samedi 12 septembre 2015

Aurore-Marie ou une Etoffe nazca : scène coupée n° 5 et dernière : Alice Liddell et Sir Charles Merritt.



Dernière des scènes coupées par les Editions de Londres avant publication du roman en e-book Aurore-Marie ou une Etoffe nazca.
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 1888. Cela faisait deux années que Sir Charles Merritt avait délivré A.L. de l’enfer de Bedlam, pour la plonger dans une captivité encore plus éprouvante : les cachots de géhenne de son repaire londonien secret, peuplés de réprouvés, de freaks
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A.L., trente-six ans dans un corps figé à treize, depuis qu’elle avait franchi le miroir, en l’an 1865, guidée par les appels de détresse de celui qu’elle prenait pour son ami. Tous deux s’étaient tirés du piège, mais elle s’était aperçue trop tard qu’il avait changé, qu’en face d’elle se tenait la partie négative du révérend-mathématicien, extirpée de lui, tandis que l’autre, la positive, demeurait recluse de l’autre côté. 
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Là-bas, en cet ailleurs, pas de Reine rouge mais une jeune poétesse, brune comme elle, du même âge qu’elle bien qu’elle fût française : Marie d’Aurore avec laquelle elle avait partagé quelques jeux littéraires, avant de s’enquérir du sort de C.L.D. Quelle ne fut pas sa stupeur, lorsqu’elle regagna notre monde, de découvrir qu’il possédait désormais un étui à cigarillos, marqué non pas des initiales C.L.D. mais C.L.M. Charles Leighbridge Merritt… Les deux premières initiales eussent pu faire illusion. Alors, il l’avait subjuguée, forcée à commettre l’indicible, l’irréparable, les tuant toutes sauf…Dinah.  
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Le procès s’en était suivi. Impossible de se disculper : elle tenait encore l’arme fumante au poing lorsqu’un domestique était parvenu à la maîtriser. Nul ne crut ce qu’elle racontait ; elle délirait. Cependant, son jeune âge et le diagnostic des aliénistes lui évitèrent la potence : on reconnut qu’il n’y avait pas préméditation dans son geste, qu’elle avait été frappée brusquement de démence d’autant plus qu’elle soutenait mordicus la véracité de son voyage de l’autre côté du miroir, et l’existence d’un certain C.L.D. qui venait de publier, en hommage à elle, un roman enfantin, pure merveille, sous le pseudonyme de L.C.  Elle demanda aux juges qu’on leur procurât l’ouvrage, frais paru. Mais il n’y avait ni trace de L.C., ni de C.L.D d’ailleurs. Aucun roman du titre qu’elle ne cessait de répéter n’existait au Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande. Nulle librairie ne l’avait mis en vente ; aucune bibliothèque ne le possédait. Seul existait C.M., Charles Merritt. C’était à croire qu’une autre réalité, qu’un autre univers, s’étaient substitués à son monde familier. On la condamna à la réclusion à perpétuité en l’asile de Bedlam. Tous les pourvois ayant été rejetés, son avocat demanda un recours en grâce. A.L. écrivit à la Reine en personne. Mais la puritaine Victoria ne se laissa pas fléchir : on n’occis pas ses sœurs et ses parents impunément. Cependant, C.M. mena une double carrière : mathématicien et criminel redouté. Napoléon du crime, eût écrit Sir Arthur Conan Doyle s’il avait été de la même piste temporelle ou narrative...
Depuis deux ans, Sir Charles Merritt l’interrogeait inlassablement, la torturait à l’eau, à l’électricité : il voulait qu’elle expulsât le prétendu démon qui l’habitait depuis son incursion : A-El, qu’il savait coupable d’avoir généré ce monde dévié, A-El qui avait permis à Aurore-Marie de Saint-Aubain d’exister, de naître en 1863, de narguer sa toute puissance de chef de la pègre de Londres, en lieu et place de l’innocente Marie-Aurore. Il n’appréhendait nullement la stabilisation biologique dont A.L. était victime. Treize ans pour toujours, était-ce concevable ?
Un jour, il en eut assez : c’était l’été 1888. Sir Charles savait Aurore-Marie présente à Venise, afin d’acquérir des mains du poète italien fou, Gabriele d’Annunzio, l’ultime codex manquant à la collection volée par sa bande de forbans en septembre 1877. Il devait la prendre de vitesse afin d’asseoir son pouvoir criminel. Il imposa à A.L. de l’accompagner là-bas. Il la confierait à un prêtre exorciste vénitien qui enfin extirperait le démon. 
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Parvenue à destination, face à ce papiste détestable en soutane noire, elle fut forcée de décliner son identité, en cette misérable sacristie rongée par l’humidité des eaux de la lagune.
« Je me nomme Alice, Alice Liddell. Celui qui m’accompagne est un usurpateur, un double négatif… Il a pris la place de Charles Dodgson… C’est cette substitution qui a consolidé ce monde-ci. Exorcisez-le. »
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