mardi 18 novembre 2025

Café littéraire : romans de la rentrée littéraire 2025.

 

Café Littéraire d’Orange, exceptionnel, du jeudi 6 novembre 2025

Listes des livres lus et choisis parmi ceux sortis à la rentrée littéraire de septembre 2025.
Ils ont été présentés par des sympathisants du Café Littéraire, avec la complicité de La librairie Orange Bleue et son club de lecture l’A.D.N
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     « Toutes les vies »  – C’est un deuxième roman de Rebeka Warrior aux Éditions Stock, – Un livre écrit comme une partition, une belle histoire de couple, une belle auto-fiction.

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     « Quitter la vallée » de Renaud de Chaumaray, au Éditions Gallimard – C’est un 2ème roman  - Au cœur du Périgord, dans la vallée de la Vézère,  dans un lieu resserré, vert et minéral, Clémence et son fils trouvent refuge dans une maison isolée. Il est question de la disparition du garçon. Dans ce livre, trois destins, avec trois duos : le premier :  mère et fils, le deuxième : père et filles, le troisième : deux jeunes gens : lui, agriculteur, elle, une femme libre.
Les intrigues avancent. Suspense.  La fin nous révélera les liens entre les trois histoires.

Renaud de Chaumaray (auteur de Quitter la vallée) - Babelio 

     « Sous leurs pas les années » de Camille Bordenet aux Éditions Robert Lafont. Premier roman pour cette journaliste au quotidien « Le Monde ». Le thème : deux femmes « ennemies », l’une de la Capitale, l’autre de la Campagne.  Écriture vibrante.  C’est un coup de cœur de la lectrice.

 Camille Bordenet - Babelio

     « Monsieur Mouche » de Claude Alain Arnaud aux Éditions de la Dilettante . C’est un roman réjouissant qui prend le parti des opprimés. Il y a aussi de la vengeance dans « Monsieur Mouche », mais ce n’est pourtant pas son genre. Monsieur Mouche est professeur de français, qui ne ferait pas de mal à une mouche. C’est peut-être un ange gardien qui va s’occuper de le venger.

 Claude-Alain Arnaud (auteur de Monsieur Mouche) - Babelio

     « La maison vide » de Laurent Mauvignier aux Éditions de Minuit. Dans "La Maison vide", Laurent Mauvignier tisse l'histoire de  famille à partir de souvenirs récoltés, une fiction à partir du réel.

     « L’ADN fantôme - Quand l’invisible laisse des traces » de Benjamin Allegrini aux Éditions « Les liens qui libèrent ». Le domaine des sciences naturelles connaît une révolution sans précédent  grâce à l'ADN environnemental : à partir d'échantillons d'ADN prélevés  dans les milieux naturels, les scientifiques sont aujourd'hui capables de  saisir l'invisible et d'identifier tous les êtres vivants qui ont  traversé le milieu étudié. Une incroyable avancée qui permet un voyage  dans le temps et change radicalement notre rapport à la biodiversité.

     « France,  album de Famille » de Yann Arthus Bertrand aux Éditions  - Ces trois dernières années, Yann Arthus-Bertrand a promené son studio  itinérant aux quatre coins du pays et immortalisé pas moins de 30 000  personnes, en solo, en équipe ou en famille. Il offre un panorama en 800  photos, éclairées de légendes écrites grâce au travail d’Hervé Le Bras. 

     « Trois fois la colère » aux Éditions Le Sonneur  - Sixième roman de Laurine Roux.   C’est une fresque  médiévale où l’on suit le destin de trois enfants séparés à la naissance  et d’une myriade de personnages, dont la nature, à la fois symbole de  l’amour, de l’espoir et de la révolte. Tout en remontant la généalogie de cette histoire de pouvoir, de  vengeance et de justice au temps du Moyen-Âge, Trois fois la colère  s’empare de quelques-unes des questions qui taraudent notre modernité :  la domination masculine, le hiatus entre la justice et la vengeance, la  tension entre l’empire du passé et les identités à inventer.

