Reprenant ses esprits, la
poétesse flottait dans un éther de néant indescriptible, un maelström
adimensionnel où aucun des espace-temps n’existait encore, n’était même
concevable. Elle conservait pourtant sa consistance humaine, sa conscience, sa
mémoire et ses cinq sens fonctionnaient toujours. Le noir lui-même n’existait
pas bien qu’il fût à proprement parler une absence de couleur puisqu’il n’y
avait pas encore de lumière. D’ailleurs, quel air pouvait donc respirer la
jeune femme ? C’était bien là la preuve que Dan El la préservait
partiellement.
Aurore-Marie se déplaçait
aisément en cet A-Pantransmultivers qui lui rappelait l’origine du Tout dans la
cosmogonie indienne, cosmogonie dans laquelle avait puisé Cléophradès d’Hydaspe
pour décrire la Création. Pas de temps, pourtant elle voguait au sein des
vagues en gestation. Elle était portée par les ante particules. Après (?)
un temps indéterminé (?), son ouïe perçut des pleurs qui l’enveloppèrent toute.
Ce chagrin provenait de toutes les dimensions confondues en gésine. 36 à tout
le moins. Elle s’effraya, reconnaissant la voix de Lise qui l’appelait :
« Maman… maman… ».
Madame de Saint-Aubain eut alors
le sentiment de s’introduire en un étroit boyau afin de retrouver celle qui
était plus que sa fille, sa propre réplique idéalisée. Elle se retrouva en une
cavité, une combe enténébrée tandis que les gémissements de Lise l’entouraient
de toute part. Les lieux, si lieux il y avait, s’avéraient semblables à une
matrice de noir si, toutefois, cette expression était appropriée et tangible.
C’était comme si Madame de Saint-Aubain avait vécu un accouchement inversé,
ayant réintégré l’utérus maternel, un lieu où, en principe, la lumière
n’existait pas, du moins si l’on se référait aux connaissances du XIXe siècle
où l’on croyait que le fœtus était dépourvu de toute sensation, étant dans
l’incapacité de percevoir les sons et les couleurs, ce qui était faux, bien
sûr. Des ethnologues auraient pu interpréter ces sensations anormales vécues
par la poétesse comme des réminiscences d’une vie intra-utérine traumatisante,
différente des souvenirs rapportés par les Inuits ou Dan El lui-même, car
reconstruite…
Lors, elle aperçut une fillette
d’environ sept ans, parée d’une robe d’organza amidonnée d’un blanc vespéral.
Ses cheveux d’or et de miel arboraient des padoues de soie de même teinte.
- Lise ! s’écria
Aurore-Marie toute émue.
L’enfant rétorqua,
sanglotante :
- Maman, pourquoi m’avez-vous
abandonnée ?
Lise s’obstinait pourtant à lui
tourner le dos. Elle se blottissait, recroquevillée, ses boucles anglaises
dissimulant ses traits. Aurore-Marie, d’un geste brusque, lui souleva les
cheveux, dévoilant ainsi son petit visage. Ce dernier n’était, ô stupéfaction,
qu’une esquisse. Non seulement la peau était translucide, mais tous les
orifices apparaissaient operculés, cousus et suturés. Comment la fillette
pouvait-elle donc parler ?
- Chimère ! jeta la
poétesse. Daniel m’a piégée.
Alors, l’avatar de Lise
s’affaissa pour se dissoudre immédiatement. Il n’en demeura bientôt qu’un monticule
de cendres parcouru d’un grouillement vermiforme comme si la putréfaction
pouvait agir, en un temps si bref, à l’encontre des résidus de l’incinération
supposée. Un souffle chaud naquit soudainement et fit frémir la nuque de la
jeune femme tandis que des miasmes soufrés s’épandaient alentour. Une patte
velue frôla son bras gauche, entraînant chez Aurore-Marie un puissant sentiment
de révulsion. Simultanément, retentissait dans ce lieu a-lieu un grognement
tout à fait inhumain, s’apparentant au gémissement d’une nouvelle créature
horrifique. Plusieurs singes de Rama, ancêtres du célèbre Glump officiant jadis
sur le vaisseau Langevin entourèrent
subrepticement la baronne, comme sortis tout droit du Néant. Ils la menaçaient
de leurs longs bâtons noueux, tout en montrant leurs crocs imposants et
aiguisés.
