jeudi 18 décembre 2014

Cybercolonial 1ere partie : Belles Lettres d'une Rose méconnue chapitre 5 1ere partie.



Chapitre 5

Le fardier attelé à quatre rosses, il fallait bien cela pour tirer la charge spéciale qui y était contenue, parcourait cahin-caha les rues sordides et puantes de la capitale de l’atelier du monde. Le convoi avait osé s’aventurer à Whitechapel malgré l’heure tardive. Onze heures du soir venaient en effet de sonner à l’église la plus proche. 
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Des prostituées rencognées sous les porches battaient le talon de leurs bottines sur les pavés gras et humides de la chaussée. Elles attendaient le micheton. Parfois, pour se réchauffer, elles avalaient une gorgée d’un gin infâme que même Symphorien Nestorius aurait dédaigné. 
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De sa voix éraillée, l’une de ces pierreuses apostropha l’élégant et déplacé conducteur du fardier. 
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- Hep, Gov’nor! T’as pas besoin d’un p’tit réconfort? Y a la brume qui monte de la Tamise et tu dois avoir les os qui te font mal!
L’homme feignit de s’intéresser à la pocharde. Grand, le favori blond, le regard bleu acier dissimulé par des verres fumés, le chapeau de soie qui dénotait le gentleman, la taille parfaitement cintrée dans un costume de chez Saville Row, l’étranger fit un signe d’invite à l’alcoolique. Celle-ci se hâta de monter dans la voiture, croyant tenir le pigeon providentiel.
Lorsque la prostituée s’assit aux côtés de sir Charles, ce dernier se rendit compte que la femme avait déjà la bonne quarantaine et puait le tord-boyaux. Du blanc de céruse passé par couches épaisses tentait de cacher les ravages de l’âge, du froid et de l’alcool. Malgré lui, le noble personnage esquissa une grimace, ses narines assaillies par les effluves de l’épave humaine.
Toutefois, Merritt adressa une phrase polie à sa victime.
- Cela marche bien pour vous, ce soir?
- Ben, non, à vrai dire…t’es mon premier client depuis deux heures…
Après avoir jeté un regard intrigué à l’arrière, la catin fit:
- My Lord, c’est quoi qu’tu transportes sous ta bâche?
- Je travaille pour l’exportation… trafic d’antiquailleries, très anciennes, tu vois?
- J’vois qu’ça t’enrichit… Mais quel est ce remue-ménage, là, à l’arrière?  
- La marchandise est mal arrimée, c’est tout.
- Mazette! ce que ça pue! C’est trop! J’pars… tant pis…
- Prenez cela pour dédommagement.
Grand seigneur, sir Charles jeta à la putain un souverain en or.
- Oublie-moi, veux-tu?
- Ouais, my Lord.
Le remuement se faisait plus insistant tandis qu’un effluve nauséabond de viande pourrie se répandait de dessous la bâche. La prostituée réussit à descendre du fardier sans s’étaler dans la boue. Vite, elle courut et disparut dans la nuit.
- On se calme là! Commanda Merritt d’une voix dure à la chose inconnue. Nous arrivons à destination Taïaut, tu entends? Reprit le mathématicien. Tu vas pouvoir te nourrir tout ton saoul.
L’endroit où le fardier fit halte était une modeste échoppe qui faisait à la fois office de fumerie d’opium et de boutique de recel. Un Chinois obèse, baraqué comme deux forts des halles, à la peau huileuse, gardait la misérable entrée de ce lieu de perdition.
- Je désire voir maître Biao. Il a des informations importantes à me livrer.
- Je veux voir ton blanc-seing.
- Le voici.
Sir Charles exhiba alors un pepperbox de sa poche de gousset.
- D’accord. Tu peux entrer.
S’inclinant, le mathématicien émérite passa le seuil du sordide établissement.
Maître Biao était un des principaux informateurs du chef de la pègre de Londres. Il devait communiquer au savant perverti d’importants renseignements volés par son réseau à l’écrivain italien Gabriele d’Annunzio qui séjournait alors à Venise. Il s’agissait de fort anciens codex remontant au IIe siècle de notre ère, (les plus anciens conservés), que convoitait le dandy décadent, Lord Percival Sanders. Ces textes avaient été rédigés par le fondateur même de la secte que dirigeait actuellement Aurore-Marie de Saint-Aubain: Cléophradès d’Hydaspe.


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Les acolytes de la triade introduisirent sir Charles dans ce qui tenait lieu de bureau au maître de céans. L’homme, un petit vieillard anodin, tout doucereux, était occupé à son passe-temps favori: il fabriquait de petits personnages en papier d’une exquisité merveilleuse, toute une Cour de la Chine impériale des Tang qu’il disposait en un petit théâtre, conformément à un art que l’on pouvait assimiler à l’origami japonais. Merritt n’avait pas le temps de s’émerveiller. Bien qu’il dût se soumettre à un minimum de courtoisie, il voulut aborder de but en blanc la raison de sa visite. 
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- Maître Biao, j’ai réceptionné le message de votre serviteur. Percer son code en mandarin m’a été chose aisée. Vous avez la pièce?
- Bien évidemment, honorable mathématicien. Que le ciel des ancêtres vous apporte la prospérité.
- Assez de salamalecs. Je suis prêt à verser la somme convenue, mais gare à vous si vous m’avez floué.
- Rien à craindre de ce côté-là. Votre réputation n’est plus à faire, répondit mielleusement l’Asiate.
Dans un coin assombri du bureau au mobilier disparate, était abrité sous une housse de velours, comme s’il s’agissait d’un tabernacle, un prosaïque safe américain. Maître Biao dévoila la serrure du coffre dont il composa le numéro, ne prenant même pas la précaution de se cacher.
- Vous êtes malin comme le roi des singes. Votre combinaison correspond à la suite de Fibonacci.
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- Les mathématiques chinoises avaient découvert cette suite deux mille cinq cents ans avant votre Italien.
Le vieillard extirpa dudit coffre un coffret de noyer et de santal corseté de ferrures dans lequel était enfermé un codex fort ancien.
- Je possède la clé, je l’ai d’ailleurs toujours sur moi.
- Faites donc, reprit sir Charles les yeux mi-clos.
Le Chinois tira le précieux passe-partout d’une de ses manches. Merritt s’exclama:
- By Jove! Cette clé est de conception romaine. Vous êtes de bonne foi.
Maître Biao impassible devant cette évidence introduisit la clé dans une des serrures non au hasard. L’ouverture complète était un vrai casse-tête qui nécessitait qu’on respectât un ordre précis d’actions, sous peine que, le coffret piégé, dégageât un poison volatil foudroyant qui tuait le voleur en une trentaine de secondes.
Ce poison reposait sur le principe de l’acqua toffana bien que sa recette remontât au temps d’Hadrien. 
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- J’admire votre dextérité et votre mémoire, ajouta sir Charles tout en enregistrant le protocole d’ouverture.
Le coffret ouvert après une dizaine de minutes et le triple de manipulations, le codex sortit enfin de son vénéneux réceptacle. Le texte rédigé en grec, se présentait écrit sur du papyrus quelque peu jauni et fragilisé. L’encre avait fortement pâli, certaines oxydations s’étaient produites, les caractères avaient même traversé les feuilles rendant ainsi confus le déchiffrement du contenu. Cela n’arrêta pas l’enthousiasme de Merritt. L’Anglais, après avoir enfilé des gants de fil, tendit avidement la main et commença à tenter de déchiffrer l’antique texte.
Merritt devait tout d’abord s’assurer de l’authenticité du codex. Ce qu’il fit. Sur la première page et la dernière figurait une sorte de chrisme constitué d’un cercle de feu au milieu duquel se tenait une divinité qu’on eût pu assimiler à Shiva, si elle n’avait pas été barbue et revêtue d’une longue tunique. Autour du cercle s’inscrivait une suite de termes sacrés, Pan Zoon, Pan Phusis, Pan Chronos, Pan Logos. 
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- Le sceau des Tétra Epiphanes! Murmura Merritt. Comment ce poète italien décadent a-t-il pu mettre la main sur un tel trésor?
Aurore-Marie de Saint-Aubain portait exactement le même insigne sur son anneau de grande prêtresse.
Satisfait, sir Charles décida de récompenser grassement Maître Biao. Il sortit de son portefeuille une liasse de vingt billets de mille livres.
- Voici pour vous. Vous les avez amplement mérités.
Mais le maître de la triade escomptait bien posséder sir Charles. Ses sicaires se tenaient en embuscade derrière une tenture, prêts à l’occire au premier clignement d’yeux de Biao. La mise à mort s’effectuerait en l’enfoncement d’une aiguille d’acupuncture derrière la nuque de la victime, le cervelet et le bulbe rachidien transpercés. Cette façon de faire avait été enseignée par T’ang Wu, un des parents inavouables de Daniel, arrière-grand-oncle du sinistrement célèbre Sun Wu.
Or, l’acuité des sens de Merritt était telle qu’on ne pouvait le duper. Le mathématicien perçut donc une expiration étouffée provenant de derrière la tenture brodée de dragons. Alors, effectuant un parfait roulé-boulé tout à fait surprenant pour un homme de son âge, il se saisit du pepperbox qui complétait son armement et fit feu à bout portant sur la tapisserie, blessant mortellement le gros Chinois qui avait ainsi trahi sa présence.
Biao n’eut d’autre choix que d’ameuter tous ses sbires qui s’en vinrent à la rescousse munis d’armes blanches, de sabres, de poignards et de nunkachu japonais. Cependant, Merritt, qui avait anticipé la tournure des événements, sortit de ses multiples poches tout un arsenal dont l’objet le moins meurtrier était un sifflet apparemment ordinaire, semblable à ceux dont usaient les bobbies. Nul n’entendit les ultrasons émis par le sifflet. Naturellement, ce ne fut pas le cas de l’animal familier de sir Charles.
Quelque chose d’effrayant déboula dans le bureau, bondissant, fracassant de ses pattes antérieures les portes menant à la pièce, sautant, les membres postérieurs projetés en avant, leur griffe poignard dressée,
égorgeant en une poignée de secondes maître Biao et éventrant les malheureux acolytes qui n’eurent pas le temps de se débiner devant la charge de la fabuleuse créature d’un autre âge.
C’était Taïaut, puisqu’il faut vous le révéler, un authentique Velociraptor que sir Charles Merritt avait récupéré grâce à une expérience de téléportation malencontreuse d’André Fermat dans une chronoligne antérieure. [1]  Son dressage accompli (il avait fallu deux ans au mathématicien pour y parvenir), Taïaut servait de garde du corps et de nettoyeur au maître des pickpockets de Londres. 
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Après le ménage, alors que le Raptor se repaissait des tripes des bandits chinois, le scientifique perverti récupéra en sifflotant le précieux codex, qui, par miracle, n’avait même pas reçu la plus petite éclaboussure de sang.
Il songea :
« Ce n’est pas Biao qui a éliminé mon agent sur le steamer de Douvres à Calais. Le crime ne correspondait pas à sa méthode mais à quelqu’un que je croyais retiré des affaires. Les vieux démons de feu mon mentor ressurgiraient-ils des ténèbres? Je crains qu’ils ne me poursuivent jusqu’à Venise où je dois me rendre, puisque c’est là que ce d’Annunzio réside en ce moment. »
Sur ces pensées inquiétantes, Sir Charles quitta les lieux, laissant une énigme bien sanglante à résoudre au Yard.