     « La marchande d’oublies » de Pierre Jourde - Cette histoire se déroule à la fin du XIXᵉ siècle, dans le cirque, les  foires, les baraques aux monstres. Une famille de clowns-acrobates, les Helquin, quatre frères et leur sœur Thalia, donne des spectacles  macabres et inquiétants. Le benjamin, le plus doué et le plus violent,  perd la raison et disparaît. Tandis que Charles, un médecin aliéniste,  tombe sous le charme de la jeune sœur, et s’enfuit avec elle.

     « La bonne mère » de Mathilde Di Mattéo aux Éditions  Iconoclaste.   C’est un premier roman.  Un roman drôle. Il s’agit d’une rencontre en deux milieux.  « La bonne mère » a déboulé dans cette rentrée littéraire avec l’accent de Marseille collé aux pages. La mère, Véro, entière, excessive, sensuelle ; elle est droitière du  franc-parler et gauchère de la diplomatie. Sa fille Clara,  plus posée, plus cérébrale,est montée à Paris pour  intégrer Sciences Po et chercher son  indépendance.
Lorsqu’elle revient ce week-end là, c’est  pour présenter à ses parents son amoureux Raphaël. Un parisien  peuchère ! Immédiatement, Véro déteste tout de lui : sa façon de  s’habiller, de s’exprimer, de regarder. Elle l’appelle le girafon.Un  texte rafraîchissant, drôle qui sait tirer son épingle du jeu en  abordant des thématiques difficiles,  avec une fin délicate.

     « L’homme qui lisait des livres » de Rachid Benzine aux Editions Julliard. Après le succès de son roman « Les Silences des pères », Rachid Benzine  signe une fable délicate, poétique et engagée, c’est  l’histoire d’un libraire  à Gaza et, à travers ce personnage, l’histoire meurtrie d’un pays. À l’instar de « L’homme qui plantait des arbres » de Giono auquel il fait  référence dans son titre, Rachid Benzine propose avec clarté et  intelligence une fable contemporaine sur le pouvoir des mots face à la  barbarie.

     « Et toute la vie devant nous » de Olivier Adams aux Éditions Flammarion – Dans cet ample roman qui embrasse l’histoire de trois amis, Olivier Adam traverse les époques en faisant résonner l’intime et le collectif, et met au jour ce que l’amitié grave d’indélébile dans nos vies. Une approche sociologique de quarante années d’amour.

     « Haute folie » de Antoine Vauters aux Editions  Galimard -  Ce court roman est une maison de famille, une ferme, et le narrateur nous prévient dès la première page : "Toute notre histoire tient dans son nom". Cette  histoire, c’est celle de Blanche et Gaspard, de leur fils Josef, enfant  de malheur, né le jour où la ferme prend feu. C’est le début du roman :  un incendie, Gaspard y perd sa maison, une partie de ses bêtes, sa  dignité ; et quand pour survivre, il se met à chercher un nouveau  travail, il sera escroqué, humilié - bref, le voici porteur d’une  histoire familiale, qui est une malédiction.
Ce livre a fait l’unanimité au sein du groupe de lecteurs (ADN). « Une tragédie antique », dit l’un d’entre-eux. « Belle écriture ciselée - poétique ».

     « La collision » de Paul Gasnier aux Éditions Gallimard. C’est un premier récit, un roman bien ancré dans des problématiques de notre société. Dans « La collision »,  Paul Gasnier retrace la trajectoire d’un fils endeuillé par la mort  tragique de sa mère dans un accident de la route. En juin 2012, la mère  du narrateur, 54 ans, se rend à son travail à vélo.  Sur le chemin de son travail, elle est fauchée par un jeune  homme de 18 ans qui pilote une moto non immatriculée en exécutant une  roue arrière à 80 km/h. Récidiviste, sans permis de conduire, Saïd a  emprunté cette moto après avoir fumé du cannabis. « La collision » tient place à la Croix-Rousse à Lyon, un quartier apprécié pour sa mixité urbaine.  « Un texte intelligent, un joli témoignage ».

