mardi 16 août 2016

Cybercolonial 2e partie : Du rififi à Kakundakari-ville chapitre 16 2e partie.



Malgré la multitude de breloques, de gri-gris, d’amulettes et de talismans qui le caractérisaient sans oublier les clous plus ou moins rouillés, le fétiche gardien de la cavité s’avéra des plus inoffensifs.
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 De plus, la lame de sa lance était émoussée. Benjamin, en un test classique, voulut évaluer la profondeur du trou en y jetant un papier enflammé. Apercevant la lueur de la feuille achevant de se consumer, il dit, sur un ton rassurant :
- Tout va bien, les gars. Ça ne sera pas la mort comme la séance de spéléo sur la Lune de sinistre mémoire. Même pas la peine de s’encorder.
- Mmm… mmm, voulut rétorquer Saturnin, toujours suant et muet.
- Oncle Saturnin, nous allons gentiment te pousser et, comme d’habitude, tu progresseras en rampant, fit Violetta un brin sarcastique.
Spénéloss, haussant les épaules, précisa :
- Il s’agit sans doute d’une sorte de puits d’aération. Il comporte des encoches qui nous faciliteront la descente. Il doit donner accès aux entrepôts de la cité.
Une fois l’équipe en bas, les micro lampes torches anachroniques actionnées, celle-ci constata la petite erreur d’interprétation de l’Hellados.
- Un entrepôt, dites-vous ? Lança Louis Jouvet ironique. Un dépotoir, plutôt !
Le luminaire du comédien révélait en effet un entassement hétéroclite de statues et de masques africains traditionnels dépareillés. Les bois précieux dans lesquels on les avait façonnés se désagrégeaient déjà sous les assauts de moisissures perverses. Le tout gisait pêle-mêle au-dessous de bas-reliefs stylisés, reproduisant naïvement les parapets de la citadelle, sculptures qu’un spécialiste aurait apparentées aux panneaux de portes de bronze ouvragées du Bénin. Cependant, aussi détériorés et altérés qu’ils fussent, ces objets rituels dégageaient une phosphorescence surnaturelle s’échelonnant du vert jade au rougeoiement du rubis gorge-de-pigeon. Saturnin ne pouvait s’empêcher de frissonner.
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 Le vieux bonhomme avait l’impression qu’un des masques cubistes, doté d’une crinière de raphia à demi pourrie l’observait. Paniquant, multipliant les « mmm, mmm », l’infortuné s’agrippa aux bras de Daniel, l’entravant.
- Bon… je vois que vous me forcez à vous rendre la parole, souffla le Préservateur.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
L’ex-fonctionnaire n’était pas le seul à perdre son sang-froid, à supposer qu’il en ait jamais eu. Azzo enchaînait les gestes démonstratifs comme s’il tentait de conjurer un sort ou de circonvenir les esprits maléfiques qui hantaient les lieux.
- Au secours, Superviseur, s’écria Beauséjour, tout heureux du retour de la parole. Ces masques, ces statues sont hantés.
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- Mais non, gros bêta, ricana le Cachalot du Système Sol.
- Mais… capitaine, répliqua Saturnin, le front ruisselant d’angoisse. Ces choses-là bougent et leurs yeux luisent dans l’obscurité. Leurs regards s’attachent à nous. Un sorcier leur a jeté un maléfice.
- De l’animisme… grommela l’extraterrestre qui était de plus en plus agacé par les peurs enfantines et communicatives du vieil homme.
Deanna Shirley, elle aussi, n’en menait pas large. Mais elle avait le bon sens de n’en rien montrer si ce n’est de caresser frénétiquement O’Malley, qui, lui, se montrait imperméable. Le chien en bâillait d’ennui.
