samedi 29 juin 2019

La Conjuration de Madame Royale : chapitre 3 1ere partie.


Chapitre 3.



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Le visage d’Agathon Jolifleur se tuméfiait et saignait sous les coups répétés. L’interrogatoire s’éternisait depuis tantôt une heure, et il ne crachait toujours pas le morceau. Comme de coutume, parmi toutes les missions que Maria-Elisa di Fabbrini exécutait avec zèle aux ordres du nouveau gouvernement dont elle était une des plus laudatrices partisanes, arracher des aveux aux suspects lui paraissait l’une des plus délicates. Il lui fallait jauger le degré de résistance de la personne interrogée, et sa sincérité lorsqu’enfin elle craquait. Elle se souvenait de la question extraordinaire,
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 de l’inquisition espagnole,
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 du knout russe,
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 des procès en sorcellerie du siècle de Louis XIV,
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 et savait qu’une douleur trop intense, des chairs trop meurtries, pouvaient être synonymes de mensonge de la part de prisonniers poussés à bout. Cependant, elle ne s’était pas attendue à tant d’endurance de notre muscadin, une catégorie de loyalistes élégants, de petits-maîtres parfumés, apprêtés, prétendument plus proches des antiphysiques que des humains ordinaires. Agathon Jolifleur bousculait les idées reçues. Seule la peur de mourir eût pu le faire céder. Les muscadins étant des libertins notoires, héritiers de Théophile de Viau,
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 de Don Juan, ne croyaient qu’au Vide, au Néant, non à la survie de l’âme. Ils n’adoraient aucun Dieu, seulement la matérialité terrestre. On les disait aussi affiliés aux loges maçonniques, compagnons de débauche de feu Philippe d’Orléans, fraîchement exécuté sur ordre de Napoléon. Ils prônaient l’élimination des cadavres par le feu, la purification par les cendres comme en l’Inde brahmanique, car ennemis déclarés du dogme de la résurrection de la chair.

D’un geste, elle ordonna à l’exécuteur, vêtu d’un justaucorps anthracite au col montant à peine modifié depuis l’époque de Sartine,
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acolyte qui arborait une cravate assortie à son habit d’oiseau de mauvais augure, d’assener un nouveau coup au prévenu. Agathon, torse nu, les deux bras suspendus par des cordages épais, les pieds ne touchant pas le sol, l’œil gauche à demi fermé, encaissa un nouvel impact de bâton au bout ferré qui fit éclater l’arcade sourcilière. Il avait déjà perdu cinq dents et le cartilage de l’oreille droite était déchiré et fendu. Le sang du prévenu se mêlait à des sanies diverses, l’ichor au flegme, le tout s’épandant sur un sol au dallage irrégulier et sommaire, sans apprêt, sans nulle recherche décorative qui eût pu égayer cette salle sinistre uniquement conçue pour la souffrance et la justice. La bastonnade promettait de s’éterniser si Maria-Elisa ne trouvait pas un biais permettant à la volonté de Jolifleur de fléchir. La décence autant que la pudeur l’empêchaient qu’elle appliquât ce que Philippe le Bel avait fait à l’encontre des Templiers, eux-mêmes accusés de sodomie. Certes, l’inversion l’horrifiait et la rumeur courait au sujet même de la fille du roi déchu entourée de jeunes domestiques dont le rôle, selon certains pamphlets, allait au-delà d’un service ancillaire normal. Le XVIIIe siècle finissant avait rejeté la barbarie gothique.  