     « De l’autre côté de la vie » de Fabrice Humbert - Un homme parle. Il raconte sa fuite hors de Paris, avec ses deux enfants. La ville, en proie à la guerre civile, est en feu. Il  veut rejoindre une République du Jura sans doute illusoire. Dans un  pays dévasté par le conflit, sa seule mission doit être de préserver les  siens de la cruauté. La route, parcourue en voiture, à dos  d’âne et souvent à pied, sera longue. Elle sera semée de dangers  mortels, illuminée par la beauté de certaines rencontres. À travers  champs, à  travers bois, il tâche de se raccrocher à ce qu’il peut  conserver d’humanité et d’amour.
 Ce roman haletant aux allures  de conte ou de rêve évoque autant notre pays que l’itinéraire d’un homme  vers l’essence de  la vie.

     « Une pieuvre au plafond »   de Melvin Melissa - C’est un Premier roman – C’est le récit d’un couple, d’un trouple. Parmi les « déglingués » des Hauts-de-France, Sibylle et Simon mènent  une vie marginale, faite d'art et d'excès. Leur quotidien oscille entre  élans artistiques et angoisses du lendemain. Lorsqu'ils rencontrent  Haroun, leur relation prend un nouveau tournant : l'aventure d'un soir  se transforme en une passion dévorante. Ensemble, ils décident de former  un trio qui défie les normes établies.   « C’est un livre très lumineux ».

     « Au grand jamais » de Jakuta Alikavazovic  – La romancière, prix Goncourt 2008 du premier roman, décortique les mécanismes de la transmission à travers un portrait tout en délicatesse, plus vivant que jamais, de sa mère récemment disparue.
"À propos de ma mère, j'ai adopté une histoire, une esquisse de vie, et j'y ai adhéré. Cela m'allait." Mais que sait-on réellement de nos mères ? Dans Au grand jamais Jakuta Alikavazovic revisite son enfance pour tenter d'élucider l'énigme que fut pour elle sa mère poétesse. Un portrait hanté par les fantômes de l'exil doublé d'une passionnante réflexion sur les chemins détournés qu'emprunte parfois la création artistique.
C’est un roman sur l’identité, l’exil, la mémoire, la transmission.

      "La Nuit au cœur" de Natacha Appanah, prix Femina 2025 : « Il ne faut pas avoir peur de se plonger dans ce roman » nous dit Emmanuelle, notre libraire, même si le thème est difficile, ce livre est très important. » C’est une plongée vertigineuse dans l'enfer des violences conjugale À travers les destins croisés de trois femmes victimes de la violence de leur compagnon, la romancière de "Tropique de la violence" explore les mécanismes destructeurs de l'emprise dans son récit le plus personnel. Bouleversant.

                                                              *****

Annie Guillet, une habituée de notre  Café Littéraire, nous parle d’un film «  lumières pâles sur les collines » adapté du roman éponyme paru en 1982, de Kazuo Ishiguro, Prix Nobel de littérature en 2017. Ce nouveau film de Kei Ishikawa magnifiquement interprété par des actrices Suzu Hirose et Fumi Nikaido auxquelles on peut adjoindre Yō Yoshida et Camilla Aiko, dignes de Mizoguchi, dans une lumière et une photographie impériales dues à Piotr Niemyjski,  fait mouche.  A Man, Lumière pâle sur les collines, de facture presque académique, propose une histoire précise et efficace du Japon depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale à travers la terrible blessure de Nagasaki d’où viennent les personnages féminins du film. Un terrible choc pour ce pays allié jusqu’au bout des nazis, irradié par les Américains, et obligé de survivre à travers tradition et modernité. (article extrait de « Il était une fois le cinéma).

dimanche 9 novembre 2025

Etude en vert et jaune première partie : Vert. Chapitre premier (1).

 

Première partie : Vert


Chapitre premier

Le vaisseau translateur Le Celsius était sous tension, s’apprêtant à effectuer le saut transtemporel. Dans son tube de lancement, il était semblable à une ogive, s’adaptant en fait au décor qui l’entourait. 

 Description de cette image, également commentée ci-après

Sortir de la cité s’avérait toujours une manœuvre des plus délicates qui réclamait l’attention de toute l’équipe technique de l’Agartha. C’était pourquoi que ce fût à l’intérieur du vaisseau ou dans le centre de commandement, aujourd’hui sous la supervision de l’ingénieur Andrew Lane, chacun s’activait à des tâches spécifiques répétées maintes et maintes fois mais jamais routinières.

