samedi 10 octobre 2015

Cybercolonial 2e partie : Du rififi à Kakundakari-ville : prologue.



CYBERCOLONIAL : DEUXIEME PARTIE



Par Christian Jannone et Jocelyne Jannone.

Du rififi à Kakundakari-ville.


Prologue.


Le Bellérophon noir naviguait depuis trois jours déjà dans le secteur du golfe de Guinée. Jusque-là, sa traversée n’avait été émaillée d’aucun incident notable digne de figurer dans les annales. Cependant, il s’était avéré, que, contrairement au capitaine de Boieldieu et à son second Hubert de Mirecourt, Barbenzingue n’avait guère le pied marin. Il se fût senti plus à l’aise dans un bivouac ou à faire le coup de feu contre les tribus insurrectionnelles de Kabylie.
Certes, le sous-marin flottait de préférence entre deux eaux, surtout le jour. Depuis qu’ils avaient atteint la haute mer, les officiers avaient jugé bon de ne pas plonger trop en profondeur, trente mètres paraissant suffisants.
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Il arrivait au submersible de naviguer en surface afin que tous les membres d’équipage s’emplissent les poumons d’air frais. Le Bellérophon noir avait dû effectuer plusieurs escales semi-clandestines à Saint-Jean de Luz, à Recife et à Gorée. Des frictions étaient apparues au sein du commandement entre les officiers de la marine, les terriens et les coloniaux. Boulanger avait eu le plus grand mal à ramener l’ordre tandis qu’en clinicien, Pierre Fresnay assistait aux échanges peu amènes avec une délectation marquée.
Hubert de Mirecourt, commandant en titre du submersible, s’en remettait cependant au maître principal pour calculer les positions du bâtiment. Cela faisait rire de Boieldieu qui était l’un des rares officiers à connaître ce secret. Lui, cela ne lui aurait pas posé problème, ayant bénéficié des cours de rattrapage de l’Agartha. Oui, il y avait un authentique officier de la Royale à bord, le capitaine de frégate Henri de Tastevieille - qui avait servi sous les ordres de l’amiral de La Gravière, mais il n’était pas bien en cour auprès du commandement parce que légitimiste notoire.
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Pierre, tout en suçotant le tuyau éteint de sa pipe, n’en pensait pas moins :
« Tous ces galonnés me semblent dignes des officiers de La Méduse. Jusqu’à maintenant, nous avons eu la baraka. Pourvu que ça dure ! »
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L’équipage comportait quarante-cinq hommes, ce qui, en cet espace assez confiné, n’était pas sans poser quelques problèmes de cohabitation et de réserves d’oxygène, ce qui exacerbait les tensions latentes. A part les quatre officiers supérieurs, qui avaient chacun leur cabine particulière, aussi étroite fût-elle, les autres hommes devaient se contenter d’un dortoir commun aux hamacs spartiates et à des toilettes qui ne l’étaient pas moins. Bref, Le Bellérophon noir ne ressemblait en rien au Nautilus sur le plan du confort. En cas de coup dur, Pierre Fresnay ferait partie des nantis, ayant à sa disposition un scaphandre Rouquayrol. Il fallait donc croiser les doigts et espérer que le submersible ne coulât pas par trois cents mètres de fond.
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La position venait d’être relevée ; elle l’était deux fois par jour, le matin et le soir. Le sous-marin croisait au large des côtes de la Gold Coast, hors de portée des fortins britanniques. Il avait été prévu dès le début de l’expédition que Le Bellérophon noir accosterait à Pointe noire où l’attendait en principe en renfort un bataillon de fusiliers marins et de tirailleurs sénégalais commandé par le lieutenant de vaisseau Gontran de Séverac. Cette troupe était équipée de mitrailleuses du dernier modèle Maxim, nécessaires à bien faire comprendre aux autochtones la supériorité des soldats français.