Un moyen moins traumatique d’en finir lui vint alors en tête – du moins supposait-elle qu’il occasionnerait moins de séquelles. Il s’agissait d’une variante du supplice de l’eau ; cependant, le recours à l’alcool se substituait à celui du liquide ordinaire. Ainsi enivré de force, la langue du prévenu se délierait enfin. Les fiasques d’eau-de-vie et les tonnelets de vins abondaient dans les caves du Châtelet. D’ordinaire, la soldatesque s’y livrait à des agapes immondes auxquelles elle conviait les prostituées du Palais-Royal. Grâce si l’on peut l’écrire au comte di Fabbrini, l’absinthe
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 s’était additionnée à ces capiteuses liqueurs embrumant les crânes. Cependant, comment utiliser le sucre pour parfaire cette tâche ? Maria-Elisa se souvint de ces pains coniques de sucre de canne, et, nouveauté, de betterave stockés dans les cambuses de la forteresse médiévale (encore un bien-fait à porter au crédit de celui dont elle ignorait le rôle occulte et l’identité, homme du secret qu’heureusement elle n’avait jamais aperçu ni croisé, et dont elle écorchait le nom en Monsieur Galéas). Pourtant, il était à première vue illogique d’utiliser cet ersatz du fait qu’en ce nouveau cours de l’Histoire, les Anglais n’étaient point parvenus à organiser un blocus des Antilles. La flotte de sa Majesté le roi fou avait eu fort à faire avec les vaisseaux nouveaux français, de redoutables ouvrages flottants cuirassés inspirés des futurs Merrimack 
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 et Monitor de la Guerre de Sécession de l’autre Histoire surarmés de canons Columbiad chargés par la culasse.
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 Ils avaient taillé des croupières à la Royal Navy de Crazy George, lui occasionnant des pertes astronomiques et irréparables en nombres de tonneaux coulés, assurant de cette manière belliqueuse la suprématie de la France sur toutes les mers du globe. L’Angleterre avait bien sûr tenté de fomenter la révolte des esclaves dans les Îles. L’on devine que ces insurrections légitimes avaient été noyées dans le sang à coups de rafales de Gatling… Rendant la pareille à Albion, les agents de l’ex-lieutenant général du royaume et connétable étaient parvenus à soulever les Caraïbes. La Jamaïque avait ainsi proclamé son indépendance en 1797, premier gouvernement souverain noir que Louis XVI s’était empressé de reconnaître. Tout cela dénotait l’hypocrisie de l’esclavagiste convaincu qu’était Buonaparte. Il n’était favorable qu’à l’émancipation des seuls Noirs des colonies ennemies… maintenant les autres sous le joug d’un code colbertien réécrit et perfectionné par ses soins.

Jamais coupée, la route atlantique du sucre antillais permettait d’assurer son lot de caries dentaires parmi les puissants du pays.

Elle donna des ordres ; l’on monta les récipients d’alcool et prépara l’antique entonnoir. Un tonnelet d’eau-de-vie fut mis en perce (même si le terme de « perce » paraît convenir davantage à des tonneaux de capacité supérieure, pourquoi se priver de son emploi ?). L’office horrible débuta après que l’on eut allongé le prisonnier sur une planche dont il est inutile de décrire l’inconfort. L’absorption forcée avait moins pour objectif de distendre l’estomac d’Agathon, comme dans le supplice de l’eau, que de délier une langue trop longtemps ligotée.

En un premier temps, ses joues tuméfiées se firent vermeilles ; alors, il entonna une chanson à boire, scabreuse, hideuse. Maria-Elisa refusa de se boucher les oreilles. Des filets de liquide s’écoulaient de la bouche tourmentée du muscadin et s’allaient détremper le parterre. Peu importait que plus tard, le prévenu se vidât de ces fluides « opiacés » surnuméraires. Comme cela ne suffisait point encore à arracher des aveux et puisqu’Agathon avait l’alcool gai, l’inspectrice ordonna que le nouveau type de maître tourmenteur essayât enfin l’absinthe.

Il fallut casser un pain de sucre pour ce faire, un de ces pains coniques précédemment cités, pris dans une des cambuses mentionnées tantôt, de manière à ce que les fragments en résultant pussent être placés au-dessus du vert alcool. Leur fongibilité s’exercerait alors. Cependant, les bouteilles d’absinthe disponibles ne dépassaient pas la taille du réhoboam,
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 c’était-à-dire quatre litres et demi. Le sucre avait beau être désormais morcelé, les éclats s’avéraient encore trop grands pour passer par l’embouchure du verre. On brisa donc le goulot de la dive bouteille sélectionnée pour ce faire, à ras de col, et on y introduisit le morceau de sucre brisé au bout d’une cordelette. Ainsi suspendu, il fondit. L’horrible opiat abrutissant était prêt pour l’injection forcée dans l’œsophage déjà malmené du torturé…

L’homme à la vêture anthracite imposa au muscadin meurtri l’abreuvement contraint assommant la cervelle. Plus il buvait, davantage sa face tumescente s’égayait, affichant un sourire d’Homme qui rit,
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 ouvrant grand une mâchoire aux dents ébréchées ou rompues, des gencives de laquelle ruisselaient des fluides sanguinolents. En un premier temps, il entonna une seconde chanson à boire, paillarde, gaillarde. Enfin, la langue épaissie se délia, et, miracle, providence, les lèvres gonflées par les coups marmottèrent un égrenage de noms.