Dans la cabine de pilotage, les échanges concernant les ultimes contrôles fusaient à la cadence d’une mitraillette entre Sitruk aux commandes et Craddock, son second. Albriss avait en charge les communications entre le Celsius et le centre de décollage. Daniel Lin, quant à lui, se contentait de superviser le confort de l’équipe de tempsnautes.

- Relais OPR?

- Relais OPR sous tension, à 120% de leur capacité selon l’IA.

- Moteur central dévolu à la translation?

- OK. En attente de l’impulsion finale.

- Sustentateurs inertiels?

- Parés. Aucune défaillance à noter.

- Moteurs directionnels Alpha et Beta?

- Prêts!

- Moteur ionique?

- Benjamin, il n’attend que l’ordre de décollage, répondit Symphorien un rien agacé du respect de la longue procédure.

- Communications intra vaisseau?

- Au top, rugit Craddock, coupant la réponse d’Albriss.

- Ne vous montrez donc pas si impatient, capitaine, fit l’Hellados avec son calme habituel.

- Je ne suis pas allé en mission officielle depuis des lustres, mentit le vieux Loup de l’espace.

- Reprenons, fit Sitruk. Communications extérieures?

- Tout baigne.

- Encore? Constata Albriss. Décidément, capitaine, si vous voulez, nous échangeons nos postes.

- Relais transtemporels? Poursuivit Benjamin comme si de rien n’était.

- Opérationnels, si je dois en croire cette IA, jeta le Cachalot du système Sol.

- Parfait.

- Vous êtes parés pour le décollage, confirma Andrew Lane. À vous le compte à rebours final… Quand vous voulez…

- Compte à rebours… 10... 9... 8... 7... Égrena Sitruk.

Puis il poursuivit, tout entier à sa tâche.

- 6...5...4...3...2...1... Feu!

Dans un silence relatif, le Celsius s’éleva lentement à l’intérieur du long tube qui l’emprisonnait encore un court instant. Mais bientôt, il émergea du silo. Dans la carlingue, la pression était énorme mais supportable, les compensateurs inertiels fonctionnant efficacement. 

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Lorsque le temps prévu défini fut écoulé, le vaisseau se retrouva libre dans le vide de l’espace. Il put accélérer grâce au moteur ionique dont il était pourvu. Celui-ci avait pour but de le propulser à une distance raisonnable de la Terre au sein du Système Sol. Ce ne serait qu’ensuite que le moteur distorsionnel voué à la translation ferait son office.

Ainsi, aux yeux des deux pilotes, la deuxième phase du voyage n’était certes pas la plus ardue. Or, ils avaient tort. Pour Craddock, pourtant un baroudeur possédant une expérience de plusieurs décennies, c’était la suite qu’il redoutait. Un saut quantique transtemporel n’était pas de tout repos bien qu’il ne semblât durer qu’une fraction de seconde et que les officiers de bord connussent par cœur toutes les procédures à suivre pour mener à terme cette manœuvre délicate. Un micro poil d’approximation et il était alors tout à fait concevable que le Celsius se retrouvât dans le quadrant Beta de la Galaxie, à proximité de la planète mère des Haäns! Ou pis encore, au sein de l’Empire Asturkruk au milieu du XXVIIIe siècle. 

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Ainsi donc, aussi perfectionné fût-il, doté d’une coque extérieure métamorphe, supervisé par une IA quasi divine, le vaisseau n’en était pas moins un jouet entre les mains d’un hasard primesautier, espiègle, que ces petites vies avaient l’audace de braver.

Tous à bord avaient conscience de ce challenge. Saturnin, blême et suant, marmonnait une quelconque prière tandis que Julien Carette soupirait bruyamment, regrettant de ne pouvoir en griller une. Quant à Gaston de la Renardière, il affichait une belle indifférence et seule la crispation de ses mains dénonçait son inquiétude.

