samedi 31 octobre 2020

 

Deux jours plus tard, sur les quais de la gare de Berlin, la mère et le fils se faisaient leurs ultimes adieux. Nous étions le 22 mars 1944. 

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Amélie tâchait de garder son calme mais les trémolos dans sa voix trahissaient son angoisse. Son cœur se serrait et elle ne parvenait pas à se détacher de son fils bien aimé. Elle l’abreuvait de recommandations et sans en avoir conscience, le traitait comme un gamin. Cependant, elle s’exprimait en allemand et non en français afin de ne pas éveiller la suspicion.

- Franz, surtout, surtout, tu n’oublies pas de prendre tes médicaments… respecte les horaires de l’ordonnance… pas d’imprudence, tu m’entends ?

- Mais oui, mère, soyez rassurée.

Intérieurement, le lieutenant-colonel était aussi bouleversé qu’Amélie mais lui savait mieux dissimuler son chagrin. Il ne montrait pas non plus le certain agacement qu’il ressentait devant les insistances de cette mère déchirée à l’idée de quitter son cher enfant. Il avait honte d’être quelque peu fâché devant la tendresse de sa génitrice… alors, il acceptait ses conseils, opinait à ses paroles…

- Essaie de prendre un peu de repos, malgré l’inconfort du voyage… tu vas mettre des heures et des heures jusqu’à Caen. Oh ! Non ! Voici le train qui démarre déjà…

Avec un dernier geste tendre, Franz laissa là Amélie et remonta dans son wagon.

- Franz… adieu… écris-moi dès que tu le peux… régulièrement… tous les jours si tu en as l’occasion…

- Oui, mère… au revoir, répondit le jeune homme dont les yeux brillaient, humides.

Tandis que le train commençait à s’éloigner dans un panache de fumée noire, locomotive à charbon oblige, Amélie se mit à courir sur le quai afin de ne pas perdre de vue son fils. Cependant, le convoi prit de la vitesse et la duchesse ne put que crier :

- François, mon François… adieu…

Bientôt, elle ne le vit plus, le train ayant quitté la gare.

Alors, cette mère éplorée se cacha le visage entre ses mains tremblantes, vaincue par le chagrin. Elle sentait que c’était la dernière fois que son fils et elle s’étaient vus. Elle conserverait cette ultime image de Franz dans son cœur brisé. De son côté, le jeune officier avait un douloureux pressentiment. Sa mémoire avait enregistré tous les détails de ces adieux déchirants, la fumée noire et l’odeur âcre de celle-ci se répandant sur le quai encombré, la pluie fine qui tombait, le brouhaha, les crieurs de journaux et les porteurs de bagages, les vitres embuées du compartiment, mais avant tout et surtout, le visage pâle, les yeux gonflés d’Amélie de Malicourt, à l’aube de ses cinquante ans, ses magnifiques cheveux blonds auxquels se mêlaient quelques fils d’argent coiffés en bandeaux, une femme encore merveilleusement belle malgré le chagrin et les soucis de ces dernières années si barbares et si cruelles.

 

*****

 

Une trentaine d’heures plus tard, le lieutenant-colonel von Hauerstadt arrivait en Normandie. A Caen, comme le disait déjà ses ordres d’affectation, il fut chargé du secteur sud-est de l’agglomération, zone qui englobait Sainte-Marie-Les-Monts. Il devait également assumer le commandement de la police militaire interne de la Wehrmacht. Cette tâche ne lui plaisait guère mais, enfin, il n’avait pas le choix. 

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Toutefois, une surprise agréable l’attendait. En effet, il retrouvait sous ses ordres le sergent Otto Grass qu’il avait croisé par deux fois, la première en Pologne, la seconde en Libye. Le soldat avait encore forci si possible. Manifestement, la guerre ne semblait pas beaucoup le perturber. Autre bonne surprise. Il s’avérait que l’ordonnance du jeune officier était une autre de ses connaissances. Le lieutenant Hermann Schiess avec lequel il avait sympathisé en Russie. Les deux hommes furent heureux de se revoir.

- Herr Oberst, salua Hermann très formel…

- Hermann… encore lieutenant ? S’étonna Franz. Je pensais… enfin… on m’avait dit que vous étiez passé capitaine…

- Oui, c’est exact… après ma blessure… mais… j’ai été rétrogradé pour… insubordination…

- Hum… Je vois, fit le lieutenant-colonel avec compréhension… toute ma sympathie…

- Au fait, Herr Oberst, devinez qui dirige la police SS dans ce secteur ?

- Non… ne me dites pas qu’il s’agit de …

- Oui… du Standartenführer Gustav Zimmermann…

- Ouille… Je vais l’avoir dans les jambes tout le temps… Il ne va pas cesser de me surveiller… Comme il est plus gradé que moi…

- Vous devrez faire attention plus que jamais… Il vous déteste à ce que j’ai cru comprendre. Ce n’est un secret pour personne, Herr Oberst.

-Encore quelque chose que je dois savoir, Hermann ?

- Ja, Herr Oberst… C’est à Zimmermann que vous devez votre réintégration dans le service actif…

- Sans doute également ma nouvelle affectation… décidément, il ne peut se passer de moi…

- Vous ne l’avez pas vu pour le moment car il est parti mater la supposée rébellion d’un village.

- Il est absent pour longtemps, Hermann ?

- Selon ses habitudes, il en a pour trois jours au moins… ce Zimmermann, je ne peux pas le pifer… c’est la plus sauvage brute que je connaisse. Il fait régner sur la région une terreur sanglante… il se croit toujours en Russie… ici, tout le monde le craint, y compris nos généraux… von Rundstedt notamment… Ils s’écrasent devant lui…

- A ce point, Hermann ?

- Hélas…

- Ce n’était pas mon cas…

- Herr Oberst, les choses ont changé… Faites attention…

- Pourquoi ?

- Zimmermann est plus que jamais dans le secret des dieux. Il y a un mois, il prenait le café avec le Reichsführer SS Himmler et, pas plus tard qu’avant-hier soir, il a eu une longue conversation téléphonique avec le secrétaire du Parti, Martin Bormann.