Cela s’extirpait à la semblance du murmure d’une dévote édentée à la mâchoire purulente de phlegmons, récitant son Rosaire fanatique, grain après grain, répétant sans cesse sa prière. Dans le même temps, le ventre enflé d’eaux fortes de l’aviné personnage était pris de spasmes, de secousses, et des hoquets fulgurants entrecoupaient un discours certes incohérent, mais pourvu de sens pour qui savait tendre l’oreille. Au sang de l’orifice buccal ne tardèrent pas à se mêler le phlegme, la bave et ce qu’on commençait à dénommer le chyle ; la victime débectait donc tout en chantant les noms de ceux qu’elle fréquentait.

Comme enfiévrée d’impatience, Maria-Elisa ne cessait de griffonner sur un calepin les produits syntaxiques captés par son ouïe.

« De Kermor, Cadoudal,
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 Saint-Régent… Per Bacco ! Molto bene ! Excellent tout cela… Cochon, Danton et Fouché seront contents ! »

Le nom de Limolëan s’ajouta à cette liste noire qui cependant, ne dévoilait pas le maître à penser de la conjuration, mais seulement les organisateurs de second rang ou seconde main. Mais la corrélation était facile à déduire entre exécutants et donneurs d’ordres. Seules trois personnes de la famille royale déchue étaient capables d’une telle audace : le comte de Provence, le comte d’Artois et Madame Royale. Condé était trop militaire ; Orléans en deuil paternel trop récent et trop loin.

La liste était prête ; il ne manquait plus qu’à lâcher les mouches et les gendarmes, à perquisitionner tout Paris et ses environs, à traquer les conjurés jusqu’à la capture.

Cependant, Maria-Elisa poursuivait ses pensées :

« Les rapports émanant de l’agent Michel Simon à Trèves faisaient état de la présence d’une jeune femme à la Porte Noire, femme qui ne peut être que la fille de l’ancienne reine. Provence devient podagre, Artois est réputé pour sa stupidité. Provence est trop fin, trop matois. Il eût privilégié la ruse à l’action. L’impulsivité têtue d’Artois l’aurait poussé à la faute avant même que l’attentat fût commis. Une souricière eût été facile à tendre contre lui et ses comparses. Non, seule Madame Royale allie ce côté calculateur mêlé à la hardiesse de la jeunesse… Rendons-en compte. »

Agathon avait tout dit.

« Relâchez-le. Qu’il soit tenu désormais au secret le plus absolu. Mon supérieur statuera sur son lieu de détention. » jeta-telle au bourreau.

Abrial se réjouit lorsqu’il apprit la réussite de l’interrogatoire. Danton eut toutes les cartes en main pour décider du sort du prévenu. Fouché, quant à lui, lança ses meutes de limiers aux trousses de la princesse et des quatre hommes. On craignit qu’ils se fussent déjà enfuis de la capitale, qu’ils trouvassent refuge en Bretagne, là où le peuple rétif refusait le plus la nouvelle dynastie pour lui illégitime puisque l’Autel n’avait pas validé le monarque improvisé. Napoléon ne tenait pas son pouvoir de Dieu mais du diable. Pour un Breton ordinaire, des forces obscures venues des Ténèbres avaient aidé ce Buonaparte à usurper le trône. Seul un recours à la sorcellerie avait pu le pousser à déposer Louis XVI. Le particularisme provincial l’emportait en ce finis terrae sur l’idée de nation. Les victoires militaires accumulées ces dernières années avaient indifféré les bouseux demeurant en leurs plous.  

Le soir même, d’une main grasse mais ferme, Georges-Jacques Danton signa d’un trait l’acte de détention au secret absolu du sieur Agathon Jolifleur. Le lieu fut fixé : ce serait l’antique Bastille. Le procès pouvait attendre tant que tous les responsables courraient au gré du vent de galerne.



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Sans ménagement aucun, Agathon, en loques, fut jeté chaînes aux mains et aux pieds dans un cachot profond et obscur plus proche d’une de ces cellules de reclus ermite, d’un de ces hagioscopes,
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 que de ce que l’on entend par lieu de détention ordinaire des prémices du XIXe siècle.