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L’agent éliminé (par Frédéric Tellier) auquel Merritt avait fait allusion avait pour mission de se rendre au chantier clandestin du Havre afin de saboter le Bellérophon noir. Retrouvons l’Artiste lui-même parvenu en ce chantier.
Loin du décorum étouffant de ces salons surchargés de rocaille et débordant de porcelaines de Saxe, le lieu constituait un dépaysement certain, bien qu’il ne fît qu’incarner l’autre face du XIXe siècle, ce côté techniciste, triomphe du machinisme. Des Esseintes s’opposait à Jules Verne et à Gustave Eiffel, mais au fond, ces deux côtés de la médaille se complétaient. Pour sa part, Frédéric Tellier s’était toujours considéré comme un être à part parmi ses contemporains, non point un révolté à proprement parler, un rebelle qui eût voulu renverser, bouleverser le monde, mais un individu libre comme le vent, détaché de toutes les contingences, mais foncièrement républicain dans un siècle qui ne l’était pas. Frédéric était capable de s’émerveiller devant le progrès technique, tout en redoutant les usages qu’on en ferait, sachant pertinemment que l’âme humaine était le plus souvent capable du pire plutôt que du meilleur.
Il se gardait de tous les ouvriers qu’il apercevait, ignorant lesquels étaient anodins, ceux à qui il pouvait se fier en toute confiance, ne pouvant différencier les agents de Mirecourt chargés de surveiller de près Boieldieu des acolytes de Merritt ou encore du Foreign Office sans omettre que, dans son dernier message, Daniel lui avait fait part de ses soupçons concernant le baron Kulm.
Pierre Fresnay, lui, s’était arrangé pour rencontrer l’Artiste en toute discrétion afin d’échanger les dernières informations récoltées.
Dans un cabaret près de l’estuaire, fortement enfumé par le tabac provenant des pipes des consommateurs, les deux tempsnautes se retrouvèrent comme par hasard.
- Marcel! Toi ici! S’exclama le faux Boieldieu à l’encontre de celui qui était déguisé en sergent retraité de la guerre de 1870.
- Oui, c’est moi, répondit Tellier. Je vois, capitaine, que vous avez monté en grade depuis l’école militaire.
- Viens. Je t’offre un boc.
- Bien volontiers.
Les deux « soldats » s’attablèrent au fond de l’estaminet, tournant le dos à la fenêtre et à la porte.
- L’heure est grave, fit Frédéric en alsacien.
- Comment cela? répliqua son ami.   
- Les manigances du brav’ général tournent au complot d’état. Ses partisans ont appâté le pire des êtres humains que ce siècle a portés, l’épigone du Maudit. L’homme que j’ai éliminé sur le steamer agissait sous ses ordres. Il avait pour mission de faire sauter le chantier. Tant pis pour la casse, les dégâts collatéraux, comme le dit si bien le commandant Wu.
- Est-ce à dire que celui dont vous parlez aurait été jusqu’à embaucher des nihilistes russes?
- Sa bande est interlope, internationale. Sir Charles a toujours su s’entourer des meilleures fripouilles. Il y met le prix et les gouvernements ne sont que des fantoches.
- Cela signifie-t-il qu’il s’intéresserait aussi à l’uranium congolais?
- Exactement. Mais il utiliserait cette arme comme chantage afin de rançonner tous les gouvernements occidentaux. Il tient les autres pays pour quantité négligeable. En réalité, c’est tout ce qu’il y a derrière Aurore-Marie de Saint-Aubain qui l’intéresse. Il croit dur comme fer aux pouvoirs des Tetra Epiphanes, pouvoirs qui leur sont conférés d’une part, par la chevalière de la baronne de Lacroix-Laval et, d’autre part, par le corpus des codex cléophradiens.
- Mais quels sont ces pouvoirs précisément?
- La faculté de se déplacer dans les histoires alternatives, la transdimensionnalité donc.
- Dans un but lucratif, je suppose puisque c’est un chef de la pègre.
- Tout à fait.
- Comment avez-vous appris tous les détails que vous me fournissez?
- Spénéloss est avec moi. Il possède les talents nécessaires pour déchiffrer les textes, lire les pensées et se projeter mentalement dans le passé des personnages ainsi sondés. Grâce à l’Hellados, nous savons présentement que Sir Charles Merritt a volé une bonne partie des codex lors de la cérémonie d’initiation et d’intronisation d’Aurore-Marie de Saint-Aubain présidée par Kulm, c’est-à-dire la nuit du 18 au 19 septembre 1877.
- Démoniaque! Jeta Pierre Fresnay tout en tirant sur sa pipe.
- Mais pour l’heure, heureusement, Merritt ne possède pas encore tout, reprit Tellier. Il lui manque quelques documents fondamentaux afin de réveiller toutes les facultés des textes. De plus, il est encore en quête de ces textes manquants, sur la piste de leurs propriétaires. Mon équipe va effectuer une petite expédition chez Lord Percival Sanders auquel Merritt a légué sa collection volée sans toutefois mettre au parfum le dandy décadent qui ignore donc tout de la malfaisance du scientifique. 
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- Que dois-je faire dans tout ça?
- Hé bien, poursuivez jusqu’en Afrique et retrouvez Lorenza et son époux avec Gaston et Dalio.
- Euh… Croyez-vous que Merritt ait l’intention de nous pister jusqu’au Congo?
- Pas personnellement. Mais la Wilhelmstrasse le fera à coup sûr.
- Cela nous fait une flopée d’ennemis. Quant à vous, Spénéloss et Guillaume, à quelle tâche vous destine maintenant Daniel?
- Suivre Sir Charles sur la trace des pièces qui lui manquent et le contrer n’importe où en Europe. Merritt ne s’aventurera pas plus loin, je ne sais pourquoi. Le commandant Wu pense qu’il cache un terrible secret qui lui interdit de se déplacer trop loin de ses arrières.
- Estimez-vous qu’il irait jusqu’à assassiner la baronne de Lacroix-Laval?
- Il en est capable si cela doit servir ses desseins. Mais de votre côté, que m’apportez-vous comme nouvelles?
- Rien que du tout bon. Zyeutez un peu.
Prenant soin qu’aucune présence inopportune ne les épiait de près, Pierre frotta subrepticement la chevalière en argent qu’il portait à l’annulaire droit. Alors, une projection holographique colorée apparut, dévoilant les structures du submersible en trois D, à une échelle d’un seizième. Comme un microscope à effet tunnel, la projection focalisa, parut zoomer, mue par la pensée de Fresnay, sur les détails les plus importants du sous-marin: équipement, moteur, composants des matériaux, poste de pilotage, armement, turbines, compartiments étanches, périscope, ballasts, etc.
- Plus fort que le Nautilus! sourit Tellier.
- Bien sûr!
Pierre Fresnay descendit jusqu’à l’échelle moléculaire, révélant l’improbable.
- Des nanites! Souffla l’Artiste.
- Des composants bio-informatiques plus exactement, répliqua Pierre. Mais voyez donc les torpilles, c’est encore plus extraordinaire.
- Des bosons et des tachions? Je ne me trompe pas?
- Pas du tout. Vous avez bien devant vous une intrication quantique.
Comme nous le remarquons les connaissances affichées par le comédien et l’ancien chef de la pègre de Paris n’étaient pas du tout celles de leur temps. Elles avaient toutes été acquises à Agartha City.
- Ce sont le baron Von Kulm et ses ingénieurs qui ont conçu tout cela.
- Donc, j’en conclus que ce pseudo baron n’est pas originaire du XIXe siècle.
- Et non plus du XXe, siffla l’Alsacien. Cette technologie me paraît helladienne, Castorii voire ast…
- Cessez donc là, Pierre, je les croyais disparus dans le gouffre du temps.
- Certes, mais on peut récrire l’histoire.

