dimanche 20 mars 2016

Cybercolonial 2e partie : Du rififi à Kakundakari-ville chapitre 12 2e partie.



Il était avant tout nécessaire que Madame de Saint-Aubain s’informât des derniers événements de Paris. Le palazzo construit en 1536 par Scarpagnino abritait une bibliothèque prestigieuse. Son style architectural était vénéto-byzantin et il se distinguait par la présence au premier étage d’une loggia sur laquelle s’ouvraient des fenêtres intercalées de patères. Ce palazzo avait conservé ses arcades originales et sa colonnade latérale délicate.
Le majordome apporta à Aurore-Marie, retirée en la bibliothèque avec son coffret, la presse étrangère et notamment française. Ce fut ainsi qu’elle apprit du Gaulois d’Arthur Meyer l’odieuse agression dont son ami Edouard Drumont avait été la victime. Le journaliste, du fait de l’indice compromettant abandonné sur les lieux du forfait, (une carte sur laquelle était dessinée à l’encre noire une corde), émettait l’hypothèse d’une résurrection de la bande de Frédéric Tellier dit l’Artiste. Or ce dernier était supposé mort depuis 1871 après avoir fait le coup de feu contre les Prussiens. La poétesse nota l’hôpital où le pamphlétaire antisémite récupérait de ses blessures : elle télégraphierait le lendemain afin d’avoir de ses nouvelles et lui adresserait une missive sincère et émue, si toutefois il était en état de la lire.

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Alors, profitant du silence de la bibliothèque et de sa faible fréquentation, en ces heures vespérales vénitiennes, Madame de Saint-Aubain s’occupa à la tâche ardue de la lecture du codex, qu’elle retira précautionneusement de son écrin.
L’ouvrage ne correspondant pas exactement à sa légende, à ce qu’on avait voulu faire accroire à son sujet : loin d’être un traité supplémentaire inconnu de Cléophradès d’Hydaspe, il s’agissait plutôt d’un patchwork, d’un ouvrage composite qui, au fil des siècles, s’était enrichi d’additions successives, tel le Talmud. L’expertise de la poétesse lui permit de constater que la reliure avait été fabriquée à partir d’un cartonnage de momie du Fayoum, et les premiers feuillets, encollés directement à cette espèce de couvercle, se présentaient sous la forme de papyri à l’écriture grecque serrée, dont quelques lettres avaient été tracées à l’encre rouge, comme pour souligner çà et là une scansion, un mot plus important qu’un autre dans ce qui était incontestablement une ode, une prière à Pan Logos. Aurore-Marie y déchiffra les paroles sacrées, historiques, de la formule du Pouvoir : Dans le Un se tient Pan Logos…

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Poursuivant son parcours prudent de ses mains délicatement gantées, comme si elle eût accrédité les craintes de Gabriele et redouté qu’on eût empoisonné le livre, tel le traité de vénerie de Charles IX dans La Reine Margot d’Alexandre Dumas, la poétesse passa d’une section à l’autre, du papyrus au parchemin, du grec au latin, puis à l’hébreu, au persan, à l’arabe (qu’elle était incapable de lire), voire à des idiomes énigmatiques, inconnus d’elle et des scholiastes, codés, chiffrés. Il était donc impossible qu’elle pût démêler seule l’énigme de l’ensemble des arcanes.
Il apparaissait que l’ouvrage avait circulé de main en main, en des pérégrinations hallucinantes à travers l’Europe, l’Afrique et l’Orient, du Ponant au Levant, de l’Inde à la Perse sassanide, du Koushan jusqu’en Bohême, puis en Espagne.
Les différentes sections composites avaient été rédigées et illustrées par les propriétaires successifs du codex. Malgré leur apparente incohérence, elles s’accordaient comme par miracle, quasiment synoptiques. Madame de Saint-Aubain égrenait chaque feuillet du livre ainsi qu’elle l’eût fait d’un chapelet. Le doux froissement des pages tournées ravissait ses oreilles. Elle ne pouvait s’empêcher de humer la suave et fugitive senteur antique qu’exhalait le parchemin, le pergamen, fragrance pareille à celle, subtile, d’une poudre de riz. Elle excitait ses sens à la révélation des multiples expériences rapportées par l’énigmatique manuscrit éclectique. Là était relatée la tentative de l’Empereur Gallien de reconstituer la splendeur de Rome par le truchement des sphères armillaires de l’Almageste. Ici, Porphyre avait en personne consigné un fragment de l’Embruon Theogonia, où, cerclée de signes cabalistiques, une lettrine tentait de reproduire la représentation d’une neurula, embryon humain de forme tubulaire entrouvert telle une gouttière, où s’introduisait l’âme vers le vingtième jour de la gestation. Plus loin encore, c’était une nouvelle tentative d’anacouklesis, survenue à la cour de l’Empereur indien Chandragupta, traduite du sanskrit au persan. Les langues sacrées, hermétiques, se succédaient de siècle en siècle, indéchiffrables par les non-initiés.