- Bigre ! Il a l’oreille de l’élite de l’élite, du gratin nazi… Donc, j’ai débarqué dans un véritable nid de scorpions, lieutenant. Merci, Hermann… de qui donc devrai-je également me méfier ?

- Euh… de vous-même, Herr Oberst. Vous avez parfois des élans de colère, vous vous emportez sans mesurer les risques… Bien sûr, vous avez raison, humainement… vous êtes si généreux, si altruiste… mais ce n’est pas recommandé… surtout ici…

- D’accord… ce que vous dites rejoint les recommandations de ma mère… je tâcherai de m’y conformer.

- Vous ferez bien.

- Hermann… vous pouvez faire usage de mon prénom… en dehors des heures de service naturellement… et loin de toute oreille indiscrète…

- Je ne sais pas si je dois…

- Mais si, je vous y autorise… mais… votre chambre ? N’est-elle pas trop loin de la mienne ?

- Euh… la porte en face, rougit Hermann.

- Ce n’est pas du tout ce que vous supposez, Hermann… pas du tout… J’ai besoin d’avoir quelqu’un qui puisse m’aider en cas d’urgence…

- Ah ? J’ai appris que vous aviez été grièvement blessé après Stalingrad… mais je n’en sais guère plus, Herr Oberst…

- Ecoutez-moi bien… Je vais vous expliquer…

Alors, rapidement, Franz révéla son terrible secret à son ami. Il lui montra comment agir si nécessaire, quels produits administrer, quelle piqûre faire et où…

- Oui, Herr Oberst… Je saurai m’en souvenir…je ne dormirai que d’un œil et laisserai également ma porte entrouverte…

- Merci, Hermann… Bien… je vais m’enquérir du sergent Grass…

- Euh… Vous n’allez pas recommencer comme en Pologne, colonel ?

- Puisque je dispose de deux à trois jours de liberté, je tiens à en profiter… je veux connaître le pays… et comme je ne puis me mettre en civil… un uniforme et une vareuse de sergent feront très bien l’affaire…

- Aber… Herr Oberst… das ist nicht vorsichtig !

- Ich weiss, Leutnant… mais tant pis…

- Vous ne changez pas…

- Je l’espère…

- Alors, un conseil, tout de même… faites attention à ne pas parler français… ou alors avec un accent… vous comprenez…

- Hum… Un accent teuton à couper au couteau… Je l’imite à la perfection… cela faisait rire mon frère jadis…

- Vous n’oublierez pas ?

- Nein, Hermann.

 

*****

 

2615 après Jésus Christ. Quito la Nouvelle. 

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Après la Grande Catastrophe, la ville avait été entièrement reconstruite. Des sortes de conglomérats d’habitation en forme de triangles équilatéraux, des demi-sphères parfaites, le tout protégé par un immense dôme transparent, voilà comment se présentait la cité en cette première moitié du XXVIIème siècle.

Un Maître du Temps avait convoqué un cybernéticien de renom. Bien évidemment, ce haut personnage avait un autre titre officiel au sein de la hiérarchie apparue à la suite de la Quatrième Guerre mondiale. Il était le directeur du programme prioritaire cybernétique.

- Mstsislaw, depuis un mois, vous me semblez plus que réticent à propos de la construction d’un nouveau modèle d’homme biologique. Pis… vous freinez les travaux et les essais en cours. Pourquoi ?

- Maître, il existe deux explications. La réponse cohérente, celle plus subjective. Laquelle désirez-vous entendre ?

- Celle que vous me devez, celle que je suis à même de recevoir en tant que votre supérieur.

- Si j’entrave les travaux d’Okland di Stefano, c’est parce que je sais pertinemment que cette nouvelle série de robots biologiques entraînera de graves déboires à la civilisation… civilisation qui est parvenue à émerger du chaos né des ténèbres générées par la Grande Catastrophe.

- Des scrupules, agent M 2 022 X 7 063 ? Pensez-vous, en toute bonne foi que la mise en chantier de ces robots va entraîner la fin immédiate de la civilisation post-atomique numéro 1 ?

- Non, bien sûr… Vous le savez tout comme moi…

- Agent MX, si je vous ai placé auprès d’Okland, c’était pour que vous puissiez l’aider au mieux. Je vous rappelle qu’il est dans le plan des S que la première civilisation post-atomique soit détruite… il vous appartient de veiller à ce que cela survienne… mais pas trop vite… Vous saisissez ? Il ne faut pas bouleverser le cours des événements.

- Maître… depuis deux jours, je sens une menace rôder ici.

- Je vois… ce sont sans doute mes confrères, les trois autres Maîtres du Temps… moi, je ne risque rien… mais vous… vous êtes faible… branchez la protection intégrale… le réglage ὮϚ… Bien… maintenant, regagnez votre poste… Je reçois un appel urgent du directeur du programme microbiologie.

L’agent MX s’exécuta. Une fois hors du bureau de son supérieur, il dut traverser de longs couloirs courbes aux murs nus et fluorescents, apparemment vides de toute présence humaine.

Toutefois, Michaël n’était pas rassuré. Il se sentait suivi, observé… pourtant son aura protectrice fonctionnait sans heurts.

Mais, soudain, sans que rien ne le laissât présager, les parois luisantes de métal brillant s’évaporèrent tandis que la nuit stellaire leur succédait. Les étoiles étincelaient dans ce ciel étrange en vérité… il ne semblait pas naturel mais recomposé. Pris d’un malaise irrépressible, Michaël était attiré par un tourbillon noir sans fin. Peu à peu, il perdait tout sentiment humain, son intelligence s’effaçait. Sa conscience était devenue mécanique lorsque le phénomène prit fin. Mais la transition n’avait pas duré plus d’une fraction de seconde.

Or, dans une autre salle munie de caméras de télévision tridimensionnelles, trois individus à la mine sombre et inquiétante avaient observé avec la plus grande attention l’étrange mutation. Le plus âgé des trois inconnus lança, non sans ironie.

- L’agent MX a été transformé avec succès en satellite artificiel. Il sera plus utile ainsi et, surtout, ne gênera plus le Commandeur Suprême.

