections tératologiques de tel ou tel musée, examinant d’hideux flacons renfermant des frères siamois…
- La sœur qui vous a tant manqué. Votre reflet à qui vous auriez pu vous confier. Cette propriété accidentellement acquise par le ruban perforé ouvrit des perspectives insoupçonnées. Cela allait au-delà du concevable, bien plus loin que la découverte ultérieure du négatif photographique. La mathématicienne Sophie Germain
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 eut vent de l’affaire, s’empara du sujet, consacrant jusqu’à ses ultimes forces à la résolution d’une équation introuvable. Elle chercha l’algorithme de l’information négative. Las, elle n’appartenait pas à la bonne époque.
- Les creux devenant bosses, le noir blanc… Je ne vois pas l’intérêt de cette trouvaille.
- Parce que vous n’avez pas l’esprit scientifique, Madame la baronne. Vous n’êtes qu’une poétesse enfermée dans ses rêves brumeux !  Si nous raisonnons à l’échelle de Démocrite et de Lucrèce, cette métamorphose prend alors tout son sens. Les conséquences en sont immenses.
Comme illuminée, Aurore-Marie jeta :
- La théorie atomiste ! Vous me stupéfiez, Sir !
- Madame Ada Lovelace,
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 la bien connue fille de Lord Byron, reprit les recherches. Elle entama une correspondance avec mon maître, Charles Babbage. Elle souhaitait qu’il conçût une machine capable de résoudre l’algorithme de l’information négative, un appareil pouvant calculer toutes les combinaisons possibles, y compris celles qui n’existaient pas… Les puissances négatives. Elle était persuadée que, derrière les miroirs, au-delà de simples opérations d’algèbre combinatoire, existait un antimonde soluble dans l’équation suprême. Naturellement, vous comprenez que la machine de Babbage ne dépassa jamais le stade du prototype non fonctionnel. Lady Ada mourut précocement, sans que ses chimères se concrétisassent.
- Oui, mais les Tétra-épiphanes y sont arrivés, eux… Par le pouvoir des codex… et de ma chevalière ! Euthyphron d’Ephèse, Cléophradès d’Hydaspe…
- L’obsession du miroir impénétrable se limita dès lors au champ artistique… Lady Clementina Hawarden,
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dans toute son œuvre picturale, usa à l’envi du thème récurrent de la psyché se refusant à la révélation de ses propriétés.  Mon autre moi-même, Lewis Carroll fut tenté d’utiliser la fillette Alice comme sujet d’expérience, succédané de ses propres fantasmes. Il avait à l'esprit un nouveau projet de roman dans lequel Alice franchirait non pas le miroir, mais une face autre, une « inter…face », une interface – le mot est plaisant, ma foi – un échange entre deux mondes qui n’étaient pas faits pour se rencontrer. 
- Et c’est pourquoi j’estime être la seule Alice légitime, par mes mésaventures vécues jadis à travers le miroir. Sophie Germain, Lady Ada, Lady Clementina, en leur quête stérile, souffrant sans doute de frénésie, s’usèrent à la tâche jusqu’à la consomption.
- Et vous allez me ressortir les origines de votre aliénation.
- Je ne suis point une aliénée. Je n’ai rien de commun avec les patients de Bedlam, de Charenton ou La Salpêtrière. Autrefois, on m’aurait envoyée à la clinique du docteur Blanche. Le comte d’Indy,
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 que je rencontrai en 1877, l’envisagea… De même le peintre Fantin-Latour, chez qui je séjournais brièvement.
- C’est pourtant là qu’est votre place, lui rétorqua durement Sir Charles.
- Mais le baron Kulm s’y était opposé. On ne pouvait interner l’Elue.
- Madame vous me faites rire. Le baron Kulm vous manipula. Il exploita votre folie afin de parvenir à ses fins. Je l’ai rencontré, puis j’ai enquêté sur lui. Kulm était un nom d’emprunt.
- Vous me ressortez le conte de l’effrayant calmar.