- Lieutenant, vous avez vu juste à propos de l’animisme, commença Daniel Lin. Ces objets sont effectivement dotés de vie et ils possèdent une âme. Celle-ci leur a été insufflée par leur créateur sculpteur en même temps que la sacralité qu’il leur a attribuée. En outre, en ces masques et statues préexiste la quintessence végétale noble des différents bois précieux ayant contribué à leur conception, sans omettre les autres matériaux - fer, raphia, fourrure, ivoire, cauris - intervenant dans leur création. Ils sont consubstantiels à un contexte cultuel indissociable des cérémonies auxquelles ils participent. C’est pourquoi les Africains jugent négatif que l’on sépare ces œuvres des rites inhérents à leur usage. Enfermées dans les vitrines anonymes des musées occidentaux, leur âme, leur aura entrent en sommeil. Oui, les statues meurent aussi, comme un célèbre film bidimensionnel du milieu du XX e siècle l’avait dit. Ces figures de pouvoir le perdent, sont neutralisées, frappées d’une inertie mutique. Ce ne sont plus que de belles endormies… je ne dirais pas qu’elles sont désactivées, mais c’est tout comme.
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- Merci pour ce cours magistral d’ethnologie, répliqua Lorenza. Mais… commandant… Comment le savez-vous ?
- Je les sens. Même à un niveau primal, élémentaire, je capte leurs pensées. N’en est-il pas de même pour vous, lieutenant ? Reprit Daniel à l’adresse de Spénéloss.
- Confusément, j’entends quelque chose. Ces sculptures savent que nous sommes là.
- Effectivement, imprégnées de l’essence et de l’empathie de leur créateur, ces œuvres demeurent sensibles à toute présence animée et biologique. Elles ne nous sont pas hostiles car elles perçoivent que nous n’avons pas de mauvaises intentions. Ceci dit, une peur trop grande peut déclencher des manifestations brutales de leur part.
À ces paroles, notre ventru vieillard glapit. Un masque de circonciseur nimbé d’une phosphorescence bleuâtre, la bouche entrouverte sur une dentition symbolique qui rappelait celle des colobes,
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 venait de se déplacer, flottant en direction de l’impétrant Saturnin.  Celui-ci voulut prendre les jambes à son cou, mais il trébucha sur O’Malley, qui le précédant dans ses intentions, s’en fut de l’avant, dans un boyau voussé.
- Mon chien ! Mon chien ! Cria Deanna au bord de l’hystérie.
A son tour, elle se précipita à la poursuite de son Briard. Le boyau franchi, miss de Beauregard se retrouva dans une nouvelle salle peuplée de légions de statuettes d’un style tout à fait différent des précédentes. Modelées dans la terre cuite ou crue durcie au soleil, elles arboraient des vêtures somptueuses, plus proches de celles en usage à la Cour des empereurs Han, que de celles du roi du Monomotapa.
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 Cependant, cette statuaire, digne des grandes découvertes archéologiques chinoises de la fin du XX e siècle, instillait une impression de malaise. D’une part, les bras paraissaient avoir été ajoutés après coup, et s’articulaient comme ceux de poupées ou de marionnettes ; d’autre part, la conception générale de cette humanité miniature rappelait l’une des plus vieilles formes de momification en usage dans l’Amérique précolombienne, celle des Chinchorros.
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 O’Malley ne s’y était pas trompé. Il grognait et jappait en direction desdites sculptures. Mieux, il osa saisir dans sa gueule l’une de ces statuettes par la manche flottante et la jeta au loin comme si l’objet cultuel était possédé. Ce dernier se brisa, révélant ainsi son morbide contenu. Sous la céramique, un squelette humain était prisonnier depuis une éternité. Le chien s’empara avidement d’un cubitus pour le recracher aussitôt. La taille de toutes les statues impliquait qu’il s’agissait d’enfants. Toutefois, on ne pouvait déterminer si cette nécropole était peuplée de victimes de sacrifices humains ou de dépouilles décédées naturellement à une époque où la mortalité infantile était effroyable.
