samedi 17 octobre 2009

Détective privé en Aveyron

A Léo Malet et à Jennifer Jones.


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Rodez , dernière année du XXe siècle.

Sézigue est venu me remercier à neuf heures du mat'. L'mec avait intérêt à faire court, à s'bouger l'popotin rapidos, parce que mézigue devait recevoir un aut' client pour 9h30, et un exploitant agricole, en plus! J'suis détective privé, et j'ai ouvert une agence dans la France profonde plutôt qu'chez les Parigots!

Donc, alors que je posais ma bouffarde à tête de mouflon, moi, Prosper Cervat, surnommé « fulmicoton Cervat », le privé qui pulvérise le mystère, j'ai reçu les congratulations d'mon précédent chaland pour la résolution d'son affaire : j'avais réussi à retrouver sa mascotte, son rat apprivoisé, Smitty! Le gonze était un biker tatoué d'la tête aux panards, avec un marcel tout cuir, un falzar clouté et moulé façon couille-boye, un ventre en cloque de six mois à cause de l'abus de canettes et des niches de bonne femme. Il avait l'allure d'un transsexuel dont les opérations se seraient arrêtées à mi-chemin. J'espère qu'c'était pas un ancien para, parce que les trans-paras, j'en veux pas. Pendant qu'il crachait ses remerciements, ça schlinguait terrib' sous son bandana! Son dernier shampoing devait remonter aux Australopithèques! Mon boulot avait été fastoche : son rat était reconnaissable entre tous because son look heavy metal avec son p'tit collier clouté, son oeil borgne et son pelage rasé avec un tatoo à tête de mort! L'acrée bestiole avait été retrouvée, toute pomponnée, lavée et parfumée comme une drôle de peluche vivante mi sado-maso, mi petits lapins roses des cartoons d'onc' Walt, dans le jardin de la résidence d'été de hautes pontes de Paris XVIe! Celle qui avait fauché le monster était leur fistonne, une Marie-Chantal de première, mais qui s'appelait Quitterie-Ombeline! La gosse cachait bien son jeu. On lui donnait 14 berges, à cause de son corps à peine développé, mais elle en avait 18 et venait d'avoir son bachot. Elle devait entrer en éco-gestion à Dauphine à l'automne. Nonobstant sa coupe au carré, ses cheveux châtains et ses yeux gris-bleu, la minette me rappelait ce vieux film en noir et blanc totalement con avec Deanna Shirley De Beaver de Beauregard qui joue les fillettes plates comme des punaises (c'qu'était vrai : dans ses autres films, les couturiers la rembourraient parce que le style Jane Birkin était mal vu dans le studio system de l'époque, sauf pour Katharine Hepburn) amoureuses d'un pianiste noceur avant de clamser du typhus. La gamine, la Quitterie trucmuche fausse nunuche, s'habillait uniquement vintage anté mai-68, en écolière façon « Diabolo fraise » de Liane Kurtiss! Elle portait présentement une robe en Vichy noir années 50 évasée comme à l'époque de Christian Dior! J'en ai appris de belles plus tard sur la petite pouffiasse : y'avait eu un scandale la concernant lié à la ligne de neige sniffée et à des pratiques onanistes exécutées en guêpière Lucky-Luke™[1]. La p'tite gonzesse à qui on aurait donné l'bon Dieu sans confession faisait ça avec de gros bics™ à plusieurs couleurs qu'elle recouvrait d'une capote! Elle s'est vantée devant moi ne jamais avoir porté de pantalon de sa vie, et être devenue célèbre à la téloche à deux ans dans un reportage très salissant sur le chocolat![2] J'ai pensé qu'elle était exclusivement pour les robes et les jupes parce que c'était plus rapide pour tirer un coup! Y'avait qu'à soulever! Elle a commencé à vouloir me faire une démonstration en relevant lentement ses jupons. J'ai pas voulu savoir si en dessous, c'était l'origine du monde de Courbet, l'épilation intégrale pour émules de Balthus, la gaine Preytox™ 1950 (vous savez, la lingerie qui foudroie les hommes comme le flytox les mouches, comme le dit le slogan) ou le string taille slim, 34 ou 12 ans! J'ai jeté à la p'tite salope, à la cantonade :

« Si tu veux baiser avec moi, paie-moi d'abord! »

Pour toute réponse, elle m'a giflé, mais elle a capitulé et m'a rendu Smitty qui puait grave la violette!

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Adonc, une fois que l'biker s'est cassé, j'ai demandé à Clara, ma secrétaire, d'introduire l'client suivant! Ça faisait juste un mois que Clara avait changé de look, adoptant, là encore, les tailleurs vintage de pépée de film noir amerloque des forties et fifties : présentement, elle ressemblait à Kim Kovak dans « Vertigo », bien peroxydée dans son ensemble gris, avec le chignon banane en prime et les talons aiguille!

Auparavant, j'avais eu maille à partir avec ses tenues de viol. Clara ne jurait que par les mini-jupes brésiliennes volantées, en coton ou en jean avec l'ourlet au ras du cul, façon Lambada, avec le string en-dessous, et le top réduit à la taille d'une brassière dispensant du port du soutif! Puis, y'avait eu l'incident « féminin » : un beau matin, devant une cliente collet-monté, son tampax™ avait eu une fuite! J'ai perdu une affaire ce jour là et j'ai poussé la gueulante. J'ai mis à Clara les points sur les i :

« Primo, t'arrêtes d'acheter des tampons à deux balles dans les hard-discounts! (les maxidiscomptes pour les viocs du Quai Conti)! Secundo, tu mets plus de string mais des vraies culottes de grand-mère bien enveloppantes façon Preytox™ ou Bridget Jones (le film venait de sortir aux States)! Tertio, le look Lambada, c'est fini depuis dix ans, capisco?

- Okay Prosper! » m'a-t-elle répondu façon goualeuse.

Le nouveau chaland a donc fait son entrée : c'était un paizous aveyronnais, un vrai de vrai! A première vue l'était aussi soufflé qu'le motard de tout-à-l'heure : ça devait faire une éternité qu'on pouvait plus compter le nombre de X devant le L de sa taille de falzar! C'était un sexagénaire au nez de gaziste, avec son galure vissé sur le crâne : un authentique béret français d 'époque, comme celui demandé par Brunius, l'échalas de la « partie d'campagne » de Renoir, dans l'filmoche de Pierre Prévert dont j'sais plus l'titre! L'couvre-chef était pourri, maculé d'innombrables taches de chiures ou de guano d'pigeons, tourterelles et autres colombins! Sa veste, craquée, en velours côtelé, avait la doublure qui foutait l'camp depuis au moins l'époque de Pompon si c'était pas celle de Coty! L'agriculteur mâchouillait un mégot jaunâtre de bave, reste pitoyable d'une clope au maïs! J'ai invité l'vieux madré à s'asseoir, en prenant garde qu'il pète pas l'fauteuil sous son cul d' pachyderme (comme la phrase superbe de Laurel à Hardy : « Pachyderme, passe-moi le livre! »). J'lui ai demandé l'motif d'sa visite! Il a commencé à dégoiser. Son verbiage était entrecoupé d'interjections et de gros mots en occitan et en espagnol! C'était, incroyable, un hispano-aveyronnais! Vous allez pas m'croire si je vous dis qu'en plus, l'mec transpirait de la moustache!

« Puñetas y dor! C'est pour c'ta putana d'Françoise, ma femme! Elle m'trompe, arrha! La putanella! J'veux que vous la pistiez, la maquarella, pour savoir avec qui elle couchaille, 'a putana! »

Face à un tel discours fleuri, je regrettais de ne plus posséder un de ces antiques magnétophones à cassettes audio où j'aurais pu m'amuser à repiquer sur une seule minicassette de 90 minutes le même 'a putana! L' vioc' prit du papier à cigarettes et piocha d' l'herbe à Nicot dans sa blague à tabac, puis se roula une nouvelle clope avant de poursuivre :

« Putareo! Ah, c'que c'est bon! Votre prix s'ra l'mien 'a putana! Faites bonne filature! En général, la putanella s'tire à sept heures du soir d'la ferme pour on n'sait trop où et elle revient qu'à l'aube, comme une tchata en chaleur! Maquarella da putan'!

- C'est à Pomponette qu'vous penser, m'sieur! »

Y m'a montré une photo d'sa conjointe : c'était une brune affriolante avec des roberts de pépette gonflés à l'hélium et des hanches de cheval de labour, et elle avait trente berges d'moins que lui! Ça devait être sa deuxième : les paizous veufs se remariaient généralement pour pouvoir être secondés dans la poursuite de l'exploitation plutôt que pour la bagatelle! Assurément, sur le plan cul, la belle devait s'emmerder ferme et elle allait voir ailleurs![3]



L'gonze a tenu à me verser un acompte, ou des arrhes, si vous préférez. Il a pas sorti de biftons mais un carnet d'chèques vieux comme Hérode! Y remontait au « Grand Charles », because qu'y avait écrit « nouveaux francs » d'ssus! Y m'a gratiné d'une belles somme, moi qui l' prenais pour un grigou de première! Avec un tel acompte, j'me suis décidé à donner suite à la requête du vioc!