 

*****

 

24 Mars 1944. Sainte-Marie-Les-Monts. Dans la soirée.

Antoine Fargeau était sur des charbons ardents depuis plusieurs jours. Il cachait mal sa nervosité à ses amis et connaissances. Il lui tardait d’entrer en contact avec Franz von Hauerstadt afin de s’assurer tout d’abord qu’il s’agissait bien de lui. Ensuite, il lui faudrait le persuader de travailler pour les Américains mais il ignorait comment réussir ce tour… sa mission s’avérait quasiment irréalisable. Bien qu’il sût que le lieutenant-colonel était déjà sur les lieux, comment s’y prendre pour le rencontrer ? Alors, demandant conseil à Michaël, il reçut de nouvelles instructions. Avec le dernier scénario envisagé, l’ex-étudiant de Caltech allait devoir donner de sa personne… 

 Caltech Entrance.jpg

- Antoine, vous avez compris ce que je vous ai dit ? Insistait l’agent temporel. Elisabeth Granier…

- Euh oui…

- Elle doit jouer un rôle majeur dans ce premier contact…

- Pourquoi elle ?

- Ne faites pas l’idiot…

- D’accord… Franz doit se présenter sous son meilleur jour afin de susciter la sympathie chez Elisabeth. Mais ce n’est pas donné… elle est amoureuse de Marc… et pas qu’un peu, si vous voulez mon avis. Le médecin également… d’ailleurs je me demande si… enfin, vous voyez…

- Non… cela n’est pas arrivé… du moins pas encore…

- Comment ? Pas encore ?

- Oh… dans quelques semaines, Antoine…

- Mais alors, c’est fichu !

- Décidément, vous ne comprenez rien, Antoine… Mais comme je ne dispose de personne d’autre sous la main, tenez-vous en à ce que nous avons décidé.

- Oui, Michaël, je ferai de mon mieux.

- Cela ne suffira pas. Il vous faut réussir, j’ai beaucoup misé sur vous… en fait, tout… j’aurais pu choisir Juan ou Cynthia…

- J’ai saisi. Je ne vous décevrai pas, promis…

La communication cessa brusquement, laissant Fargeau dubitatif.

Oui, l’ancien étudiant avait déjà rencontré Franz von Hauerstadt, mais c’était en 1959, donc dans le futur du jeune officier de la Wehrmacht. Antoine avait alors accompagné Michaël et son professeur à Detroit… mais le jeune homme ignorait un détail qui aurait pu l’ébranler… les Michaël et Stephen auxquels il avait eu à faire ne venaient pas de 1993 mais de 1995. Les deux amis avaient effectué deux déplacements dans le passé. D’abord en 1993 afin d’aller chercher Antoine et, ensuite en 1959… cela signifiait donc qu’Antoine Fargeau devait périr durant la Seconde Guerre mondiale… le Français était sacrifié sur l’autel de la nécessité afin de préserver le cours de la chronoligne…

 

*****

 

Le groupe de partisans commandé par le maire Gaspard Fontane avait appris avec la plus grande indifférence qu’un nouveau lieutenant-colonel de la Wehrmacht venait d’être affecté dans la région, et ce, par un informateur qui travaillait au sein de la Kommandantur. Fontane connaissait même son nom mais pas son curriculum vitae… pour l’heure ce qui préoccupait ce chef de groupe, c’était le prochain convoi militaire allemand qu’il devait attaquer tout en évitant les représailles…

Mais, en cette soirée du 24 mars 1944, Gaspard Fontane finissait d’approvisionner la famille Granier. Elisabeth, chaperonnée par Antoine Fargeau, s’apprêtait à regagner son domicile, les sacoches de leurs vélos débordant de victuailles. Dans trois heures, ce serait le couvre-feu. Il fallait donc se dépêcher, d’autant plus que la nuit s’annonçait pluvieuse.

- Alors, Elisabeth, tu as tout ce qu’il te faut ? Tu es certaine de n’avoir rien oublié ?

- Je suppose, répondit la jeune fille à monsieur Fontane. Contrôlons ensemble. Ouvrez votre sac, Antoine.

- Une livre de beurre, du saucisson, de la rosette apparemment, un demi-jambon, des côtelettes de porc, une douzaine d’œufs, un poulet, commença à énumérer le jeune homme.

- Tu as tout, Antoine, fit Gaspard. Heureusement que tu t’es proposé en renfort. Jamais Elisabeth ne s’en serait sortie toute seule…

- Ma foi, c’est vrai, lança la jeune fille. Tout ça parce que papa a dû prendre le service d’un autre… Ce Fernand, il a toujours un bon prétexte pour se faire porter pâle !

Cependant, Elisabeth se mit soudainement à rire.

- Que vous arrive-t-il, Elisabeth ? Interrogea Antoine.

- Une idée subite, répondit l’adolescente. Des gens mal intentionnés pourraient croire qu’il s’agit de marché noir… mais ce n’est pas le cas…

- Oui, compléta le pseudo-vendeur de chaussures. Vos administrés pourraient parfaitement supposer que nous vous achetons à prix d’or toutes ces denrées.

- Alors que la réalité est tout autre, enchaîna le maire.

- Ce demi-jambon, ces œufs, ce sont des cadeaux…

- Oui, tout à fait, opina l’édile.

- Un cadeau bien apprécié qui nous permet de ne pas mourir de faim, compléta Elisabeth. Ce n’est pas avec la solde de mon père que nous pourrions manger cela.

- Moi de même, jeta Antoine en souriant.

- Hum… bon… je ne fais là que ma BA hebdomadaire, marmonna le maire.

- Au fait, nous n’avons pas vu madame votre épouse, s’enquit la jeune fille.

- Comme tous les soirs, Nadine est à ses vêpres… quant à Marc, il n’a pas achevé sa tournée… il a promis de passer avant neuf heures, mais cela m’étonnerait qu’il ait le temps.

- D’accord, souffla l’adolescente qui n’avait demandé des nouvelles de Nadine Fontane que pour savoir ce que faisait Marc.

