Café littéraire du jeudi 27 octobre 2022
« Underground Railroad » de Colson Whitehead, présenté par Michel Antoni
Magistrale et puissante fresque de la condition humaine, de ses valeurs les plus élevées aux vilénies les plus basses, Underground Railroad est le récit de l’évasion de Cora, jeune adolescente esclave noire, d’une plantation de Georgie, et sa quête de la liberté et de l’espoir à travers plusieurs états américains, vers le Nord abolitionniste, avant la guerre de Sécession.
Dans Underground Railroad, Colson Whitehead prend au sens premier le terme de chemin de fer souterrain, qui était plus exactement un réseau clandestin d'itinéraires et de refuges sûrs utilisé dans les 30 ans précédant la guerre civile (1860-1865) par les esclaves noirs américains fuyant vers la liberté au nord des États-Unis et jusqu’au Canada.
Le réseau permettant de s'échapper n'était pas un chemin de fer, - encore moins souterrain !- mais il portait ce nom du fait de l'utilisation de la terminologie ferroviaire dans son fonctionnement. Le chemin de fer clandestin était composé de points de rencontre, de routes secrètes, de moyens de transport, de lieux d'accueil protégés, et d'assistance apportée par les sympathisants abolitionnistes aux motivations variées, mais tous révoltés par la violence et la haine envers la population noire.
Au cours de sa fuite, Cora va croiser la route de nombre de personnes, figures du bien et au destin souvent tragique, qui vont l’aider. Caesar qui s’évade avec elle, Sam, Martin et Ethel qui par compassion s’engagent, au péril de leur vie. De brèves périodes de répit avant la fuite toujours recommencée. La ferme Valentine, tentative de société communautaire où elle croit une fois encore être à l’abri et vivre sereine, en vain. Le dernier combat et l’éclat d’une lumière et d’un avenir, enfin.
Mais elle va aussi croiser les multiples facettes du mal. Du mal absolu de Terrance, le propriétaire pervers, manipulateur et brutal à Ridgeway le chasseur d’esclave jouissant de sa quête, en passant par Fiona, la dénonciatrice mais aussi la foule des anonymes qui se délecte du spectacle des persécutions ou qui lynche. Sans omettre le dévoiement de la médecine aux fins de la stérilisation et du contrôle de population noire.
« Underground Railroad » ce sont des faits bruts, suffisants en eux-mêmes, de manière quasi-journalistique. Du rythme, un suspense soutenu, des personnages cohérents dans leur colère, leurs combats, leurs espoirs et leurs désillusions, leur mémoire enfin, les années ayant passés, survivant avec le souvenir des disparus.
Avec « Underground Railroad », comme plus tard avec Nickel Boys, Colson Whitehead est le conteur dont les histoires rappellent la construction des bases de la question raciale aux Etats-Unis, une œuvre fictionnelle reposant sur une réalité chaque fois solidement documentée. Les fondements d’une société américaine qui perdurent et qu’on retrouve, au gré d’évènements réguliers, manifestement ancrés dans la psychologie de nombreux américains, y compris responsables de la stabilité de l’ordre.
En mai 2020, Colson Whitehead entre dans la grande histoire de la littérature américaine en devenant à 50 ans, le quatrième écrivain, après Faulkner et Updike, à recevoir le célèbre prix Pulitzer pour la deuxième fois (en quatre ans).
Né en novembre 1969 à New York, diplômé de l'université Harvard en 1991, il se tourne vers le journalisme, publiant dans le The New York Times ou The Village Voice.
À partir de 2003, il commence une carrière de romancier et atteint une célébrité internationale en 2016 où Il est lauréat du prix Pulitzer de la fiction 2017 pour son roman Underground Railroad, déjà élu meilleur roman de l'année 2016 par la presse américaine et dont l’adaptation audiovisuelle parait en 2021. Trois ans après, il remporte une nouvelle fois le prix Pulitzer de la fiction pour Nickel Boys.
Colson Whitehead, un grand romancier pour comprendre l’origine des maux des Etats-Unis d’aujourd’hui, une lecture nécessaire pour Barack Obama !
Michel Antoni
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