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Le reste du groupe rejoignit l’apprentie star et le Briard. Saturnin arriva bon dernier, ne cessant de se retourner, croyant encore que le circonciseur le poursuivait. Le chien était furieux que l’os ne fût pas à son goût. Carette en avait plus qu’assez de ces pérégrinations souterraines. Il préférait les explorations à l’air libre, sous la frondaison des arbres de la forêt primaire malgré une faune grouillante. Dans cette espèce de cave, il n’osait même pas allumer une cibiche.
- Eh ! Les aminches ! C’est quand qu’on refait surface ? Ça sent trop le caveau ici.
- Doucement les basses. J’suis de ton avis. Ça schlingue comme dans les catacombes. Mais faut pas le dire. Nous ne sommes que des caméos, siffla Gueule d’amour.  
- Pas moi, rétorqua Louis Jouvet. Je n’ai jamais joué les utilités. Tenez, par exemple… Mister Flow, justement. C’est pas parce que je n’apparais qu’à la fin du générique que je ne tiens pas le premier rôle.
- Ah ! Oui ? Va donc dire ça à Fernand, répliqua Jean Gabin. 
Alors, interrompant cet échange, Gaston rappela :
- Messieurs, c’est Azzo qui a la carte.
- Oui, dans sa caboche, grommela Craddock
Comprenant ce que l’on attendait de lui, le métis de pré K’Tou et de Niek’Tou désigna une espèce d’escalier à vis rudimentaire, creusé à même la roche, situé derrière deux « poupées » macabres dont l’une représentait une fillette au visage d’une beauté extraordinaire. Peut-être s’agissait-il d’une princesse africaine, pourquoi pas une fille de Maria de Fonseca en personne, morte prématurément.
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Les nouveaux lieux où le groupe déboucha étaient constitués d’un mélange de pisé et de pierres de taille recouvertes d’une couche de kaolin qui leur conférait une blancheur troublante. De plus, s’élevait un ronronnement artificiel émanant d’une machinerie dont la technologie ne pouvait exister officiellement dans l’Afrique précoloniale.
En avançant, tous furent témoins d’un spectacle étonnant. Des sortes de dynamos produisaient une énergie digne de l’électricité, les bobines de cuivre elles-mêmes reliées à des conteneurs entrouverts dans lesquels sommeillaient apparemment des créatures humanoïdes naines caparaçonnées comme s’il se fût agi de pygmées revêtus d’armures. Or, ce n’était point là des hommes de la tribu Bekwe. Ils étaient reliés par le ventre via un tuyau flexible métallique constitué de segments annelés à des réservoirs contenant des liquides que l’on pouvait qualifier sans hésitation de nourriciers. C’était donc là, comme le comprit Daniel, des utérus ou incubateurs artificiels, mais les étranges pygmées fœtus ainsi nourris n’étaient pas humains mais androïdes. Le daryl se souvint :
« Comment l’Afrique de ce 1888 dévié, a-t-elle pu concevoir au même titre que la Chine de la piste 1721 bis une technologie similaire à celle mise au point par les recherches interdites immédiatement antérieures à celle de mon pseudo géniteur Tchang Wu ? Des robots asimoviens connaissant tous les stades de développement et de vieillissement des humains réels ».  
Dalio tira Daniel de ses pensées rêveuses avec une brusquerie inaccoutumée. Bien que tous partageassent l’ébahissement du commandant Wu, le groupe, et notamment les comédiens, s’impatientait. Il tardait à Marcel d’en découdre avec les Boulangistes et de faire la jonction avec la colonne d’Erich von Stroheim qui tardait par trop.
- J’en ai rien à fiche de ces bébés Métropolis.
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 Moi, ce qui m’inquiète, c’est que ça fait une bonne heure que nous nous promenons dans ces souterrains ineptes sans que ni Erich ni Pierre ne nous informent de leur situation. On dirait que vous prenez tout ceci par-dessus la jambe. C’est fichtrement pratique d’avoir des dons divins.