Deanna Shirley tentait d’éloigner les noires ailes de sa peur en papotant de tout et de rien avec Aure-Elise Gronet et Louise de Frontignac. Un peu en retrait, Violetta relisait les grandes lignes de la partie de la mission la concernant sur une tablette numérique transparente sous les yeux plus ou moins attentifs de sa mère le docteur di Fabbrini. Gwenaëlle se contentait de bercer Bart dont elle avait refusé de se séparer sous le prétexte que l’enfançon ne courait absolument aucun risque tant qu’il restait à proximité de son père. Daniel Lin n’était pas parvenu à la dissuader de laisser le garçonnet aux bons soins de Delphine Darmont et de Pauline Carton

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 restées toutes deux à l’Agartha.

Tous les humains et humanoïdes normaux focalisaient sur le saut transtemporel alors que le véritable danger résidait dans la sortie du Celsius de la Cité. Pourquoi donc?

Un brin de réflexion est ici nécessaire. Quand et où se situait précisément le Rot du Dragon? sur quelle chronoligne? À quelle intersection du Panmultivers? Ah! La réponse commence à se laisser entrevoir…

Toujours aussi détendu, comme pas concerné par la question, Dan El oeuvra sans effort à effectuer la transition entre la bulle atemporelle et a-Univers et la Supra Réalité au sein du Big Bang souhaité, sélectionné soigneusement, conduisant à la piste temporelle désirée dans laquelle l’équipe allait voyager. Nul ne se douta de  ses efforts pour permettre l’existence de cette dimension. Nul ne sut également que le moteur principal n’aurait eu aucune chance de fonctionner avec succès si le Préservateur n’y avait veillé personnellement.

Notre Révélateur était encore un adolescent âgé d’environ quinze années en termes humains, ce que savait pertinemment sa compagne, mais il avait appris la prudence. Ainsi, il savait faire taire ses instincts casse-cou, du moins la plupart du temps.

En fait, Dan El n’envisageait nullement que dans un lointain avenir les petites vies, hormis peut-être les citoyens de l’Agartha, et encore sous son contrôle, disposassent de la technologie temporelle ou transtemporelle. Il n’était pas question que Haäns, Castorii rebelles ou dissidents, Velkriss inconsolables de la mort de leur reine,

Description de cette image, également commentée ci-après 

 Asturkruks ou Helladoï et Humains jouassent avec les paradoxes et fissent se télescoper plusieurs chronolignes. Il avait vu ce que cela pouvait engendrer. Il avait connu et expérimenté la haine que lui vouaient les différents peuples de la Galaxie, à commencer par les calmaroïdes.

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 Et puisqu’il était l’Unique, il se devait de rester raisonnable, quoi que cela lui coûtât.

Juste à cet instant de ses réflexions, Sitruk éleva la voix.

- Moteur du translateur activé.

- Par la barbe du grand Coësre,

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 grogna le Cachalot de l’espace, que la providence fasse que notre saut s’effectue sans problème! J’ai horreur de me retrouver cul par-dessus tête! Poursuivit Symphorien, rêvant de regarder sa chère Gemma une ultime fois.

Celle-ci, à l’arrière, aidait Albriss à maintenir la liaison audio avec l’Agartha.

- Sacrebleu! J’ai les poils de ma moustache aussi humides que la grande mer océane! Se plaignit alors Gaston.

- Saut effectué, jeta enfin Benjamin avec soulagement.

- Foutre de foutre! Miracle! Les coordonnées correspondent pile poil! On n’a même pas cassé du bois. Je n’en reviens pas, s’exclama Craddock avec joie.

- Je vous tire mon chapeau, commandant, souffla Carette

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 à l’adresse de Sitruk.

Montgomery Clift put enfin s’éponger le front. 

 Description de cette image, également commentée ci-après

- Eh? Pourriez-vous me prêter votre mouchoir quelques secondes? Balbutia Saturnin de sa voix chevrotante. J’ai fait tomber le mien et mes jambes tremblent tellement que je n’ose quitter mon siège.

- Volontiers, répondit le comédien américain. Peut-être pouvons-nous fumer maintenant?

- Ouah! Ce serait une bonne idée! Lui fit chorus Julien Carette.

Les deux compères jetèrent alors un coup d’œil empli d’espoir en direction d’Albriss. Mais l’Hellados préféra ignorer cette requête explicite.

- Accélération à deux fois la vitesse de la lumière, ordonnait pendant ce temps Benjamin.

- Compris, commandant, répondit Symphorien.