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Ambassade d’Allemagne à Paris. Alban de Kermor et Erich Von Stroheim avaient chargé Julien Carette qui acceptait volontiers les basses besognes et les tâches les plus ingrates de fouiner et de fouiller les poubelles de l’ambassade. Afin que sa couverture fût des plus crédibles, l’acteur s’était complu à composer un déguisement renversant. Maquillé en souillon, il s’était donné l’allure de Pauline Carton
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 à qui il avait emprunté quelques oripeaux. Il s’était donc chargé de la tournée des corbeilles à papier de chacun des bureaux de l’ambassade d’Allemagne à Paris, jouant en quelque sorte le rôle de celle qui, six années plus tard, dans une autre chronoligne cela va de soi, déclencherait l’Affaire Dreyfus. Pour l’heure, la tâche de Julien, aussi ingrate qu’elle parût, n’était point de dégotter les correspondances secrètes (et partiellement sentimentales, ceci conformément à une nouvelle lecture de l’Affaire faisant intervenir le facteur de l’homophobie), entre un attaché militaire allemand et son amant italien au sujet entre autres du frein hydraulique du canon de 75. Dans le cas présent, les personnages à surveiller par Carette étaient les deux agents du Kaiser, le tandem que nous connaissons bien, Oskar Von Preusse et Werner Von Dehner. Notre comédien patenté avait appris à faire le tri entre les boulettes de papier anodines et celles qui l’étaient bien moins comme les papiers pelure des machines à écrire. Il déchiffonnait puis photographiait les précieux documents à l’aide d’un baguier électronique à la technologie du XXIIe siècle ( objet breveté chinois, cela allait de soi). Ensuite, il rendait compte quotidiennement de ses trouvailles ou de ses fiascos à Erich ou à Alban.
Ainsi, Julien avait pu constater que, si notre paire d’espions venait d’essuyer un échec retentissant à Bonnelles ne parvenant pas à mettre la main sur les plans de l’armement du Bellérophon noir et le projet de bombe atomique, par contre, ils avaient réussi à établir leur propre carte géologique du bassin conventionnel du Congo, à déterminer également l’itinéraire d’accès le plus aisé, et à percevoir les subsides ultrasecrets de la Wilhelmstrasse pour monter une expédition armée dans les trois mois à venir.
« Mazette! C’est grave! Ces Boches sont plus avancés que prévu.»
Lorsque Erich prit connaissance desdits documents, grâce à une liseuse électronique miniaturisée mais dotée d’une loupe, il s’exclama:
« Sehr gut! Diesen Herren Von Preusse und Von Dehner sind sehr listige.
- Bien dit, souffla Julien. Vous avez raison. Ces deux lascars me paraissent de sacrés loustics. 
Erich reprit:
- Ils ont combiné l’itinéraire de Stanley de 1871 parti au secours de Livingstone avec celui de l’exploration dont le chargea Léopold II au futur Congo belge. Autrement dit, ils vont passer par Zanzibar et la côte orientale du continent africain- le futur Tanganyika, présentement l’Afrique orientale allemande en cours de colonisation- alors que…
Alban compléta:
- Alors que nos positions sont à l’opposé.
- Je ne pense pas que le commandant Wu acceptera de déplacer Benjamin et son équipe pour la bonne raison que Barbenzingue a prévu de débarquer du côté où ils ont établi leur comptoir.
- Je partage votre avis.
- Mein Gott! Julien vous êtes un espion hors pair.
- Pourquoi donc?
- Avez-vous déchiffré tous ces papiers?
- Non…
- Ah! C’est parce qu’ils sont en swahili et en arabe, sans doute…
- Ben ouais…
- Ces feuilles relatent les échanges de correspondance entre le sultanat de Zanzibar, Tippo Tip
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 et les esclavagistes arabes et la Wilhelmstrasse afin d’assurer le libre passage et les arrières de l’expédition allemande. Ils prévoient donc de fournir une escorte de porteurs, laptots et capitas pour seconder au mieux les soldats du Kaiser en cas de rencontre avec des tribus hostiles. Pour eux, ce sera une simple promenade militaire au contraire de Boulanger qui ne bénéficie d’aucun soutien logistique gouvernemental.
- Il aura même les tirailleurs sénégalais contre lui alors? S’exclama Carette avec jubilation. Si Raimu avait été là, il l’aurait traité de couillon. 
- Barbenzingue va devoir, au mieux, amadouer les garnisons des fortins congolais établis par Brazza ou au pire, les soumettre les armes à la main. Sans oublier les tribus sous les ordres du Makoko. 
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- Et le sergent Malamine tout dévoué au pouvoir légal républicain, émit Julien bien au fait de ses classiques de l’histoire de l’empire colonial français.
- Das ist nicht falsch, conclut Von Stroheim. Mais je croyais qu’officiellement, Malamine était mort depuis deux ans.
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-  Hé, seulement dans l’ex cours d’une Histoire différente de celle-ci ! Faut-il rappeler que nous agissons dans un temps dévié, disons-le indésirable ? reprit Carette.
- Soit, répliqua Erich. Je me range à l’évidence, dût-elle paraître absurde. Je manie encore imparfaitement les paradoxes. Il ne nous reste plus qu’à transmettre toutes ces infos à Daniel.
- Au plus vite, rajouta Alban. Julien, je te dirais que tu as bien mérité de la patrie, mais…
- Bah! Tu sais très bien que je m’en bats la jambe des colifichets.
- Jeune homme, je crois me souvenir que le roi des Français vous fit chevalier de la Légion d’honneur et que vous siégeâtes jadis à la chambre des Pairs aux côtés de Victor Hugo où vous eûtes à juger les tentatives de régicide contre Louis-Philippe.
- Ah! C’était en 1846, l’affaire de l’artisan Henri… mais dans une autre vie…

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Il baignait dans sa cuve sarcophage depuis toujours. Il y achevait son développement et sa morphogenèse. Ses prothèses locomotrices étaient déjà en place. Il n’avait pas réellement conscience de ce qui l’entourait. Pareillement pour son identité. Pour l’heure, son intelligence était réduite, presque à l’état végétatif. Cependant, cela ne l’empêchait pas de percevoir une altération de son environnement extérieur. Une agitation vague, des remuements, des stridulations, des crissements, des clameurs parvenaient à percer par à-coups les parois de sa matrice artificielle. Un signal bipa sur la console d’alerte de maintenance de sa cuve, semblant signifier qu’il y avait urgence. Une voix synthétique répétait:
- Alerte pourpre. Alerte pourpre. Danger! Danger!
Subitement, un phénomène se produisit, comme une ouverture de la poche des eaux. Une trappe apparut à l’extrémité inférieure du sarcophage empli d’un liquide nourricier. Des oscillations des trois dimensions extérieures à l’habitacle, au bord de la rupture, de la dissociation, imposèrent à l’instinct de la créature de s’échapper par cette issue providentiellement ouverte.
Cependant, les parois externes passaient au blanc, tandis que le signal d’alerte devenait mauve, signifiant l’urgence extrême. Il semblait que des fragments d’êtres fulgurants tentaient de se recombiner en une hâte désespérée alors que la lave envahissait tout, faisant s’évaporer les eaux de ce lieu souterrain. Le liquide devenait brouillard avant de disparaître sous la pression colossale du manteau lithosphérique qui repoussait et engloutissait tout le décor de ce centre ultrasecret de recherches.
L’évadé fut emporté, à peine réveillé, par un toboggan électromagnétique qui, à une vitesse vertigineuse, le transporta à travers des dédales de plastacier en voie de dislocation jusqu’à un micro vaisseau sphère. Lorsque l’astronef reçut le nouveau-né, il se dématérialisa aussitôt pour gagner un vortex.