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Dès le lendemain soir, j'ai entrepris la filature de madame. J'ai pensé comme Popeye dans son français « châtié » : « J'vas la suivre! ». S'il existe un dieu pour les louftingues comme moi, alors, c'est lui qu'a crée les fameux poches de BD des années 60-70! Y'avait pas plus basic! On savait rien des auteurs, souvent anonymes, des tâcherons de studios italiens ou espagnols! Mais on dévorait quand même ces conneries entre copains! Ainsi, j'croyais que l'auteur des Popeye s'appelait Cap'tain, parce que c'était écrit sur la couverture! J'aurai jamais comme lui les biscotos gonflés aux spinachs! Les poches humoristiques des années 60-70 paraissaient mi-couleurs, mi-noir et blanc et Popeye avait des concurrents sérieux sur le marché : Royco le coq, Tartine et Dodu, une espèce de diable assez poilant! Par contre, les « réalistes » étaient tristement monochromes : Kiwi, Akim, Zembla and co! Y'avait pas moins culturel que ces miquets merdiques à quat'sous! Un célèbre homme politique de l'époque, le secrétaire général du PCF Nikita Chômard (connu pour perdre des milliers d'électeurs chaque fois qu'il ouvrait son claque-merde), avait été stigmatisé à cause d'une photo, prise par un paparazzi sur une plage « prolétaire » très congés payés de 36! L'mec était allongé en slip de bain sur le ventre en train de se régaler d'un Zembla! Valait à mon avis mieux ces lectures style « bronzage un peu mieux qu'idiot » qu'un rinçage d'yeux en direction des nénettes aux seins nus qui envahissaient le bord de mer, parce que l'époque était au monokini généralisé! Nos rivages s'étaient métamorphosés en immenses peep-shows de plein air, et j'sais d'après l'code pénal amerloque -du moins, celui de 1954 dans « Fenêtre sur cour » de ce sacré Hitch- qu'un peeping Tom risque six mois de taule! Chômard avait innové sur le plan de la ligne politique du Parti, comme on disait alors avec respect : non plus la tactique classe contre classe, le front uni à la base à l'encontre des social traîtres et des social-fascistes ou encore le centralisme démocratique et autre front popu '. Rien de tout ça! Chômard avait inventé le vote révolutionnaire pour GDG, alias Gérard de Gaysintisca, le président de la République de ces années-là, celui qui prenait régulièrement l'thé au domicile parigot Passy-Auteuil de Daisy-Belle de Beauregard, et dont Bertrand Rolin était l'illustrissime premier ministre, vous savez, ce bon gros, ce matois tout en rondeurs affables qui ressemblait au chat Lucifer du dessin animé « Cendrillon »! Chômard a été un précurseur méconnu du commerce équitable parce qu'il a déclaré un jour, dans un de ses discours, de sa voix si caractéristique :

« Avec le Tiers-Monde, il faut faire des échanges équitables, par exemple, cent kilos d'café contre cent camions! » Un jour, vers 1980, un touriste a demandé au gardien du Panthéon si le chef du PCF allait entrer dans ce temple dédié aux grands hommes de la Patrie. Le fonctionnaire lui a vertement répliqué sur le ton de la rigolade : « C'est pas demain la veille! »

Mais j'la fais trop longue, et je reprends le fil d'mon récit! La meuf était fringuée comme une pute de téléfilm socio-cul de la télé publique de Gérard Chartres des années 1992-1999 : perruque au carré noir corbeau (les blondes étaient alors interdites de tournage), mini-robe en cuir orange carrure Twiggy très mai-68, bas résilles, rouge à lèvres couleur sang etc. Ses fesses et ses nichons, sans doute siliconés ou avantagés par le port d'un soutif de la marque Wunderbar™ pointaient à mort dans cette tenue ultra moulante qui devait appartenir à la ligne de vêtements de la chanteuse Clio. L'ourlet de sa tenue était si court – c'est-à-dire ras-de-cul- qu'on voyait ses jarretelles et qu'on devinait son string gris! Ma filature de la gonzesse m'a mené au bistrot d'un de mes potes : Dudule les grosses mirettes, un ancien taulard reconverti. J'suis pas entré pour simplement goûter aux joies immémoriales du zinc et pour connement consommer comme tout un chacun un apéro accompagné de deux boulettes frites et d'une bière, comme ce héros volatil de BD qui ne connut que deux gags dans « Le Journal de Sparrow » au milieu des seventies : M. Henry pour les intimes! Non, ça a été pour le boulot avant tout! Croix d'bois, croix d'fer, si je mens, j'vais en enfer! J'bois pas, j'fume pas, mais j'sais draguer les pépées bien roulées!

Dans l'estaminet, ça schlinguait grave la clope, la fumède, la Marie-Jeannette et d'autres substances illicites, pac'que l'chaland s'gênait pas pour sniffer sa ligne de coke, consommer ses joints et autres merdouilles au vu et au su de tous! On s'refilait à qui mieux mieux des barrettes de shit en sous-main!

Parmi les consommateurs, j'ai tout de suite reconnu Louis le clodo, un habitué. Ce clochard dans la grande tradition, antérieure au politiquement correct des SDF, dont l' falzar tient plus que par une ficelle, est conforme à ceux dessinés par Fradin dans les gags de Bafton. Il a pas une tronche à pissouiller dans les micocouliers et les rhododendrons de bon papa joli! C'qui lui faut, c'est la bonne vieille vespasienne bien puante pour gerber sa vinasse. Ses yeux hyper pochés sont gonflés, rouges et embrumés par l'excès d'alcool et il a l'air tout l'temps dans les vaps du coma éthylique! Il doit avoir du 20,5 de tension! A côté de l'haleine beurrée de Louis, un péquenot « mouloudji » d'la mafia turque clamsé par balles et kroni tout plein dans un terrain vague depuis trois semaines embaume la rose-thé! Les remugles de Louis étaient de la mauvaise vinasse de fiasques de plastique d'un litron à 1,50 francs le lot de cinq chez l'hard-discount Taldi™! Un vrai smell bad le marin, quoi! Et j'ai pas osé imaginer l'état de propreté d'son slip nylon qu'il avait pas dû changer depuis 50 jours!

Parmi le chaland du bistrot, j'ai aussi aperçu les accoutumés cultivateurs, aussi crades qu'mon client, avec leur bide d'hommes enceints de 9 mois et leur nez bourgeonnant et rouge de gazistes. Y ont généralement des tronches, des frusques et des effluves de types qu'ont pas l'eau courante dans leur ferme! Un de ces cul-terreux rubiconds, à l'air réjoui, très couleur locale avec son béret, a aperçu une espèce de gros insecte pris au piège d'une vitre et qui pouvait plus foutre l'camp du gourbi. De sa paume boursouflée, l'mec rigolard a écrasé cette espèce bourdonnante de frelon, de taon ou d' oestre au dard impressionnant! Et son convive, au nez aussi fleuri que la péninsule de Cyrano de répondre en jurant : « Mordedienne de mordedienne de Madredeus de mordious! » Y' a pas grand chose qui fiche les foies à ces putains d'entubés d' campagnards!

Quant à la femme d'mon client, elle m'a paru aussi casse-bonbon qu'la Mirliflore, tellement elle a traînassé pour choisir son menu! Vous savez, la fameuse cantatrice qui faisait rien qu'emmerder l'capitaine Craddock dans les BD d' R.V.! A c'propos, une légende urbaine stipule qu'c'est l'actrice british Isobel Elsom,

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une grosse blonde, qui aurait servi d'modèle à La Mirliflore! Dans un fameux filmoche des forties, « Le crime de Madame Lexton », avec encore une fois (de trop) Deanna-Shirley De Beaver de Beauregard


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dans l' rôle titre, sa maman adorée, Vivienne de Beauregard,

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qui jouait un petit rôle, avait ameuté toutes ses copines de théâtre de 1914, dont la fameuse Isobel précitée, pour faire les caméos « Belle Epoque » à l'accent snob Pollux grasseyant dans ce giga méga nanar se passant en 1909! On dit aussi qu'les robes du film d'la belle (fausse) blondasse très gorgeous, comme on dit en english, étaient celles qu'aurait dû porter sa sœur Daisy-Belle qui avait refusé l'rôle! Deanna-Shirley, entre deux séjours à l'hosto (comme toute astonishing fœtus girl qui s'respecte), rejoignait les plateaux : dans le cas d'Ivy Lexton, elle s'était littéralement précipitée au studio pour essayer au plus vite les toilettes rétro afin de voir si elle serait plus ravissante dedans que sa détestée frangine! 100 % vrai! De même, cette squelettique beauté de porcelaine anémique au regard noisette ambré, aussi évanescente qu'une poitrinaire qu'elle n'était point, était réputée bâfrer comme Obélix™ et Louis XIV sans jamais prendre un gramme!

Contrairement à la star vintage, la miss putana devait être une obsédée du régime à cause de ses coruscantes formes ingresques et pesait le pourcentage de graisses contenues dans chaque article d'la carte! Elle m'a fait songer à ces barquettes vietnamiennes que dévoraient les affamés boat people des années 70 vêtus d'chemises déchirées ouvertes sur leur torse décharné en se précipitant dessus, barquettes payées quelques poignées de dongs afin de satisfaire leurs appétits d'oiseaux! J'suis allé un jour au Vietnam et j'ai fait les fripes d'Ho-Chi-Min Ville. J'ai voulu acheter un short et j'ai demandé l'prix au marchand. Y m'a répondu : « Dix dongs! ».

