Café
littéraire : A Rebours de Joris-Karl Huysmans.
Présentation de l’auteur
et de son œuvre.
Bibliographie :
A Rebours. Préface
de Marc Fumaroli. Gallimard Folio 1977 et 1983.
A Rebours. Préface
et commentaires de Daniel Mortier. Dossier historique et littéraire. Pocket
1997.
Jean de Palacio : La
Décadence. Le mot et la chose. Les Belles Lettre/essai 2011.
Michel Winock : Décadence
fin de siècle. Gallimard l’esprit de la cité 2017.
Joris-Karl Huysmans
critique d’art. L’Objet d’Art hors-série-Musée d’Orsay
2019.
Emission de radio
disponible sur YouTube : Une vie une œuvre : Joris-Karl Huysmans
et le centenaire de ‘A rebours’. Hubert Juin et Anne Lemaître. France
culture 22 novembre 1984.
A Rebours,
paru en 1884, apparaît si déconcertant dans la littérature de son époque qu’on
pourrait le qualifier d’anti roman ou de premier roman expérimental.
Voilà un texte qui, bien qu’encore découpé en chapitres classiques (précédés
eux-mêmes d’une notice introductive), déconcerte par son absence d’action, par
sa narration centrée sur un unique personnage qui n’a rien d’un héros et par
son développement et son découpage. Aucun dialogue, plutôt un catalogue de
réflexions, d’opinions, de pensées, de ruminations, de méditations, d’étalage
de souffrances corporelles, de maladies psychosomatiques, sans cependant qu’A
Rebours puisse être catalogué dans la catégorie « monologue
intérieur », ce qu’Edouard Dujardin
accomplira en 1887 dans Les Lauriers sont coupés. Certains chapitres relèvent davantage de la thèse littéraire historico-critique que de tout ce que le lectorat avait pu jusque-là rencontrer depuis que s’était constitué le genre romanesque, aux cadres et aux méthodes semblait-il fixés une fois pour toutes depuis Honoré de Balzac et Stendhal, sans omettre le roman victorien. Le réalisme et le naturalisme apparurent comme des perfectionnements du genre davantage que des ruptures radicales.
accomplira en 1887 dans Les Lauriers sont coupés. Certains chapitres relèvent davantage de la thèse littéraire historico-critique que de tout ce que le lectorat avait pu jusque-là rencontrer depuis que s’était constitué le genre romanesque, aux cadres et aux méthodes semblait-il fixés une fois pour toutes depuis Honoré de Balzac et Stendhal, sans omettre le roman victorien. Le réalisme et le naturalisme apparurent comme des perfectionnements du genre davantage que des ruptures radicales.
Joris-Karl Huysmans,
de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, d’ascendance néerlandaise et française, naquit à Paris le 5 février 1848. Il fut tout à la fois fonctionnaire au ministère de l’intérieur, poète, nouvelliste, romancier, journaliste, critique d’art et critique littéraire.
de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, d’ascendance néerlandaise et française, naquit à Paris le 5 février 1848. Il fut tout à la fois fonctionnaire au ministère de l’intérieur, poète, nouvelliste, romancier, journaliste, critique d’art et critique littéraire.
Sa carrière littéraire se
découpe aisément en plusieurs périodes distinctes, selon qu’il adhéra à tel ou
tel courant (qu’il suscita parfois tant A Rebours marqua son époque). Il
fut d’abord naturaliste, disciple de Zola après avoir publié en 1874, à compte
d’auteur, un premier recueil de poésies en prose, Le Drageoir aux épices,
hommage hétéroclite à Villon et aux peintres hollandais et flamands marqué par
les influences de Baudelaire et Aloysius Bertrand.
Entre 1876 et 1882 paraissent plusieurs romans ou grandes nouvelles marqués par l’esthétique naturaliste comme Les Sœurs Vatard, En Ménage ou A Vau-l’eau déjà caractérisés par des figures d’anti-héros et un pessimisme influencé par Schopenhauer. Il participe aux fameuses soirées de Médan desquelles résulta un recueil de nouvelles où se trouve inclus un récit autobiographique acide sur la guerre de 1870 : Sac au dos.
Entre 1876 et 1882 paraissent plusieurs romans ou grandes nouvelles marqués par l’esthétique naturaliste comme Les Sœurs Vatard, En Ménage ou A Vau-l’eau déjà caractérisés par des figures d’anti-héros et un pessimisme influencé par Schopenhauer. Il participe aux fameuses soirées de Médan desquelles résulta un recueil de nouvelles où se trouve inclus un récit autobiographique acide sur la guerre de 1870 : Sac au dos.
On sait que 1884 marqua
la rupture de Huysmans avec Emile Zola. A Rebours est un ouvrage
manifeste de la décadence, de l’esthétique fin de siècle, de l’antimodernisme.