- Bon… il est temps de filer, je pense, jeta Antoine. Il se fait tard.

- Oui, en effet. Tous deux, vous n’habitez pas tout près.

- A bientôt, lança Elisabeth.

- A demain ou à après-demain, salua Antoine.

- Ce n’est pas trop lourd ? Questionna Gaspard.

- Non, ça va… nos vélos son vieux mais solides, répondit Elisabeth Granier.

Sortant de la cuisine de la ferme, les deux jeunes gens, encombrés par leurs sacs, les attachèrent à l’arrière de leur bicyclette, l’enfourchèrent et prirent le chemin boueux qui devait les ramener au village.

En cours de route, Elisabeth prit des nouvelles de celui qui occupait toutes ses pensées depuis plusieurs années.

- Au fait, Antoine, je n’ai pas osé questionner le maire, mais vous devez le savoir… Marc s’en est bien tiré de l’affaire d’hier soir ?

- Oui, grâce au ciel. Il se montre prudent… après-demain, vous aurez certainement des imprimés à glisser sous les portes… un contretemps dans la réparation de notre ronéotype.

- Entendu… Dire que je dois tout taire à mon père…

- Il le faut, Elisabeth. Michel n’a pas les mêmes idées que nous… Il est pour le maréchal à fond la caisse.

- Tiens… je n’avais jamais encore entendu cette expression, Antoine…

- Ma façon de parler argot vous étonne ?

- Parfois, mais ce n’est pas grave.

Quelques minutes s’écoulèrent dans le plus parfait silence, les deux jeunes gens se contentant de pédaler sous la pluie, Elisabeth préoccupée par l’idée d’être rendue au plus tôt chez elle, Antoine tout excité à l’idée qu’il n’allait pas tarder à croiser la route de celui qu’il devait protéger envers et contre tout. Enfin, n’y tenant plus, l’adolescente évoqua celui pour qui elle était prête à tout donner.

- Antoine, cela fait déjà longtemps que vous êtes l’ami de Marc Fontane…

- Oui, en effet… depuis près de huit ans…

- Vous lui faites confiance, n’est-ce pas ?

- Bien sûr. Je lui confierais ma vie, s’il le fallait.

- Jamais il ne trahirait ses convictions politiques. Mais…

- Mais ?

- Oh ! Bon sang ! Sur le plan personnel…

- Qu’essayez-vous de me dire ?

- Vous êtes son meilleur ami, Antoine… Marc est connu dans la région pour être un… cavaleur… les bruits qui courent sur lui ne sont-ils pas exagérés ?

- Ouille ! C’est… fichtrement délicat comme sujet…

- Alors, qu’en est-il ?

- Vous me mettez dans l’embarras, mademoiselle Granier.

- Tout le monde sait que j’ai le béguin de Marc… or, depuis le mois dernier, il tourne autour de moi… j’ai le droit de savoir si cette amourette est du vent ou pas.

- Je ne puis répondre, Elisabeth. Je ne suis pas Marc.

En son for intérieur, Antoine Fargeau se sentait sur le gril. Comment dire à la jeune fille que ce qu’elle espérait de Marc était voué à l’échec ? Comment lui annoncer qu’elle allait en épouser un autre que, justement, elle verrait sur la route d’ici quelques minutes ? Que cet autre avait la nationalité allemande et qu’il prendrait sur ses épaules la faute de Marc Fontane ? Qu’il assumerait toute la charge d’être à la fois le mari de la future fille-mère et le père de l’enfant à naître ? Qu’elle aurait d’ici quelques années une existence de rêve ? Qu’elle parcourrait le monde, vêtue comme un star d’Hollywood ? Que son éblouissante beauté susciterait à la fois la jalousie et l’admiration de bien de ces dames de la haute société ? Non… il ne le pouvait pas…

Alors, Antoine ne répondit pas à Elisabeth. Mais, déjà, la jeune fille abordait un autre sujet.

- Pensez-vous parfois à mon frère, François, Antoine ?

- Cela m’arrive…

- C’était un jeune homme téméraire… Avec la mort de notre mère, il avait changé… il détestait l’Occupant.

- Il y avait de quoi.

- Il ne s’entendait plus très bien avec papa. Puis, il a cessé de nous donner de ses nouvelles. En tant que brigadier, mon père a fini par apprendre que François avait été arrêté en 41… conduit à Paris et c’est tout. Il a peut-être été… déporté en Allemagne. Mais… je ne sais pas pourquoi je garde l’espoir qu’il est toujours en vie… Que je finirai par le revoir…

- Mademoiselle Granier, dit Antoine d’une voix sourde, espérez toujours…

Encore une information qu’il devait taire… l’ancien étudiant connaissait le sort de François Granier. Le jeune homme ferait une brillante carrière en politique, il finirait sénateur et maire non d’un petit village mais d’une grande agglomération du nord de la France. Il atteindrait le sommet en étant nommé secrétaire d’Etat au ministère du Travail en 1976.

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 Puis, il décèderait d’une attaque cardiaque, laissant derrière lui une veuve et trois enfants.

- Zut ! S’exclama subitement l’ex-étudiant de Stephen Möll.

- Qui y-a-t-il ? Demanda la jeune fille.

- Je crois que je viens de crever un pneu.

- Alors là, c’est la poisse… Il pleut des cordes et nous avons encore trois kilomètres à parcourir jusqu’à chez moi.

- Naturellement, j’ai oublié la pompe…

- De mieux en mieux.

- Mais vous ?

- Euh… moi aussi. C’est bête, non ? A vrai dire, j’ai cru bon de ne pas m’encombrer car avec ce que nous devions transbahuter…

- Pareil pour moi…

- Comment allons-nous faire ?

- Il me vient une idée… mais elle ne me satisfait pas… pas du tout.

- Dites toujours, Antoine…

- Eh bien, vous, vous roulez le plus vite possible jusqu’à chez vous et vous me ramenez la pompe…

- Vous allez rester là, stupidement, à m’attendre en vous faisant tremper ?

- Euh… non, pas tout à fait… je vous suis derrière afin de gagner un peu de temps, Elisabeth.