Madame s'est enfin décidée et a commandé un avocat farci aux concombres, une salade d'carottes et une eau minérale, et sans pain s'il vous plaît! Elle était végétarienne en plus! Pendant qu'elle laissait agir sa manducation, comme l'aurait écrit Proust, j'me suis gavé d'un cassoulet et d'une terrine de sanglier avec des oignons! Et j'ai pris un verre de rosé et une coupe colonel au dessert, avec la vodka dedans! J'retire donc c'que j'ai dit sur la dive bouteille! Puis, la miss Françoise a pas plus été pressée d'payer l'addition qu'elle s'était hâtée d' savoir quelle boustifaille elle allait ingurgiter c'soir-là! Non, elle a commencé à bouquiner! Ouaip! C'tte chose, elle a une cervelle qu'est pas trouée comme un gruyère -oh, pardon l'gruyère suisse, il a pas d'trous, c'est l'emmental français qui est tout criblé comme la Lune ou Mercure – comme celle du commun des mortels abruti par ses obsessions footballistiques!

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" (...) J'ai mal vécu ma passionnelle vie. Jeune fille naïve, enfant du siècle industriel, j'ai cru qu'en Albéric s'exprimeraient les suprêmes et subtils épanchements de l'amour fou, qu'une réciprocité des sentiments que mon cœur ardent éprouvait envers mon bien aimé se manifesterait en lui d'une manière, si je peux dire, innée! Albéric m'a déçue...

Moi, Hermione Destrémeaux, je fus trompée par sa fortune et par son titre de baron! La Providence l'a voulu ainsi. Comprit-il que j' eusse pu être d'une fort basse extraction, simple fille d'ouvrier, de canut, trimant chez les soyeux, pauvre parmi les pauvres, exploitée dans quelque fabrique textile, soumise au moderne droit de cuissage d'un odieux patron, comme ce monsieur de Saint-Aubain?

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Certes, je naquis à Lyon, un 22 avril de l'an 1836, deux ans après l'atroce répression d'un nouveau- et légitime- soulèvement de nos modernes esclaves de la multitude, héritiers des fauteurs d'émotions du temps jadis, mais Dieu, ou autre chose, fit que ma famille était de la bonne bourgeoisie besogneuse, de ces négociants en gros, qui participèrent à l'essor économique de la capitale des Gaules, commerçants en étoffes et coupons, puis participant par leur négoce à la ruine des industries indigènes, substituant nos calicots et cachemires à leurs ancestrales productions, inondant de nos indiennes à bas coût les vieux marchés d'Asie, allant jusque dans les plus arriérées contrées d'Afrique, vendre, pour quelques dérisoires guinées ou vieux thalers à l'effigie de la reine Marie-Thérèse, nos tissus européens à d'attardées peuplades qui n'avaient besoin que d'ivoire, de sel, de poudre d'or, de pacotille et de verroteries. Nous vêtîmes ces peuples nus, leur imposant nos us et coutumes vestimentaires qu'ils voulurent singer dérisoirement des Caraïbes à l' Insulinde!

Je suis une artiste douée, une musicienne virtuose, pianiste de mon état. J'eusse préféré que le don poëtique m' habitât, à l'instar de notre gloire locale de la Renaissance, cette Belle Cordière, madame Louise Labé!

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Depuis longtemps, j'ai dévoré et assimilé ses sonnets, ainsi que les vers romantiques de Madame Desbordes-Valmore!

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J'appartiens à cette élite avertie et trop restreinte qui déplore la mort de monsieur Schumann l'an passé, cette poignée infime qui a rencontré en son enfance messieurs Liszt et Chopin puis madame Clara Schumann,

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qui est devenue mon égérie, ma muse! Je suis une des rares interprètes françaises des œuvres de ce fabuleux couple allemand et maintes fois, Albéric, mon aimé qui ne m'a pas assez compris, j'ai joué pour toi seul ces impressionnantes « Danses des compagnons de David », ces « Scènes d'enfants », « Papillons » et autre « Carnaval »! L'ouverture fulgurante de « Carnaval », le balancement tourmenté des cœurs ardents, les accords distordus du brasier de mon être... Claudication sublime du rythme, impression d' halètement, d' essoufflement, d'ahanement, d'étouffement, de la pauvre phtisique aux boucles de feu amaigrie par son mal!

Tu m'as dit, mon Albéric : « Les rousses sont les plus belles des femmes.» Que trouvas-tu donc à ma laiteuse peau et à mes taches de son qui gâchent mon visage? A mes immenses yeux noirs fiévreux, à mon corps maladif subissant fumigations, potions, vésicatoires, purgations et saignées multiples?

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Mon anémie me ronge, mes poumons s'engagent dans les affres de la fluxion! La crinoline, le fichu, ne parviennent pas à dissimuler les résultats corporels de ma débile complexion! Maintes fois, sur mon lit de souffrance, environnée de l'entêtante odeur camphrée et médicamenteuse, j'ai voulu crier mon refus de cette hectique vie! Entre deux rémissions, j'ai poursuivi ma quête pianistique, mon envolée vers les plus hautes sphères des choses de l'esprit!

Mon Albéric, je ne sais si tu connais ce cycle de tableaux, de toute beauté, dû au pinceau de monsieur Louis Janmot, « Le poème de l'Âme. »

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Réponds-moi que par ouï-dire au moins, on t'en a rapporté l'absolue réussite. Las! Muet sur ce sujet, tu sembles te complaire à demeurer quiet sur toutes les choses dépassant ton esprit terre à terre! Dommage! Je ne puis conséquemment augurer de l'impression extraordinaire que procurerait en toi, en ta psyché, la vue de tels chefs-d'œuvres!

J'ai fréquemment erré, désenchantée, mélancolique, envahie, rongée par un spleen mortifiant, sur les berges du Rhône et de la Saône, évitant toutefois de m'y aventurer après l'horrible et récente crue... La Saône, si douce et calme en sa confluence, presque une eau dormante, égarée en son songe millénaire...J'eusse espéré que ces tranquilles eaux s'épanchassent davantage, comme le torrent de ma passion roula en son tumulte! A la semblance de mon tempérament, j' eusse souhaité que le réseau fluviatile et aquatique du Monde fût tout-entier tempétueux! Des tempêtes océaniques en eaux douces! Dérision! Vus de l'espace, on dit que les cours d'eaux dessineraient un réseau à l'image de notre circulation sanguine. Mais l'homme n'est point prêt de voler comme l'oiseau!

Albéric! Quête donc le bon ange gardien, celui qui eût été capable de soulager mes maux, qui eût empêché que ces affreuses quintes secouassent chroniquement ma poitrine menue et mon débile être! Mes purpurines joues reflètent mon chancelant état! C'est à la fleur, dit-on, qu'on perçoit le bouquet. C'est à l'odeur d'une seule rose, que la fragrance de toute la variété des roses exprime, épreint sa quintessence spécifique! Mais à l' ombelle, aux pétales écloses, prévoit-on le résultat, la potentialité qu'un peucédan,

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qu'une pensée, qu'un souci, procurent, à la satisfaction de l'amoureuse éprise? Vénusté de la fleur, vanité de la vie qui ne fait que passer! Rouge la passion, jaune la rupture, blanche la virginité! Quoique mes fines et transparentes mains, que mes doigts d'albâtre, prissent garde aux épines, tes bouquets rosés, ô, coruscantes offres, blessèrent et ma chair, et mon cœur! Eusses-tu compris, si tu avais eu davantage d'âme, la signification exacte de ce que tu m'offris?

Ce cyprin en son bocal, de son regard morne, ce bouquet de crocus tout en cymes, cette cymbalaire aux roses fleurs, courant le long des lézardes de ce muret rongé par la fuite du temps, cette ruine-de-Rome...tout cela révéla en moi le sentiment, la désespérance certaine de ta rupture, bien que tous ces merveilleux bouquets aux senteurs embaumantes couvrant l'affreux relent de mes maux pulmonaires, se refusassent finalement à mon regard, y compris par ces dernières roses, et que ma pensée éludât un prime instant le sens de ton cadeau. Évidence douloureuse, me dirais-tu! Respirez donc la fleur, narines rose-thé!

