samedi 17 décembre 2022

La Conjuration de Madame Royale : chapitre 10 6e partie.

 

Le tireur embusqué qui venait d’abattre le Gurkha

 

 était-il un simple brigand écumant le Lo, ou, fait bien plus grave, un Anglais ou Indien témoignant que nos ennemis nous avaient rejoint voire précédés ? Je conjecturai alors que Corvisart se portait au secours du malheureux, sans qu’il pût grand-chose pour lui. La mort avait fait son œuvre et c’était bien un fusilier d’élite, qui, par son tir précis, avait atteint sa cible. Le corps demeurait sur la neige, allongé face contre terre, un filet de sang s’échappant de la poitrine et se cristallisant déjà par l’action de la congélation.

« Tous à couvert ! » jeta Humboldt en français, ordre repris en Népali par Rajiv alors que partaient d’autres déflagrations. Une possible avalanche pouvait à tout moment survenir à cause des répercussions des tirs sur le manteau neigeux des flancs de la vallée. Etait-ce là l’objectif de nos agresseurs, que nous fussions engloutis par la neige dévalant jusqu’à nous ?

 Tableau Avalanche dans les Alpes, peint en 1803 par Philippe-Jacques de Loutherbourg.

Nous ne pouvions mesurer le degré de cruauté de Cornwallis, par exemple, le fait qu’à chaque passage impraticable par les yacks de sa colonne, il procédait à l’abattage d’un animal d’une balle logée au milieu du front. Sitôt après, alors que l’infortuné bovin était encore chaud, les cipayes


s’empressaient de récupérer la charge, s’arrogeant le droit de faire office de porteurs, ce qui les apparentait à des coolies ou des esclaves. A cette cadence il ne tarda plus à demeurer qu’un ultime yack, un juvénile, dont la fourrure roussâtre frémissait sous les assauts du vent.

Une seconde détonation emplit le val englacé, alors que nous nous efforcions de demeurer couchés, hors de portée du tireur du lord-gouverneur. Nous ne sûmes que bien plus tard que ce fusilier avait outrepassé les ordres de Cornwallis, prenant les Gurkhas comme cibles commodes et, qu’en un accès de courroux, le général avait occis le contrevenant d’une balle de colt droit au cœur, parce qu’il avait fauté en nous permettant de repérer nos ennemis. Désormais, nul effet de surprise ne pourrait nous nuire.

« Moi, Johann van der Zelden, s’exprima l’Ennemi comme en une confession adressée à un interlocuteur invisible, ai contribué à cet état de fait en investissant la cervelle de ce misérable clone de private indigène dépourvu de tout libre-arbitre. Je l’ai incité à viser le Gurkha et à le neutraliser, ainsi qu’on dit des terroristes dans le vocabulaire policier et militaire de la fin du XXe siècle. Cela est absurde de savoir que cet infatué Commandeur, auquel je désobéis chaque jour davantage, ait passé sa colère sur ce soldat, le tuant de sang-froid, sachant qu’il se relèverait, indemne, reconstitué, la mémoire de son acte d’insubordination toutefois effacée par son statut même de créature biologique artificielle. Ah, mais, voilà du nouveau : notre baderne s’est arrangée à prévenir toute reconstitution du cipaye récalcitrant. Pouah ! Il n’en reste même pas de quoi mitonner un bon chili con carne ! 

 

Heureusement que mon estomac s’avère peu délicat. Cependant, mon objectif est atteint : Humboldt et ses partenaires savent dorénavant que « Cornwallis » se trouve sur leurs brisées. Réduisons-le à l’impuissance afin de gagner la partie. Galeazzo me louera ! »

Alors que nous désespérions, immobiles, toujours dans la crainte d’une prolongation de l’attaque, le harfang qui nous avait jusque-là guidés fit sa réapparition, et son vol désigna clairement un nouveau surplomb

 

par-delà lequel on devinait l’entrée d’une autre cavité, toutefois au trois-quarts obturée par un éboulement. Il fallut encore plusieurs minutes avant que nous comprissions n’avoir pour l’instant plus rien à redouter des poursuivants, d’autant plus que, malgré le retentissement des deux détonations, nulle avalanche ne dévalait sur nous. Comme Muljing et Jacques Balmat nous le signifièrent, nous nous levâmes, reprîmes les yacks et progressâmes cahin-caha en direction dudit surplomb.