-Hem… d’accord. Avec un peu de chance, je serai de retour dans moins d’une heure… mais après… je crois que j’avalerai un bol de tisane… de sureau. Vous aussi, Antoine.

- Merci pour l’invitation, Elisabeth. Faites vite. La nuit est là et le couvre-feu dans une heure et quart.

Elisabeth se mit à accélérer sur le petit chemin bourbeux de la campagne normande. Elle avait hâte d’être chez elle. Où donc avait-elle mis cette fichue pompe ? Tandis qu’elle essayait de se remémorer ce qu’elle avait pu faire de cet objet précieux, au loin, en sens inverse, une silhouette à vélo s’en venait, se rapprochant. Manifestement, c’était un homme…

- Oh… Quelqu’un… peut-être pourra-t-on m’aider ?

Elisabeth pédala alors de plus belle. Mais lorsqu’elle s’avisa que cet inconnu portait l’uniforme allemand, elle stoppa net.

- Purée ! Pas de veine ! Un soldat allemand… pourvu qu’il ne me demande pas mes papiers… ah ! Décidément pas de bol… évidemment, il me fait signe de descendre… Oui, tout de suite…

L’adolescente posa alors le pied sur la route et commença à fouiller dans son sac à la recherche de son Ausweis.

- Mademoiselle, fit le soldat, mademoiselle, n’est-ce pas ?

-Oui, c’est cela… sergent…

- Je crois que je… me suis égaré… Je viens d’arriver dans le pays…

- Euh… que puis-je pour vous ?

- Attendez… je … m’explique… mon service ne prenant que demain, j’ai pensé à visiter votre région…

- Je vois…

- Pourriez-vous… m’indiquer la route de la ville ?

- De Caen ?

- Oui, c’est cela…

- Très facilement. En fait, vous lui tournez le dos. Vous faites d’abord demi-tour. Puis vous roulez durant un kilomètre et puis, au carrefour, vous prenez à droite pendant deux cents mètres. Ensuite, vous empruntez le premier chemin sur votre gauche. Vous m’avez suivi ? Je n’ai pas parlé trop vite ?

- Non… ça va… avant la guerre j’ai été dans un collège en France…

- D’accord…

- Euh… pardonnez-moi, mademoiselle, mais… vous paraissez être dans… l’embarras.

- Euh… c’est vrai. Je revenais d’une ferme avec mon ami lorsque son pneu a crevé. Alors, je pédalais jusqu’à chez moi afin d’y récupérer une pompe à vélo.

- Mais… das ist wunderbar ! J’en ai une… conduisez-moi jusqu’à votre ami. C’est volontiers que je vous apporterai mon aide…

- Merci… Herr…

- Herr Feldwebel Friedrich Braun.

- Enchanté… Moi, c’est Elisabeth Granier.

Tandis que les deux jeunes gens repartaient en direction de la ferme, la pluie semblait vouloir cesser momentanément. Mais, du porte-bagage d’Elisabeth, une forme oblongue tomba.

- Mademoiselle, vous… perdez quelque chose, dit le faux sergent Braun.

- Oh ! Ce n’est rien… Continuons… sinon mon ami Antoine va s’inquiéter.

- Mein Gott… aber… un… saucisson…

- Euh… oui, rougit Elisabeth. Un vulgaire saucisson.

- Marché noir verboten, Fraulein… aber, der Krieg ist schwerr für alles. Pardon… la guerre est difficile pour tout le monde… Je n’ai rien vu.

- Merci, merci mille fois.

 

- Bitte schön… moi aussi j’ai de la famille à qui ce saucisson paraîtrait valoir tout l’or du monde… euh, c’est comme cela que l’on dit, non ?

- Oui… Vous parlez très bien ma langue, sergent… avec un léger accent.

- Léger ? Ah ! Vous vous moquez, mademoiselle Granier… Vous… faites de l’humour…

Deux minutes de silence. Le sergent Braun peinait à suivre le rythme imposé par Elisabeth. Déjà, son front était couvert de sueur.

- Pas si vite, mademoiselle… il y a longtemps que je n’étais pas monté à vélo…

- Euh… désolé, sergent, mais j’ai vraiment hâte d’être chez moi…

- Ich verstehe…Je comprends, mademoiselle Granier… mais je ne suis pas aussi rapide…

- Ah ! Là-bas… voyez… c’est mon ami Antoine… il roule de travers…

- Euh… Il était temps…, souffla le faux Friedrich, ses poumons cherchant de l’air.

- Déjà ? S’écria au loin Antoine Fargeau. Vous avez fait vite, Elisabeth… mais… Vous n’êtes pas seule… vous ramenez de l’aide.

- Oui, Antoine… le sergent Braun s’est aimablement proposé à nous secourir.

-Sergent, c’est fort aimable de votre part, s’inclina l’ancien étudiant, plus soulagé que jamais.

Intérieurement, le jeune homme éprouvait la plus intense des satisfactions. Les coordonnées fournies par l’agent temporel s’étaient avérées d’une remarquable exactitude. Dans l’uniforme du sergent Braun, il avait identifié le lieutenant-colonel Franz von Hauerstadt, le futur duc, avec quinze ans de moins.

Le pseudo-sous-officier, descendu de sa bicyclette, se penchait sur la roue d’Antoine Fargeau.

- Oh ! Là là ! Votre pneu est dans un état lamentable… fichu…

- A ce point ? Questionna Antoine. Vous m’inquiétez, sergent.

- Pour réparer, il va falloir démonter la roue… je crois.

- Ouille !

- Euh… à mon avis, vous avez eu tort de vouloir rouler quand même… Maintenant, c’est la roue qui est tordue…

- Et la jante en a pris un coup… je sais.

- Bon… que fait-on alors ? Demanda Elisabeth avec son sens pratique. On ne va pas discourir sur ce chemin durant une éternité… je suis trempée et j’ai froid.

- Il faudrait…des outils… sans eux, impossible, siffla Franz.

- Ah ! Quelle poisse !

- Mademoiselle Granier, c’est inutile de vous énerver… je crois que je sais… comment nous en sortir, commença le jeune Allemand.