Quel poëte sacrilège osa écrire : « La passion ancestrale mourut alors de la modernité. » Hélas, je fus pour toi cette innocente oie blanche que l'amant infidèle s'amusa à plumer! Cette oiselle immaculée, se prévalant de sa pureté, offrit, en cette soirée du mois de mai, t'en souviens-tu, c'était il y a déjà deux années, le sacrifice de sa virginité à celui qu'elle crut l'homme de toute une vie! Je n'avais lors que dix-neuf ans, et, dûment chaperonnée, dépourvue alors de relations autres qu' avunculaires en dehors de mes seuls géniteurs, je fus invitée à cette soirée littéraire et musicale, en ton château mignard de Lacroix-Laval! Je devais exécuter mazurkas, nocturnes et études de feu monsieur Chopin devant une assistance qui se targuait de son aristocratique raffinement. Avant que je prisse l'antique coche qui reliait notre bonne ville de Lyon -bonne ville dans le sens moyenâgeux du terme- à Marcy L'Etoile, moi, la timide et frêle colombe rousse, j'avais osé me parer d'une audacieuse vêture où l'ostentation du luxe le disputait à l'affirmation de la jeunesse pure. Citrin caraco, jupe jonquille à l'ampleur fashionable, châle de cachemire, moire, taffetas, soie, tissetures damassées, capiteuses senteurs des parfums les plus doux, anglaises de flammes soigneusement frisotées, friselis de jupons, crinoline de rêve, atours de la promise! Nouvelle fille épiclère s'enquérant de l'aimé! Ce qui me frappa en ces lieux, ce fut la revendication manifeste d'un décorum ostentatoire, comme autant de symboles d'appartenance de cette haute société aux sphères supérieures de l'humanité, à ce petit cinquième d'élus de la déesse Fortune, comme si les quatre autres cinquièmes du genre humain n'eussent été que méprisable lie, boue immonde que l'on essuie promptement de ses souliers! L'étalement de ce luxe me dégoûta profondément. Le malaise ne me quitta pas de toute la soirée, d'autant plus qu'il me sembla qu'on aurait pu nourrir pendant au moins un an tous les nécessiteux de notre capitale des Gaules par l'argent seulement dépensé pour cette unique manifestation ou simplement par la vente ne serait-ce que d'une partie infime de toutes ces artificieuses collections d'argenterie, de porcelaines et autres joailleries! Ce fut à croire que les Lacroix-Laval avaient sciemment cherché à humilier la fille pour eux de rien, la pauvre musicienne roturière qu'accompagnait ma vieille tante Marthe, issue d'un milieu bien plus modeste que le mien, puisque nous nous sommes enrichis par l'effort depuis 89, et non par la seule naissance! Mais je me suis refusée à provoquer la billebaude, la fâcherie stérile, et j'ai accompli mon devoir d'artiste, réservant mes remarques à moi-même, en jouant aussi bien qu'à mon habitude! Je suis une jeune femme posée, non point une catin, ni une virago. Je ne me commets pas avec le vulgaire, qui, à la moindre incartade recherche l'algarade, en ces débordements émotionnels, violents, qui débouchent sur des rigoles de sang pis qu'en pourrait produire une hématémèse! Ces émotions ont jalonné notre histoire, des Gracques à la guerre des farines, de Nika aux canuts, de Jacques Bonhomme aux sinistres journées de juin 48!

Mon Albéric, nous nous trouvâmes au premier regard! Tu fis fi de la crème qui tentait maladroitement de camoufler mes éphélides honnies! Une jeune musicienne, du nom de Clémence de Grandval, me félicitait pour mon interprétation passionnée tandis que mes yeux d'obsidienne rencontraient ton iris! Je songeais, en t'apercevant, au fameux et enchanteur sonnet de la Belle Cordière :

« Ô beaux yeux bruns, ô regards destournez,

Ô chaus soupirs, ô larmes espandues,

Ô noires nuits vainement atendues,

Ô jours luisans vainement retournez :

Ô tristes pleins, ô desirs obstinez,

Ô tems perdu, ô peines despendues,

Ô mile morts en mile rets tendues,

Ô pires maus contre moy destinez.

Ô ris, ô front, cheveus, bras, mains et doits,

Ô lut pleintif, viole, archet et vois :

Tant de flambeaus pour ardre une femmelle!

De toy me plein, que tant de feus portant,

En tant d'endrois d'iceus mon cœur tatant,

N'en ait sur toy volé quelque estincelle. »

Désespoir des déceptions ultimes jà contenu et perçu en ces vers... Louise Labé, qui inspira ma romantique et favorite poëtesse, Marceline Desbordes-Valmore! Le feu désormais s'est éteint... La phtisie me condamne...Anticipation de la fin! Mère a trop lu Shakespeare, d'où mon prénom étrange! Eût-elle pu choisir Ophélie? Je ne suis point folle, et je ne chante pas en me jetant dans l'onde, mais les eaux de la Saône apparaissent à mon cœur meurtri de ta trahison comme le recours ultime de mes espoirs brisés! La résultante de nos dévorantes étreintes ne fut que vacuité! Dévoration enfuie, sacrilèges opimes! Confession de mes fautes, avant les fins dernières, après une trop longue circonspection pudique et dérisoire? QUE NON PAS! Les facultés ignées de la passion humaine vont bien au-delà de l'accomplissement du seul désir physiologique!

Je ne sais plus comment, en cette mémorable soirée de mai 1855, nous parvînmes à tromper la vigilance de mon chaperon! Toujours est-il que, lorsque tombèrent mes derniers dessous, lorsque eurent chu sur le parquet ciré de ta chambre mon long pantalon de dentelle et ma chemise de cotonnade grège, je me donnai toute à toi, dévoilant, ô, nouvelle Salomé de ce siècle, les vertèbres de mon cou chétif, mes omoplates saillantes, les ridicules oranges de mes seins, ma taille étrécie et ma peau grêlée et tavelée de tachetures de rousse! J'ai consommé avec toi l'aspiration à la volupté animale avant que le côté spirituel de notre amour trouvât son accomplissement! Eusses-tu été Prospero, Puck, Obéron, Laerte ou Yago et moi Titania, Desdémone, une sorcière de Macbeth ou d'autres personnages, toutes nos étreintes auraient été les mêmes! Ta suavité était celle du tigre de Sibérie, la mienne, celle d'une panthère rouge! Nous labourions mutuellement nos échines et notre épiderme des griffures de notre plaisir sauvage et primitif! Quel qu'eût été le degré de jouissance perverse atteint par notre stupre concupiscent, tu choisis pourtant de me ravaler au simple rang de maîtresse, de concubine impériale, de favorite du harem, au profit d'une quelconque femme à la taille de naine, aux tétins de fillette, aux longs cheveux de miel rance et aux yeux jaunes de folle, qui avait pour elle la dot et la particule, une mademoiselle de . avec laquelle tu convolas sans même me prévenir! Car pour toi, il y a les femmes qu'on aime et celles qu'on épouse pour la Société, en une persistance des pratiques matrimoniales de l' Ancienne France des rois! Après un an de noces, cette épouse indigne de toi n'est point encore grosse!

Désormais à ma honte, mal bue, j'expie mon péché par la phtisie. Sur mon lit de torture, ma géhenne subie, je ne suis parfois plus qu'une Fornarina raphaëlite rousse macérant dans ses expectorations, dans ses crachats sanguinolents! La craie beigeasse de mon teint, en l'obscurité de ma chambre de souffrance, est affreuse à contempler! Avant l'inéluctable geste, un scrupule ultime encore me retient. Seigneur, créateur de toutes ces choses qui volent, courent, rampent, nagent, sautent et poussent, permets à ton hectique créature de goûter une dernière fois à la renaissance de la Dame Nature, à ouïr le murmure de la cascade et le doux pépiement de la mésange charbonnière annonciatrice du printemps!

Il est dit dans les Saintes Écritures que Dieu fit l'Homme à son image...et s'il s'agissait du contraire? Si notre cerveau, que nous connaissons fort mal, nonobstant les travaux de monsieur Gall, était formé d'un infini réticulé, d'un réseau de globules reliés entre eux, tout comme nos nébuleuses, décrites par messieurs Herschel et Messier s'assembleraient et se raccorderaient en un incommensurable amas de connections infinies? Si ce cerveau-univers était...Dieu en personne? Êtres humains de l'avenir, mes frères du passé ou même du présent, croyez-vous en la métempsychose? Une vieille Égyptienne m'a affirmé un soir que je descendais en droite ligne d'une magicienne celte des commencements de l'histoire humaine, capable de tuer les siens par l'acte d'amour, une Perséphone qui avait trouvé son Hadès, quelque part dans les tréfonds d'une souterraine Asie immémoriale qu'on nomme l'Agartha. Mes cheveux roux sont ataviques. Je te souhaite une seule chose, mon Albéric : que tu aies un jour une fille qui soit ma réincarnation, non pas physique, car je veux qu'à sa mère fort laide et contrefaite elle soit des plus semblables! Je veux qu'elle possède mes dons artistiques, musicaux et pourquoi pas... poëtiques, et qu'elle souffre des pires aliénations mentales pour que tu expies jusqu'à la lie tes fautes envers moi, Hermione Destrémeaux! Quelle que tu sois, petite fille, je te fais don de ma phtisie! Tu souffriras, tu seras géniale et folle de ton petit corps malingre! Tu seras la malédiction de ton père et de ta mère, qui mourront de tes actes! Tu seras célèbre par tes péchés abjects! Tu aimeras femmes et fillettes mieux que les hommes! On t'appellera : l' Élue...

