samedi 1 février 2025

Fontamara d'Ignazio Silone : résumé.

 Ignazio Silone. Fontamara. 1933

Par Dominique Jules.

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Page 21 à 32 – Avant-propos d’Ignazio Silone.


I (page 33). C’est un narrateur-personnage, habitant du village, qui s’exprime. L’électricité est coupée à Fontamara, village des Abruzzes dans le Fucino, car les habitants n’ont pas payé leurs factures. Le facteur qui les leur distribue, Innocenzo La Loi, a failli y laisser sa vie, accueilli à coups de fusil. Vient de la ville un étranger qui, très habilement, leur fait signer une feuille blanche sur laquelle, explique-t-il, une pétition sera rédigée à leur profit à eux, les cafoni. Le lecteur devine qu’il s’agit d’un piège, d’une duperie à l’encontre de ces gens rugueux, peu instruits, faciles à berner. Rêve de Michele Zompa, qui correspond à une histoire connue et qu’il raconte en groupe : le Crucifié (autrement dit le Christ) et le Pape, en visite dans le Fucino, jugent déplaisante l’attitude des cafoni et leur envoient « une nuée de poux ».
II (page 49). Une équipe de cantonniers débarque et se livre à des travaux pour détourner le cours d’eau, déjà peu propice à l’irrigation des terres des cafoni, vers les champs d’un riche propriétaire de la région. Ce sont les femmes qui se mobilisent pour aller en délégation au chef-lieu protester contre cet abus. Elles veulent rencontrer le maire, mais il n’y en a plus, il est remplacé par un podesta désigné, qui n’est autre que l’Entrepreneur : genèse de sa prise de pouvoir (économique). On les ballade, on les gruge. Elles se rendent ensuite chez Charles, dit Charlemagne, où elles sont (mal) reçues par son épouse Donna Clorinda (68), qui renvoie avec virulence toute la responsabilité à l’Entrepreneur, qu’elle semble  trouver elle aussi gênant et trop entreprenant. En se rendant chez celui-ci, les Fontamaraises croisent La Zappa (72), chevrier qui a eu lui aussi à subir l’abus de pouvoir de l’Entrepreneur : il s’est accaparé le « tratturo », terrain banal où les chèvres n’ont plus le droit de brouter. Il y a banquet dans sa villa, où les notables festoient. Les femmes exposent leurs doléances.
Don Circostanza (77), prétendument « l’Ami du peuple », calme leur colère en proposant un arrangement qui est en réalité un marché de dupes. Confiantes, mais incapables de comprendre la subtilité de l’accord signé, elles rentrent chez elles.
III (page 87). Narrateur : mari de Magdalena (92). Les travaux continuent, sous la surveillance de gardes armés. Parcours du général Baldissera (89). La chanoine Don Abbacchio (90) vient conseiller aux Fontamarais de ne pas résister à l’Entrepreneur, « homme terrible…, démon ».

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Parcours de vie de Berardo (92 à 101). Les jeunes de Fontamara qui quittaient le village pour aller faire fortune en Amérique ne peuvent plus émigrer à cause d’une nouvelle loi qui les en empêche. Ceux qui s’étaient mariés à la veille du départ, trouvaient parfois à leur retour plusieurs enfants !
Désormais coincés au village, ils survivent pauvrement. Berardo a ainsi été contraint de rester alors que, pour acheter son billet, il avait vendu sa terre à l’avocat Don Circostanza. Il acquiert une nouvelle terre et la sème, mais une trombe d’eau emporte la terre et les pousses. Berardo est un géant au coeur tendre qui commet des actes de violence en riposte aux injustices subies par d’autres. C’est ainsi qu’il propose de résister à la mainmise de l’Entrepreneur sur le cours d’eau. Il n’est pas encore marié, malgré l’amour évident d’Elvira, assuré pourtant d’une « dot rondelette » (105). Mais son orgueil de pauvre le dissuade de l’épouser sans posséder une terre. Sa mère Maria Rosa et la narratrice rendent visite à Elvira, dont le père est paralysé, dans le but de forcer la décision. Berardo n’en démord pas, il veut aller gagner sa vie ailleurs, mais le gouvernement de Mussolini, exerçant un contrôle sur tout, a institué une carte d’autorisation qu’il ne peut obtenir. D’autres mesures surprennent les cafoni, tel cet écriteau apposé dans tout lieu public, même les débits de boisson : « Ici il est interdit de parler de politique ». Innocenzo La Loi l’interprète comme l’interdiction de tout raisonnement, ce qui conforte Berardo, lui qui prône l’action même violente pour obtenir satisfaction de leurs revendications.
IV (121). Lorsqu’un camion est mis gratuitement à disposition des habitants de Fontamara pour les transporter à Avezzano, en cafoni naïfs, ils croient qu’on va leur attribuer des terres arables du Fuciano, la plaine fertile que surplombe leur montagne. Mais on leur fait crier, au milieu des chemises noires, des vivats en faveur du podesta, d’un ministre et autres officiels dont l’Entrepreneur. Nul partage des terres ! Deux individus les abordent successivement, tentant de les manipuler. Il s’agit sans doute d’un provocateur ou mouchard fasciste et d’un militant communiste. Apeurés, les deux Fontamarais s’enfuient. À pieds, car le camion qui les avait amenés est déjà reparti.