Ledit cachot, digne d’une oubliette moyenâgeuse, musquait jusqu’à la vomissure. A des effluves vinaigrés se mêlaient des efflorescences morbides, des miasmes putrides indéfinissables, qui témoignaient d’une présence préexistante à celle du nouveau locataire. C’était comme si quelque animal féroce, issu d’on ne pouvait savoir quelle jungle exotique, se fût tapi en un coin retiré du lieu insane de réclusion. Agathon n’en douta point : un autre prisonnier l’avait précédé, à moins que les senteurs de cauchemar résultassent d’un mélange invraisemblable des multiples fragrances de celles et ceux qui avaient peuplé cette fosse enténébrée durant des décennies. La pierre de taille, cariée, exsudait des humeurs humides et glacées, suintait des gouttes d’une eau croupie provenant des infiltrations des pluies ou des égouts. Car, entre l’égout et le cachot, il n’y a guère de différence, nous apprendront les plus malchanceux des compères de Latude, cet illustre locataire de la forteresse insalubre que le nouveau pouvoir s’obstinait à conserver provisoirement, ne sachant qu’en faire. Cela arrangeait ce régime policier que l’on pouvait qualifier de nouvelle tyrannie, à la Sulla, à la César, à la Pompée ou à la Domitien.
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 Le despotisme faisait fi des Lumières qu’il défiait. De plus, la profondeur de l’outre-lieu laissait supposer que nous nous trouvions peut-être sous la Seine comme quelque in-pace mérovingien où eût pourri par places le cadavre d’un sicaire de Frédégonde emprisonné là pour crime de lèse-majesté. Or, cette hypothèse était hautement invraisemblable ; elle impliquait une construction en sous-sol occulte, un labyrinthe souterrain caché sous la forteresse médiévale, prolongé, en extension, jusque sous le fleuve, labyrinthe annexé à la Bastille en prévision d’un afflux extraordinaire de prisonniers d’Etat, afflux justifié par le nouveau système policier de Fouché en cours d’organisation. Paris regorgeait de carrières bonnes à exploiter pour ce nouvel usage, et il était à craindre que les toutes récentes catacombes elles-mêmes fussent converties en lieu de détention. Même les égouts pouvaient aisément accueillir des cellules et cachots si l’on sollicitait le moindre interstice, la moindre alcôve, le moindre cul-de-four, la moindre cavité ou le moindre trou d’homme. Paris deviendrait lors en son sous-sol un emmental carcéral troglodytique, une termitière ou fourmilière réticulée de prisonniers politiques.

Comme pour confirmer les soupçons d’un Agathon encore hébété par l’ivresse, dont le crâne pulsait d’une migraine atroce, un gémissement, plus proche de celui du sanglier mourant que de l’homme, s’éleva dans le silence de ce sépulcre où seuls auparavant pouvaient être ouïs les couinements furtifs des rats noirs et leurs gambades précipitées. Cette plainte sauvage, sylvaine, provenait du recoin le plus noir du cachot. Un tintement s’ajouta au mugissement de la bête : l’être, quelle que fût son exacte nature linnéenne, portait les mêmes chaînes que notre muscadin. Ce son témoignait de la persistance de la vie. De même, on ne pouvait douter que sa captivité, peut-être longue de bien des années, avait facilité la régression animale du captif.

Ce fut alors que la créature commença de murmurer :

« Mala… Maxa… Maja… »

De quel langage s’agissait-il ? Notre Agathon ne l’appréhendait point.

L’être poursuivait sa litanie, ces trois mots : « Mala, Maxa, Maja… »

Cela pouvait sonner comme de l’espagnol. Cela se répéta des minutes durant ; tout le reste n’était que silence angoissant. Agathon craignait que cette voix se tût, que ce seul indice tangible d’une autre présence vive autre que les rats s’effaçât et le laissât démuni, angoissé, face à la solitude du prisonnier politique qu’il était devenu. On lui avait retiré toute possibilité de suicide, ni cordelette, ni cravate, ni lame. Galeazzo avait suggéré cela à Napoléon, Cochon et Danton car il se souvenait de l’autre Histoire, lorsque l’alter-ego de Pichegru
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 avait mis fin à ses jours en prison par la strangulation, par un nœud de cravate, accessoire vestimentaire que les geôliers avaient négligé de l’en priver.