Nous sommes aujourd'hui le 22 avril 1857, mon Albéric qui m'as tant délaissée, et, en ce jour anniversaire de mes vingt-et-un printemps, mes feux d'amour éteints, j'ai pris la résolution de mourir. Je me suis parée, adonisée, comme on disait jadis, pour l'acte, non comme une courtisane, une lorette de feu monsieur de Balzac, une dame aux camélias, quoique je souffrisse comme elle d'un vilain mal de poitrine, mais à la semblance d'une femme de bien, d'une dame patronnesse vouée aux œuvres pies et au devoir de charité qui visite ses pauvres. Je me suis coiffée des heures durant devant ma psyché Empire. Froissement des soieries, crissement de la percale, caresse du satin! Sensation du linge clair sur la peau lisse nue! Mérinos, agneline, cheviotte, mohair, doux lainages pour protéger ma fluette silhouette de la fraîcheur de la rive du fleuve! Plaisir du toucher du châle coloré et du fichu brillant qui enveloppent la poitrinaire beauté! Sensualité de l'organsin et de la filoselle! Orgasmiques transports prodigués par le frôlement de l'andrinople, du madapolam, de la futaine, de la batiste et du nansouk! Enveloppement impudique du nankin, du calicot, de la satinette et de la tarlatane! Langoureusement vautrée dans mes fourrures, maja vestida rousse, odalisque carotte vêtue de pied en cap, je hume le vison blanc qui me rappelle les prémices de ce frisquet printemps. Nouveau nu habillé, Vénus inédite toute à son aporie, que le grand Apelle, en son œuvre peint las perdu à jamais, eût voulu représenter en fresques virtuoses! Quel bijou me choisir? Quel parfum donc m'humecte? Il me faut être la plus belle des belles pour mourir. Je ne veux point d' intaille, de glyptique, de collier ou de bracelet : une bague suffit à mon bonheur! Bague d'émeraude et de béryl, le vert seyant à toute rousse quoique mes yeux fussent si noirs qu'on n'en distinguait pas la pupille de l'iris. Sinople héraldique médiéval et céladon chinois, orgueilleusement arborés en mon index droit! Mon odeur capiteuse sera-t-elle d' oliban, de myrrhe, de vétiver, d'eau de rose ou de Cologne, lavande, muguet, violette, musc, iris, civette, ambre d'antiques aryballes? J'optai pour la lavande, suave selon moi entre toutes, car elle annonce que les beaux jours arrivent, que le temps s' abeausit. Elle est fleur du midi, du soleil, Hélios dont mes poumons auraient eu besoin! La veille au soir, j'ai mangé à satiété, pourtant, l'étisie provoque encore en moi les affres de l'aboulie.

Avant de sortir, j'ai pensé à moucher l'oribus au pied de ma bonne cheminée. J'ai pris réticule, gants, chapeau et manchon de castor. C'était l'aurore. Je suis partie, sans réveiller la maisonnée.

Sur les berges de la Saône où je m' aventure une dernière fois, faible et tremblante, toujours quinteuse, fleurit jà la ficaire en son jaunet printemps. Ma Saône, tu m'apparus plus lactescente qu'à l'accoutumée. Sens-tu, Albéric, l'odeur de l'eau qui dort? Ce remugle subtil de la vase, ces alluvions lustrales? L'empyreume du lent pourrissement végétal, de ces débris organiques et botaniques charriés par le flux de ton ondin sylphe, ma Saône adorée, procure à mon âme la satisfaction de l'accomplissement de ma tâche terrestre... Mes fines narines se complaisent à humer, comme le tabac qu'on prise, la fragrance de pourriture du végétal mort... Je m'extasie, je m'empourpre, je jouis à l'idée de ma mort! Lorsque la bergamote, la mandarine, le pamplemousse, les citrus défendus blanchissent de moisissure, lorsque la citrine citronnelle exhale, au lieu de l'agréable senteur, le miasme de sa morbidité, lorsque tous les fruits du dessert, en leur coupe céramicale, se couvrent de mouchetures grisâtres, ils se métamorphosent en une idéale nature morte quêtée par tous les peintres... Tout cela affriande assurément le nécrophage qui sommeille en nous tous. Je songe à quelque fossoyeur exhumant d'antiques ossements, au crâne de ce pauvre Yorick! Lucie de Lamermoor, ébauche de folie! Éloge de l' Érasme, guide de Buonaparte, du Cupidon aveugle qu' antan en un dialogue, notre Belle Cordière illustra de magistrale façon! J'entends quelque bruissement : la brise ou un insecte? L'ajonc vibre, le bruit lui-même se fait quintessencié. Le grillon paraît déjà chanter, la rainette coasser en ses appels d'amour. Le merle, lui-même se réveille, demande au noctambule rossignol de lui céder la place. Je crois respirer, je ne sais pourquoi, l'écho ténu et aromatique du cerfeuil sauvage. Le peuple lyonnais, le marinier compris, dort encore à cette heure. Paisible Saône désormais toute à moi! Eaux mères de l'enfant à naître!

En de fulgurantes évocations, j'ai la vision suprême d'une immémoriale sylve, d'un royaume simien où toutes les espèces se confondent avec le végétal. Cryptique nature, accueille-moi en ton fertile sein! Pour les siècles des siècles, absorbe la pauvre fadette rousse! Parmi les singes peuplant cette forêt légendaire, certains étaient peut-être plus anciens que l'iguanodon de Crystal Palace,

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tandis que d'autres constituaient de curieux et gênants hybrides. Je les entendais hurler, emplir la forêt inextricable de leurs cris plaintifs assourdissants. Leurs déjections affreuses semblaient tomber sur moi, me viser, pour crotter mes atours morbides! Souillure, flétrissure, excrémentielle opprobre destinées à celle qui désire mourir! Toutes les races de singes se mêlaient, se récapitulaient en ce lieu imaginé, qu'elles soient d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique : lémure, tarsier, mangabey, gibbon, macaque, magot de Barbarie, singe araignée, ouistiti (l'un d'eux ressemblait -ô, l'étonnante horreur- à celle que toi, Albéric, tu avais épousée à ma place!), chimpanzé, orang-lord, colobe, hamadryas, mandrill, atèle, capucin, tous à l'affût, affamés de ma proie tentante, en quête de mes chairs fraîches... Parmi eux, des bipèdes inconnus, armés de pierres curieusement aménagées et taillées, encore simiesques par leurs traits mais humains par leur morphologie... J'eus l'impression qu'avant la curée dont j'étais l'objet, ils entonnaient un hymne hérétique qui signifiait : « Gloire à Rama au plus haut de cieux! » Mon esprit s'encombra davantage de fragments incongrus de pensées, de fantasmes. J'eus souvenance que père possédait en sa bibliothèque une vieille édition du Systema Naturae de Linné, dont mes yeux parcouraient, tantôt émerveillés, tantôt avec effroi, les pages un peu jaunies en leur coin inférieur droit, à force que le pouce se mouillât et les touchât afin de plus facilement les tourner. Cette souillure du doigt opposable commun à tous nos primates prodiguait à l'insigne volume une valeur surnaturelle. La fantasmasie de l'œuvre était lors manifeste, en cela que je m'ébaudissais et m'émerillonnais à la magie de ces singes anormaux que l'on voulait humains, parce que Linné et son disciple Hoppius en avaient fait des anthropomorphes qui avaient pour noms : homme du jour ou de la nuit, Homo caudatus, Lucifer Aldrovandi, Satyrus Tulpii, Homo troglodytes et autres Pygmeus Edwardi....

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La fillette évanescente aux anglaises rouges et au regard de jais s'effarouchait à ces sauvages hybrides, à la frontière surnaturelle entre l'Homme, c'est-à-dire nous, et l'Autre, la bête immonde... Je fis maints cauchemars, réveillant mère ou la domesticité de mes hurlements nocturnes. Je croyais qu'un homme-singe sylvain, horriblement velu et puant, me sautait dessus pour m'enlever afin qu'en sa tanière il m'amenât pour me dévorer toute crue!

Mais il est hélas temps d'en finir. Bruyère et roseaux guettent mon engloutissement. Saône, je suis prête! Accueille-moi en Ta Miséricorde, divinité fluviale! Adieu! (...)"

*************

« C'est pas beau, monsieur, de regarder ce que je lis par-dessus mon épaule. », remarqua, sagace, la Françoise.

« Vot'bouquin, c'est un truc de dingue! C'est quoi, ces singes? Ça m' rappelle les BD d'Tarzan que je dévorais avec les copains à la récré quand j'étais môme! Dans un des épisodes, Tarzan avait pour ami un homme à queue appelé Om-At, le Waz-Don de Palvedon. Qui est l'auteur d'cette épouvantable histoire écrite dans un style alambiqué qui fait fi d' notre bonne langue verte?

- C'est de la prose poétique, et j'en suis l'auteur, monsieur l'inconnu! »

Interloqué, le souffle coupé par la surprise de taille, j'ai pu répliquer connement qu'un « Hé ben! » Désarmé, j'ai plus su quelle option choisir : m'casser sans demander mon reste, poursuivre mon boulot, vu qu'le gonze y payait bien, ou acheter les faveurs d'la belle pour rouler l'vieux con comme dans « L'facteur sonne toujours deux fois » et autres classiques du film noir! Vous voyez d'quoi j'vous cause, les mecs! L'option numéro 3 était la plus risquée, mais la plus agréable, au vu du sex appeal d'la nana! Mon zizi, à cette affriolante pensée X, il est dev'nu aussi raide qu'un bâton phallique d'cannibale papou! Puis, j'me suis rappelé qu' j'étais « fulmicoton Cervat » et que j'avais Clara pour satisfaire ce genre d'besoin lorsque le démon d'midi me prenait! Bref, j'ai opté pour l'attentisme crasse! Madame en a toutefois profité pour déblatérer. Elle était pas frustrée qu'sexuellement, mais aussi intellectuellement. Ecrire était pour elle un exutoire ; elle menait certes une double vie, signant ses romans d'un pseudo d'plume, mais ne s'égarait pas dans la gaudriole de pouffiasse. C'était son look perso, c'est tout, comme dans « Roger Rabbit » où sa meuf dit qu'elle est juste dessinée comme ça! L'personnage d'Hermione Destrémeaux, dans c'roman très « dixneuviémiste » au point d'vue du style ampoulé (que d'aucuns auraient trouvés sublime tant on savait plus écrire d'nos jours depuis les ravages argotiques d'San Pellegrino et autres Albert Simonin), était, comme les spécialistes disent, auto-biographique, et reflétait sa personnalité profonde et cachée. L'mari, il était qu'un pauv' con qu'avait rien compris au génie d'sa conjointe! Dans la campagne, on est des nulloches, pas des germanopratins hyper cultivés! On lit pas VLH, l'grand philosophe dont on nous rebat les oreilles, dans l'texte! L'nombril, c'est c'qu'y a au-dessus du sexe, pas c'qui sert d'inspiration romancée! On bouffe, on boit, on trime, on chie, on baisouille, point final!