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Aurore-Marie parvint à d’autres feuillets cousus, en vélin, certes écrits en un latin gothique, vulgaire. Une scholie rapportait qu’il s’agissait d’une compilation effectuée à partir d’un original perdu d’Hildegarde de Bingen. C’était un dialogue scolastique hypothétique entre Cléophradès et Justin Martyr, dont le mythique rabbin Tryphon et Marcion de Sinope étaient les arbitres. La structure même de l’Univers s’y trouvait dépeinte, expliquée, synthétisée. Cette partie s’illustrait de xylogravures dans le style naïf du XVe siècle, à moins qu’elles s’apparentassent aux fameux dessins des tarots de Marseille, datables d’environ 1500, du moins si l’on se basait des costumes dont les personnages étaient affublés. Alors, la chevalière du Pouvoir phosphora d’un singulier halo bleuté. Le bijou sentait l’importance du texte. L’index droit de la poétesse attoucha un troublant dessin qui lui-même surmontait une seconde miniature médiocre, où de bizarres structures spiralées telles des coquilles de nautiles paraissaient se heurter, se cannibaliser, s’entre-dévorer. La baronne ne pouvait savoir qu’il s’agissait là de la représentation de deux galaxies spirales de la classification Messier entrant en collision avant de fusionner en une entité cosmique nouvelle.
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Le doigt d’Aurore-Marie caressa le dessin supérieur, lissant le vélin qu’elle écorcha presque. Il s’attardait à une représentation troublante, tout à la fois symbolique et d’une obscénité saphique affirmée, malgré la maladresse insane de la gravure. Deux femmes nues dressées, enlacées, l’une gracile - assurément une adolescente - l’autre plus mûre - incarnaient cet idéal d’Amour auquel aspirait en secret Madame de Saint-Aubain. Les représentations des deux corps - fort peu harmonieux - étaient stylisées, plus proches de cette fameuse Eve romane splendide du maître d’Autun que d’une des plus sulfureuses peintures de Gustave Courbet, dont Aurore-Marie avait entendu parler. Les traits des deux femmes demeuraient indifférenciés. Cette communion contre nature et fusionnelle des chairs du même sexe, dont résultait un monstre quelque peu siamois, répondait à la représentation des deux galaxies cannibales.

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Et ces pages « admirables » selon le mot de la poétesse décadente étaient suivies d’autres encore, où des illustrations en avance sur leur temps s’essayaient à rendre compte de la structure réelle du Cosmos : réticulé de sphères, réseau étonnant d’étoiles et de ce qui ressemblait aux neurones en cours de découverte de Ramon y Cajal, superpositions gigognes de Mondes Multiples, Pluriels et Divergents. Un mot revenait avec constance dans le récit : le Concomitant, la quatrième hypostase, dont la baronne regrettât qu’elle n’en sût point l’identité, bien qu’elle connût qu’il était né en même temps que Lise. Tout cela demeurait toutefois conforme au canon tétra-épiphanique.  
Enfin, vint la correspondance entre Rabbi Lew et Efrasim Levi qui rendait compte de l’ultime tentative à ce jour - tentative catastrophique - d’anacouklesis effectuée à Prague en l’an 1593 par Rodolphe II  et l’astronome Tycho Brahe. La réanimation du Golem en était résultée… Madame allait de surprise en surprise.
Le codex s’achevait en un feuillet ultime, où une écriture illisible, semblait-il de l’espagnol mêlé à du latin de cuisine, parcourue de nouveaux symboles alchimiques, s’étalait au-dessus d’une signature sinistre. Non pas qu’elle fût impossible à déchiffrer, mais les caractères et le paraphe avaient été tracés non avec une plume, mais par une espèce de griffe (celle de Satan en personne ?) avec une encre si corrosive qu’elle avait rongé, traversé, le dernier vélin. Aurore-Marie parvint à lire : Dom Sepulveda de Guadalajara AD MDCXVI.