Après un temps non mesurable, de la bouche inconnue en provenance du lieu sombre, s’extirpa un « Marrra… » prolongé qui s’échappa tel un râle, suivi d’une plainte, d’un aaaah résonnant comme un point d’orgue dépourvu de terme. Il était lors à redouter que l’inconnu eût succombé. Agathon rampa jusqu’en l’endroit d’où venait cette plainte. Ses chaînes cliquetèrent. L’unique source de lumière, spectrale, qui éclairât ce cachot, provenait d’une sorte de meurtrière, fente proverbiale – moins qu’un soupirail – d’où un rayon fugace, ténu, tombait de biais, parvenant avec peine à faire entrevoir la silhouette étendue du détenu, prostré sur la paille pourrie. L’homme – devrait-on plutôt le qualifier d’épave humaine – se tenait dans une position fléchie, les jambes allongées, les reins appuyés contre une paroi suintante et cariée par cette lèpre humide commune aux pires prisons. Agathon regrettait d’une part ne point être muni d’un rat de cave et, d’autre part, ne pas avoir sollicité l’usage de la pistole – mais il n’appartenait pas à cette gent privilégiée qui tenait à ce que sa captivité fût la plus dorée possible.

Plusieurs minutes s’écoulèrent durant lesquelles le captif ne donna aucun signe de vie. Notre muscadin hésitait : devait-il alerter le geôlier afin qu’il constatât l’éventuel décès ? La tête du « cadavre » reposait sur sa poitrine et ses traits restaient impossibles à appréhender. Tout ce qu’Agathon devinait à la lueur minime de la meurtrière, c’était la coiffure du quidam peut-être passé Ad Patres : un chiffon immonde enveloppait son crâne, chiffon délavé, usé jusqu’à la trame, dont les effluves vinaigrés occasionnaient un haut-le-cœur aux narines sensibles du sieur Jolifleur. On appelait communément cela madras et cette coiffe était évocatrice de l’ancienne piraterie des Caraïbes. 
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Alors, bien qu’Agathon ne s’y attendît plus, le malheureux s’anima : non seulement sa poitrine de souleva, mais il remua, levant brusquement son bras droit en l’air en criant : « Ça ira ! ».

C’était là une interjection célèbre, une exclamation souventes fois proférée par ce savant américain, Benjamin Franklin,
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 venu à Paris sous le précédent règne lorsqu’il s’était agi de demander l’aide du royaume de France aux insurgents américains qui venaient de proclamer leur indépendance. Franklin était bon diplomate ; cependant, sa connaissance du français était demeurée fort approximative. C’était pourquoi il ne savait que répondre invariablement, lorsqu’on lui adressait la parole : ça ira.

Ce qui avait le plus impressionné le muscadin, c’était non point le geste lui-même, l’interjection jetée par ce prisonnier anonyme – quelle que fût la référence à la révolution américaine qu’elle eût contenu – mais l’aspect de ce bras décharné. Au premier abord, Agathon avait pensé que les lambeaux qui pendaient de celui-ci étaient les restes putréfiés de la chemise de ce condamné politique. Il ne tarda pas à réaliser avec effroi qu’il s’agissait non point d’un haillon vestigial d’étoffe, mais de fragments pantelants de la peau même du membre de l’infortuné.

Depuis la meurtrière, le soleil daigna éclairer en son entier le corps d’épouvante du détenu, de la figure aux pieds nus.

L’homme apparaissait tel un écorché de Vésale,
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 une cire anatomique florentine
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 ou une victime de ces brigands illustres du XVe siècle, ces fameux routiers qui avaient écumé les campagnes à l’époque de Jeanne d’Arc. On les surnommait à juste raison les écorcheurs. Notre inconnu pelait, se desquamait en son entièreté. Il souffrait d’une maladie de l’épiderme ayant atteint le stade ultime. Il se mourait, mais à petit feu. Le plus atroce de cet être demeurait le visage : sous le madras s’étiolait un magma informe, une figure constituée de cire fondue, perlée çà et là de boursouflures, de boutons purulents. A cela s’ajoutait une curieuse membrane révélatrice d’une grave carence alimentaire. Elle formait, constituait, comme un masque de peau séchée, poussiéreuse, un peu noirâtre par endroits. C’était là quelque masque mortuaire trop tard arraché à une charogne, comme une de ces effigies en plâtre de Paris mal moulées sur les faces des dépouilles de ceux que le bourreau vient d’exécuter. Or, ladite membrane épidermique, moisie, était commune, selon les médecins, à ces paysans arriérés, dégénérés, de l’Italie du Sud, qui jamais ne mangeaient à leur faim. Il s’agissait d’une sorte de gale humaine dénommée la pellagre. Notre détenu moribond était donc pellagreux. 
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Alors, il s’écria, comme en un ultime soubresaut vital :

« Je m’appelle Marat, l’ami du peuple ! »

Il retomba aussitôt en son hébétude comateuse.