Madame de Lacroix-Laval avait
une peur irraisonnée des Simiens. Celui qui œuvrait en cet instant le savait
pertinemment. Mais, prenant son courage à deux mains, elle affronta celui
qu’elle supposait appartenir aux légions sataniques. Le démon qui les
commandait prit la parole sur un ton grave semblable à celui d’une basse
d’opéra.
- Je suis le maître des Hanuman.
L’avatar méphistophélique
mesurait près de trois mètres. Il impressionnait autant par sa carrure que par
sa musculature alors que la fourrure infecte qui le couvrait, roussâtre, était
parcourue de fulgurances bleutées tout en exhalant des fumeroles semblables à
des feux de Bengale. Sa figure présentait un compromis entre le démon de Rendez-vous avec la peur, bi bande
dimensionnelle de Jacques Tourneur de 1957, le Pazuzu
mésopotamien et la déesse himalayenne de la Mort. Comme pour confirmer cette dernière attribution, la poitrine velue et répugnante de cet incube arborait un pectoral constitué de dizaines de crânes d’enfants australopithèques comme celui de Taung.
L’être tenait dans sa dextre un tambour chamanique Toungouze. De sa senestre, il frappa un premier coup d’un fémur de yack tout en mugissant.
mésopotamien et la déesse himalayenne de la Mort. Comme pour confirmer cette dernière attribution, la poitrine velue et répugnante de cet incube arborait un pectoral constitué de dizaines de crânes d’enfants australopithèques comme celui de Taung.
L’être tenait dans sa dextre un tambour chamanique Toungouze. De sa senestre, il frappa un premier coup d’un fémur de yack tout en mugissant.
Ce qui répugnait le plus à
Aurore-Marie était la virilité marquée de la créature, une virilité non
dissimulée. Or, sur celle-ci, un visage pubien simiesque y était dessiné.
La peau du tambour vibra et une
multitude d’atrocités indescriptibles tant elles étaient horribles et
terrifiantes prirent alors consistance au sein d’une vapeur noire.
Aurore-Marie parvint à
distinguer en fronçant ses fins sourcils au moins cinq émanations différentes.
Trois d’entre elles, à la fois sanguinolentes et desséchées, provoquèrent en
elle une nausée irrépressible tant elle avait compris leur signification. Il
s’agissait de déchets obstétricaux pantelants de ses fausses couches successives,
la dernière remontant seulement à 1886. Ç’eût dû être un garçon, le petit frère
tant promis à Lise. Mais ce qui en avait résulté était tellement
indescriptible, mal conformé et abominable, que la chose ne pouvait recevoir le
moindre nom. La quatrième entité, une fois de plus, se référait à la culture de
Daniel Lin, qui se voulait chinois ou asiatique dans sa façon d’être et de penser.
Péniblement, Aurore-Marie
identifia un Dragon, un Ying Lung, celui qui portait le Monde, en jadéite. Le
serpent magique portait des barbelures tels les poissons-chats tandis que des
dessins mordorés ornaient ses écailles irisées. Le coloris vert du dragon
pulsait d’une vie propre. De ses narines sourdait une fragrance subtile, mêlant
les notes suivantes : bois de santal, vétiver, chèvrefeuille, armoise,
fleur d’oranger, benjoin, styrax et cardamome.
Pendant ce temps, le chamane
démon poursuivait son office, multipliant les frappes du tambour.
Parallèlement, il s’accompagnait d’un chant presque en infrasons, les paroles
constituant le classique mantra tibétain om
mani padme um…
Plusieurs créatures mythiques
assaillirent le Dragon : basilic, coquatrix, amphisbène, griffon, chimère…
Le souffle et le regard du basilic auraient dû foudroyer instantanément le Ying Lung mais, bien évidemment, il n’en fut rien. Le reptile légendaire terrassa alors avec aisance ses adversaires, des gnomes à ses yeux, qu’il déchiqueta avec ses griffes gigantesques. Le souffle brûlant soufré de ses narines consuma les restes des vaincus afin que rien n’en demeurât dans la mémoire des hommes. Sa tâche accomplie, la bête prodigieuse entra en sommeil.