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Côte de l’Afrique occidentale. A quelques encablures de l’Équateur.
Lorenza di Fabbrini était à la recherche d’un tube de pommade contre l’eczéma. En effet, le baron de la Renardière avait le visage envahi de boutons gênants. Cela le rendait de fort mauvaise humeur. L’ancien mousquetaire du roi Louis XIII tenait beaucoup à son apparence. Il rouspétait sans cesse.
- Ventrebleu! On me croirait atteint de la vérole.
- Gaston, ne bougez pas autant! Laissez-moi vous appliquer cette pommade.
- Encore faut-il que vous la trouviez, madame.
- Je n’en ai que pour un court instant. Mais qu’est devenue la malle verte?
La jeune femme sortit pour rejoindre la case où la pharmacie se trouvait. Elle fit quelques pas, bousculant quelques poules effarouchées qui émirent des caquètements de protestation. Elle n’en eut cure lorsque ses yeux se portèrent devant un des volatiles tout à fait inhabituel. En effet, un des gallinacés s’était métamorphosé en Shantungosaure et un autre en Confuciusornis, espèces de dinosaures et d’oiseaux primitifs mésozoïques chinois au plumage bariolé qui leur conférait une allure clownesque. Ils paraissaient se disputer une proie incongrue et leur attitude rappelait un combat de coq. Leur victime était un poussin de Microraptor gui encore une variété d’animaux disparus depuis des lustres, c’est-à-dire la limite K/T. 
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Lorenza ferma les yeux un court instant puis les rouvrit. Tout était devenu normal.
 Elle songea:
« Ai-je été victime d’une illusion d’optique, d’un mirage ou bien d’une interférence spatio-temporelle entre l’ère secondaire et ce 1888? Dois-je en parler à Benjamin? »
Le docteur préféra se taire sur cet incident. Elle entra dans la case comme si de rien n’était. Une fouille rapide lui permit de trouver la fameuse malle verte qui servait de pharmacie. Là, elle y dénicha la pommade désirée. Alors qu’elle s’apprêtait à sortir, elle fut brusquement stoppée sur le seuil car un soudain orage de grêle venait d’éclater alors que, pourtant, un instant auparavant, le ciel était parfaitement limpide, d’un azur profond.
La taille des grêlons avait de quoi effrayer quiconque. Ils oscillaient entre l’œuf de pigeon et celui d’Aepyornis! Lorenza prit peur. Cette fois-ci, elle ne pouvait plus mettre ce phénomène en doute. Quelque chose était bien en train de se produire, une manipulation à l’échelle quantique. La grêle tombait si drue qu’elle pouvait détruire le toit de chaume en quelques secondes. Le docteur prit le risque de sortir sous l’orage.
La jeune femme fit quelques pas mais la tempête cessa aussi soudainement qu’elle était apparue. Sur le sol de terre, nul grêlon. Elle avait produit l’effet inverse à celui escompté, voire contraire à toutes les lois de la physique et de la chimie. Non seulement la terre avait pris une teinte latéritique, paraissait durcie, solidifiée, comme s’il n’avait pas plu depuis des décennies, mais, en sus, elle était parsemée de micro cratères résultant d’une pluie de météorites. Toutefois, des flaques s’étaient formées mais, au lieu de l’eau pluviale attendue, elles contenaient de l’azote liquide, du soufre, du méthane et de l’acide citrique.
« Qui s’attaque à nous ainsi? Qui est capable de générer de tels prodiges? Il est urgent d’alerter Daniel ».
Le docteur di Fabbrini ferma les yeux et, se concentrant, envoya un message mental au Superviseur, message dont elle était certaine que celui-ci serait reçu immédiatement.
Effectivement, Daniel Lin le réceptionna alors qu’il était occupé à morigéner Deanna Shirley qui n’en faisait qu’à sa tête. Cette dernière exigeait instamment que le séjour à Bonnelles du commandant Wu se prolongeât afin qu’elle pût participer à la chasse au renard projetée par la duchesse d’Uzès, celle-ci ayant sollicité une autorisation préfectorale qui venait d’être accordée.  
- Miss, vous commencez vraiment à m’agacer. Si je n’étais pas un gentleman, je vous enverrais aussitôt paître!
- La fox hunt est une tradition britannique, commandant. Je tiens à l’honorer de ma présence.
- En chasseresse de treize ans, vous serez ridicule!
- J’ai appris à monter en amazone, monsieur!
Dans son coin, faisant semblant de lire une revue pour dames, Violetta ne faisait que pouffer tandis qu’Ufo, indifférent, se pourléchait une fois encore. Le chat venait d’avaler les deux œufs à la coque du petit déjeuner de ces demoiselles.
Alors que Deanna allait lancer une nouvelle pique bien sentie, elle remarqua l’air préoccupé de Daniel Lin. Cependant, O’Malley, ne sachant plus quel camp choisir, aboyait tantôt contre sa maîtresse, tantôt contre l’ex-daryl androïde.
- Deanna Shirley, ce n’est pas le moment d’envenimer cette dispute. Quelque chose de grave vient de se produire en Afrique. Lorenza est en communication mentale avec moi. Cessez donc vos jérémiades capricieuses.
Le Superviseur répondit par la pensée à la doctoresse.
- Les phénomènes que vous me décrivez rappellent fâcheusement l’antimonde de l’Ennemi.
- Ah! C’est-à-dire?
- Johann van der Zelden, l’entité qui se pensait la Mort, nous avait emprisonnés dans une autre histoire au sein d’une terre démentielle qui superposait plusieurs temps et plusieurs contrées.
- Je ne m’en souviens pas.
- Et pour cause. Vous étiez autre, ailleurs, à bord du vaisseau scientifique Langevin, qui venait tout juste de prendre contact avec le premier Albriss de l’histoire. Est-ce que ce chaos se poursuit?
- Oui, bien sûr. J’aperçois une végétation anarchique coloniser les entours de la forêt primaire.
- Aïe!
- Des plantes de plusieurs mondes et de différentes époques, des fougères, cycas, des angiospermes mauves et fuchsia prolifèrent comme sur Mingo, au milieu d’un buissonnement carbonifère. Cette végétation folle superpose plusieurs stades de développement, graines, bourgeons et cotylédons hypertrophiés côtoyant des troncs pétrifiés fossiles, des feuilles jaunies et séchées, avec des arbres en pleine croissance. Il s’agit en apparence d’une hétérochronie anarchique du développement échelonnant  plusieurs étages de l’histoire végétale d’au moins cinq planètes différentes.
- Bigre.
- Comme vous dites, Daniel.
- Benjamin, Gaston et Marcel voient-ils la même chose? Sont-ils en danger?
- Ils ne semblent rien voir et agissent comme à l’accoutumée.
- Au moins ça, souffla le Superviseur. Lorenza, poursuivez vos observations, j’interromps le contact mental. Je vous garantis que vous ne risquez rien pour l’instant. Celui qui s’amuse s’exerce en m’attendant. Oui, c’est moi qui suis visé.
Comme il l’avait dit, l’ex-daryl androïde cessa la communication et se plongea dans une méditation tourmentée.
« Je suis en train de tenter de rétablir l’œcoumène de la région sans aucun effet. Nom de Zeus ! Ce ne peut-être Johann van der Zelden l’auteur de tout ce salmigondis. Il n’a jamais existé, même à l’état de potentialité. Il n’était que le produit d’un de mes songes. Quant à Fu, la pseudo énergie noire, il en va de même. Alors, pourquoi? Ici? Maintenant? Je croyais en avoir bien fini avec tout cela… Dois-je réveiller Antor et lui demander conseil? Il a toujours été plus sensé que moi, plus mûr… ».
Cependant, en Afrique, Lorenza courait vers l’échoppe du comptoir en appelant:
- Mon chéri! Gaston! Marcel… n’avez-vous rien remarqué?
- Non, tout est comme d’habitude, fit Dalio qui se rasait.
Sitruk cirait ses bottes tandis que de la Renardière, impatient de retrouver un visage plus présentable, prenait le tube de pommade et commençait à s’en enduire abondamment.
De la lisière du bois s’éleva soudain une lamentation collective. Un chant de deuil traditionnel, prenant, d’une beauté aussi bouleversante que les negro spirituals. Une procession spectrale émergea de la forêt, flottant à quelques centimètres du sol, cortège de pleureuses en boubou ou en pagne, chasseurs scarifiés vêtus de dépouilles de fauves, griots, vieillards et forgerons qui poursuivaient leur thrène funèbre, escortant une civière de bambou sur laquelle reposait un cadavre innocent. La chose était à la fois surprenante et atroce. Le défunt avait la taille d’un nouveau-né. Il était d’ailleurs encore muni de son cordon ombilical. Mais, détail horrifique, ce bébé paraissait fripé, ratatiné, ridulé à l’infini, âgé d’au moins cent ans. Le cadavre arborait une barbiche blanchie par la senescence.
- Bon sang, cria Lorenza, personne ne voit donc ce qui sort de la forêt?