- Marcel, répliqua le Superviseur, vous ne saisissez pas l’enjeu de cette découverte. Pour vous, c’est du théâtre, de la science-fiction, de l’invraisemblable. L’énergie grâce à laquelle fonctionne et perdure la citadelle de M’Siri repose à la fois sur les fœtus robots et l’exploitation de l’uranium. Cette civilisation est uchronique, elle ne correspond pas à ce que l’Occident croyait connaître de l’Afrique dans le supposé vrai 1888. C’était comme si je vous disais qu’un noyau isolé de la Mexafrica s’était retrouvé ici, en plein Katanga.
- Ouais… je m’en bats l’œil. J’ai envie de taquiner Erich. Il est trop collet monté. Du temps de la Grande Illusion, je me souviens de disputes mémorables sur le plateau. Jean peut en témoigner.
- Certes, Erich est jugulaire jugulaire, sourit Gabin. Avec Carette, c’était limite pas de la frime, notamment quand on s’est accrochés sur les paroles de la chanson Il était un petit navire.
Un cri de panique de Deanna Shirley interrompit cet échange. La capricieuse jeune femme se retrouvait nez à nez avec un guerrier singulier qui n’avait rien d’une statue. Certes, on eût pu l’apparenter, une fois de plus, à l’art des bronzes de la Cour du Bénin. Il était, comme il se devait, revêtu d’une armure, et coiffé d’un casque piriforme. La cuirasse autant que les cnémides et les cubitières dignes d’un hoplite étaient ornementées de représentations stylisées de léopards, de lions et de Kikomba. Par-dessus tout, le cou de l’individu s’allongeait démesurément comme ceux des célèbres femmes girafes par la parure d’une multitude de torques et bracelets superposés. Si on les lui ôtait, il mourrait sur-le-champ, les cervicales brisées car non plus soutenues. Cachant son inquiétude, Violetta crâna :
- Deanna, tu n’es guère courageuse. Cette rencontre me rappelle l’apparition du mutant dans le Secret de la planète des singes. Espérons qu’il ne viendra pas à ce quidam la fantaisie d’ôter son heaume et de nous révéler un visage d’écorché anatomique.
Cependant, à l’autre bout du couloir, surgirent deux autres gardes similaires au premier. Tous étaient de parfaits clones, mais on ne pouvait croire que les soldats protégeant leur souveraine pouvaient se multiplier par scissiparité.
- Les adultes, j’ai une suggestion, souffla l’adolescente.
- Euh… trembla Saturnin. Leurs sagaies d’airain me semblent redoutables car fort bien aiguisées. Fuyons !
- Oncle Daniel, toi qui es si friand de cette série culte, qu’attends-tu pour ordonner…
- Courez ! Oui, j’ai compris !
- Ouf ! Allez, les grands, obéissez ! C’était un ordre du Docteur !
- Je le répète, courez, insista le commandant.
Toute l’équipe s’empressa d’exécuter l’ordre du daryl androïde. En effet, il était rare que Daniel Lin invitât les siens à prendre la poudre d’escampette.
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Tandis qu’ils franchissaient la porte de la forteresse inopinément ouverte, Serge vagabondait dans un passé, un vécu douloureux. Il se souvenait de ses premières armes, de ses premières actions sous l’uniforme. Il avait hésité entre l’obéissance et l’insubordination, faisant déjà preuve de ce louvoiement qui l’avait mené à soutenir d’Arbois puis à le trahir lors de la Semaine sanglante. Depuis, le remords le rongeait et il en perdait presque la raison. Il vivait entre le présent et ce qui avait été.
C’était le 16 juin 1869 à la Ricamarie, près de Saint-Etienne.