Le souffle et le regard du basilic auraient dû foudroyer instantanément le Ying Lung mais, bien évidemment, il n’en fut rien. Le reptile légendaire terrassa alors avec aisance ses adversaires, des gnomes à ses yeux, qu’il déchiqueta avec ses griffes gigantesques. Le souffle brûlant soufré de ses narines consuma les restes des vaincus afin que rien n’en demeurât dans la mémoire des hommes. Sa tâche accomplie, la bête prodigieuse entra en sommeil.
Ce combat avait distrait Aurore-Marie
qui n’avait donc fait nul cas de la cinquième entité survenue dans le plus
grand silence. Lors, elle se souvint et cette réminiscence suffit à animer le
cinéma de ses fantasmes. Lorsqu’elle avait poursuivi Alice, elle s’était
retrouvée confrontée à un Bouddha recelant en lui-même un bonze auto momifié
qui n’était autre que Li Wu lui-même. Le maître d’œuvre de ce spectacle
instilla en son mental l’identité du nouveau venu.
La baronne s’exclama :
- Tsampang Randong Rama !
Le lama maléfique, pour souvenance,
avait vécu au XVe siècle. Adepte attardé de Kukaï, il était coupable de
l’assassinat d’au moins deux avatars de celui qui, autrefois, avait porté le
nom de Michaël Xidrù, l’agent temporel. Lobsang Rama et frère Uriel, ses
précédentes incarnations, avaient été victimes de sa traîtrise. Une mitre jaune
ternie surmontait le cap squelettique ; revêtu d’habits sacerdotaux du
Grand Véhicule, gaufrés de pourriture, le moine momifié reprenait le mantra un
à deux tons au-dessus alors qu’un sixième avatar faisait son apparition. Au
clavier d’un orgue positif, il interprétait un air déjà entendu par la baronne
il n’y avait pas si longtemps, lors de la cérémonie organisée par le Sâr
Péladan en l’honneur de la dépouille de Thaïs. Barbe et bésicles permettaient d’identifier
aisément Erik Satie. Son fantôme jouait les
Ogives. Daniel Lin eût sans doute préféré la Deuxième Gymnopédie, mais voilà, le morceau n’avait pas encore été
composé.
L’envoûtement des volutes
musicales ascétiques manqua provoquer chez Madame de Lacroix-Laval une pâmoison
fatale. Déjà, les bras desséchés de Tsampang Randong s’avançaient pour se
saisir d’elle, ses mains noueuses et griffues attendant qu’elles pussent la
lacérer.
En un éclair de lucidité,
Aurore-Marie se souvint juste à temps qu’elle était Grande Prêtresse : le
pouvoir d’exorciser certaines manifestations démoniaques lui avait été accordé.
De son cou, elle extirpa une médaille de la Vierge héritée de sa mère. La jeune
femme arborait également une petite croix en or ainsi qu’un Sacré Cœur de
Jésus, signes ostensibles de son monarchisme légitimiste affirmé.
Elle psalmodia d’une voix
fluette :
- Vade retro…
Le rire caverneux terrible du
démon chamane retentit, ébranlant la combe de ténèbres. L’être arracha alors la
croix, la renversa et cracha dessus un jet acide qui eut tôt fait de faire
fondre le bijou sacré. Fulminant d’une colère imprévisible, avivée par ce
sacrilège de frère du Temple, la poétesse riposta avec les maigres armes en sa
possession. La Chevalière du Pouvoir, devenue rubéfiée et ardente, imprima son
symbole indien sur le front du monstre telle une flétrissure, ce qui vainquit
instantanément la Bête tandis que Madame murmurait, hallucinée, la formule de
vie inversée.