*************
Paul Meurisse, Emilienne Ermont et Francis Blanche s’attelaient à la corvée de leur rapport d’expédition foireuse, rapport destiné à leur chef, un certain colonel Blier, Bernard de son prénom, officiant au SDEC.
- Catastrophique et lamentable! Catastrophique et lamentable! Décidément, les gars, vous ne valez pas un clou! S’écria l’officier des RG. 
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Le bonhomme d’une haute stature et assez corpulent arborait une calvitie précoce. On lui donnait au grand maximum trente-cinq ans. C’était jeune pour le grade qu’il avait atteint. Des faits d’armes sensationnels durant la Seconde Guerre mondiale expliquaient son ascension fulgurante.
Pour l’heure, Bernard se trouvait à Ville-d’Avray dans un pavillon anodin qu’il avait loué depuis quelques semaines. Il s’était arrangé que sa moustache dite d’époque ne puât pas le postiche alors, que, en opération, celle et ceux qui servaient sous ses ordres avaient l’autorisation d’user d’instruments, de vêtements et de chaussures anachroniques. Le sieur Blier prétendait vivre bourgeoisement des rentes d’un petit héritage provenant de sa marraine bien aimée, Rose Delassus.
- Si vous voulez éviter qu’on vous saque la prochaine fois, apprenez à identifier l’entourage exact de cette sacré nom de duchesse!
Francis Blanche objecta: 
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- On ne pouvait pas deviner que ces Schleus moisis feraient autant preuve d’initiative.
Emilienne Ermont renchérit.
- Il y avait une donzelle incroyable, dotée de dons fabuleux. On l’aurait crue sortie d’un dessin animé de Tex Avery. J’ai pas fait le poids. Je me suis sentie bigrement humiliée, là!
- En attendant, nous nous retrouvons bredouille, Gros-Jean comme devant, observa Paul Meurisse. Se voulant positif, il ajouta cependant: il y a malgré tout une bonne chose dans notre déconfiture; les barbouzes du Kremlin n’étaient pas ici, en 1888.
- M’est avis qu’elles sont larguées, siffla Francis.
 - A moins que ce ne soient pas les plans qui les intéressent mais autre chose, avança le colonel.
- Qu’est-ce qui vous permet d’avancer cela, chef? Émit monsieur Paul.
- Ce que notre gouvernement veut, c’est une bombe performante pour faire la pige aux deux blocs. Nous sommes dans l’OTAN parce que nous n’avons pas le choix. Mais notre Président recherche avant tout l’indépendance de notre pays. Les Rouges s’en fichent d’une bombe A par anticipation à la fin du XIXe siècle parce qu’ils ont déjà soutiré tous les secrets nécessaires aux Amerloques par leurs espions taupes patentés. Or, ils commettent une grave erreur. Le cours de l’histoire peut être modifié et nous risquons tous l’effacement si nous échouons ici et maintenant.
- Marie Joseph! Jeta Francis Blanche. Je ne l’avais pas vu ainsi.
- Ben oui, Francis…t’es un demeuré ou quoi? Si on loupe, on n’existe pas… ou alors, nous sommes différents et nos mémoires ne sont pas les mêmes…
- Où c’est que t’es allée pêcher tout ça? Grommela Paul. T’en a plus que prévu dans le ciboulot.
- Je suis pas idiote. Je joue les oies blanches.
- Les petits, je vous rappelle à l’ordre. Je sais que les Russes ont un service secret dans les services secrets et qu’ils peuvent nous avoir infiltrés. Ils ne sont pas si largués qu’on le croit. Nous avons un moyen de déplacement dans le temps grâce au grand chef dont je dois taire le nom. Eux aussi assurément.
- Ah! Mais pourquoi, dans ce cas, on n’est pas encore tombés sur eux? Remarqua Paul Meurisse.
- Ils doivent avoir de fausses identités. Émilienne, cette donzelle, tu peux me la décrire?
- Euh…Euh… une gamine avec de longs cheveux noirs, un peu une Scarlett en miniature… mais elle sait se battre d’une manière tout à fait fantastique. Plus forte qu’une judoka accomplie. J’ai cru, mais ça devait être un effet d’optique, que ses bras s’étaient fichtrement allongés. Comme ceux des gibbons.
Francis Blanche interrompit E.E.
- Dans le parc, j’ai été attaqué  par un chien. Son maître est aussitôt intervenu.
- Ah! Oui… J’ai dû l’assommer ainsi sauver la mise, compléta Paul.
- Le type avait une tête qui me rappelle quelqu’un… ça fait longtemps… une ressemblance avec un acteur de cinéma… avant-guerre… on n’a plus eu de nouvelles. C’était pas un collabo, ça c’est certain…
- Il ne fait pas partie de l’OSS, je l’aurais identifié tout de suite, siffla Meurisse.
- Donc, la fille et ce type-là ne sont pas des Soviétiques.
- Exact. Pas le moindre accent slave.
- Alors, à qui avons-nous affaire?
- Des Français… du futur? Hasarda Émilienne.
La jeune femme poursuivit à haute voix ses suggestions.
- A mes yeux, ça tient la route, des Français du futur. Ils ne veulent pas nous contrer mais mettre des bâtons dans les roues à Georges Boulanger.
- Bien… tu fais des progrès, ironisa Bernard.
- En attendant, qu’est-ce qu’on fait chef? Insista Francis.
- On se fait discrets, on observe et on attend le moment propice pour agir.
- Je n’aime pas ça, grinça Paul… Avez-vous jeté un coup d’œil à la presse de ce jour, patron?
- Ouais. Ils annoncent sur huit colonnes un duel nouveau genre sur le Champ de Mars, deux bonnes femmes vont s’affronter au pistolet, dont l’une est une copine de la duchesse d’Uzès.
- Ce raout aura lieu mardi prochain. Tout le faubourg Saint Germain y sera….
- La crème de la haute, Francis, articula le colonel. Des nobles en veux-tu en voilà, du fric, des calèches, des chevaux, des victorias, des uniformes et des falbalas… nous nous fondrons parmi la foule. Compris E. E.
- Oui, chef, opina l’espionne.
Avec un sourire qui en disait long, Bernard Blier congédia alors ses agents. Un plan mûrissait dans sa tête. Il se méfiait grandement de madame de Saint-Aubain.

