dimanche 3 avril 2011

Le poème le plus célèbre d'Aurore-Marie de Saint-Aubain.

Le tropaire végétal.


La serre sempervirente sise en La Tête d'Or

Procurait à mon cœur des passions élégantes.

Au mitan de ce sylvain domaine aux exsudats si forts,

Je vis l'Ara Pacis aux arabesques tentantes.

Bucranes de valériane, grecques de mélampyre,

Protomés d'azalées, métopes de vulnéraire,

Triglyphes de millepertuis résumant tout l'Empire!

Apollon musagète tels qu'en Lui le péan et l'antiphonaire,

Chantés par l'égérie firent fi de Perséphone,

Qu'en muscadin honni nul ne vit le vieux faune!

Qu'en la geste de Roland Turold déclina,

Chut las le paladin qu’adonc le cor sonna!

L'ivoirin instrument exprima lors sa plainte,

Thrène qui ne se tut qu'aux ultimes cris du soir,

En l'espace achevé, pour corbeaux, nulle crainte!

L'ombilic de métal au Bellérophon noir

Résonne encor ce jourd'hui d'un résidu fossile

Jà détruit par Omphale de son rouet gracile!

Miscellanées de millefiori vécues par l'Anabase,

Ultime révélation par l'orphique voyage,

Miroir du Monde rendu intelligible par les songes du Mage,

Partisans de Smerdis, faites-en donc table rase!

Aurore-Marie de Saint-Aubain : "Epitaphes pour une culture enfuie" (1885)