« Omoh Ecce iimis airumel ailammam siva ailitper seledoru sicsip
asudeam airosufni merenom aeahcra !»
Tout ce qu’endurait la poétesse
émanait du Préservateur. Il jouait avec elle comme s’il se fût agi d’une
poupée. Il lui était tellement supérieur ! Un fossé incommensurable les
séparait. Il n’y avait pas photo entre une luciole et le Feu du Verbe
parturient.
*******
Daniel avait été transporté en
un lieu tout aussi invraisemblable que sa rivale. Présentement (si toutefois
cet adverbe avait un sens) il parcourait des couloirs lambrissés, encombrés
d’une bibeloterie surchargée et kitch conforme au goût dispendieux de la fin du
XIXe siècle. Autre incongruité : un groupe de bustes de bronze expressifs
dus au sculpteur germanique Messerschmitt du Siècle des Lumières
escortait le Superviseur sans le quitter d’une semelle. Ces hommes chauves et mûrs symbolisaient qui, la surprise, qui, l’hilarité, qui, la douleur, etc. Pour parfaire ce tableau, Daniel Lin entendait, provenant d’un salon proche, le son désaccordé de casserole d’un piano de bastringue. Ses oreilles éminemment musicales souffraient terriblement.
escortait le Superviseur sans le quitter d’une semelle. Ces hommes chauves et mûrs symbolisaient qui, la surprise, qui, l’hilarité, qui, la douleur, etc. Pour parfaire ce tableau, Daniel Lin entendait, provenant d’un salon proche, le son désaccordé de casserole d’un piano de bastringue. Ses oreilles éminemment musicales souffraient terriblement.
Il pénétra en la pièce,
découvrant ainsi un spectacle affligeant. Ah, certes, le lieu était
confortable, cosy. On ne comptait plus les capitons, les fauteuils, les
bonheurs du jour, les causeries, les tapis, les sofas, les confidents de ces
dames, mais les personnes qui s’y vautraient étaient fort peu recommandables.
« Me voilà donc dans quelque
boxon d’époque. Pas de mon fait, toutefois…Mais laissons aller… ».
Une mère maquerelle sur le
retour, outrageusement fardée, accueillit le nouveau micheton avec un sourire
de commande.
- Bienvenue, monsieur. Nous
venons juste de recevoir de nouvelles filles. Elles sont garanties saines…
Le commandant ne put s’empêcher
de rire lorsque la première des nouveautés s’approcha et se proposa à lui.
- Deanna ! Tiens donc… Cela
ne m’étonne pas en y réfléchissant…
Le Bébé anglais, sous ses atours
de fillette, avait visiblement abusé du champagne Dom Pérignon. Les mots
qu’elle bégayait étaient sans queue ni tête. Le plus grave, c’était qu’elle
aussi avait reconnu Daniel Wu.
- My dear… Michel a su enfin vous convaincre de venir ici. Je ne suis
pas faite pour l’aventure mais pour la luxure.
- Ma foi… Voici un aveu sincère.
- Qu’est-ce qui vous ferait
plaisir, Daniel ? Le coup de la mouche ?
- Qui vous dit que j’ai besoin
de vos talents ?
- Comment ? Mais je suis
passée maîtresse dans cet art !
Toute à sa fâcherie, miss de
Beauregard agita avec agacement un éventail assorti à la couleur vert pomme de
sa robe Bébé Jumeau.
- Ah ! Vous préférez la
nouvelle mijaurée, celle qui se vautre là-bas en bonne compagnie… Elle me fait
de l’ombre et vous, vous me chagrinez grandement.
Daniel jeta alors un coup d’œil
vers le recoin, et aperçut l’objet du litige qui trônait indécemment et
aimantait à lui seul toute la clientèle du bordel tant cette attraction sortait
de l’ordinaire.
Elle avait adopté la même pose suggestive d’odalisque que Victorine
Meurent lorsqu’elle avait posé pour son amant Manet sous le nom d’Olympia.