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« La quintessence du mal », se dit la frêle jeune femme, le front brusquement humide d’angoisse. Elle connaissait ce nom haï et redouté. Ce personnage avait tenu un haut rang dans la secte des Tétra-Epiphanes sous Philippe II puis Philippe III d’Espagne. Aurore-Marie ne remettait pas en cause l’authenticité des textes désormais en sa possession. Nulle interpolation n’aurait dû en altérer le sens. Mais elle comprit que cet ouvrage attirerait les convoitises, et que sa propre vie pouvait se trouver en péril. Elle se souvint des voleurs chinois… Qui donc les commandait ?
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 L’image qui se constituait dans la glace demeurait floutée, instable, mouvante, mais elle s’humanisait. On prouvait distinguer un être humanoïde dont les traits restaient indistincts et la vêture incertaine. L’inconnu poursuivait ses appels à l’aide. Désemparé, Michel Simon comprenait qu’il n’avait pas affaire à un simple reflet, à une image bidimensionnelle, mais bien à un être emprisonné par un procédé encore inexpliqué dans le miroir.
« J’connais mes classiques. C’truc-là figure dans un film made in Hollywood du troisième tiers du XX e siècle - le type costaud au short rouge et à la cape qui vole - Superman ! Mais j’crois pas qu’il s’agisse ici du même tour. »
Comme le prisonnier s’exprimait dans la langue de Dickens, l’acteur en conclut qu’il était anglo-saxon, mieux, britannique. Il tenta de communiquer avec lui :
- Who are you ?
Il dut répéter sa question sept à huit fois parce que le son subissait des déformations, des déphasages comme en un effet Doppler, sans omettre cette impression de parler sous l’eau. Enfin, l’inconnu lui répondit :
- Dodgson. Charles Lutdwige Dodgson.

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Dans un premier réflexe, Michel Simon jeta, presque en crachant :
- Connais pas ! Z’êtes Tartempion ?
Pendant ce temps, l’image se stabilisait. Le comédien constata que l’inconnu derrière le miroir appartenait à une date antérieure à 1888, mais de peu. La silhouette apparaissait malingre. L’homme ne devait pas dépasser la trentaine. Il était glabre, dépourvu de toutes ces fantaisies capillaires dont ses contemporains s’affublaient. Cette absence de pilosité ostentatoire révélait qu’il s’agissait d’un clergyman. Les cheveux noirs étaient coiffés avec une raie au milieu. Ses habits sombres, austères, confirmaient sa position sociale. Décontenancé en un premier temps, Michel Simon réfléchit et la lumière vint visiter son esprit.
- Oui ! Je vois qui vous êtes ! Mais vous êtes plus connu sous votre pseudonyme, Lewis Carroll. Qu’est-ce que vous fichez là-dedans ? Vous êtes tombé dans l’un de vos récits ?
- Je ne sais pas. Il me semble que cela fait longtemps que je suis ici… mais je ne sais pas où.
- Vous avez bien un dernier souvenir.
- Alice aurait dû se trouver avec moi. Or me voilà seul depuis un temps non mesurable. Je ne comprends pas. Tout paraît figé. C’est la première fois que je parviens à parler à quelqu’un.
Avec circonspection, l’acteur se rapprocha de la glace afin de mieux observer ledit Charles Dodgson.
- Je veux sortir de là-dedans.
- Oui, je vois ça. Vos vêtements datent un peu. En quelle année croyez-vous être ?
- C’était au printemps 1865.
- Mazette ! Nous sommes en 1888. Et encore j’vous simplifie parce que vous êtes un profane.
- Mais c’est impossible ! Je n’éprouve pourtant ni faim ni soif. Je ne ressens ni la fatigue ni le besoin de sommeil. Je pense même ne pas vieillir. Tout cela est tout à fait logique si tout autour de moi est figé.
- Vous êtes tombé dans le royaume de la Belle Au Bois Dormant ? S’esclaffa Michel Simon. J’commence à comprendre de quel tour de magie vous avez été victime. Chapeau à l’illusionniste !
- Pouvez-vous me sortir de là ?
- Il n’y a pas le feu. Laissez-moi vous expliquer. Ensuite, j’essaierai d’entrer.
- Mais non, surtout pas ! Vous allez vous retrouver prisonnier comme moi.
- Et la Alice, c’était qui ? Vous avez fait allusion à elle, tantôt.
- Alice Liddell, pour qui j’ai écrit Les Aventures d’Alice sous terre. Je m’apprêtais à faire publier une version plus conséquente de cette histoire, Alice au pays des Merveilles, lorsque… Mais si elle n’est plus avec moi, c’est qu’elle a pu sortir.

