Les sources
Marie-Hélène LAFON
Présentation de Bénédicte Mitrano.
Marie-Hélène Lafon est une professeure agrégée et auteure française, née le 1ᵉʳ octobre 1962 à Aurillac. Elle enseigne le français, le latin et le grec dans le collège Saint-Exupéry dans le 14e arrondissement de Paris, en banlieue parisienne, puis à Paris, où elle vit. Célibataire et sans enfant, elle déclare n'en avoir « jamais voulu ».
Son œuvre est en partie consacrée au Cantal dont elle est originaire.
Elle est lauréate de nombreux prix littéraires dont :
• Prix Renaudot des lycéens 2001 pour Le Soir du chien.
• Le prix Goncourt de la nouvelle en 2016 pour Histoires.
• Prix Renaudot en 2020.pour Histoire du Fils
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Le livre
Les sources" nous dit les peurs, les envies, les regrets et les non-dits d'une femme seule "au corps mou et vide", qui subit la violence physique et verbale de son mari, dans les années 70, en Auvergne. Un texte court, à l'écriture précise et touchante.
Les sources est un récit bref et dense qui se déroule dans le Cantal, entre la ferme de Fridières, celle de son enfance à ELLE, celle de Soulages, qui est celle d’enfance de son mari où habitent encore les parents. Les lieux sont séparés par un ruisseau, le Résonnet. Et puis, une troisième ferme plus isolée, dans la vallée de la Santoire, à quelques quatre-vingt-dix kilomètres de là, acheté par le couple d’Elle et Lui. Ils s’y sont installés (Elle et Lui) avec leurs deux petites filles, Isabelle et Claire et Gilles, le fils qui naîtra quelques mois plus tard.
Autant de lieux et de paysages familiers au lecteur de Marie-Hélène Lafon, dans lesquels se joue le drame de la vie d’ELLE, autant de « sources » comme dit Claire qui préfère ce mot à celui de « racines », qui jamais ne disparaissent.
Ce nouvel opus de Marie-Hélène Lafon en est probablement la preuve la plus indiscutable.
Trois sections, trois époques. D’abord, le samedi 10 et le dimanche 11 juin 1967, première section consacrée au personnage de la mère (ELLE), à sa vie, et c’est elle qui est le narrateur.
Puis le dimanche 19 mai 1974, du point de vue du père (LUI).
Mais, à partir de ce moment précis, nous ne saurons plus rien de la mère si ce n’est ce qu’en pense le père, dans la deuxième section du livre, celle du dimanche 19 mai 1974, sept ans plus tard. Elle nous est retirée, brutalement, à nous lecteurs qui sommes alors à la merci des pensées du père, en défaveur de la mère.
Enfin le jeudi 28 octobre 2021, jour d’automne où Claire, la cadette (qui évoque immédiatement le personnage principal des Pays), retourne à la ferme pour quelques instants à peine, bref épilogue d’une douceur surprenante.
Trois sections donc, dont la première couvre plus de quatre-vingts pages, la dernière à peine quatre.
L’écriture est magnifique, ciselée, précise, tranchante, contemporaine. D'une écriture pressée, chaque mot pesé, à sa place, sans gras, la romancière parvient à suggérer une atmosphère tendue comme un arc par la violence du mari qui fait régner une terreur sourde, dans la maison une terreur sourde, qui n’attends que ça pour frapper. D'une écriture concise, Marie-Hélène Lafon considère le point de vue de chacun, l'animosité d'un couple, la fuite d'une fratrie partageant la nature et le jeu. Témoignage d'une époque où le paraître pouvait cacher un calvaire, où l'on taisait les reproches. Roman bouleversant, accompli et incisif.
Note du lecteur.
Tout au long de la lecture j’avais l’impression de faire partie de son espace intime.
C’est un livre que j’aurais aimé écrire.
Bénédicte Mitrano.