A suivre...

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samedi 8 juin 2019

La Servante écarlate : le monde de Gilead.

Suite et développement du texte précédent.



La Servante écarlate : le monde de Gilead.
Par Christian Jannone

Contexte général du récit.  

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L’action de La Servante écarlate se déroule dans un futur imaginaire où un Etat fictif, Gilead, a remplacé les Etats-Unis d’Amérique, à la faveur d’une sorte de contre-révolution ayant abouti à l’instauration d’un régime politique pouvant s’apparenter à une théocratie d’extrême-droite. Le processus ayant établi le nouveau système nous est décrit pp. 290-307 (chapitre X Parchemins de l’âme sous-chapitre 28). Les événements glaçants racontés par Defred relèvent d’une politique-fiction quasi prophétique, en cela qu’il y est déjà question de terrorisme islamiste. Mais le déchaînement de violence ayant conduit à la prise de pouvoir de l’extrême-droite via la proclamation de l’état d’urgence après l’assassinat du Président et l’attaque du Congrès n’est pas non plus sans annoncer le postulat de départ d’une récente série télévisée américaine Le Survivant désigné,
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 où une conspiration suprématiste blanche aboutit à la destruction du Capitole, de tout le Congrès et l’administration présidentielle réunis lors du discours de l’état de l’Union et à l’anéantissement des institutions démocratiques (à l’exception de celui qui a été désigné comme « survivant » dans l’équipe du Président et se retrouve de facto nouveau Président des Etats-Unis). Là encore, comme chez Margaret Atwood, les islamistes sont au départ considérés comme responsables de l’attentat monstrueux. Est-il besoin de rappeler que l’auteure a écrit ces lignes en 1984-85, soit plus de seize ans avant le 11-septembre et près de trente ans avant la série susdite ?
Le livre de Margaret Atwood est marqué par le péril écologique : la pollution chimique a provoqué un effondrement démographique. La plupart des femmes sont devenues stériles et, parmi les rares naissances, beaucoup aboutissent à des humains classés comme « inaptes » handicapés, asociaux ou « monstrueux ». Margaret Atwood, par certains côtés, annonce la collapsologie, révélée seulement au grand public en 2015. 