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- Ne nous embrouillons pas. Vous défiez les lois de la physique et la logique et celui qui est à même de vous tirer de ce pétrin n’est point ici. Présentement, il conduit une expédition en Afrique.
- Dites-moi ce qu’il m’est arrivé.
- Un esprit malfaisant vous a enfermé là-dedans et a permis à votre reflet de prendre votre place.
- Qu’est-ce à dire ?
- Votre double est libre, sans doute une sorte de Mister Hyde, mais vous ne connaissez pas encore Stevenson. Ou alors, c’est comme ce scénario éculé de cette série américaine ultra fauchée : Miroir. 

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- Mister, je ne comprends rien à vos propos.
- C’est normal. Je me trouve en 1888, mais je n’y vis pas habituellement.
- De plus en plus confus ! Mais laissons cela. J’ai souvenir d’avoir croisé une ombre féminine. Un instant, j’ai cru qu’il s’agissait d’Alice, mais je me suis vite rendu compte de ma méprise. En effet, Alice est brune. Cette ombre était blonde.
- Ah ? S’exclama intéressé Michel Simon. Pouvez-vous m’en dire plus ?
- Je m’avoue dans l’incapacité de dater cette rencontre fortuite. Toutefois, je me souviens que la demoiselle - cela ne pouvait être qu’une demoiselle tant par ses vêtements que par son comportement - portait les cheveux longs et mignardait ses propos…en français.
Lewis Carroll conta ses mésaventures plus en détails…
- Ce fut alors que je sentis quelque chose se détacher de moi. Une douleur d’entrailles me prit, et, tandis que je perdais momentanément connaissance, j’entendis un ricanement lointain. Cela sonna à mes oreilles comme une revanche. Ce rire sinistre avait quelque chose de familier. Puis, je sombrais dans le néant. Lorsque je me réveillai, j’étais ici, de l’autre côté…du miroir, avec Alice.
- Mister, je vais tenter le coup. Permettez que je me gante.
Après avoir soigneusement enfilé des gants de latex anachroniques (ses grandes poches renfermaient tout un attirail fort utile à un roi de la cambriole), le comédien passa lentement ses mains sur la glace. Rien ne se produisit tout d’abord. Mais il insista. Peu à peu, il sentit le matériau faiblir, mollir, tandis que ses doigts s’enfonçaient dans quelque chose de froid et de gélatineux, alors que le tain du miroir se troublait et blanchissait. Le phénomène n’alla pas plus loin malgré la motivation de Michel Simon.
Après quelques minutes, le Suisse renonça.
- Désolé, je ne peux faire mieux, et je crois savoir pourquoi.
- Expliquez-moi.
- Ce miroir ne fait que refléter d’autres miroirs. Autrement dit, votre reflet se trouve très loin d’ici. Nous nous trouvons à Venise et vous êtes toujours…
- En Angleterre.
- Oui, mais précisément ?
- Dans les environs d’Oxford. Toutefois, le miroir était italien.
- D’accord. »
Un cas de conscience se posait à Michel Simon.
« Que dois-je faire ? Poursuivre ma mission en ignorant ce pauvre type ? Certainement pas. Je sens que c’est important. En référer au commandant Wu ? Oui, mais il a des problèmes aussi hauts que des montagnes. Me dévoiler à Frédéric Tellier ? Il est plus doué que moi pour l’ésotérisme. Il a suivi l’enseignement des lamas tibétains. Pour l’heure, l’option trois me paraît la meilleure. »

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« Daniel, je ne suis pas d’accord, jeta Saturnin d’un ton résolu. Pourquoi ne voulez-vous pas emprunter la voie terrestre, me semble-t-il plus courte pour suivre Boulanger et vous obstinez-vous à entreprendre cette périlleuse remontée du cours du Congo, lorsqu’on sait qu’il n’est pas partout navigable et que les sept cataractes des Stanley Falls constituent des obstacles difficiles à franchir ? »

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Daniel Lin soupira ostensiblement.
- Mon cher Saturnin, même si je ne vois pas tout, je suis capable d’anticiper. Et comme vous m’avez accordé votre confiance, je vous explique. L’entité qui a pris le contrôle de cette Afrique folle va concentrer son action sur la colonne française qui présentement, s’enfonce dans l’œil du cyclone du Cœur des Ténèbres, coupant dans une direction nord-ouest-sud-est jusqu’à la gueule du loup katangais - ou plutôt de la louve Maria de Fonseca, favorite de M’Siri qui tient l’Etat du Garenganze. Barbenzingue ira où sont les gisements… et la Cité perdue contrôlée par les adorateurs de  Maria.