Prenant plus qu'jamais l'ton d'la confidence, elle me dit, parlant comme son personnage : "j'eusse souhaité vivre à cette époque. Monsieur, je voudrais tant que vous m'habillassiez, dessous compris, comme au XIXe siècle! »

Voilà t'y pas que j'me suis retrouvé dans le rôle de James Stewart dans « Vertigo », lorsque qu'il redonne à Kim Kovak l'apparence de son fantasme! Alors, j'ai déclaré à Françoise qu'je connaissais Bidule, un gars qui pouvait réaliser son rêve, qui avait été costumier pour l'théâtre, le cinoche, l'opéra et la télé, qui créchait pas loin d'ici et dont l'grenier recelait d'authentiques malles aux trésors. Bidule était ouvert jusqu'à minuit, et il était que 21h45! On a payé notre bouffe et on y est allés dare dare, presque bras dessus, bras dessous! Pour parler savamment, comme les vieille biques du Quai Conti, Bidule a vraiment été pour Françoise le type idoine!

« Vous savez, Bidule a travaillé à la télé : les costards de « Rocambole » et des « Habits Noirs », c'était lui!

Elle a affabulé grave.

« Je suis comme une sylphide pérégrine qui aurait franchi les barrières du temps! J'ai plongé dans le fleuve comme mon héroïne et je me suis retrouvée ailleurs, dans un autre temps, futur, ayant voyagé un siècle ou deux! J'ai traversé l'onde de Chronos! »

Ses yeux ont brillé lorsqu'elle m'a parlé d'ça. Elle était jobarde!

Dudule est un vieux d'quatre-vingts berges, bossu et bigle, avec un bouc blanc, autrefois corbeau, à la Ramadier. Son génial grenier sent l'tissu fané et l'encaustique. Y peut plus coudre et broder à cause de son arthrite. Sa femme, qui le secondait, est morte voici trois ans. J'savais qu'étant juif, il avait fichu l'camp aux States en 40 où il avait fait des stages à Hollywood parmi les plus grands : Orry-Kelly,

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Edith Head, Travis Banton,

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Walter Plunkett,

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Adrian,

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Irene etc. C'est Plunkett qui lui a appris le BA BA du costume féminin à crinoline d'l'époque préférée d'ma miss, puisqu'il avait fait la wardrobe d' « Autant en emporte le vent.» Dudule a été assistant costumier à la Warner, à la Fox et la Universal, même chez Selznick! Dudule est resté outre-Atlantique jusqu'en 1949. Si les robes des films en costumes des forties n'ont pas été historiquement si fausses, c'est parce qu'il y a eu Dudule pour suggérer aux costumiers d'Hollywood de travailler exclusivement d'après des catalogues d'époque : « Elite », « Harper's bazaar », « La mode illustrée », le « Godey's lady book » etc. Ses interventions, ses conseils, ont sonné le glas du n'importe quoi. On dit qu'on voit sa patte dans le look de Birgitt Langström dans « Le port de l'angoisse ». L'extravagance record d'Marlène Dietrich dans « Kismett » c'est lui. Les tenues de Cleophee Lawnes, l'immortelle interprète du « Portrait de Jennie »,

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dans « Le chant de Bernadette », c'était encore lui. Avoir réussi à donner d'la poitrine à Deanna-Shirley De Beaver de Beauregard dans « Ivy » est aussi à son actif! Elle lui devait aussi une fière chandelle dans « Jane Eyre » pour la Fox.

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Françoise a effectué son choix tandis qu'la vieille horloge rustique de noyer au balancier de cuivre tic-taquait, aussi ancienne que les frusques victoriennes style 1860 que Dudule a invité la belle à venir essayer dans la cabine, comme dans les grands magasins! Elle a omis aucun détail, que ce soient les pantalons de broderie, très « Comtesse de Ségur », les jupons, la cage de crinoline, l'corset, les jupes, le châle, l' camée, l' réticule... Elle a ôté sa putain d'perruque à la noix, dévoilant ses magnifiques cheveux châtains aux reflets auburn.

Françoise m'est réapparue au bout de vingt minutes, splendeur d'entre les splendeurs, coiffée en bandeaux, avec sa robe prune toute brodée et damassée, son spencer à la zouave de l'Alma, son châle et sa capeline. Elle ressemblait à la fois à Cleophee Lawnes dans « Madame Bovary », à Irene Dunne dans « Anna et le roi du Siam » et à Daisy-Belle de Beauregard dans « l 'Héritière » ou dans le rôle de Melanie Ashley-Hamilton.

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Ça l'a radicalement changée de ses fringues contemporaines de pute de merde. J'ai remarqué son beau regard de velours prodigué par ses grands yeux bruns. L'horloge, en fond sonore hors champ, m'a rappelé la fuite inéluctable du temps, l'estompage à jamais de la mémoire humaine de ces grandes stars d'autrefois, qui disparaissent l'une après l'autre, fauchées par la mort, mais dont il faut à tout prix préserver les films pour qu'il reste quelque chose d'elles. Françoise, tout sourire, s'est exclamée, tout simplement :

« Alors, qu'est-ce que vous en pensez? »

Puis, entre elle et moi, mon fantasme, son fantasme, ça a été l'amour fou, le vrai, le seul, un amour d'autrefois...

*************

Je refuse de décrire les folles semaines passionnées et sensuelles qui ont suivi. Françoise ne s'est plus habillée avec moi qu'à l'ancienne, y compris la lingerie garantie d'époque, un jour en Joséphine ou en Madame Récamier Premier Empire, le lendemain comme Gene Tierney en tenue 1900 de « L'aventure de Mme Muir », le surlendemain « Années folles », le quatrième jour 1830, le cinquième en robe à tournure 1875, le sixième avec le look exact d'Ann Harding, l'injustement oubliée, dans « Peter Ibbetson » .... Autant de jours de la semaine, autant de tenues affriolantes et érotiques dans leur apparente pudeur d'antan. Chaque semaine, on fixait not'programme vestimentaire. Par exemple :

Lundi : duchesse d'Aumale 1845 d'après Winterhalter ;

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Mardi : duchesse de Berry 1822 d'après Gérard ;

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Mercredi : Charlotte Dubourg 1882 d'après Fantin-Latour ;

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Jeudi : Madame Vigée-Lebrun d'après son autoportrait de 1782 ;

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Vendredi : Vivien Leigh dans la robe verte de mousseline 1861 d' « Autant en emporte le vent » avec sa capeline de paille à ruban assorti ;

http://www.cardboardstandups.com/images/Standups/649%20Scarlett.jpg

Samedi : Grace Kelly 1954 dans sa robe n° 1 de « Fenêtre sur cour » ;

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh1pNorM0zdLsASy663rEvVxQdP0AevDCbijIU8U_MrtrIL_RdoDX0girvHUmMLKM0C0sVZpQzTegMGqQx8OMzbjkA0NLThGeAro_lhfmHToKWoro7yppEjH0-GxcA2uhQ5GG5FMjuX_FA/

Dimanche : Deanna-Shirley De Beaver de Beauregard en lady St-Columb, dans la robe Charles II et la perruque rousse aux longues anglaises de « L'aventure vient de la mer » de Mitchell Leisen, 1944.

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Gourmande, enchantée de ce programme, Françoise a applaudi, vêtue de ses atours victoriens, ses bandeaux blonds 1855 et son ombrelle, reconstitués pour Ann Harding dans « Peter Ibbetson ».

http://arkepix.com/kinok/images/DVD/HATHAWAY_Henry/Ibbetson/Peter06.jpg

Elle a rajouté, rieuse :

« Prosper, la semaine an 15, je veux que Dudule me prête la robe de soirée 1914 de Greer Garson dans « Les Oubliés »!

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8b/Blossoms_In_The_Dust_trailer.JPG

- Ça tombe bien ma jolie, j'adore vachement les rousses! » Ai-je rajouté en signe d'approbation.

Les pommettes ironiques d'Pomponette d' mon adorée ont rougi, rougi....

Pendant toutes ces semaines, on a fait semblant pourtant d'jouer l'jeu du gros vioc : j'ai fait mine de poursuivre mes filatures de fin d' aprèm' avec ma bien aimée qui reprenait ses nippes, son string et sa perruque d'putain.

***********

Un beau matin, hélas, tout a basculé : l'paizous est rev'nu dans mon bureau, agité comme un cinglé, en meuglant et crachant sa clope au maïs pourrie.