Lorsque nous fûmes parvenus à sa base, Humboldt constata avec amertume qu’autrefois avait existé un passage praticable, mais que celui-ci s’était effondré depuis maintes années, réduit à un amas inextricable de rochers. Nous devions laisser les yacks en contrebas sous la garde d’un seul Gurkha, bien que je jugeasse cela comme une imprudence. La paroi de cet escarpement s’avéra plus abrupte que jamais ; Balmat comprit que son escalade imposait l’usage des cordages. 

 Kenya-Escarpment.jpg

« Nous avons obligation de nous encorder si nous voulons atteindre la cavité désignée par l’oiseau, dit-il. Je crois qu’il s’agit de l’entrée du sépulcre que nous quêtons. Autrefois a existé un chemin plus aisé, mais les affres du temps l’ont détruit, comme nous le constatons. »

Nous nouâmes mutuellement une solide corde autour de nos reins, résignés à cette ascension pire que les autres, car le surplomb, non content d’être juché à plusieurs dizaines de toises au-dessus de nous, présentait en sus, une paroi dépourvue d’aspérités permettant de s’agripper, paroi lissée, polie mais aussi entrecoupée de séracs

 Serac1.jpg

traîtres insérés çà et là telles des lames géantes, comme un de ces à-pic englacés sis en la fameuse « Mer » alpine. Laplace, avec le théodolite, procéda aux mesures préalables de l’obstacle.

« Ce surplomb s’élève à plus de quatre-vingt-dix-sept mètres de haut selon le nouveau système de mesure imposé par Napoléon le Grand, soit environ cinquante toises. »

Nous allions débuter notre ascension lorsque, tout au sommet, une créature monstrueuse fit son apparition. A sa vue, Muljing eut un saisissement. Tout son organisme se trouva secoué de trémulations incoercibles, et je l’entendis murmurer :

« Seigneur Migou ! ».

Description de cette image, également commentée ci-après

De ses lèvres tremblantes jaillissaient des claquements qui rappelaient ceux des chiens des platines à silex. Tressaillant toujours, il nous désigna ce qui ressemblait à un de ces singes géants dont nous avions découvert les crânes impressionnants. Ce « Titanopithèque » différait de nos gorilles, orangs et anthropomorphes linnéens ordinaires, en cela qu’il se trouvait doté de quatre bras et jambes. Sa face en pain de sucre s’agrémentait d’une paire de cornes spiralées dignes des narvals et sa fourrure bleu glacier, fort fournie, se caparaçonnait de glaçons aigus lancéolés si aiguisés qu’ils pouvaient vous transpercer aussi bien qu’une flèche.  

 

*******

 

Imposons-nous un retour en arrière, afin de vous conter la manière dont le Commandeur suprême surmonta l’obstacle du Jaggernaut.

Continuant de délaisser les mules terrifiées et rétives, Cornwallis – ou celui qui en tenait lieu – demeurait dans l’expectative. Considérant son rang, sa qualité, son pouvoir, il ne pouvait s’humilier devant cette entité prodigieuse, lui adresser une supplique, l’adjurer de dégager le passage pour sa troupe de clones.

Se refusant à affronter une nouvelle fois du regard la créature mythique, l’avatar de la sphère noire fit mine de s’intéresser davantage à la lézarde dont il espérait qu’elle fût élargie. Il exhiba de son uniforme ridicule une longue-vue, non point un de ces accessoires ordinaires utilisés pour l’observation des champs de bataille, mais un engin techniquement amélioré dont la portée dépassait celle des meilleures lunettes astronomiques dont disposaient Laplace et Herschel, le découvreur d’Uranus.

 William Herschel01.jpg

Le Commandeur pointa donc son appareil tout contre la partie la plus large de la faille et débuta son examen. Il effectua un réglage spécial, qui lui permit de voir à une distance de quinze kilomètres des détails aussi précis que s’il se fût trouvé sur l’emplacement même qu’il étudiait.

Ce qu’il vit fut éclairant ; par-delà la lézarde, il constata qu’une nouvelle gorge en V, bordée de deux escarpements vertigineux, se prolongeait jusqu’à un promontoire lui-même perché au-dessus d’une paroi digne des plus périlleuses falaises, d’une verticalité optimale, paroi qui s’élevait à près d’une centaine de mètres et s’achevait par une crête. Là-bas, tout au bout, l’ordinateur paranoïaque constata l’amorce d’une anfractuosité, avec une combe plongée dans les ténèbres.