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Tandis que Spénéloss hochait la tête et enchaînait :
- L’histoire du Garenganze est complexe. M’Siri, né vers 1830, est pour les Africains un sage vieillard. Son Etat constitue un carrefour en pleine Afrique centrale, bien desservi par les réseaux fluviatiles et lacustres puisqu’il permet de contrôler l’accès aux Grands Lacs mais aussi à l’Afrique orientale et australe, au Limpopo et au Zambèze. Les premières civilisations africaines d’importance ayant émergé en ces lieux, axées sur l’économie minière - l’or notamment – remontent au moins au Xe siècle avant l’ère chrétienne. Or, elles entrèrent en contact avec Méroé, la Nubie, l’Abyssinie et le Pount arabique…

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- Très bien, lieutenant, fit Daniel Lin quelque peu excédé, nous n’allons pas nous engager ici et maintenant dans des discours et conférences de géopolitique africaine aux implications historiques d’une extrême complexité nous obligeant à remonter le cours du temps jusqu’au Néolithique.
Juste à cette seconde, le commandant Wu fut interrompu par des miaulements pitoyables d’une force inouïe ; Ufo était coincé entre deux branches, sa goinfrerie l’ayant poussé à vouloir attraper un oiseau posé à mi-hauteur d’un giroflier.