Huysmans devient le chef de file d’un mouvement. Ce statut encombrant endossé
par Huysmans pour un temps inspira plusieurs romans phares de la production
décadente, parmi lesquels on peut citer bien sûr Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar
Wilde mais aussi L’Enfant de volupté de Gabriele d’Annunzio et le plus
tardif Monsieur de Phocas de Jean Lorrain
. Cette notoriété put gêner notre écrivain qui se réclamait davantage de Barbey d’Aurevilly, de Baudelaire, de Mallarmé, de Verlaine, de Villiers de L’Isle-Adam
et d’Edmond de Goncourt dont l’admiration pour La Faustin transparaît dans A Rebours. Le rattachement d’A Rebours à l’esthétique fin de siècle en vient à le faire côtoyer des textes antinomiques comme Le Désespéré de Léon Bloy ou le plus érotique et « art pour l’art » Aphrodite de Pierre Louÿs.
. Cette notoriété put gêner notre écrivain qui se réclamait davantage de Barbey d’Aurevilly, de Baudelaire, de Mallarmé, de Verlaine, de Villiers de L’Isle-Adam
et d’Edmond de Goncourt dont l’admiration pour La Faustin transparaît dans A Rebours. Le rattachement d’A Rebours à l’esthétique fin de siècle en vient à le faire côtoyer des textes antinomiques comme Le Désespéré de Léon Bloy ou le plus érotique et « art pour l’art » Aphrodite de Pierre Louÿs.
Dès le roman suivant En
Rade (1887), ouvrage ambigu, hybride à la fois naturaliste et décadent, retour
à la campagne mâtiné d’intrusion du surnaturel, on pressent que Huysmans se
débarrassera vite de ces oripeaux de chef d’école de la décadence pour
expérimenter d’autres voies échappant tout à la fois aux impasses naturaliste
et « décadentiste ». Il crée ainsi un personnage phare, Durtal,
d’abord en explorant en sa compagnie le satanisme avec Là-bas (1891)
avant de définitivement se consacrer à Dieu dans la dernière partie de son
œuvre, généralement moins appréciée, plus sujette à controverse, avec le
triptyque ou cycle toujours centré sur Durtal, devenu une sorte
d’alter-ego : En route (1895), La Cathédrale (1898) et L’Oblat
(1903), où, encore sous l’apparence de Durtal, il relate son expérience
monastique. L’adhésion de Huysmans à l’œuvre du catholique Barbey d’Aurevilly
rendait prédictible sa conversion survenue à compter de 1891, alors que maintes pages ambivalentes et contradictoires d’A Rebours témoignent des hésitations et des tourments de notre auteur, tout à la fois admiratif du Sacré, du plain-chant monodique, de la latinité tardive paléochrétienne et critique acide d’une certaine dégénérescence du catholicisme du XIXe siècle pollué par le siècle et ses mondanités, dans lequel il ne retrouve pas la pureté originelle. Des Esseintes joue ici pleinement le rôle de porte-parole des idées de son créateur.
rendait prédictible sa conversion survenue à compter de 1891, alors que maintes pages ambivalentes et contradictoires d’A Rebours témoignent des hésitations et des tourments de notre auteur, tout à la fois admiratif du Sacré, du plain-chant monodique, de la latinité tardive paléochrétienne et critique acide d’une certaine dégénérescence du catholicisme du XIXe siècle pollué par le siècle et ses mondanités, dans lequel il ne retrouve pas la pureté originelle. Des Esseintes joue ici pleinement le rôle de porte-parole des idées de son créateur.
Annonciateur du courant
des conversions littéraires (Péguy, Claudel,
Bloy, Mauriac) Joris-Karl Huysmans acheva sa carrière littéraire comme essayiste religieux et hagiographe avant de succomber d’un cancer de la mâchoire à 59 ans, le 12 mai 1907. Intacte, sa postérité, son influence, se font ressentir jusque parmi des auteurs comme Michel Houellebecq à la différence d’un Anatole France à l’écriture bien plus classique et limpide.
Bloy, Mauriac) Joris-Karl Huysmans acheva sa carrière littéraire comme essayiste religieux et hagiographe avant de succomber d’un cancer de la mâchoire à 59 ans, le 12 mai 1907. Intacte, sa postérité, son influence, se font ressentir jusque parmi des auteurs comme Michel Houellebecq à la différence d’un Anatole France à l’écriture bien plus classique et limpide.
On a reproché à Huysmans
son style parfois ardu, manquant de clarté narrative, son vocabulaire et sa
syntaxe, très travaillés, très recherchés, d’une richesse inventive inouïe, son
abus des néologismes, des barbarismes, ses tournures de phrases archaïques (que
l’on retrouve plus encore dans le style paysan de George Sand ou dans les Contes
drolatiques de Balzac
qui se réclamait de Rabelais et du XVIe siècle) dignes d’un antimoderne… qui serait de fait le premier de nos « modernes » expérimentaux, un précurseur involontaire de Proust, Joyce, Faulkner et Virginia Woolf quoique bien différent.
qui se réclamait de Rabelais et du XVIe siècle) dignes d’un antimoderne… qui serait de fait le premier de nos « modernes » expérimentaux, un précurseur involontaire de Proust, Joyce, Faulkner et Virginia Woolf quoique bien différent.
Christian Jannone.
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