Incidemment, Antoine constatait avec un léger amusement que Franz était fidèle à sa réputation de gentilhomme.

- Hum… Que nous proposez-vous ? Questionna l’ancien étudiant de Caltech.

- Prendre votre vélo sur mon porte-bagage… vous n’aurez qu’à monter sur celui de mademoiselle.

- Ah ! C’est une excellent idée, sergent. Mais, on vous dérange…

- Pas du tout.

- Alors, vite… le couvre-feu est là. Pas la peine de s’éterniser, grommela Elisabeth.

- Sergent, fit semblant de s’inquiéter Antoine, si vous n’êtes pas rentré à l’heure, vous encourez une sanction…

- Non… Ah… Comment dites-vous déjà ? Le colonel von Hauerstadt n’est pas une… peau de vache… la langue française est redoutable…

- Vous vous en sortez fort bien, lança Fargeau retenant un fou-rire.

- Tiens… vous avez aussi un nouvel officier jeta Elisabeth avec désinvolture.

- Oui… il est arrivé à quatre heures… j’appartenais à son escorte.

Sans en rajouter davantage, Franz prit le vélo d’Antoine Fargeau et l’arrima sur son porte-bagage. Puis, l’étrange trio gagna lentement le petit pavillon dans lequel vivaient Elisabeth et son père.

Une demi-heure plus tard, alors que le couvre-feu était désormais commencé, les trois jeunes gens, installés dans la cuisine des Granier, tâchaient de se sécher un peu en attendant d’avaler une tasse de tisane ou d’ersatz de café. Le cocker Bobby avait dû être confiné dans la chambre de sa maîtresse, car à la vue du sergent Braun, il avait voulu goûter à ses mollets.

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- Euh… ich habe ein Katz… Sonntag.

- Un chat ? demanda Elisabeth. De quelle couleur est son poil ?

- Il est noir et blanc… il a des yeux verts splendides et il comprend tout… mais… je l’ai laissé auprès de Mutti…

Pendant que la jeune maîtresse de maison préparait une mixture censée être du café, c’est-à-dire un mélange de pois chiches grillés, de chicorée et d’autres ingrédients tout aussi étranges, Antoine se mit à interroger le jeune Allemand.

- Pardonnez ma curiosité que vous allez sans doute trouver mal placée, mais dans le civil, quelle est votre profession ?

- Mon métier ?

- Oui. Mais vous n’êtes pas obligé de répondre, sergent.

- J’avais entamé des études d’architecture lorsque j’ai dû faire mes classes. C’était en 1938…

- Depuis ce temps, vous n’avez pas eu le loisir de reprendre vos études, je suppose.

- Hélas, non… pas vraiment. Le service, toujours le service…

- Cependant, vous avez dû voir du pays ?

- Beaucoup… L’Autriche… la Pologne… la Belgique et la France… l’Afrique du Nord… puis… la Russie…

- Pas de permissions ?

- Rarement… sauf l’année dernière… ma famille était heureuse de me revoir… enfin… surtout ma mère.

Antoine savait quand Franz mentait et lorsqu’il disait la vérité. Le fait notamment qu’il était censé ne pas avoir vu ses parents depuis un petit moment…  Il connaissait par cœur ou presque la biographie du lieutenant-colonel. Michaël ne lui en avait rien celé. Il était donc au courant du fossé qui séparait le duc Karl de son fils aîné… l’incompréhension qui n’avait fait que s’aggraver avec les années. Par contre, l’agent temporel s’était bien gardé de lui révéler l’identité du véritable géniteur de l’Allemand. Cependant, la conversation suivait son cours.

- Pourquoi donc pareille largesse tout à coup ?

- Ah ! Parce qu’en Russie, j’ai été cité au tableau d’honneur. Mais, depuis trois mois, les largesses, c’est terminé…

- Cela doit vous chagriner.

- En effet. Mon père est fort malade… ma mère se mine… quant à mon frère… il est bien trop jeune pour leur être d’un quelconque secours si jamais il survenait quelque chose.

- Alors, vous êtes l’aîné.

- De cinq ans.

- Voici le café, annonça Elisabeth avec le plus grand sourire.

- J’en salive déjà, jeta Antoine. Je vais enfin pouvoir me réchauffer.

Tandis que la jeune fille servait l’infâme breuvage, la sonnette extérieure retentit. En haut, à l’étage, Bobby se mit à aboyer non de colère mais de joie. Ses jappements montraient qu’il avait reconnu le visiteur qui s’amenait malgré l’heure assez tardive.

Antoine se leva et alla ouvrir. Une voix masculine souhaita le bonsoir au jeune homme.

- Salut, Antoine… je devais passer…

- Bonsoir Marc. Nous sommes dans la cuisine avec un invité surprise.

- Tu m’intrigues, mon vieux.

Les deux jeunes gens pénétrèrent dans la pièce et Marc faillit se figer à la vue du sergent Friedrich Braun. Mais il se reprit tout aussitôt.

- Bonsoir, Marc, je suis heureuse de vous voir, fit Elisabeth avec amabilité.

- De même.

- Votre tournée s’est effectuée sans aucun problème ?

- Non. La routine du métier.

- Euh… Je suppose que je dois faire les présentations, risqua Antoine. Herr Feldwebel Friedrich Braun… Marc Fontane, le médecin du village.

- Très heureux, marmonna le fils Fontane.

Franz se leva pour saluer le médecin.

- Enchanté monsieur Fontane, fit-il poliment.

- Marc, reprit Elisabeth, la voix légèrement émue, le sergent nous a rendu un fier service. Imaginez-vous que nous revenions de la ferme de votre père lorsque le vélo d’Antoine a crevé.

- Je vois…

- J’étais partie chercher la pompe que j’avais stupidement oubliée ici lorsque j’ai croisé la route du sergent Braun…

- La suite, je la devine, Elisabeth. Cela sent le café… J’en prendrais bien une tasse… la pluie a recommencé à tomber et je ressemble à un pauvre chien mouillé.

- Comme nous tous, appuya Antoine.

- Ainsi, vous êtes médecin, dit Franz.