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Craddock grogna, les yeux enluminés d’une joie moqueuse :
- Ce gros minet, ce ventre à pattes ne passe plus par aucune chatière. 
Voyant la mine déconfite de son chat contre lequel O’Malley ne cessait de japper en signe de réjouissance, Daniel décida de laisser son animal familier se débrouiller seul. Quant à Violetta, elle insista sur le côté exagéré de la scène comique.
- Je rappelle qu’il existe des chats comédiens aussi cabots et capricieux que le défunt Bing. Ainsi, ils font mine d’être coincés en haut d’un arbre et de ne plus pouvoir descendre afin que leur maître vienne les secourir, tout heureux de jouer de la crédulité de l’humain qu’ils ont asservi.
- Oh! Je vois. C’est le coup de la vieille dame qui appelle les pompiers pour secourir minet.
- Je pensais plutôt, reprit l’adolescente au chat dingue de Gaston Lagaffe. Afin de profiter du pique-nique du gaffeur, le chat miaule à pierre fendre, ses pattes serrant désespérément la branche à laquelle il se raccroche. Naturellement, Gaston grimpe en haut de l’arbre et, à son tour, se retrouve piégé alors que le chat, futé comme pas possible, peut s’en mettre plein la panse, en bâfrant.     
- Violetta, ne remue pas le couteau dans la plaie, s’il te plaît. Ufo est capable de se sortir tout seul de ce mauvais pas, il est aussi astucieux que cinq Bonobo.
Azzo interrogea:
- Bonobo? Eux mes ancêtres?
- Non, Azzo, fit Lorenza. Des cousins éloignés sans plus.
Benjamin, l’esprit pratique, interrompit cet échange.
- Puisque nous devons emprunter la voie fluviale, il serait temps de s’occuper des dinghies.
Les canots étaient spéciaux, constitués d’une matière intelligente, capable de se modeler aux circonstances, c’est-à-dire en fonction de la température, de l’hygrométrie, de la corpulence des pagayeurs et passagers et des difficultés du parcours. Il s’agissait donc d’embarcations change-formes reposant sur des matériaux composites auxquels on avait incorporé une semi intelligence artificielle.
- Avec ça, nous sommes parés! Jeta Louis Jouvet.
Saturnin objecta, suant à l’avance de peur.
- Mais si nous rencontrons un banc d’hippopotames se prélassant entre deux eaux? Ces pachydermes aquatiques sont réputés pour leur mauvaise humeur. Atrabilaires, ils aiment à faire chavirer toute pirogue qui s’aventure dans leur territoire de farniente.
- Mon cher Beauséjour, vous n’êtes pourtant pas né au temps de ces films d’aventures qui en rajoutaient dans les complications scénaristiques, ironisa Jean Gabin.
- Certes, mais comme vous tous, j’ai accès aux bibliothèques de l’Agartha. Je confesse un faible pour certaines lectures illustrées dont je me suis délecté. Lorsque Daniel Lin m’a informé de ce voyage en Afrique, je ne me suis pas contenté de me documenter chez les géographes, je me suis aussi plongé dans le bain de l’aventure. Avec plaisir, j’ai lu toutes les pages dominicales des Tarzan des années 1930-1950 publiées par United Feature Syndicate. Ainsi, j’ai appris que ce continent regorgeait non seulement de tribus primitives mais également de toutes sortes de singes plus ou moins hostiles, d’une faune et d’une flore exubérantes à souhait, sans omettre les civilisations les plus improbables. Au cours de notre périple, je m’attends donc à rencontrer des chimpanzés plus ou moins humanisés doués de la parole, des hybrides diversifiés d’hommes et de fauves, pourvus d’une queue conséquente, des peuples exotiques venus d’ailleurs, Vikings, Mongols, et pourquoi pas, Martiens et Sélénites… voilà ce que j’ai appris chez Burne Hogarth et Edgar Rice Burroughs.
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- Ben dis donc, ça en fait des lectures, siffla Carette. Vous avez gobé toutes ces calembredaines et cela ne vous a pas dissuadé de nous accompagner… chapeau!
À l’instant, le groupe entendit feuler une panthère. Ce léopard guettait sa proie depuis déjà quelques minutes. Celle-ci était Ufo lui-même, toujours coincé dans cette étroite ouverture. Le félin autochtone eût été normal s’il n’avait pas présenté un pelage d’une incongruité comique. Il arborait une fourrure d’un rose bonbon à la Barbara Cartland tacheté de bleu fluo. Ses crocs étaient tellement longs que l’évolution lui avait conféré des babines pendantes qui les gainaient comme un étui. L’ensemble conférait un aspect grotesque à ce fauve cependant dangereux.
Notre chat transgénique sentit le danger avant tout le monde. Ses miaulements changèrent alors de nature. De pleureurs, ils se firent rauques, avertissant ainsi les humains de la présence de la panthère. Redoublant d’efforts, Ufo se dégagea in extremis et juste à l’instant où le léopard bondissait souplement, non seulement le prédateur redoutable manqua son repas, mais il fut pris à partie par une autre créature qui lui sautant brusquement sur l’échine, la provoqua en un duel à mort.
L’être s’apparentait au chimpanzé mais c’était un plus que singe, un de ces simiens dont la cryptozoologie était friande. Son corps musclé et arqué présentait un poil en voie de raréfaction d’un coloris bleu pétrole. Tandis que le combat faisait rage entre le singe inconnu et la panthère mutante, les tempsnautes s’éloignèrent d’une bonne centaine de mètres.

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Dans cet incident, le commandant Wu s’était refusé à intervenir. Il savait déjà comment les choses allaient se dérouler et que, finalement, Ufo ne serait pas l’en-cas du léopard. Alors que les humains avaient fini de gonfler les canots par pression, à distance, une tragédie de cette nouvelle jungle s’achevait. L’anthropoïde, plus exactement une créature se situant à un stade évolutif entre Toumaï et Anamensis, autrement dit un pré pré Australopithèque, acheva le félidé en brisant la mâchoire après avoir écarté au maximum les deux maxillaires. Triomphant, le post-simien bomba le torse, se frappa la poitrine et hurla:
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- Kikomba! Kikomba!
À l’instant, Daniel Lin sentit que tout contact semblait définitivement rompu avec les autres groupes. Le déphasage spatio-temporel s’aggravait. Cela signifiait qu’il n’y avait plus désormais une Afrique mais plusieurs, enfermées chacune dans des Univers parallèles divergents, des temps pluriels mosaïques, des Multivers à sphères ou bulles de Linde, à moins que tous fussent contenus, chacun de leur côté, dans une micro dimension repliée sur elle-même, ainsi qu’il en était dans la théorie de la gravité quantique à boucles.
- Mon adversaire maîtrise parfaitement les lois de la physique trans Panmultivers, songea Dan El.

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A suivre...

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