Gouvernement et société de Gilead.
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La République de Gilead a remplacé les Etats-Unis d’Amérique avec la prise de pouvoir d’une secte protestante fondamentaliste, Les Fils de Jacob. Un régime totalitaire et oppressif s’est substitué à la démocratie, régime policier, militarisé, où les hommes exercent le pouvoir au détriment des femmes, dépossédées de leurs droits civiques et professionnels, de leur liberté sexuelle et de leur autonomie financière. Le système de Gilead est pro-life (anti-avortement) et restaurationniste (restaurer les valeurs protestantes puritaines des Pères pèlerins du XVIIe siècle). La Bible s’est substituée à la Constitution.
A l’ancienne société de classes a succédé une nouvelle société stratifiée et théocratique, où la caste dirigeante des Commandants fait régner un patriarcat axé à la fois sur la répression des dissidences religieuses et sexuelles (les opposants et dissidents sont pendus, le prêtre comme l’homosexuel) et sur l’arme de la procréation naturelle déviée. Ainsi, les femmes se trouvent divisées en quatre catégories :
- les Epouses des Commandants, qui appartiennent à l’élite dirigeante tout en n’exerçant aucune autorité politique et sont stériles du fait de la chute de la fécondité, vêtues de bleu ou de vert ;
- les Servantes écarlates, considérées comme fécondes, vêtues de longues robes rouges avec une coiffe blanche. Ces uniformes sont autant évocateurs des sœurs d’autrefois que de la mode des femmes puritaines de l’Amérique coloniale du XVIIe siècle. Formées d’abord dans des centres sous la houlette de Tantes puis placées auprès des ménages des Commandants, leurs identités modifiées au nom de celui auquel elles appartiennent (rappel de l’esclavage mais sans la connotation raciale) elles servent de mères porteuses, sont assujetties à des rapports sexuels strictement reproductifs avec leur maître et portent de fait l’enfant de l’Epouse lorsqu’elles sont enceintes : après l’accouchement, qui est public, cérémoniel – en parallèle à celui-ci, l’Epouse est censée « mettre au monde » le bébé – celui-ci est arraché à la mère biologique. Cette idée a déjà été utilisée par l’auteur de SF W.M. Miller 
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dans une nouvelle de 1952, Humanité provisoire, où les femmes simulaient l’accouchement d’enfants adoptés hybrides humains-animaux. Lorsqu’une servante écarlate ne fait pas l’affaire ou se montre rétive et rebelle, on la change au mieux de foyer de Commandant et d’Epouse ; au pire, on la punit de diverses manière (châtiments corporels, opérations humiliantes des organes sexuels, déportation aux colonies où, dans des espèces de camps de travaux forcés, elles travaillent sur des terrains contaminés et manipulent des déchets toxiques) ;
- les domestiques, dites les Marthas, vêtues de gris, qui ont le droit de se marier dans leur catégorie avec des serviteurs masculins, sans que soit garantie la naissance d’un enfant ;
- les Tantes, vêtue de marron ou de kaki, qui exercent leur autorité dans des centres de formation des Servantes écarlates (centres d’endoctrinement et de soumission), les surveillent et les éduquent dans des principes religieux rigides, leur apprennent à accoucher, les font participer à des cérémonies mais aussi à des exécutions de « criminels » ou de déviants qu’elles battent à mort.
Outre les Commandants, arborant un uniforme noir évocateur, et les domestiques masculins, les autres hommes appartiennent à la police « classique », aux Gardiens, vêtus aussi de gris, à la police politique (les Yeux – l’Œil au singulier), ou à l’armée.
Tout cela peut se rapprocher du système antique indien des castes. A noter que le clergé tel que nous le connaissons n’existe plus, victime de la répression. Les églises, temples, lieux de culte, sont abandonnés, démolis ou reconvertis. Les Commandants semblent agréger les antiques fonctions des triades trifonctionnelles indo-européennes, qui subsistèrent jusqu’à la fin de la société d’ordres d’Ancien Régime en 1789 : ils sont rois-prêtres-fécondateurs (cf. les travaux de l’historien Georges Dumézil).
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 Les Tantes représentent aussi un succédané de clergé.
Mis à part la Bible, les livres ont été interdits, de même la presse, les magazines de mode etc. Les femmes ne reçoivent plus d’éducation autre que domestique et lire et travailler leur est interdit. Cet enseignement biblique ne leur est prodigué qu’oralement. Nous sommes encore dans la première génération de Gilead ; à terme, plus personne sans doute ne saura lire, mais la note d’optimisme des Notes historiques montre que ce régime, ce système, sont passés, révolus, et que le récit retrouvé de Defred est assimilé à un conte. L’Etat oppresseur suprématiste blanc a chuté, remplacé par un monde multiracial et multiculturel savant. Cette conclusion explique le choix du terme « ustopie » par la romancière.
Peut-être cette chute future de Gilead est-elle due à une résistance qui se met en place, des réseaux permettant de fuir la dictature. Parmi eux, MayDay. Parmi les opposants de l’intérieur se trouvent en particulier les Quakers.