Ce passage se trouvait obturé par deux singulières formations sphériques, trop parfaites pour qu’elles fussent naturelles, sphères qui plus était de deux colorations divergentes : un noir d’encre pour l’une, et un jaune aussi étincelant qu’une étoile pour l’autre. En examinant d’encore plus près lesdits éléments, Cornwallis fit le constat qu’ils étaient en vérité hémisphériques.


C’était d’évidence là la « serrure » de l’entrée du sépulcre de Langdarma, deux demi-sphères qui attendaient qu’on les réunît, les soudât, le regroupât, pour pénétrer en la tombe de l’Empereur maléfique.

Cornwallis s’exclama :

« Les sphères de Burnet et du Bardo Thödol ! »

Le Jaggernaut resta mutique, indifférent à ce qui pouvait s’apparenter à une émotion chez cet avatar provisoire de la sphère noire originaire de la quatrième civilisation post-atomique d’une autre chronoligne. Il était surprenant que le Commandeur et sa série multiséculaire d’incarnations ne se fussent pas effacés instantanément du fait des manipulations de Johann car, grâce à lui, Galeazzo di Fabbrini avait engendré une autre piste temporelle qui ne s’inscrivait nullement dans les schèmes de l’ordinateur suprême, rendant caduc le déroulement de l’Histoire aboutissant au monde futur qui l’avait engendré… On aurait pu objecter la même chose au sujet de van der Zelden, mais il était la Mort en personne faisant fi de l’enchevêtrement des possibles, et la tapisserie du Pantransmultivers était dotée de facultés infinies de retissage, d’ajustements et remodèlements… grâce à un Superviseur dépassant l’entendement de l’Ennemi lui-même. Ce ne serait qu’au terme de la piste napoléonide, épuisée, que Johann réaliserait bien tard son impuissance, sa vanité et sa vacuité. Devant le Superviseur de Toutes Choses, la Mort n’était plus rien, ne signifiait plus rien…

Le monstre daigna bouger la tête, la tournant vers Cornwallis, perçant sa conscience d’I.A. dénaturée en la sondant d’un regard profond de ses yeux serpentiles. C’était la formulation d’une question toute simple :

« Que me veux-tu ? » et non pas « Que puis-je pour ta satisfaction ? »

 

Pour la première fois de ses vies multiples, scruté par ce regard supraterrestre, le Commandeur suprême ressentit la peur, sa superbe ébranlée par le doute. L’Information négative qui constituait la quintessence de ses mémoires vacilla dans ses certitudes.

Le Jaggernaut était Shiva le destructeur personnifié.


Le Commandeur se sentait fouillé, exploré, examiné ; la singularité hindoue qui l’étudiait savait-elle que sa nature était étrangère à l’humanité, que le support de son essence ou quiddité, dans le sens aristotélicien du terme, que Monsieur Voltaire aima à utiliser en sa Lettre anglaise consacrée au chancelier Bacon, le désignait comme plus surnaturel que n’importe quel avatar engendré par l’imagination diabolique des peuples des Indes orientales ? Même le troisième œil de chacun des Moschops se mit de la partie.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e3/Moschops_capensis_life_restoration.jpg

Constituées comme des globes citrins aux fentes adamantines, ces terminaisons oculaires entreprirent de scanner la conscience du Néant… pour de piètres résultats.

Rassuré, « Cornwallis » se sentit d’attaque ; toisant le Jaggernaut, il réitéra sa question sacrilège, plus hardi que le sphinx d’Œdipe puisqu’inversant les rôles, le défiant de sa propre énigme.

« Why ? » jeta-t-il en anglais à l’adresse de l’entité. Cette question suffisait à déstabiliser les ordinateurs primitifs, qui, généralement, grillaient leurs processeurs et succombaient en un festival d’étincelles.