« Arrah! La putareo! Elle veut plus m'ouvrirr, là ! Elle s'est barricadée dans la ferme et elle menace d'tirer sur tout c'qui bouge, la putana! La puniet! Elle a fait un vrai fort Chabrol, là! Aidez-moi, m'sieur Cervat! Sauvez-moi, par la soupe au pistou! Putanella! En plus, elle est fringuée bizarros comm' dans les vieilles images d'Eugénie de Montijo! L'est timbrée, oh! Tonta en la cabeza!»

L'était tellement échauffé et agité du bocal qu'il en fumait d'colère! Y m'a rappelé ces contrées chaudes d'Afrique à 50° à l'ombre sans ombre où l'eau d'pluie s'évapore avant d'atteindre l'sol. Y soufflait et suait comme une vieille loco vapeur qui fait « tchou-tchou » et qu'est à bout d'souffle, une de ces locomotives d'or à la Nougaro et qui émet un « tchikikon »! S'il continuait comme ça, il aurait l'choix entre l'apoplexie, à cause d'son cœur entouré d'graisse, et la saponification des momies chinoises et mexicaines! Il tournait à l'obesus etruscus à toge bien tendue!

Le quidam m'a dérangé alors que j'lisais mon courrier. Mon cousin venait d' m'adresser une réponse à une de mes missives archi importantes où j'lui demandais à quoi lui faisaient penser les UV men de la 15e aventure de Sparrow et Lorenzo, par Fradin et Grog : « UV comme Urraca Verde », album cultissime entre tous! Ses connaissances bédéphiliques étant plutôt limitées, y m'a écrit ceci, dans son style trash habituel :

« Les UV men ressemblent aux Rapetou™ sans leur masque qui est constitué d'un slip puant. »

Moi qui m'attendais à que'qu'chose d'plus subtil qu'le Picsou d'Carl Barks! Il aurait pu tout de même voir qu'les UV men rappelaient, lorsqu'ils étaient en civil, avec leur galure feutre et leur trench mastic, les sinistres gestapistes d' la rue Lauriston!

En tant que chevalier servant d'Françoise, il a fallu que je suive l'vieux bouseux...en fait pour secourir ma belle. J'ai eu une pensée pour elle, et je me suis aussi remémoré cet épisode « hollywoodien », où, dans une salle de projection, un Anglais détraqué, qui assistait à la cinémathèque française à une rétrospective des films de D.S. De B. de B., ne cessait de siffler son admiration devant la créature maigrichonne et diaphane à couper l'souffle qui apparaissait sur l'écran. Bien au fait des ennuis d'santé à répétition d'la gonzesse, il s'est exclamé à plusieurs reprises, notamment en voyant « Soupçons », « Tessa la nymphe au cœur fidèle » et « Lettre d'une inconnue » : « What a gorgeous, shy, astonishing, fragile and adorable blonde fœtus girl! »

J'savais qu'mon cousin s'était plantouillé en affirmant péremptoirement qu'il n'existait qu'une seule et authentique « fille-foetus » de cinéma, comme il appelait ces bizarres sylphides souffreteuses sur pellicule, toutes actrices de profession, et qu'c'était pour lui la française Judith Schwob. Je lui ai répondu que trois autres « filles-foetus » valaient le détour : Evelyne Lancret dans « La charrette fantôme », Vivien Leigh en général et, hors catégorie, miss De Beaver de Beauregard, qui avait battu tous les records y compris sur le plan d'la perversité!

S'il n'avait pas l'trouillomètre à zéro (au contraire, la graduation d'l'appareil devait indiquer zone rouge : danger!), mon cultivateur était pas craignos d'se crasher en bagnole because il a conduit mézigue jusqu'à à sa ferme à bord d'sa tire hors d'âge : une Peugeot 203 bâchée pourrie, couleur caca d'oie, à bord d'laquelle soufflait et haletait un vieux chien d'berger des Pyrénées couché sur une vieille couverture dont on savait plus qui schlinguait le plus d'elle ou du clebs!

Y m'a expliqué qu'la salope lui avait volé la clef d'son armurerie pendant qu'il cuvait son gaz et qu'elle s'était retranchée dans un véritable arsenal : Kalachnikov ou A-K 47, Famas, Police Python 357, Smith & Wesson, lance-roquettes, browning, orgues de Fouchine (un nouveau modèle qui avait remplacé celui du tsar rouge) etc. S'il détenait autant d'armes, c'était à cause de l'insécurité, de l'auto-défense. Mon client était un électeur fidèle du Siridar Baron, ce fameux leader xénophobe manchot (dont y manque aussi plusieurs cases à la cervelle), surnommé ainsi à cause d'sa ressemblance (hideuse) avec le pustuleux baron Harkonen de « Dune » de Dave Lynch. Y tenait pas à ce que les « crouilles » et les « melons », comme disent ses coreligionnaires es-fascisme et racisme, aillent s'intéresser d'trop près à ses champs d'tournesol et d'colza!

J'sais qu'les culs terreux conduisent leurs caisses comme des pieds, et j' me suis méfié car j'ai été témoin y' a peu d'un accident d'la route impliquant l'un d'eux, qu'en est mort! L'paizous gisait sur l'asphalte, éjecté d'son véhicule, tué sur l'coup! Fait curieux, il avait gardé son béret pourri bien enfoncé sur l'crâne et son mégot aux lèvres! C'est lui qu'avait provoqué l'accident.

Mézigue et le gugusse, on est arrivés à la ferme. D'emblée, ça a canardé ferme, et l'mec a failli chier dans son froc XXXXXXXL, taille entre 58 et 68, en vacillant comme un ridicule bon docteur Queuille avec son problemo d'équilibre. Mais c'était d'une fenêtre d'l'a grange qu'ça tirait, et j'ai pensé à ce fameux vaisseau espagnol du XVIe siècle, bien nommé l' Caca Fuego, que Drake et ses corsaires élisabéthains avaient pris à l'abordage.

Françoise s'est montrée à la fenêtre, fusil à canon scié en main. Elle était superbe, car vêtue comme Daisy Belle de Beauregard en Mélanie Hamilton d' « Autant en emporte le vent », lorsqu'elle a la robe de deuil avec l'gros camée parce qu'elle a peur qu'Ashley ait été tué au front. Ses grands yeux bruns étaient très doux, et ça contrastait fichtrement avec le fait qu'elle visait délibérément son mariolle d'mari pour l'flinguer d'sang froid.

Sous les tirs à répet' et les balles qui sifflaient, l'gros canardé s'est affolé et a gigoté dans tous les sens en gueulant comme un Abraracourcix™ en plastoc de sachet de caramels Dupont-D'Isigny™ d'la fin des années 60 qu'on ferait cramer sur un balcon! En gros, ça a donné ceci :

« Puñetas y dor! Puneïtos y dor! Soupe au pistou, sauve-moi! » , le tout entrecoupé du sifflement des « abeilles de cuivre chaud » chéros à Boris Vian et des aboiements du clébard gâteux auquel on aurait donné des carambars ™ collants sans confession afin qu'le toutou foute en l'air c'qui lui restait d'crocs pour vous mordre.

A ce p'tit jeu, plusieurs projectiles ont fini par traverser sa couenne. L'a pas clamsé tout de suite : y s'est affaissé en grognant quequ'chose qui voulait dire : « achpet' », comme l'calembour sur la mauvaise traduction d'époque dans « Pinocchio » de Gepetto en « Gepette », avec l'gag scatologique qu'on devine... C'est comme Pistol Pete dans « Lucky Luke™ » quand on sait pas prononcer l'english. Y m'a furieusement fait penser à un d'ces guerriers carolingiens en broigne et casque pointu avec juste une ébauche de nasal à la racine du tarin, qui continue de ramper jusqu'à l'Irminsul avec une lance saxonne au travers du corps, afin d'abattre l'idole honnie des sources de la Lippe. L'avait d'ailleurs la moustache trempe comme ce soldat expirant au service du fameux Charlemagne, que l'grand comédien Noël Weiss Grog avait interprété dans un improbable téléfilm cheap des seventies, vous savez, celui où il s'faisait peser et masser en slip à bandelettes! Y jetait à ses masseurs, furibard, pace' qu'y trouvait qu'ils y allaient un peu forte : « Qu'est-ce que vous v'lez faire de moi? Une tarte? »

S'apercevant qu'son vioc d'mari était touché, ma bien aimée s'est aventurée en dehors de sa ferme casemate. Papy paizous, à terre, l'a sentie approcher. Il a marmonné :

« A'putana! 'spèce d'enculée d'mes deux! »

Puis, ça a été si rapide qu'j'ai été pris au dépourvu : l'mourant a eu la force de dégainer un petit flingue qu'il dissimulait dans la poche intérieure d'sa veste pourrie, un de ces antiques pistolets d'auto-défense du XIXe siècle et il a tiré sur Françoise, qui a été touchée près du coeur! Y visait hachement bien, l'fumier! J'ai vu la tache rouge hideuse qui s'élargissait sur l'corsage noir d'veuve 1860. Françoise s'est écroulée à son tour : ça tournait au mauvais western spaghetti et à « Duel au soleil », avec Cleophee Lawnes, à laquelle mon amour ressemblait!

Quant à mon madré salaud, il a marmonné un truc du genre : « Putarreo! Adios mes clopes! » avant d'enfin passer l'arme à gauche, la moustache évidemment aussi trempée qu'celle du Prince Noir dans la vignette de l'Histoire de France en bédé le représentant sur son lit d' mort en 1376.