- Kulm – dois-je l’appeler par son véritable nom ? – et vous, avez un ennemi commun : Daniel Wu. Votre propension à l’imaginaire aurait dû vous faire ressentir les modifications subies par notre environnement. Cela date d’il y a à peine quelques heures.
- J’étais en un ailleurs où un dieu-ours déchu, en décomposition, sévissait. 
- Est-ce bien tout, Madame ?
- Je ne sais pourquoi, le cœur m’a poigné. J’ai compris alors que le général Boulanger, ce héros si vilipendé, avait échoué là-bas, en Afrique.
- Il était évident que le sieur Daniel Wu allait se mêler de votre projet et le contrecarrer. Kulm en était conscient. Sous sa véritable identité, celle de colonel Kraksis, il m’a révélé qu’il s’était déjà retrouvé confronté audit commandant Wu des dizaines de fois. Leurs affrontements avaient pour arène non pas simplement la Terre mais la galaxie tout entière.
- Ah ! Ah ! Maintenant, c’est vous, Sir Charles, qui délirez.
- Ah, pourtant, depuis tantôt, j’ai l’intime conviction que l’expédition africaine n’a jamais eu lieu. Une chimère non concrétisée. La presse française me donnera raison, vous le verrez bientôt.
Bien évidemment, Sir Charles Merritt ignorait tout encore du duel entre Georges Boulanger et Charles Floquet. De même, un incident supplémentaire tout autant révélateur s’était produit dans les coulisses du musée Grévin. Arthur Meyer,
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 patron du Gaulois et cofondateur de cette attraction fort courue, avait assisté à la désagrégation de la statue de cire du Brav’Général qu’il s’apprêtait à faire installer en la fameuse salle des colonnes consacrée à l’actualité. Or, la reproduction du militaire arborait justement l’uniforme rutilant de la coloniale. Meyer n’avait pas compris ce qui s’était passé mais son esprit avait été vite remodelé.
- A supposer que vous disiez vrai, que me faut-il faire désormais ? interrogea la baronne.
- Tout d’abord agir en homme. Avoir le courage d’affronter face à face cet insaisissable fucking man.
- Soit, Monsieur. Avec quelle arme ?
- Mais voyons, votre chevalière. N’êtes-vous pas investie du Pouvoir de la Grande Prêtresse ?
Sir Charles usait d’un ton ironique qui blessait profondément Aurore-Marie.
- Entendu, Monsieur le baronnet. Ensuite ?
- Vous l’attirez dans vos rets par un tour de votre façon.
- Oh, je sais comment ! Lui présenter le cadavre de Frédéric Tellier. Mais voilà, il est présentement au fond de la Lagune.
- Un cadavre, cela se fabrique. Maintenant, envisagez le messager.
- Faut-il qu’il soit humain ? Alexandre, mon cacatoès ferait l’affaire.
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- Pourquoi pas ? Cela a de l’allure.
- Mais j’aurais besoin de renforts. On ne s’attaque pas à Daniel Wu impunément. Il est plus que ce qu’il en laisse paraître. Vient-il lui aussi du miroir ?
- S’il s’oppose à nous, c’est parce que notre essence est contraire à la sienne.
- Qu’affirmez-vous là ? Vous sous-entendez que nous recelons une part de cette information négative de l’outre-monde.
- Le terme d’infra-sombre me paraît plus approprié. En nous perdure le résidu de mon mentor Galeazzo di Fabbrini mais aussi autre chose d’encore bien plus noir.
- La trace de griffe sur le codex désormais entre vos mains, le tarsier que j’entrevis en la psyché auprès de mon double, acquiesça Aurore-Marie.
- Apprenez, Madame, que l’atome ne demeurera pas toujours insécable. Kulm le savait. Il était l’initiateur de vos projets.
- Je n’en ai plus aucun souvenir. Pourquoi en conservez-vous quelques traces ? s’étonna la baronne.
- Le plan de Kulm avait cinquante ans d’avance au bas mot. C’est pour cela que Daniel Wu est intervenu. Il est une sorte de gardien du temps, un préservateur de la continuité logique des événements.
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A suivre...