L’audace finit par payer ; l’arroi s’ébranla lors. Se tournant vers la faille, dirigeant sur elle ses trois yeux scrutateurs dont la puissance se conjugua avec celle des trios d’oculi reptiliens – les dragons de Komodo étant enfin sollicités - il agit sur la roche même qui s’écarta, sans qu’il eût usé du moindre muscle, élargissant le passage de la gorge, en une manœuvre plus herculéenne que celles d’un Samson ou d’un Porthos

 Porthos. Toile de :Paul de Plument de Bailhac (en), Salon de l'école française, 1907.

dans la grotte de Locmaria

Photographie aérienne de Belle-Île-en-Mer avec l'extrémité de la presqu'île de Quiberon au Nord, Houat et Hœdic au Nord-Est.

qui, à quelques années de là, sera un des cadres des ultimes combats entre les Napoléonides et les loyalistes.  Mais ceci demeure (encore) une autre histoire…

 

*******

 

L’intervention du Jaggernaut avait bouleversé de fond en comble la topographie du passage. Aussi, ce fut sans nulle hésitation que Cornwallis ordonna à ses hommes de s’y aventurer, en espérant qu’aucune nouvelle embûche ne viendrait contrarier ce qui pouvait devenir une simple promenade militaire. Outre qu’ils avançaient avec célérité – à peine un kilomètre les séparait à cet instant du groupe de Humboldt – les clones étaient mûs par une impatience certaine d’affronter l’ennemi, conscients peut-être de leur espérance de vie réduite, à moins que le Commandeur suprême leur eût fait l’illusoire promesse de l’immortalité…

Cornwallis éprouva le besoin d’une halte, non point que ses cipayes et privates eussent ressenti de la fatigue, mais pour observer la position exacte des « explorateurs » et chasseurs de sépulcre. Lorsqu’il pointa la longue-vue spéciale, le pseudo-gouverneur constata la présence incongrue d’une chouette himalayenne accompagnant ses adversaires d’un vol précis qui semblait-il, faisait fonction de guidage GPS des humains, comme au XXIe siècle d’une autre piste.

 Description de cette image, également commentée ci-après

Se sachant observé, le rapace eut le toupet de se poser sur une espèce de promontoire granitique aux découpures aiguës, qui conféraient à la roche métamorphique issue des profondeurs du magma du radeau indien un aspect déchiqueté et tranchant peu engageant sur lequel miroitaient des éclats givrés micacés d’impuretés.

 Image illustrative de l’article Mica

Du haut de cette aiguille escarpée, juché sur l’éminence qu’il paraissait étreindre de ses serres, le harfang adressa un défi à Cornwallis, ses grands yeux jaunes de prédateur nonpareil aussi sphériques que des globes, ayant sans conteste repéré son manège malgré la distance. Lorsqu’il jeta un ululement perçant, strident, il affirma en son langage qu’il narguait les Anglais, prêt à mettre son grain de sel dans le combat qui s’annonçait.

« Qu’est donc cette chouette ? pensa la sphère noire. Quel nouveau tulpa est-ce là ? Aucun de mes programmes n’a enregistré cette entité. Je l’analyse : sa nature n’est ni biologique, ni cybernétique ; elle ne correspond à rien de connu. Si elle est imprédictible, cela signifie soit un virus, soit l’interposition indésirable d’un agent temporel de ma civilisation. Chose inconcevable ! Jamais mon monde d’origine ne s’est mêlé de cette chronoligne – c’est à croire que la quatrième civilisation post-atomique ne serait qu’une chimère.  Il me faut d’urgence abattre ce volatile, mais aucun de nos fusils ne bénéficie d’une portée suffisante. J’enrage ! Dépendre des perfectionnements anticipés de l’armement engendrés par les manigances de Johann et de Galeazzo !  Refusant de me salir à cette basse besogne, je vais charger un de mes cipayes de la tâche avec la carabine à âme rayée et à lunette. » 

 

Ainsi fut fait. Le cipaye fut muni de l’arme idoine. Cependant, le rapace ne comptait pas se laisser abattre comme du vulgaire gibier ! Point du tout doté de l’esprit de sacrifice, ce volatile surnaturel avait plutôt l’esprit retors et opportuniste, et sa duplicité s’exerçait tantôt en faveur d’un camp, tantôt d’un autre. Non pas qu’il aimât trahir les dieux et les démons des cimes. Si seulement il se fût agi d’une chouette ordinaire ! Certes, « Cornwallis » avait détecté sa surnature, mais un écran s’interposait entre la pensée – ou les logiciels - du clone et les méninges du harfang – encore eût-il été biologique ! – empêchant le Commandeur suprême de mettre hors d’état de lui nuire un esprit ou tulpa qui avait opté pour le parti de Humboldt.