Bien qu’elle ne fût point nue, cela aurait mieux valu sans doute, la lingerie évocatrice qui la couvrait si peu suffisait à émoustiller les sens des plus farouches représentants mâles ou encore les femelles homosexuelles. Sa toilette se réduisait en tout et pour tout à une brassière, des pantaloons, et des bas d’un écarlate violent.
Certes, l’un de ses pieds était chaussé d’une mule qu’il agitait négligemment au risque qu’elle tombât, tandis que la main droite caressait un gros félin des forêts norvégiennes non agouti et blanc ressemblant fichtrement à Ufo. Le chat ronronnait, les yeux mi-clos, repu après que la créature l’eut abondamment nourri de sucres d’orge. La plantureuse chevelure acajou se perdait en tortillons et boucles à l’excès. Sa face était abominablement peinturlurée, ses lèvres passées au rouge criard et ses joues enduites de blanc d’Espagne. Sa main gauche tenait un cigare – un puros - qu’elle portait souvent à sa bouche pulpeuse.
Bien qu’elle ne fût point nue, cela aurait mieux valu sans doute, la lingerie évocatrice qui la couvrait si peu suffisait à émoustiller les sens des plus farouches représentants mâles ou encore les femelles homosexuelles. Sa toilette se réduisait en tout et pour tout à une brassière, des pantaloons, et des bas d’un écarlate violent.
Certes, l’un de ses pieds était chaussé d’une mule qu’il agitait négligemment au risque qu’elle tombât, tandis que la main droite caressait un gros félin des forêts norvégiennes non agouti et blanc ressemblant fichtrement à Ufo. Le chat ronronnait, les yeux mi-clos, repu après que la créature l’eut abondamment nourri de sucres d’orge. La plantureuse chevelure acajou se perdait en tortillons et boucles à l’excès. Sa face était abominablement peinturlurée, ses lèvres passées au rouge criard et ses joues enduites de blanc d’Espagne. Sa main gauche tenait un cigare – un puros - qu’elle portait souvent à sa bouche pulpeuse.
Une coterie d’anandrynes (ainsi
qualifiait-on les lesbiennes sous l’Ancien Régime), fort emplumées, s’agenouillait
et se prosternait devant la nouvelle idole tout en gloussant et caquetant.
Certaines, munies de faces-à-main ou de lunettes de théâtre, essayaient de
percevoir les détails intimes indiscrets de l’anatomie de la belle. Mais, parmi
ces messieurs, sa Cour, il y avait légion de beaucoup de figures connues. Un
gnome difforme, Toulouse-Lautrec en personne, croquait la nouvelle vedette avec
tout son talent. Deux diaristes patentés (l’on pouvait identifier Huysmans
à sa barbe et Léon Bloy à sa moustache broussailleuse) noircissaient des feuillets dans l’objectif de rendre au mieux toute la pourriture de stupre bourgeois de la situation. Guy de Maupassant, déguisé en chien, haletait, réclamant une petite gâterie que la déesse capricieuse tardait à lui octroyer. Enfin, incongruité suprême et anachronisme jurant sur l’ensemble, un petit vieillard puant le bouc à cause d’un haut de chausse en partie dégrafé tressautait d’impatience tout en répétant : « oui, c’est cela… oui, c’est cela » de sa voix de crécelle. Un revenez-y du duc Armand de Richelieu, célèbre pour ses soupers adamiques au premier tiers du règne de Louis XV. Mais il y avait encore plus saugrenu dans ce salon de perdition. Certes, le premier personnage aurait paru à sa place, n’eût été sa vêture quelque peu anachronique. Imaginez un compromis, une hybridation entre la soubrette – de bas étage ? – et la Bunny Girl du magazine Play Boy venue tout droit de la seconde moitié du XXe siècle. Court vêtue au point qu’on devinait ses jarretelles et sa gaine, cette dame, aux formes pulpeuses et aux cheveux oxygénés, achevait de convaincre du ridicule confondant absolu de sa tenue à cause des oreilles de lapine qui la coiffaient et de la petite queue ouatée qui agrémentait son fessier plus que charnu.