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V (139). Narratrice : Magdalena ? La palissade qui ceinture le « tratturo » (terrain communal ouvert à tous), que s’est approprié l’Entrepreneur, est brûlée, ainsi que celle qui la remplace, malgré un surveillant. En l’absence des hommes occupés par leur travail, un cortège de camions emplis de chemises noires (« déguisés en morts » - cf. origine sociale et composition de la milice page 145) envahit Fontamara. La mission officielle est une recherche d’armes éventuelles (qui n’existent pas),
mais le but effectif est de semer la terreur en saccageant les maisons où ils entrent et en violant les femmes.
Un autre narrateur prend le relais. À leur retour, les hommes sont rassemblés dans un carré formé des miliciens armés. On pose à chacun la question : « Vive qui ? » et selon leur réponse, on les qualifie de « réfractaire », « constitutionnel », « anarchiste », « libéral », « perfide », « voyou », « communiste ». Puis les fascistes repartent. Elvira, réfugiée dans le clocher de l’église, s’est évanouie. Berardo l’emporte dans ses bras.
VI (159). On devine que Berardo et Elvira ont passé la nuit ensemble. Il est disposé à l’épouser, mais seulement après avoir acquis une « terre ». L’Entrepreneur accable de plus en plus les cafoni, avec l’aide des fascistes. Il spécule honteusement sur le blé. Don Circostanza profite de même de sa situation d’avocat pour les exploiter, tout comme don Charlemagne et donna Clorinda, tandis que don Abbacchio les enjoint dans ses prêches (Exemple : sermon sur Giuseppe de Copertino, 173/174) de se soumettre à la volonté divine, c’est-à-dire des riches. L’inauguration des travaux d’irrigation et l’officialisation d’un pseudo accord confirme que leur bénéfice va tout entier à l’Entrepreneur et que les cafoni sont grugés sur toute la ligne, et totalement privés d’eau.

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VII (195). Les cultures privées d’arrosage dépérissent. Développement sur le rôle de don Circostanza et des avocats en général, dont les cafoni ne peuvent se passer pour les démarches administratives, mais qui les roulent. La colère monte. Seul Berardo se tient à l’écart, fixé sur son objectif de se renflouer et de se marier. On apprend (vraie ou fausse nouvelle ?) qu’à Sulmona le peuple s’est révolté. Berardo prépare son départ pour Rome, en compagnie du fils du narrateur qu’il accepte d’emmener avec lui. La nuit, mystérieusement, les cloches sonnent.
VIII (199). Narrateur : fils du précédent narrateur, compagnon de route de Berardo. Voyage en train. Pension à l’auberge du Bon larron, d’où ils seront mis à la porte sans ménagement après des journées de quête infructueuse d’un travail, après des errances, ponctuées de longues attentes, de bureau en bureau, où règnent l’incompétence et la rapacité, après des dépenses pour une carte de demandeur d’emploi, une consultation d’avocat inefficace et inutile. Ils rencontrent miraculeusement le jeune homme qui, à Avezzano, avait mis en garde Berardo contre un mouchard. La ville est quadrillée de carabiniers et miliciens, à la recherche de « l’Habituel Inconnu » (217), qui mène à grands renforts de tracts une campagne clandestine contre le fascisme, contre l’ordre tyrannique imposé par le gouvernement de Mussolini (son nom n’est jamais cité dans le livre). Les trois hommes sont arrêtés arbitrairement, jetés en prison sans motif légitime. On comprend que la peur et l’affolement ont gagné le camp du pouvoir. Au terme d’une longue discussion en cellule avec l’Avezzonais, et ayant appris avec désespoir qu’Elvira est morte, Berardo affirme au commissaire qu’il est « l’Habituel Inconnu ».
IX (227). Même narrateur qu’au chapitre précédent. En prison, Berardo est torturé puis assassiné, le meurtre étant maquillé en suicide. En acceptant de confirmer cette version, ses codétenus sont libérés
et renvoyés vers Fontamara.

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X (235). Narrateur : père du garçon qui a accompagné Berardo à Rome. Elvira est morte d’une forte fièvre après avoir offert sa vie à la Vierge pour qu’elle sauve Berardo. Voeu non exaucé ! À Fontamara, le narrateur, Maria Grazia, Baldissera, Scarpone, Losurdo, Michele Zompa préparent le premier journal des cafoni, pour lequel ils choisissent comme titre : « Que faire ? » Il est tiré à cinq cents exemplaires. La réaction est impitoyable. Peu de Fontamarais échappent au massacre qui s’ensuit, perpétré par les fascistes. Quelques rares habitants réussissent à fuir. Le narrateur et sa famille ont eu la chance d’être allés en visite chez des parents dans un village voisin.