***************

L’aube…l’aube du grand jour, enfin ! Ce mardi fatidique ! « Sera-ce la dernière fois, mon dernier lever de soleil, l’ultime matin d’une brève existence ? » s’inquiétait Madame la baronne.
A dix heures… le spectacle, si l’on pouvait désigner ainsi ce belliqueux étalement d’ire mondaine, se tiendrait à dix heures, jeux du cirque décadents et sublimes pour une unique représentation qui, en principe, devait prendre fin au premier jet de sang.
A l’ombre de l’affreuse tour de fer encore en construction, les charpentiers préposés à parfaire cette mise en scène tragique en plein Champ de Mars avaient jà achevé de monter les tribunes. Ils avaient besogné toute la veille, puis prolongé leur activité au-delà de la mi-nuit… Grâce à l’entregent de Madame de Rochechouart de Mortemart, le préfet de la Seine, Monsieur Poubelle, et le préfet de police, Monsieur Lozé, un moment tentés d’interdire ce duel, dans la grande tradition répressive d’un Cardinal de Richelieu, avaient cédé de bonne grâce, au grand dam de Monsieur Floquet, président du Conseil. Il leur fallait éviter le scandale et si possible, une nouvelle manifestation bruyante du parti boulangiste. Aveu de faiblesse ?
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Rien ne devait manquer : Madame la duchesse avait pourvu au nécessaire, allant jusqu’à louer les services de bonimenteurs, d’hommes-sandwichs et de camelots d’habitude préposés aux campagnes électorales tapageuses du brav’ général. Les abondants capitaux dont disposait sa bourse, grâce à Kulm, brasseur d’affaires né, avaient permis en outre d’engager, contre d’excellentes espèces d’or sonnantes et trébuchantes, des clowns marchands ambulants chargés de proposer à un public avide de grand guignol de quoi détendre l’atmosphère : bonbons acidulés, croissants chauds, rafraîchissements limonadiers ou chocolatés, beaux ballons aux vifs coloris, mirlitons ou sifflets propres à séduire les enfants de ces Messieurs et Dames du Jockey Club et des salons. 
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On louait d’abondance, à l’envi, longues-vues, lunettes et cornets acoustiques pour un sou, afin que les sens défaillants de par la vastitude du terrain ou l’élévation de cet échafaudage de bancs, de marchepieds et de fauteuils ne manquassent aucun détail de cet affrontement d’exception – qu’il fût cruel ou pitoyable. Quel qu’en eût été le résultat, le succès était assuré d’avance et tout le monde en aurait pour son argent.
Le service d’ordre n’avait pas été oublié dans l’affaire :  aux cordons de sergents de ville chargés de canaliser d’éventuels débordements de la foule populiste, Hermann Kulm, décidément fort malin, avait ajouté d’impressionnants turcos de près de six pieds chacun, aux habits de zouaves baroques et à la chechia écarlate afin qu’on les vît du plus loin qu’on pouvait. Leur présence valait avertissement aux partisans de Yolande de La Hire, s’il leur prenait la velléité de contester une éventuelle victoire de la championne de la Revanche.
Dessinateurs, aquarellistes, échotiers, gazetiers et photographes se tenaient prêts, debout, outils de travail en mains. Parmi eux, une dame avait dressé son pupitre, prête à croquer au fusain cette scène : Madame Louise Abbéma. Œuvrait-elle pour la postérité ou pour une simple obligation alimentaire, espérant que son dessin fût publié au prochain supplément illustré du Petit Journal ? Les ragots, et ceux qui étaient au courant de ses tendances, affirmaient que la peintre – par trop souvent vouée aux basses besognes de la réclame, même si elle s’en tirait avec un brio de chromolithographe– espérait en échange obtenir de bien particulières faveurs de la part de Madame la baronne de Lacroix-Laval, si toutefois son dessin l’agréerait. Pourtant, Boni de Castellane, fort bien renseigné par la rumeur lyonnaise, avait fait comprendre à Madame Abbéma
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 qu’elle était trop âgée pour que ses appas intéressassent la poétesse. « Si, à la rigueur, vous eussiez conservé par miracle la juvénilité d’une amie-enfant de mister Lewis Carroll… » lui avait écrit l’extravagant dandy.
Lorsque la voiture d’Aurore-Marie parvint en la place – en esthète qui savait se faire désirer et prier, Madame de Saint-Aubain avait demandé à son cocher, Gustave, de ne point forcer l’allure des pouliches balzanes afin que l’équipage parvînt juste cinq minutes avant que les hostilités ne se déclenchassent – des exclamations de joie et des applaudissements retentirent des tribunes bruissant d’un emplumé et chapeauté public tout acquis à la cause de Madame la baronne.  Il y eut force vivats, mais aussi saluts de huit-reflets, hourras, acclamations de cannes et d’ombrelles qui tintèrent, volèrent et cliquetèrent en ce matin ensoleillé de mai.
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Tout ce que Paris et ses faubourgs huppés comptaient de monarchistes, de boulangistes et de réactionnaires était là, s’étant donné rendez-vous et avait opté pour les plus précieux atours de ville réservés par habitude aux courses d’Auteuil. C’était comme une volière jacassante, un caquetage de basse-cour, un jaillissement continu de coquericos outranciers et cocardiers, une théorie de jactances et d’éructations, un capharnaüm de bariolages, une monstrueuse parade de paons fats échauffés par la saison des amours, un ouragan dévastateur de chamarrures, de plumes, de joyaux, de broderies et d’étoffes, un déluge de Deucalion de monocles, de lorgnons, de besicles, d’épingles de cravates, de bagues, d’oignons, de châtelaines, de sautoirs, de bâtons de chaises, de cigarillos, de pommeaux de cannes d’ivoire, d’argent, de cristal, de cabochons gemmés et de bronze doré à la Rodin, Frémiet ou à la Barbedienne, parfois équestres, animaliers, d’autres fois étrusques, chinois, donatelliens, celtiques ou interlopes, et d’éventails de soie, de percaline, de toile de Jouy, de point d’Alençon ou d’organza, certains griffés feu Monsieur De Nittis, une déferlante fanfrelucheuse entrecoupée cependant çà et là des touches plus austères des fracs noirs quoique certains de ces messieurs eussent opté pour la décontraction sports du chapeau de paille et du panama. Improbable appariement du jansénisme bourgeois à l’exubérance des courtisanes. Se faire remarquer de Madame la baronne afin d’entrer en ses faveurs, en son club, en sa coterie, tel était le principe.
Il y avait sur place de nombreux sparnaciens, comme attirés par la proximité de leur nom avec celui du courant esthétique dont se réclamait la poétesse. Des gens étaient venus avec armes et bagages, en famille et marmaille braillante, jusque de Vesoul, de Nancy, d’Epinal ou de Belfort, leur présence rappelant que la ligne bleue des Vosges était suffisamment proche de leurs pénates pour que tous les partisans d’Aurore-Marie se souvinssent de leur premier devoir : la récupération des provinces perdues. Tous ignoraient bien sûr les préparatifs secrets pour l’Afrique, mais si chacun eût pris la peine de bien regarder qui était son voisin, on aurait pu déceler la présence de quelques agents de la Wilhelmstrasse disséminés parmi les spectateurs bonhommes. Le meilleur camouflage, c’est la multitude, aurait aimé à leur rappeler Erich Von Stroheim, s’il avait servi explicitement leur cause.
En ce cirque Barnum de plein air, sorte de Jardin d’Acclimatation pour perruches bariolées et criardes, pour femmes-poules ou femmes-caniches et pour sinistres noirs corbeaux et choucas de la Revanche, Aurore-Marie parut hésiter un bref instant. Non pas qu’elle craignît de souiller sa toilette : elle avait tranché en faveur d’une robe de jour, assez simple et seyante, de promenade, rayée de vert jade et de cramoisi, mêlant soie, satin et bengaline, avec un froufroutement ourlé de dentelles d’une traîne parfaitement étudiée aux revenez-y très Louis XVI, robe superbe qui s’achevait par un mignard pouf de velours lilas brodé de petits bleuets d’une ampleur si conséquente qu’on eût pu s’y asseoir. N’omettons point la coiffe, sorte de toque d’astrakan à la doublure brochée, sans ostentation aucune à l’exception d’une aigue-marine enchâssée juste au frontal et d’une plume de faisan, d’un coloris que le XVIIIe siècle, avec son franc-parler, qualifiait de merdoye. Par-dessus le corsage, auquel elle n’avait point oublié d’épingler l’œillet rouge de son parti, Madame la baronne avait enfilé un spencer fourré chamois bordé de ganses, à brandebourgs chinois et à ruchés ton sur ton. A son cou brillait une améthyste, en lieu et place de l’habituelle intaille, et à son annulaire gauche, la si redoutée chevalière tétra-épiphanique étincelait d’éclats troublants, comme galvanisée par ce printanier soleil digne de celui d’Emèse qu’adora Héliogabale le tant maudit. Car Madame avait pris soin de se déganter une fois descendue de voiture, ôtant prestement cette longue et effilée parure de peau de teinte ébène, en un geste d’une élégance volontariste qui rappelait Charlotte Dubourg.
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La cause de l’hésitation d’Aurore-Marie était fort simple : elle craignait d’une part que Yolande et ses témoins se fussent défilés et d’autre part, jamais de sa vie elle n’avait manié d’armes à feu, leur préférant la subtile et inégalée traîtrise féline des épingles à chapeau et accessoirement la ciguë…
Son regard d’ambre scruta la tribune, puis le Champ lui-même : son fin visage diaphane ne tarda point à s’éclairer d’une expression que l’on appelle communément ouf de soulagement à défaut d’autres mots moins triviaux. L’adversaire était jà là.
Yolande de la Hire était arrivée la première, vêtue d’une houppelande rouge aux revers à la Russe, se contentant d’un simple cab en forme de boghei : quelques applaudissements en sa faveur, provenant d’un groupe d’aficionados féministe minoritaire porté sur un saphisme plus républicain qu’aristocratique,  avaient été vivement noyés, étouffés, engloutis par des rumeurs et des « Hou ! Hou ! » haineux. C’était à croire que Kulm avait acheté toute une claque de café-concert au service de son égérie.
Un petit vent frais fouettait les joues des deux duellistes, empourprant encore davantage la carnation rosée de notre poétesse. Le sang afflua en celles de la baronne, brusquement vivifiées, comme si elle eût vidé d’un trait une liquoreuse mignonnette de curaçao. Ses longues boucles anglaises ondoyaient sous la brise malvenue. Les rayons du soleil semblaient l’aveugler : déjà assez haut, Phébus frappait ses prunelles et sa tête opaline. Quelques passereaux se faisaient çà et là entendre, menues alouettes esseulées, moineaux friquets et mésanges charbonnières au plaintif pépiement de quasi désespoir. Les graines manquaient-elles donc à ces piafs parasites ?