Mon amour, fait indescriptible, a disparu progressivement, dans le sens littéral du mot, s'est estompée dans son agonie, devenant de plus en plus translucide, vaporeuse, floue... Elle avait dit vrai : elle venait d'ailleurs... Ça a été une chose déchirante de voir partir Françoise, ainsi, peu à peu ; son corps s'éloignait, s'effaçait, comme une projection holographique 4 D de mauvais roman cyberpunk! Sa voix, en même temps, tentait de m'dire quelques mots d'adieu...

Ces mots fantomatiques, ultimes et poignants, confession de celle qui s'en va, ont retenti dans mes esgourdes tandis que j'ai pas pu empêcher les larmes d'inonder mon visage :

« Je t'ai dit la vérité, Prosper...Je venais du passé, et je me suis retrouvée dans l'avenir, après avoir plongé dans la Garonne, il y a de cela cent cinquante ans... Crois-moi, mon amour...Je...pars...Je...m'absente pour mon dernier voyage...Adieu, mon Prosper, adieu... »

L'a fallu que j'tende l'oreille pour entendre les derniers mots de ce qui n'était plus qu'une onde transparente, une silhouette ténue de forme vaguement humaine...Je suis resté des heures durant dans la cour de cette ferme pourrie, près du cadavre du vieux gonze qui refroidissait dans sa mare d'hémoglobine de mauvais snuff movie gore, sans parvenir à tarir mon chagrin, sans penser à prévenir la police, définitivement hors d' ce monde réel et laid à force de banalité...

************

« C'est bien beau, tout ça! Très émouvant! Mais nous sommes désolés, monsieur! On ne retiendra pas votre tapuscrit pour l'édition! Vous avez trop pioché chez les surréalistes, Léo Malet, Robert Nathan (à cause du « Portrait de Jennie ») et San Pellegrino! Votre héroïne, Françoise, ressemble trop à Cleophee Lawnes, dont le beauf ordinaire s'tape l'cul parce qu'il l'a oubliée malgré ses films superbes...mais trop antiques pour des mecs qui ne pensent qu'à l'immédiateté pseudo-culturelle. On n'aime pas les impressions de déjà lu!

- Je vous jure, monsieur, que j'ai pas copié San Pellegrino, sauf une allusion en passant! Où voyez-vous son adjoint Serrurier? Ce gros baffreur à bacchantes gaziste qui pense qu'à bouffer, chier, péter, roter, gerber et tirer un coup avec les pouffiasses!

- Par moment, on se croirait aussi chez George Langelaan...La nouvelle « La dame d'outre-nulle part ». Dans d'autres passages, on pense aux BD de Vacherin, l'auteur de Julien le hard-rocker. Votre détective s'exprime plus comme l'prof de français blouson noir couvert de badges du fameux récit complet de Vacherin paru en 1981 -un chef-d'œuvre d'humour vachard- que comme Nestor Burma, votre source avouée d'inspiration!

- Ouaip! Je vois à quoi vous faites allusion! C'est cette histoire géniale où un élève bigleux fort en thème se trompe de classe et se retrouve dans le cours des loubards rockers et où y'a l'prof avec un look d'enfer à la Christophe qui déclare : « J'suis vot' prof d'français! »

- Avouez que vous êtes amoureux de Cleophee Lawnes et de Deanna Shirley de Beaver de Beauregard... Je sais qu'elles étaient franchement pas mal, mais tout de même...Passés James Dean et Marilyn Monroe, les pékins ordinaires du début du XXIe siècle connaissent plus beaucoup d'acteurs hollywoodiens du passé. Grâce à la téloche et à ses dérives, ils n'ont plus vos références...

- Bon ben, ça va! J'ai compris, m'sieur! Inutile d'insister! J'ai plus qu'à écrire en guise de fin : « La littérature mercantile m'a tuer. »Adios, et pas à la revoyure! »

Le beau gars grand et blond qui m'a recalé ainsi avait tout du robot avec ses paroles dignes du prêt-à-penser conforme à l'orthodoxie de Taddeus Von Kalmann. Avec son costard cravate impec de cadre commercial parfaitement coulé dans le moule de la Global World Inc. des célèbres marionnettes de Salvador dans « Les Pantins de l'actu », y pouvait pas savoir qu'au premier soupçon d' bedaine ou de calvitie, y serait fichu dehors comme le dernier des OS! Que voulez vous, ça n'arrive qu'aux autres!

En quittant l'immeuble grand standing très CBD de cette multinationale de l'édition, moi, l'écrivain bridé par le système, j'ai pas pu m'empêcher de grommeler :

« C'est mon quinzième refus! Font tous chier, à la fin! Avec une politique pareille, totalement commerciale et axée sur des produits vite lus, vite jetés, à la limite du PQ, y vont tous droit dans le mur! Mesdames et messieurs, je vous interpelle tous! Trouvez-vous normal que, dans notre beau pays, 83 % des gens prétendent pratiquer un sport alors qu'il n'y en a pas 20 % inscrits en bibliothèque et seulement 9 % qui lisent au moins un bouquin par mois? Dites moi ce qui cloche, allez! »

Christian Jannone.



[1] Ce personnage semi-récurent est destiné à apparaître dans plusieurs prochaines nouvelles.

[2] Voir la nouvelle : « Gaby et Jean, histoire d'une malédiction ».

[3] J'ai oublié de préciser que, comme tout cul-terreux qui se respecte, ce paizous puait la bouse à plein nez. Sa ferme devait même pas avoir l'eau courante, comme au Néolithique, quoi! Cela me rappela ce film de propagande ruscoff tourné à la gloire des troupes du président Fouchine lors de la guerre de Tchétchénie. Fouchine avait promis qu'il irait débusquer les rebelles tchétchènes jusque dans les chiottes. Hé bien, c'est ce que le film montrait! On y voyait un terroriste « islamiste » du Caucase flingué à bouts portants dans un cabzingue turc par un soldat de Fouchine alors qu'il était en train de chier sa grosse commission. Le « Où c'est » grouillait de mouches à merde bleues et vertes. A propos du président russe, la rumeur courait selon laquelle il possédait le don d'omniscience et de déplacement dans le temps. Ainsi, Pavel Pavlovitch, pour les intimes, aurait déjà sévi dans l'URSS des années cinquante, dans la France de Saint-Louis, voire dans l'Empire chinois de l'Antiquité! Sa présence aurait été attestée le 1er octobre 1957 à bord du Constellation bourré d'agents du KGB qui s'était posé ce jour là à Washington. Le petit homme chauve et falot qui s'excusait de sa mauvaise connaissance de l'anglais, c'était lui! Les Constellation étaient des avions de tourisme transatlantiques conçus par l'avionneur cajun De Beauregard, un cousin éloigné des célèbres soeurs comédiennes Daisy-Belle et Deanna-Shirley, qui passaient leur temps à se bouffer les foies. Deanna-Shirley était réputée pour sa sulfureuse beauté de poupée de Jeanneton diaphane propre à damner les pédophiles. Le MoMa possède un portrait d'elle, par Balthus. Du point de vue de l'érotisme hot, cette toile surpasse, de réputation, « L'origine du monde » de Courbet et le nu d'Arletty de Moïse Kisling! On y voit Deanna-Shirley De Beaver de Beauregard, alors déjà trentenaire, affalée les jambes écartées sur un canapé en kilt de gamine de huit-dix ans, exhiber sa petite culotte blanche de marque « Petit Poulbot »™ (un peu comme la Martine des illustrations) ou l'équivalent de l'époque, la « Critique de la raison pure » de Kant en main. On ne pouvait deviner sur la peinture si l'impétrante était épilée ou portait une bande hygiénique, pour rester cru! La petite blonde planche à pain était accoutumée à ce genre de travestissement épicé depuis qu'elle avait joué dans « Tessa, la nymphe au coeur fidèle» et « Letter from an unknown woman », où elle interprétait chaque fois des gamines souffreteuses -que je nomme personnellement « filles foetus »- amoureuses de musiciens « french lovers »! Les ligues de vertu catholiques françaises s'étaient scandalisées à ces films, qui respectaient pourtant scrupuleusement le code Hays, et avaient obtenu leur non-distribution dans l'hexagone, malgré les fameux accords Blum-Byrnes! Ultérieurement, au début des années 60, le réalisateur italien Giovanni del Gobbio (une tantouze de première) avait tenté de faire jouer pour la première fois Daisy-Belle et Deanna-Shirley ensemble dans un péplum sur la vie de l'Empereur Aurélien, interprété par Burt Lancaster (que Deanna-Shirley avait voulu fouetter sans truquage dans un film noir sado-maso de la fin des forties, vêtue d'une guêpière de western mettant en valeur ses non-formes). Tandis que l'acteur obèse Victor Buono était prévu dans le casting dans le rôle de l'Empereur éphémère Quintille, qui régna selon les sources, 17 ou 77 jours, Daisy-Belle devait jouer Zénobie, reine indomptable de Palmyre et Deanna-Shirley l'impératrice des Gaules épouse de Tettricus ou de Victorinus (je ne sais plus lequel). Elles se sont tellement crêpé le chignon sur le plateau de tournage que le film n'a jamais pu être mis en boîte!