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 Jeune recrue de 18 ans, avec son régiment, il avait fait face aux mineurs en grève, la baïonnette bien insérée au canon de son Chassepot. Mais il avait voulu désobéir. La tentation l’avait traversé de poser le fusil et de déserter avant que la troupe ouvrît le feu. La peur de la cour martiale avait cependant été la plus forte. Alors, comme ses frères d’arme, il avait pressé la détente, fauché les vies, contribuant au massacre de treize innocents. Présentement, avec Michel, Angelo et Jacques, les bras recouverts de chiffons qui commençaient à fumer, il se retrouvait de l’autre côté de la forteresse, avec un comité d’accueil presque pharaonique. Encadrés de deux lignes de guerriers recouverts de leurs armures, les soldats boulangistes éberlués effectuaient leur entrée dans la citadelle de M’Siri. Çà et là de longues trompettes de cuivre et des conques marines accompagnaient un chant de griots psalmodié dans une langue sacrée incompréhensible.
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Boulanger ordonna qu’on le plaçât sur son tipoye, afin que son arrivée revêtît cette part de solennité indispensable, destinée à faire le pendant de ce cérémoniel inattendu, alors qu’à l’instant précédent, on tentait de tuer ses soldats.  Les guerriers de Maria de Fonseca présentaient leurs visages protégés par des sortes de heaumes ou cagoules d’écorce piriformes, ornementées, sculptées de symboles astronomiques stylisés, avec des équivalents d’armures en bronze et en peaux de rhinocéros, cuirasses, cubitières, genouillères. Si l’on eût enlevé ces cagoules, ces faces se seraient révélées horribles, aussi rongées et déformées que celles des gueules cassées de 14-18. C’étaient des têtes cubistes, dissymétriques, des masques et sculptures africaines de chair.
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Leur reine trônait sur un siège surélevé surchargé de motifs en bas-reliefs.
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 Deux esclaves l’éventaient. Le vizir, qui se tenait surbaissé, son torse drapé dans une fourrure de guépard, commandait à tous de se prosterner devant la souveraine. Les nouveaux venus s’approchèrent et Boulanger eut du mal à retenir une exclamation de dégoût à la vue du visage ravagé de Maria de Fonseca. Jadis célébrée pour sa beauté, cette métisse aux yeux bleus, dans les veines de laquelle coulait un sang portugais, n’avait plus rien de ses attraits. Les radiations avaient tout autant rongé ses traits que ceux des fidèles soldats de sa garde. Son front arborait des cloques purulentes qui se perdaient parmi des rides profondes. Quant à son nez, il avait quasiment disparu, offrant à la vue un faciès de lépreuse.
Pierre Fresnay, fort de ses références littéraires murmura :
« She… Elle qui doit être obéie. »
La reine détenait déjà un étrange prisonnier blanc : on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un émule anticipateur du colonel Fawcett, perdu non point au cœur des ténèbres de l’Amazonie, mais au fin fond du Congo, du Katanga : en fait, c’était l’acteur anglo-saxon C. Aubrey Smith en personne, égaré comme Azzo dans l’espace-temps, alors qu’il tournait en 1932 dans Tarzan l’Homme-singe, alors qu’il interprétait le rôle du père de Jane. Le malheureux vieil homme, devenu amnésique, était enfermé dans une cage de bambou depuis une éternité, tel un gorille dangereux capturé. Le vieillard hirsute, sa barbe grise emplie de poux, les yeux fous et larmoyants, marmonnait sans cesse tout en se grattant : « I’m hungry ! I’m hungry ! » Ses guenilles tentaient de préserver un reste de dignité.  La cage, suspendue au-dessus d’une fosse à crocodiles, oscillait au gré des sauts spectaculaires des sauriens aux yeux jaunes qui s’essayaient à happer cette proie défraîchie.
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Barbenzingue vit la scène. Elle lui révélait la cruauté de la souveraine. Son instinct lui commanda de ne pas secourir ce pauvre hère.
A suivre...
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