- Oui, médecin généraliste…

- Ce n’est pas trop… dur ?

- Parfois, sergent… en huit ans, j’ai tout vu, je crois. Tenez, pour vous donner un exemple… aujourd’hui, j’ai eu droit à un accouchement, une grippe, deux bronchites, une rougeole, une crise cardiaque, une attaque cérébrale – mon patient est décédé car j’ai été appelé trop tard – sans parler des rhumes et autres broutilles dont un ongle incarné.

- Rude journée, en vérité… et c’est là votre lot quotidien…

- Certes, mais je l’ai choisi.

- Oui, évidemment, souffla Franz. Vous exercez le plus beau métier du monde. Lorsque vous donnez la vie, ce doit être… merveilleux… Lorsque vous sauvez vos malades aussi…

- Ma foi…

- Vous en doutez ?

- Vous savez… désormais, je suis blasé.

- Mon père avait une certaine prédilection pour la médecine… mais la pression familiale… de plus, il était de santé fragile… je pense que s’il avait pu céder à sa vocation, il n’exercerait plus aujourd’hui.

- Hum… croyez-moi, sergent… votre père n’a rien perdu. Surtout avec le contexte actuel.

- Vous n’aimez pas la guerre, murmura Franz soudain gêné.

- Personne ne l’aime, sergent. Un médecin ne peut se ranger du côté de la mort, de ceux qui la donnent, dont c’est le métier.

- Vous avez raison, opina le jeune comte devenu fort pâle. Il est tard… il faut que je parte. Merci pour votre hospitalité, mademoiselle Granier.

- Oh ! Ce n’est rien, proféra Elisabeth. Nous vous devons tant Antoine et moi.

- Fraulein, mes… hommages…

Alors, poussé par son éducation, avec une politesse surannée, Franz prit la main d’Elisabeth et lui fit un baisemain en bonne et due forme.

- Euh… je suis confuse… je n’ai pas l’habitude, balbutia la jeune fille rosissant.

- Monsieur Fontane, en espérant vous revoir… de même pour vous, monsieur Fargeau…

Von Hauerstadt salua les deux résistants puis, raccompagné par Elisabeth, partit, son vélo à ses côtés. Il ne sentait pas capable de pédaler, son souffle devenant irrégulier. Lorsque la porte de la cuisine fut refermée, Franz avala en catimini deux pilules puis se hasarda sur la route… il devait arriver à la Kommandantur sans avoir une défaillance. Mais il fut de retour à près de minuit et Hermann était au bord de l’hystérie.

- Colonel… J’étais mort d’inquiétude, marmonna le jeune lieutenant. Ne recommencez plus pareille imprudence… je vous ai cru mort…

- Recru de fatigue, oui…

- Zimmermann a donné de ses nouvelles. Il sera là après-demain… il est allé jusqu’à Rouen…

- Merci, Hermann… je vais me coucher…

- Avez-vous mangé au moins ?

- Je n’ai pas faim… trop fatigué pour cela.

- Demain, je viendrai vous apporter votre petit-déjeuner…

- Ja, Hermann. Danke… Gute Nacht.

Pendant ce temps, chez les Granier, Marc affichait sa désapprobation.

- Antoine, Elisabeth, vous vous rendez compte du risque que vous avez couru, au moins ?

- Quel risque ? Sifflota l’ex-étudiant.

- Bon sang ! Bien sûr, vous ne savez pas à qui vous avez eu à faire…

- Comment cela ? Questionna Elisabeth. Le sergent Friedrich Braun…

- Pff ! Mensonge…

- Quoi ? Quel mensonge ? Demanda Antoine.

- Tu vas voir, mon cher. Je n’ai pas eu le temps de vous expliquer ce que j’avais vraiment fait cet après-midi. Tous deux, asseyez-vous… sinon, vous risquez ou de tomber dans les pommes ou de … bref… écoutez bien…

- Oui, nous sommes suspendus à tes lèvres, marmonna Antoine, se doutant de la teneur de la révélation de Marc.

- Il était un peu plus de quatre heures de l’après-midi lorsque les habitants du centre-ville de Caen ont vu une soudaine recrudescence d’activité devant la Kommandantur. Or, le hasard a fait que je me trouvais justement dans le quartier.

- Le hasard ? Marc, vous mentez mal, ricana Elisabeth.

- Bon… j’ai assisté à l’arrivée du nouveau responsable de la police militaire, le lieutenant-colonel Franz von Hauerstadt. Je n’étais pas à moins de vingt mètres de son escorte mais comme j’ai de bons yeux, j’ai pu le dévisager et le détailler.

- Oui, et alors, où veux-tu en venir, Marc ?

- Le lieutenant-colonel est très jeune pour son grade… je dirais, pas plus de vingt-six ans… je pense qu’il le doit à ses états de service époustouflants.

- Comment cela ? Fit Elisabeth.

- Ce qui m’a frappé ce sont ses décorations… deux croix de fer, dont une avec feuilles de chêne, celle réservée aux maréchaux et aux généraux de la Wehrmacht… bref… comment dire, nous allons avoir à faire à un héros… qui n’a pas froid aux yeux…

- Bah… ça doit pulluler chez eux avec leurs revers sur le front de l’Est, jeta Antoine avec ironie.

- Justement non… pas à ce point. Maintenant, décrivons au physique cet officier remarquable à tous points de vue. Grand, les cheveux blond clair, les yeux gris tirant vers le bleu, le teint pâle, l’allure noble et altière avec un rien de désinvolture, les mains d’un musicien, la démarche assurée… il parle le français impeccablement, sans le moindre accent… on jurerait un de nos compatriotes s’il n’était aussi blond et aussi pâle…

- Comment peux-tu savoir ce détail ? S’enquit son ami.

- Parce que je l’ai entendu s’exprimer dans notre langue, pardi… lorsque le maire de la ville l’a salué, lui souhaitant la bienvenue chez nous… - un traitre qui mériterait de finir pendu celui-là soit dit en passant – cet édile s’est étonné de cette connaissance incroyable du français… sais-tu ce qu’il a répondu ?