Les témoins se serrèrent la main. Etait-ce convenable, conforme aux règles ? En toutes mondanités, Hermann Kulm et Paul Déroulède usèrent du shake hands : José Maria de Heredia et Paul de Cassagnac
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 étaient de leurs amis-ennemis, appartenant à cette clique instituée que l’on ménage publiquement avant toute attaque indirecte par presse interposée, grâce à la plume acerbe de stipendiés thuriféraires courageusement anonymes.
Puis vint la présentation des pistolets par l’arbitre, Monsieur de La Houssaye. Les deux armes de poing, d’un modèle à percussion désuet remontant à Louis-Philippe, reposaient dans un écrin de laque et de santal à l’intérieur doublé de velours d’une teinte gorge-de-pigeon.
Aurore-Marie ne semblait pas écouter le docte juriste rappeler les règlements de distances à respecter, de nombres de pas, de tir, de constatations de blessures etc. Elle paraissait rêvasser comme habitée par son accoutumée songerie créatrice. Ses doux iris avaient l’air de supplier qu’on la ménageât, qu’on la mignotât encore un instant. Ses grands yeux aux paillettes citrines se perdaient vers les tribunes dégorgeant d’une milliasse vouée au voyeurisme, tentant d’y distinguer ses amis Georges, Gyp, Alfred, Marguerite surtout… sans oublier la duchesse qui s’investissait tant pour la Cause, Monsieur Anatole France qui flirtait encore avec ce milieu, Rochefort l’intraitable et tant d’autres… Madame eût voulu posséder une paire de lunettes au fort grossissement afin de mieux appréhender ses commensaux. Elle eût pu aussi reconnaître ces étranges personnages perturbateurs, ces comédiens venus d’ailleurs, Louis Jouvet, Carette, Michel Simon, Gabin… mais aussi le capitaine Craddock – qui pestait comme de coutume parce qu’il se trouvait mal placé pour jouir de l’entièreté du spectacle – et cette greluche de Betsy O’Fallain, cette gueuse protégée voire choyée par sa protagoniste… Même Violetta et Deanna Shirley étaient là et se crêpaient le chignon : c’était à celle qui avait la toilette d’adolescente la plus tapageuse. Daniel s’en fichait bien, préoccupé par la nature de l’Entité qui là-bas, en Afrique, déréglait tout, favorisait ici peut-être les plans des Tétra-épiphanes, Entité indéchiffrable dont Georges Boulanger, Madame de Saint-Aubain et la duchesse d’Uzès, étaient des marionnettes inconscientes. « Ce ne peut être ni Fu, ni Johann… se répétait le commandant Wu. Ils sont dans les limbes des potentialités indésirables et inengendrables. Ils n’en sortiront pas. Je ne capte aucune présence de l’Inversé et ce, depuis le début… Lobsang Jacinto, Lorenza et Spénéloss ne sont pas plus avancés à son sujet. »
Pour rassurer Madame, les œillets de ses amis et partisans l’emportaient indubitablement dans ces tribunes. Cela faisait au loin comme un piquetage quasi infini de points rouges, une moucheture de rosettes d’un nouveau style, comme un liseré vermeil, une charmille pourprée, une tavelure de sang transsubstantié qu’un ligueur fanatique d’autrefois eût extrait d’un pressoir mystique, un divisionnisme, un pointillisme écarlates, comme autant d’insignes de croisés des temps modernes.
Abondance de la fleur de ralliement ? Pourtant, on en manquait ; la production avait du mal à suivre. Les cours montaient aux Halles. Les mercuriales s’affolaient, prises de frénésie, comme si elles eussent été atteintes du haut mal. Tout le marché de la fleur coupée fut touché par une fièvre spéculative effrénée. On aurait coté et joué l’œillet en bourse si c’eût été possible, faute de pouvoir spéculer sur l’action Boulanger elle-même.
C’était pourquoi certains laudateurs zélés du brav’général avaient poussé l’audace jusqu’à épingler à leur boutonnière un œillet artificiel. Des bouquetières accortes n’hésitaient pas à bousculer et houspiller les clowns de louage pour se porter en avant du chaland, dans l’espoir de rallier des partisans supplémentaires à la Cause déjà profuse parmi celles et ceux du marais qui n’arboraient aucun insigne.
Un chansonnier entonnait des refrains en circulant dans les estrades. Vêtu comme un pioupiou, anticipation du comique troupier à la Gaston Ouvrard, 
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  il arborait cependant une barbe à la Léo Campion. Un limonaire l’accompagnait, actionné par une Gitana noiraude, déguenillée et hectique d’une laideur simiesque de Vierge Rouge de la Commune bronzée chez les Kanaks. Cet écornifleur reprenait En revenant de la revue de Paulus et Les fœtus de Mac-Nab puis poussait le culot jusqu’à en proposer les partitions et les paroles à la vente comme un archaïque colporteur. Il puait l’absinthe, le camembert coulant ammoniaqué et le mauvais cigare.
Les Augustes parcouraient inlassablement les tribunes, parfois rabroués, parfois bienvenus. Ils marmottaient sans conviction des « Bonbons acidulés, cacahuètes, beaux ballons, caramels mous, verres de coco, croissants, chocolat, limonade ! » « Ils sont chauds mes petits pains, ils sont chauds ! », croyant ainsi atténuer le suspense. Et la tension montait, inexorable.
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Lorsque Aurore-Marie empoigna la crosse d’ivoire et d’écaille de son pistolet, son aplomb lui parut un instant faiblir tant l’objet pesait. Elle fléchit. C’était pourtant un magnifique travail d’armurier, au canon en acier poli. La poétesse se décida : elle tirerait de la main gauche, celle de la chevalière du Pouvoir…
Les deux jeunes femmes se saluèrent avec plus de crânerie que de courtoisie. Yolande de La Hire paraissait une vraie girafe en face de la baronne. Sûre d’elle-même, la journaliste féministe ne pouvait masquer une expression de fierté tout en secouant ses mèches brunes négligemment dénouées. Elle avait du cran et du pep, comme Michel Simon l’affirma à ses copains, pour se mesurer à un elfe riquiqui soutenu par les quatre-vingt-dix-huit centièmes des spectateurs, cela allait sans dire.
Des lazzis et des quolibets fusèrent parmi la clique étrécie de la brindezingue longue comme un jour sans pain, aussitôt recouverts par les encouragements des boulangistes à leur mignonne muse. Les partisans de Yolande avaient tenté de faire valoir qu’avec une taille pareille, Aurore-Marie ne pourrait toucher leur championne qu’à la cuisse voire au pied tellement elle paraissait minuscule à côté de leur bringue égérie. Il y eut des paris, parfois osés (c’était à qui se proposait en cas de victoire d’une ou de l’autre ennemie, de partager sa couche), tandis que chacune, dos contre dos, se disposait puis commençait à compter les pas à l’opposé l’une de l’autre.
La baronne était à la peine : son faible bras fatiguait et elle se mit à toussoter. La crosse du pistolet était plus grosse que sa paume délicate. Elle n’avait point fumé depuis trois jours. Il lui fallait en finir avec ce duel, ce contretemps digne d’une pantomime des fâcheux. De plus, sa main était grasse, du fait qu’elle l’avait enduite à potron-minet, comme de coutume, d’une de ses pâtes de beauté parfumées à la rose. Madame aimait à soigner ses mains, rappelons-le. Elle y consacrait chaque matin un bon quart d’heure.
Le ciel s’obscurcit soudain. Sans crier gare, une brève ondée mouilla les deux adversaires, comme si un dieu courroucé et irascible les eût voulus mettre en garde de ne point violer le Décalogue. Ce fin crachin, fort malvenu, provoqua chez la poétesse un accès de quintes. On la crut nauséeuse. Dans son journal, Léon Bloy noterait : « C’était à croire que cette jean-f. de salon allait dégobiller. » On craignit la pâmoison de la frêle enfant. En face, la journaleuse était en pleine forme.
Mais Madame sut se ressaisir lorsque Monsieur de La Houssaye ordonna de stopper. Les deux femmes se retournèrent vivement et pointèrent leur canon l’une vers l’autre. Aurore-Marie tremblait de trac comme le capitaine anglais de la fameuse scène du duel du roman de Mister Thackeray, Barry Lyndon, un des fleurons de sa bibliothèque. Pour la deuxième fois de sa vie (car, nous le verrons, Yolande affirmait la vérité, une première fois avait déjà eu lieu), elle s’apprêtait à attenter à la vie de quelqu’un.
Yolande de La Hire brandit franchement le pistolet en direction de la baronne de Lacroix-Laval puis parut hésiter. C’était une arme à un seul coup, non rayée, et il ne devait y avoir qu’une seule balle tirée par chaque duelliste. Peut-être son esprit était-il envahi de scrupules… Aurore-Marie paraissait si menue, si fluette, si pitoyable ! Si belle aussi… Yolande commit l’erreur de sous-estimer son adversaire, perdant de précieuses secondes. Elle voulait tirer au jugé, mais n’osait. Ces secondes d’atermoiements parurent s’étirer comme si le temps – mais de quel temps parle-t-on ?- avait été doté de propriétés élastiques. Qui était responsable de ce phénomène peut-être suggéré, subjectif ?
Un silence de mort succéda aux rumeurs de la foule, à peine perturbé par quelques roulades de merles et des roucoulements de ramiers. La pluie fine s’estompa, mais elle avait suffi à humidifier les vêtures des deux dames.
Le soleil perça, aveuglant le regard de la girafe brune tandis que Madame parut comme transfigurée, baignée par un halo surnaturel. En fait, toutes deux paraissaient perdues, comme désorientées, ailleurs, absentes, flottant, fluctuant hors de la Réalité, réduites à une échelle subquantique, mais aussi infiniment vaste, comme si elles eussent été transportées en les Cieux par une Ennéade de psychés jusqu’au giron du Logos suprême. Croyant revivre une nouvelle expérience de décorporation, Aurore-Marie commença à murmurer la prière rituelle de son dieu :
« Dans le Un se tient Pan Zoon… »
La chevalière, la chevalière bientôt lui sembla phosphorer, habitée par une énergie nouvelle, fulgurante. Cette énergie, émanant de Pan Logos lui-même, prenait les commandes de son esprit, de son noûs et de son organisme. Sans qu’elle sût comment, sans qu’elle l’eût ordonné, téléguidée par la Volonté suprême, sa main gauche, qui tenait toujours l’arme, appuya sur la détente. Le chien s’abattit. La capsule du mécanisme de percussion, qui remplaçait l’antique système du silex, s’enflamma, provoquant l’ignition de la poudre et propulsant la balle de plomb. Il y eut comme un trait de feu, un éclair jovien d’une luminosité de premier instant de l’Univers… suivi d’une douleur atroce. Les deux femmes avaient tiré en même temps. Des images de cette nuit initiatique horrible de Cluny du 18 au 19 septembre 1877 passèrent dans la tête de Madame, comme un mauvais songe peint par Füssli. Aurore-Marie sombra dans les limbes d’un au-delà improbable.