Les personnages.
 June devenue Defred : c’est la narratrice, dont nous savons qu’avant la dictature,
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 elle exerçait une profession, avait un mari (Luke) et un enfant. Elle espère que Luke a pu se réfugier à l’étranger et désespère revoir son enfant, qui lui a été enlevé car constituant la preuve de sa fécondité. Des liens se développent entre Defred et d’autres personnages comme Nick, le chauffeur du Commandant ou des Servantes telle Deglen. Son nouveau patronyme s’explique : elle appartient à Fred (le Commandant).
Le Commandant : prénommé Fred, c’est le membre de l’élite dans le ménage duquel Defred a été placée après sa formation. Les Notes historiques achevant le roman révèlent son nom de famille : Waterford. Envisagée au départ comme simple mère porteuse par celui-ci, Defred finit par nouer avec lui des liens ambigus, tels ceux autrefois du maître de la plantation avec une esclave favorite. Defred découvre au fil des péripéties du livre des secrets dissimulés (possession d’anciens magazines interdits), une face cachée, un désir sexuel sincère qu’il n’assouvit pas et compense par des cadeaux (une lotion), une participation régulière à des parties de Scrabble jusqu’à une virée nocturne dans un lieu inattendu, le bar Jézabel dérivé des anciennes maisons closes où Defred retrouve une vieille connaissance du monde d’avant, Moira. Le Commandant n’est plus un homme jeune : il grisonne et on peut supposer son impuissance, sa stérilité. La relation ambivalente entre June et Waterford peut déboucher sur un « syndrome de Stockholm ». 
Serena Joy : femme du Commandant, qu’elle a connu avant la prise de pouvoir de Gilead. Elle partage les mêmes convictions que son époux. Son nom complet ne nous est renseigné que dans les Notes historiques. Defred nous apprend qu’elle aussi a changé de nom : autrefois, elle s’appelait Pam (p.81), ancienne vedette de la chanson, une people qui se mit à militer dans les milieux réactionnaires prônant le retour de la femme au foyer. Serena Joy fut victime de deux attentats manqués : arme à feu et bombe. Elle marche avec une canne, symbole autant de handicap que d’autorité. L’horticulture constitue sa passion. Du fait de son sexe, elle n’a plus de rôle politique.
Tante Lydia : comme toutes les Tantes (dont Tante Elisabeth), elle exerce son magistère, son endoctrinement, sur le groupe de Servantes dont elle a la charge dans un centre. Elle leur dicte le Dogme, la Règle de conduite, leur enseigne l’obéissance, la soumission, la Religion (dévoiement des Ecritures au profit d’un système théocratique protestant). Elle les tient sous sa coupe, leur apprenant, en nouvelle « sage-femme » tout ce qui concerne leur destin ou programmation : elles seront les réceptacles des enfants conçus en elles par les Commandants, leur grossesse sera suivie, leur accouchement sera celui de l’Epouse, non le leur. Elle veille à ce que la dépossession de l’enfant nouveau-né se fasse sans heurt ni résistance de la Servante. Elle est l’enseignante, la pédagogue et la policière. Son autorité se poursuit lors des cérémonies. Nous ignorons son passé dans le monde antérieur.
Deglen :  Servante amie de Defred, autrefois prénommée Emily. Elle fait semblant, tout comme Defred, de jouer le jeu du nouveau système oppressif. Elle sait instiller en elle le doute, la transgression, comme au XVIIe siècle Don Juan et les libertins (épisode des Parchemins de l’Âme – machines à fabriquer des prières – pp. 278-283). C’est une agnostique, une insoumise, une rebelle, un personnage jugé dangereux qui finit par disparaître, sans que l’on sache si elle a été exécutée ou déportée dans l’une des colonies. Le plus terrible, une autre Deglen la remplace, à la stupéfaction de June qui s’interroge sur son sort. Deglen exerçait avant Gilead une profession intellectuelle supérieure. Son orientation homosexuelle – comme celle de Moira - explique aussi son « élimination » après désobéissance. 
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Moira : ancienne amie d’études de June. Elle aussi fut réduite à l’état de Servante, sous les ordres de Tante Elisabeth, mais elle parvint à s’évader du centre de formation. Moira est devenue une prostituée du Jézabel sous le pseudonyme de Ruby, à la surprise de June qui la retrouve lors d’une virée clandestine du Commandant.
Janine : Servante écarlate qui accompagne souvent Defred aux courses ou aux promenades surveillées, comme Deglen, et appartient au groupe dont Tante Lydia a la charge éducative.
Nick : officiellement de la classe des domestiques masculins, il exerce la profession de chauffeur du Commandant. Son rôle est ambigu, en cela que, d’une part, il est soupçonné d’être un Œil de la police secrète noyautant la maison du Commandant et, d’autre part, il est mandaté par Serena Joy pour servir d’étalon pour Defred, Serena soupçonnant la stérilité de son mari. Frustrée sexuellement, June-Defred fait de Nick son amant. Personnage clef du « dénouement suspendu » du roman, Nick participe de fait à l’évasion de June via le réseau de résistance MayDay. Sorte d’« agent double », résistant infiltré dans la police secrète des Yeux, quelquefois rapproché des Anges (protecteurs ou pas), il parvient à faire croire au Commandant à l’arrestation de June. Le roman s’achève donc sur une fin ouverte, résolue, comme nous le verrons dans un prochain article, par la série télévisée en sa deuxième saison. A l’origine, Margaret Atwood n’envisageait pas de suite.
Luke : mari de June dans le monde antérieur. Apparaît dans les multiples flash-backs du roman. June espère qu’il a pu se réfugier à l’étranger.
Cora : une domestique du Commandant, appartenant à la classe des Marthas ou « Econofemmes ». Elles peuvent convoler, par exemple, avec Nick. Il arrive que des Marthas soient châtiées et exécutées en public lorsqu’elles ont « péché ».   
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Christian Jannone.