La manière approximative dont cette personne parlait - des euh… euh…scandant chacune de ses phrases - permettait au Prodige de la Galaxie de mettre un nom sur la jeune espionne française extirpée de la Guerre froide avec laquelle nos héros avaient eu maille à partir à Bonnelles. Restait l’ultime personnage, plus ténébreux, plus tourmenté, dont la vision mit le Superviseur mal à l’aise. Une créature ailée, un mix entre un oiseau et une chauve-souris, justicier ou vengeur volant, le fameux Brian de sinistre mémoire, déployait sa queue tandis que son large bec quémandait de la nourriture. L’improbable création reflétait les tourments du Ying Lung lorsqu’il se croyait simple capitaine de vaisseau interstellaire en train de tenter de rétablir une chronoligne soi-disant effacée. La faim de l’oiseau fut comblée lorsque l’odalisque lui jeta négligemment un bonbon que son bec s’empressa de happer avec avidité.
à sa barbe et Léon Bloy à sa moustache broussailleuse) noircissaient des feuillets dans l’objectif de rendre au mieux toute la pourriture de stupre bourgeois de la situation. Guy de Maupassant, déguisé en chien, haletait, réclamant une petite gâterie que la déesse capricieuse tardait à lui octroyer. Enfin, incongruité suprême et anachronisme jurant sur l’ensemble, un petit vieillard puant le bouc à cause d’un haut de chausse en partie dégrafé tressautait d’impatience tout en répétant : « oui, c’est cela… oui, c’est cela » de sa voix de crécelle. Un revenez-y du duc Armand de Richelieu, célèbre pour ses soupers adamiques au premier tiers du règne de Louis XV. Mais il y avait encore plus saugrenu dans ce salon de perdition. Certes, le premier personnage aurait paru à sa place, n’eût été sa vêture quelque peu anachronique. Imaginez un compromis, une hybridation entre la soubrette – de bas étage ? – et la Bunny Girl du magazine Play Boy venue tout droit de la seconde moitié du XXe siècle. Court vêtue au point qu’on devinait ses jarretelles et sa gaine, cette dame, aux formes pulpeuses et aux cheveux oxygénés, achevait de convaincre du ridicule confondant absolu de sa tenue à cause des oreilles de lapine qui la coiffaient et de la petite queue ouatée qui agrémentait son fessier plus que charnu.
La manière approximative dont cette personne parlait - des euh… euh…scandant chacune de ses phrases - permettait au Prodige de la Galaxie de mettre un nom sur la jeune espionne française extirpée de la Guerre froide avec laquelle nos héros avaient eu maille à partir à Bonnelles. Restait l’ultime personnage, plus ténébreux, plus tourmenté, dont la vision mit le Superviseur mal à l’aise. Une créature ailée, un mix entre un oiseau et une chauve-souris, justicier ou vengeur volant, le fameux Brian de sinistre mémoire, déployait sa queue tandis que son large bec quémandait de la nourriture. L’improbable création reflétait les tourments du Ying Lung lorsqu’il se croyait simple capitaine de vaisseau interstellaire en train de tenter de rétablir une chronoligne soi-disant effacée. La faim de l’oiseau fut comblée lorsque l’odalisque lui jeta négligemment un bonbon que son bec s’empressa de happer avec avidité.
- Onc’ Daniel, toi ici ?
s’exclama enfin la satyresse en dévisageant le commandant Wu de ses admirables
yeux verts.
« Mon passé me revient tel
un boomerang, murmura le Superviseur. Cette vision de Violetta en créature est
le pendant d’Aure-Elise lorsque je croyais me battre contre Johann en mon jeune
temps. J’imagine l’horreur ressentie par Marie-André lorsqu’il dut supporter la
vue de celle qui allait devenir son épouse en fille perdue. Il y a là
manifestement ma signature, avec cependant, la note saphique d’Aurore-Marie en
prime… ».
Sans crier gare, mue par la
jalousie, Deanna Shirley se précipita sur Violetta, armée d’un flacon au
contenu translucide, et en aspergea son visage. Le liquide, du vitriol, fit son
office. Enfin, aurait dû normalement…
A suivre...
*****
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