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Ce fut son bras, traversé de lancinants élancements, qui la réveilla.
« J’ai mal ! J’ai grand mal ! » Geignit-elle.
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Elle entendit des voix, comme assourdies, comme si elle eût baigné dans une eau glauque et épaisse :
« Madame est réveillée ! Madame est sauvée ! »
Aurore-Marie ressentait alternativement une sensation de brûlure et des frissons. Sa tête flageolait. Ses oreilles bourdonnaient. Elle se tenait en position couchée, sur une espèce de civière, avec une couverture sommaire de laine semblable à un plaid.
La poétesse voulut redresser son buste. Aussitôt, sa douleur au bras gauche la reprit, lui faisant frôler une nouvelle perte de connaissance. Elle sentit une main gantée, une main féminine, approcher un flacon de sels de ses narines.
Au bout de cette main, un visage familier et une voix…
« Allons, ma poëtesse ! Ressaisissez-vous, pour la gloire et l’exploit que vous venez d’accomplir ! »
Il s’agissait de la duchesse. 
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Sa chair meurtrie la tourmentait ; elle cria, pleura et toussa, ce qui eut pour résultante de nouveaux élancements insupportables à ce bras malade.
« Du laudanum, vite ! Encore du laudanum ! » entendit-elle encore. C’était un médecin qu’elle ne connaissait pas. Pouvant avec grand’peine redresser la tête, les yeux comme embués par les larmes, des gémissements arrachés convulsivement de sa bouche par la blessure, la baronne parvint à identifier les lieux où elle se trouvait. On l’avait transportée dans une des salles de l’Ecole militaire.
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A son bras intact et nu, on enfonça l’aiguille d’une seringue de Pravaz. Madame couina comme un rongeur en détresse. Ce qu’elle endurait était aussi pénible que ses douleurs puerpérales ou que cette césarienne funeste de 1881, qu’elle avait supporté en bronchant malgré les produits alcooliques et l’éther qui l’avaient assommée. Sur sa civière de souffrance, en sa géhenne, en son corps torturé, elle put à peine conserver son entendement, voir et entendre ce qu’il en était.
Madame la baronne se sentait nue. Elle voulut se tâter, ce qui occasionna un hurlement. Elle fut secouée par un spasme, par une fulgurance et manqua choir de sa civière.
« Je n’ai jamais vu une aussi petite nature pour une si légère blessure. La balle n’a pas pénétré. Elle n’a fait qu’entailler le gras du bras, mais la patiente se comporte comme si on le lui avait criblé d’éclats de plomb, observa le médecin qu’accompagnait monsieur de La Houssaye. Certes, il y a eu hémorragie mais la faiblesse de ce cas clinique me paraît exagérée. Constatez par vous-même. »
« Une glace, une glace par pitié…réclama Aurore-Marie. Je dois savoir ! »
Ses lèvres si fines étaient sèches, presque enflées, comme gercées. Elle approcha de son regard la psyché qu’un infirmier lui porta. Ses boucles lui apparurent défaites, ses yeux cernés et rougis, son teint blafard. Tout le sang de ses joues d’habitude si rosées paraissait s’être évaporé. Elle parvint à voir son buste et voulut faire de même pour son bras. Il y eut un mieux, une rémission du mal : la drogue astringente commençait son effet.
On avait dévêtu Madame de son spencer et de sa robe. Aurore-Marie rougit de honte : elle se retrouvait exposée devant des hommes qu’elle ne fréquentait point, couchée, meurtrie, simplement en dessous ! Son cache-corset était légèrement déchiré et tacheté de sang au niveau de la bretelle d’épaule gauche. A force d’efforts réitérés malgré ses élancements et ses geignements, la poétesse parvint enfin à toucher le bras coupable. Une espèce d’appareil, d’attelle, maintenait en place le membre endommagé par la balle de Yolande de la Hire. Un épais pansement constitué de bandes de gaze et d’ouate compressait la plaie, sorte de grosse entaille, de fente où s’était épanché le liquide vital qui jà coagulait.
« Ma pauvre chérie, ma mie, allons ! Ressaisissez-vous ! » la cajolait la voix de la duchesse d’Uzès.
D’autres personnes entrèrent dans la salle. Un éclair de joie illumina enfin le visage tourmenté par la souffrance : « Marguerite ! Georges ! Soupira-t-elle. Oh, les jolis bouquets ! »
Boulanger et sa maîtresse déposèrent les fleurs – des roses blanches - sur un guéridon. L’infirmier fit signe de ménager la patiente. Il fallait attendre encore deux heures pour qu’elle fût transportable, pour qu’on s’avisât qu’elle pût tenir debout et marcher, soutenue, toutefois.
« Ma championne ! S’exclama, fort aise, Marguerite. Nous n’osons vous embrasser, sur recommandation de la Faculté mais le cœur y est, n’en doutez point !
- Le cœur, justement, insista Barbenzingue ! Sur le coup ! Vous avez occis cette perche, cette grue, sur le coup ! En plein cœur !
- Quoi ! Je…j’ai tué ! 
- La balle de Madame de La Hire vous a entaillé le bras, mais vous l’avez abattue roide ! Remarquable ! Reprit la duchesse.
- In…incroyable ! »
Elle pleura.
« Albin…il faut prévenir Albin !
- Votre mari a été informé par le télégraphe. Il sera là demain, ma chérie. » la rassura Madame d’Uzès.
Aurore-Marie murmura :
« Madame de La Hire…morte ! Ô dolor qui est mienne ! Comme c’est affreux ! Je n’ai pas voulu cela… »
Elle prit une pose méditative ; son regard orangé s’embrumait de tristesse.
« J’ai grand’froid et grand’soif, balbutia-t-elle à l’adresse de la duchesse. La plaie me brûle encor… Je suis bien dolente… Croyez-vous que d’ici à deux heures, je pourrais être en l’état pour que vous me rapatriassiez à Bonnelles ?
- Ma chère, ne vous en faites pas ! Montrez envers nous toute votre gratitude ! Nous vous avons commandé un tonique, un cordial, qui va vous remettre promptement sur pieds ! On va vous l’apporter tantôt. Il est à base de quinquina et de menthe poivrée et doit prévenir toute fièvre infectieuse. Vous en serez quitte pour deux mois de bras en écharpe et pour un bon repos ! Je ne crois pas que votre ambidextrie en souffrira : il vous reste toujours une main pour composer vos vers. Vous êtes jeune ; vous verrez comme vous cicatriserez vite ! D’ailleurs, l’infirmier va venir renouveler votre bandage. Ne vous montrez point douillette !
- C’est un infirmier militaire, se mêla Boulanger. Il vous panse son homme en moins de deux !
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- Qu’est-ce à dire ? S’écria Aurore-Marie, brusquement piquée. Me prenez-vous pour une fillette ? Je n’ai nullement besoin que vous me dorlotiez ! S’il s’était avéré qu’il vous prît l’envie de me bercer… Je ne suis point votre enfançon nonobstant ma silhouette !
- Cela ne sert de rien de sortir de vos gonds, ma chère, reprit la duchesse d’Uzès. Vous vous fatiguez. Prenez quelque guimauve : je déteste les cris. Cela gâte votre gorge. La ténuité du timbre vous sied mieux. J’avais oublié, veuillez m’en excuser – Gyp vous a bien jugée sur cet aspect – votre caractère trempé. Cela est bon signe, au fond ! La médecine agit efficacement contre votre blessure et vous recouvrez votre vivacité, le vif-argent qui fait votre charme… et se marie en parfaite harmonie avec votre douceur blonde…
- En vous cohabitent Euzébius et Florestan, remarqua Marguerite. Comme chez feu Monsieur Schumann, cet incomparable poëte de la musique. Echo elle-même n’eût point dédaigné…
- Madame, ma mie…répliqua Aurore-Marie de sa petite voix, d’un ton désespéré, et pleurnichard… Point de quitterie. Revenons-en à nos affaires… Ecoutez ma supplique. Soyez toute ouïe. Ne pensez-vous pas que ma meurtrissure va retarder nos plans ? Georges…vous devez appareiller sans faute à la fin de ce mois au Havre et…et… moi-même dois me rendre à Venise cet été…J’ai écrit à Monsieur D’Annunzio. Il m’a favorablement répondu et doit me remettre d’importants documents liés au secret gnostique que vous savez. Nous devons reconstituer les codex, tout le Pouvoir du Logos…
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- Encore vos chimères ! Songez plutôt à la gloire prodiguée par votre victoire ! Reprit Boulanger, hilare. Vous êtes devenue la coqueluche du tout Paris ! Des chansons vont circuler sur votre exploit et on les entonnera et jouera avec allégresse dans tous les caf’conc’ !  Toutes les gazettes sont à cette heure en train de concocter des articles élogieux ! Vous êtes assurée de faire la couverture du prochain supplément illustré du Petit Journal !
- Il suffit ! » L’interrompit la poétesse, d’un ton autoritaire.
Marguerite de Bonnemains eut le mot de la fin : 
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1a/Marguerite_de_Bonnemains.png
« Aurore-Marie a besoin de calme… Demain sera un autre jour et elle pourra oublier ses tourments et ses tracas dans les bras de son tendre époux ! »

A suivre...

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[1]    Voir le roman Le Tombeau d’Adam 3e partie : Le Jeu de Daniel.

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