- Quel splendide spectacle! S’extasia Deanna Shirley. Les étoiles filent à toute vitesse devant nous et spiralent en tourbillons lumineux du bleu vers le rouge. Quel effet! Je crois être assise dans un manège. Cela me donne envie de sucer un sucre d’orge…

- Comme si c’était le moment propice, jeta Violetta avec une pointe de mépris.

Juste à cet instant, Bart se mit à pleurer.

- Sans doute a-t-il faim, suggéra Lorenza.

- Non… il est … mouillé, dit Gwenaëlle. Il va me falloir le changer.

- Peu judicieux, remarqua Aure-Elise. Attendons d’avoir atterri.

- Mais il va montrer son mécontentement de plus belle si je ne le mets pas au sec, contra la Celte.

- Passe-le moi, commanda Daniel Lin. Je vais le calmer.

Gwen obéit. Effectivement, une fois dans les bras de son père, Bart oublia son inconfort relatif. Bientôt, il gazouilla, prononçant des petits mots, des sons qui exprimaient son contentement. Le jeune enfant, âgé de quinze mois, commençait à parler et savait dire maman, papa, veux, faim, soif, oui, non, et ainsi de suite.

 

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Le Celsius était désormais en approche de son objectif, la planète Terre de la chronoligne 1833. 

 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cb/The_Blue_Marble_%28remastered%29.jpg

Symphorien avait été remplacé par Albriss et Benjamin par le commandant Wu. Quant aux deux précédents pilotes, ils savouraient un repos plus que mérité allongé sur les couchettes de la cabine centrale. Le moteur ionique fonctionnait au quart de sa puissance et dans quelques secondes, le moteur d’appoint prendrait le relais.

- Coordonnées Alpha Charlie Tango en position, articula l’Hellados de sa voix monocorde habituelle.

- Je bascule sur le deuxième moteur, lui répondit Daniel Lin concentré sur sa tâche actuelle.

Ce que bien sûr son copilote ne pouvait savoir c’était que le Préservateur visualisait déjà la caravane avec laquelle son groupe ferait la jonction.

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 Cette caravane était dirigée par un certain Skander Ibrahim, un homme à la stature imposante et à la barbe noire lustrée, aux habits de laine imprégnés de poussière et de sueur, sentant le suint.

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 Le fier marchand pouvait rester vingt-quatre heures d’affilée juché sur sa monture, une chamelle de huit ans qui avait parcouru des milliers et des milliers de kilomètres. La bête avait son caractère. Elle n’acceptait d’être montée que par maître Ibrahim dont elle appréciait la poigne à la fois ferme et affectueuse. Sinon, elle blatérait et personne ne parvenait à la calmer. 

Description de cette image, également commentée ci-après 

« Ce marchand ne se laisse guère influencer par des sentiments humanitaires, pensait Dan El en son for intérieur en étudiant de près le psychisme du commerçant. Il me faudra jouer sur du velours et point trop en faire. De plus, il voudra recevoir son dû en privautés, notamment auprès de Violetta. Je m’arrangerai pour qu’il n’en ait pas l’occasion ».  

- Cible à deux cent mille kilomètres, rappela Albriss.

- Il est temps de mettre le vaisseau en orbite, répliqua Daniel Lin. Déphasage de la lumière de 0, 1%.

- Tant mieux, soupira Violetta Sitruk. Manquerait plus que nous soyons visibles!

- Bah! Quelle importance? Siffla Deanna Shirley. Nous passerions alors pour des djinns.

- Je ne pense pas que cela soit souhaitable, rétorqua Lorenza.

- Préparons-nous la navette Poincaré? demanda Carette. 

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- Pas pour l’instant. Je préfère faire atterrir notre vaisseau mère, répliqua le commandant Wu.

- Très bien, acquiesça Gemma.

- Ouille! S’exclama Saturnin, ne retenant pas un cri d’appréhension. J’aurais préféré une téléportation.

Disant cela, Beauséjour s’agita de plus belle sur son siège ce qui eut pour effet d’agacer Gaston de la Renardière et de tirer Craddock de sa somnolence.