Comme pour se moquer du soldat lui-même issu d’une synthèse entre l’informatique et l’organique, notre rapace ne cessa de changer de position, de posture, jouant avec le pseudo-humain, volant deçà-delà d’une arête à l’autre, empêchant le cipaye misérable de faire mouche, gaspillant ses munitions précieuses. Le pouvoir du harfang était tel que les coups de feu manqués, qui d’une part eussent dû être entendus par la colonne des explorateurs et d’autre part, auraient pu déclencher moult avalanches et autres éboulements nival et rocheux, demeurèrent sans effet. De même, dois-je révéler quelle référence subtile se cachait derrière cette incarnation aviaire ?

Galeazzo di Fabbrini l’aurait compris, lui qui, lors de la conspiration de 1782 destinée à remplacer Louis XVI par Buonaparte prétendument descendant de Pharamond,

Illustration.

avait, parmi ses complices dissimulant leur identité aristocratique sous des masques élaborés d’oiseaux, choisi celui fort connoté de la chouette himalayenne[1]. Un clin d’œil qui eût suffi à démasquer l’identité véritable du harfang, si toutefois le Commandeur suprême avait su faire preuve de davantage de discernement. Mais nul humain ici, simplement affublé de quelque déguisement… disons plutôt que l’entité « rapace des neiges » usait avec maestria de ses talents transformistes, comme un comédien se grimant pour interpréter des dizaines de rôles différents, jusqu’à acquérir la notoriété de l’homme aux mille visages, c’est-à-dire Lon Chaney.  

Description de cette image, également commentée ci-après

Il sembla à Cornwallis que le cipaye lui échappait ; il le vit renoncer à abattre le rapace, recharger son arme et la pointer en direction de la colonne de Humboldt, ce qui était un signe incontestable de désobéissance aux ordres de la sphère noire.

C’était à croire que le harfang, au-delà des tulpas, constituait un avatar puissant de Galeazzo et de Johann van der Zelden, fusionnés en une créature irréelle métamorphosée en oiseau, dotée de la capacité d’investir le mental fruste de ces clones reproductibles à l’infini, sans qu’aucune erreur de duplication du message ADN n’en vînt à générer la moindre malfaçon biologique. Le soldat échappa donc au contrôle de l’ordinateur suprême, à son grand dam. Impuissant, comme paralysé par un mur psychique, ses composants hybrides parasités par un brouillage ou un « cheval de Troie », victime d’une forme de cyber-attaque, le pseudo-gouverneur de Bombay ne put même pas adresser une admonestation au cipaye.

Le coup partit, la lunette ayant à la perfection contribué à l’ajustement de la cible. Comme on sait, un Gurkha s’abattit, tué net par un impact précis. Ce fut alors que le harfang relâcha son étreinte ; tout brouillage du Commandeur suprême disparut et, malgré son obésité, l’avatar se précipita sur l’insubordonné et, fulminant de colère, déchargea à bout portant son colt en plein cœur du « mutin ». Le « cadavre » dévala une pente après que le pied droit du pseudo-Anglais l’eut poussé. Alors qu’on se fût attendu à sa « résurrection », l’inverse se passa. Accomplissant sa vengeance et sa punition jusqu’au bout, le Commandeur, usant de ses propriétés, enferma le cipaye dans un champ de contention à l’intérieur duquel, écartelé par des hétérochronies divergentes, il explosa en une bouillie infâme. Bien sûr, la soi-disant chouette des neiges avait rétabli la perception du son et s’était arrangée pour que la résonance du second coup de feu déclenchât une minime avalanche

 Laviin MAL-Pamir 85 02.jpg

qui, ironie du sort, au lieu de déferler sur les explorateurs, engloutit cinq des hommes de Cornwallis. Il leur fallut pas moins de quinze minutes pour se reconstituer et se dégager.

Entre-temps, l’impitoyable gouverneur avait aboyé un ordre à l’adresse d’un caporal :

« Soldat ! Ramassez le fusil à lunette de cet imbécile et rapportez-le-moi ! »

Désormais, Cuvier, Humboldt et toute leur clique savaient que leurs poursuivants les avaient rejoints et se tenaient sur le qui-vive.

 

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A suivre...

[1] Cf. Le Nouvel Envol de l’Aigle 3e partie : Nouvelle Révolution Française, par Jocelyne et Christian Jannone.

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