- Euh… non… ah… il avait fait ses études en France avant la guerre…

- Non… il a dit que sa mère est française de naissance… que… depuis tout petit, elle a exigé qu’il parlât français chez lui…

- Bigre ! Pour un Boche… un Prussien, c’est étonnant, émit Elisabeth.

- Tous deux, attendez la suite… vous allez comprendre… la mère de monsieur von Hauerstadt est née Amélie de Malicourt… fille cadette du comte du même nom… ça vous en bouche un coin, là…

- Plutôt… c’est le gratin du gratin… et le père dans tout ça ?

- Le paternel, poursuivit Marc, se nomme Karl von Hauerstadt… il porte le titre de duc… et donc, par ricochet, le fils aîné a droit au titre de comte.

- Oh ! Là là… Je n’en crois pas mes oreilles, Marc, jeta Elisabeth.

- Certes, mais vous n’avez pas entendu le plus beau. Ce portrait du lieutenant-colonel, cela ne vous évoque rien ? Soyez honnêtes, tous deux…

- Je ne comprends pas…

- Antoine ! S’exclama Marc.

- Euh… commença la jeune fille… tout à l’heure… le baisemain… cela voudrait dire que le sergent Braun serait le lieutenant-colonel von Hauerstadt ?

- Bravo, Elisabeth.

- Mais… c’est impensable, remarqua Antoine.

- Pas tant qu’il n’y paraît. Je vais terminer mon histoire. Vous savez que j’ai lié amitié avec Otto Grass, le sergent gourmand et gourmet…

- Oui, pour la bonne cause.

- Il nous fournit de précieuses informations sans s’en rendre compte… de petites choses sans importance à première vue, mais finalement bien utiles… à la suite de l’arrivée de von Hauerstadt, Otto, ayant achevé son service, je l’ai invité au bar… ici, à Sainte-Marie-Les-Monts… je lui offris un verre et puis un autre…

- Hum… Mais toi, tu as su rester sobre…

- Bien sûr. Otto a fini par m’avouer qu’il connaissait bien les petites manies du lieutenant-colonel… il avait en effet servi plusieurs fois sous ses ordres par le passé. Tous deux cultivaient une certaine complicité… à tel point que notre sergent lui avait prêté un de ses uniformes… ainsi accoutré, von Hauerstadt a l’habitude de visiter la région où il est affecté. D’après les déclarations d’Otto, il a agi ainsi en Pologne, en Champagne, mais aussi en Afrique et en Russie…

- Donc, conclut Antoine, tu savais que notre phénomène se baladait quelque part déguisé en simple sergent afin, disons, de prendre le pouls des autochtones…

- Oui, alors, imaginez quelle fut ma surprise de le voir ici, attablé tranquillement dans cette cuisine en train de boire une tasse de ce foutu ersatz de café ! Naturellement, j’ai fait semblant de croire à son conte.

- Les bras m’en tombent…

- Il y a de quoi, mademoiselle Granier, sourit Marc…

- Mais… changeons de sujet… dans un peu moins de dix jours, nous fêtons l’anniversaire de ma secrétaire Carole Lavigne…

- Ah ? lança Elisabeth sur le mode courroucé.

- Euh… l’idée m’a été suggéré par Antoine…

- Je t’ai suggéré cela, moi ? Tu racontes n’importe quoi…

- Ne te fâche pas, mon cher… Je vous invite, Elisabeth à cette petite fête… nous y serons tous… enfin tous les jeunes du groupe…

- Donc, à part Carole, nous serons tous des résistants ?

- Oui…

- Où cette petite sauterie aura-t-elle lieu ?

-  Chez Fridin, voyons !

- Je serai rentrée avant le couvre-feu ?

- Bien entendu…

- D’accord. Mais il faut d’abord obtenir l’autorisation de mon père, marmonna Elisabeth…

- Je me fais fort de l’avoir, répondit Marc. Bien… alors, à bientôt… bonne nuit…

- Je te suis, Marc, fit Antoine après avoir salué Elisabeth. Nous rentrerons plus ou moins ensemble… toi, tu as un laisser-passer.

Les deux jeunes gens se retirèrent alors que onze heures du soir sonnaient au clocher de l’église du village.

 

*****

 

25 Mars, dans la soirée, au domicile de Michel Granier. 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/86/Knock_ou_le_triomphe_de_la_m%C3%A9dicine%2C_pi%C3%A8ce_en_3_actes_de_M._Jules_Romains.jpg/280px-Knock_ou_le_triomphe_de_la_m%C3%A9dicine%2C_pi%C3%A8ce_en_3_actes_de_M._Jules_Romains.jpg

- Ainsi donc, monsieur Granier, vous donnez votre accord. Elisabeth pourra bien participer à notre petite fête d’anniversaire ? Demandait Marc Fontane au brigadier.

- Attendez un peu, jeune homme. Qui seront les autres invités ?

- Mes amis que vous connaissez déjà. Antoine, Léon, Bernard, André, Noël.

- Mmm… tous des jeunes gens convenables, Marc. Si vous m’assurez que ma fille sera rentrée avant la nuit, je ne vois aucune objection.

- Monsieur Granier, vous savez, si j’ai invité Elisabeth, c’est avant tout parce que j’ai pensé que cela lui changerait quelque peu les idées, que ça lui ferait plaisir. Toute la journée en train de s’occuper du ménage, de jardiner…

- Oui, bon. C’est entendu. Elisabeth sera bien de retour avant le couvre-feu.

- Naturellement, monsieur. Mais il se fait tard. Je dois vous quitter. Bonsoir.

Le médecin gagna le seuil de la porte principale de la petite demeure. Mais, soudain, il se retourna et lança :

- Au fait… je n’ai pas vu votre chien Bobby. Où est-il donc ?

- Enfermé dans la chambre de ma fille. Il a voulu goûter au saucisson rapporté de chez votre père. Je l’ai donc puni.

- Ne soyez pas trop dur avec cet animal. Comme nous tous, il souffre de privations.

Sur ces paroles, Marc salua une dernière fois le gendarme par une poignée de mains et partit vaquer à ses occupations.

 

*****