- Ah! C’est intenable! Ce bougre de confiture moisie de pastèque m’empêche de me reposer, rouspéta le Cachalot du système Sol. Si je ne me retenais pas…

- Chut, mon ami, murmura son épouse, tentant d’apaiser le vieux baroudeur de l’espace.

- Je me demande pourquoi on s’est encombré de ce boulet, poursuivit Symphorien en trifouillant dans sa barbe.

- Oui, c’est bien vrai, approuva de la Renardière. Ce chevalier à la triste figure a peut-être la silhouette de Sancho Pança mais nullement son bon sens et son intelligence.

 

Sitruk qui s’étirait, ordonna:

- On se calme.

Julien Carette pinça alors ses lèvres tandis qu’Aure-Elise se mordit un ongle. La jeune femme détestait qu’il y eût de la discorde dans l’équipe. Son caractère doux et paisible souhaitait que la concorde régnât parmi les citoyens de l’Agartha.

Cependant, la manœuvre d’atterrissage du Celsius, plus qu’entamée, ayant atteint le point de non-retour, s’effectua sans problème malgré le sol accidenté.

- Tout est OK, nous pouvons ôter nos ceintures, dit Daniel Lin lorsque le vaisseau fut enfin immobilisé et les circuits coupés.

- Purée! Lâcha Craddock soulagé. Bravo, mon gars. J’ignore pourquoi mais chaque fois que vous prenez le pilotage, Daniel Lin, mon échine se glace.

- Un souvenir occulté d’une précédente vie qui tente de refaire surface sans doute, répondit le Superviseur général avec un brin d’humour.

Lui seul savait d’où provenait ce sentiment. Autrefois, dans une précédente chronoligne, Daniel Lin, mal en point, avait cassé du bois en ramenant le Vaillant dans le Xinjiang.

- Hâtons-nous plutôt, recommanda Albriss. Nous gaspillons un temps précieux en propos oisifs.

- Voilà un bon conseil, lieutenant. Suivons-le, approuva Daniel Wu.

Aussitôt, tous se précipitèrent hors de leurs sièges et s’empressèrent de vérifier leurs paquetages respectifs. Mais le plus délicat restait à accomplir et Sitruk en était parfaitement conscient. Frôlé par Lorenza, il lui murmura à l’oreille:

- Je me demande toujours en quoi cette mission est vitale pour la pérennité de la Cité.

- Benjamin, ne discute pas les ordres du Conseil. Si Daniel Lin se déplace en personne alors qu’il croule sous les responsabilités, j’ai pu en juger en voyant son emploi du temps, c’est que le terme vital doit être en-dessous de la réalité.

- Tout de même! J’aurais préféré posséder plus de renseignements; j’ai horreur de me voir réduit à un rôle de sous-fifre. Je parie qu’Albriss éprouve également une certaine insatisfaction.

- Peut-être, mais il n’en montre rien. Arrête donc de douter. Le commandant Wu a promis de faire le point ce soir. Nous verrons bien.

- Soit. Mais il a intérêt à nous expliquer sans cachotteries les tenants et les aboutissants de tout cela.

Sur ces paroles bien senties, le géant roux - un mètre quatre-vingt-dix-huit tout de même - souleva deux très lourds paquetages approchant les soixante-dix livres, faisant ainsi la pige à Gaston de la Renardière. Il croisa alors le regard désapprobateur de Gwenaëlle qui avait surpris une partie de cet échange. Dans sa langue archaïque, la Celte murmura des reproches à l’égard du commandant Sitruk.

- Dan El est trop indulgent avec toi… Contente-toi d’obéir, mon Maître sait ce qu’il fait.

Gwen n’alla pas plus loin, rappelée mentalement à l’ordre par son compagnon.

- Tais-toi mon amour. N’oublie pas qu’Albriss a l’oreille fine. De plus, il pratique ton dialecte.

- Pardon, mon maître…

- Occupe-toi de Bart. Dès que tu seras fatiguée, je le porterai.

Avec un haussement d’épaules, Gwenaëlle s’empressa de suivre les ordres de son époux. Ignorant superbement Sitruk et Lorenza di Fabbrini, elle se retourna vivement et vérifia que son fils était solidement harnaché derrière son dos. Puis, elle gagna parmi les premiers le sas de sortie.

 A suivre.

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