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Sur sa feuille de route, Barbenzingue avait programmé la « reddition pacifique » des postes placés par Savorgnan de Brazza jusqu’au Stanley Pool censés garantir la sécurité et la pérennité du drapeau tricolore en ces terres lointaines. Naïvement, le général revanche croyait que son seul nom suffirait à lui rallier tous les corps africains.
Officiellement, le sergent Malamine était mort depuis deux ans, mais c’était sans compter sur les phénomènes multiples, les aberrations temporelles de cette chronoligne soumise au bon plaisir d’une entité inconnue.
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Depuis quelques minutes, alors que l’on naviguait à quarante mètres de profondeur à la vitesse de dix nœuds, il sembla à l’homme de barre que quelque chose empêchait l’hélice du gouvernail de donner sa pleine puissance. C’était un peu comme si un amas d’algues inopportunes s’était accroché aux spires. De plus, la densité de l’eau de mer avait augmenté, prenant la consistance d’un liquide gélatineux. Le pilote interpella le capitaine de Tastevieille et lui rendit compte du problème.
Le royaliste actionna le périscope afin de voir ce qu’il en était précisément.
« Fichtre ! Je n’ai jamais vu ça ! Qu’est-ce que cette fantasmagorie ? »
Enfermé qu’il était dans la tourelle du périscope, il en redescendit vivement, se saisit du cornet acoustique et appela Hubert de Mirecourt.
« Commandant, vous êtes prié de venir immédiatement sur la passerelle ! »
Hubert, qui lisait paisiblement un journal satirique, s’empressa de rejoindre Tastevieille. A son tour, il jeta un coup d’œil à ce qui entravait le submersible.
« Sacrebleu ! J’en informe le général. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Boulanger n’en revenait pas, mais il pensa d’abord à la coque du Bellérophon noir.
« La résistance de la structure sera-t-elle suffisante ? fit-il, inquiet.
- Pour cela, il nous faut consulter les plans.
Comme par hasard, de Boieldieu avait anticipé la demande.
- Les voici, messieurs.
Les trois officiers se penchèrent sur les dessins et y étudièrent minutieusement les relevés, les chiffres d’épaisseur d’acier, le nombre d’atmosphères, les points faibles, les entretoises, l’étanchéité des différents compartiments et des épaisseurs de coque, les tailles des rivets, etc.
Hubert de Mirecourt s’épongea le front de soulagement.
- Cela devrait aller, soupira-t-il.
Fresnay émit un doute.
- A votre place, je referais surface. Ces craquements n’augurent rien de bon.
Comme en réponse, une vive secousse se fit sentir, qui occasionna la chute des officiers supérieurs, le plancher de la passerelle gîtant de huit degrés.
« Ça y est ! Je suis plongé en plein feuilleton amerloque fauché ! On me refait le coup des scènes réemployées inlassablement d’un épisode à l’autre du sous-marin secoué par une énorme bestiole : calmar géant, rorqual, Léviathan, extra-terrestre perdu au fin fond des océans, mutant malintentionné et méduse dantesque en proie au spleen. »
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« Vous avez raison, capitaine ! Tant qu’il en est encore temps, remontons ! »
Hurlant dans le cornet acoustique, Tastevieille ordonna :
« En surface, vite ! Tant pis pour les paliers de sécurité ! »
L’homme de barre répliqua :
« J’veux bien, mais à condition de lâcher tous les ballasts ! »
Cahin-caha, Le Bellérophon noir remonta, décrochant péniblement des tentacules monstrueux d’un banc de méduses qui avaient pris le submersible comme jouet d’agrément.
Lorsque le sous-marin se retrouva en sécurité, son écoutille ouverte, le comédien prit le périscope, le descendit et vit ce qui avait mis à mal la coque.
« J’aurais dû parier ! Il n’ya pas une méduse, mais une centaine ! »
Il s’agissait de Pelagia d’une taille impressionnante. Cette espèce de cnidaire, pourtant commune, avait acquis, par on ne sait quel prodige évolutif, des dimensions respectables. Les ombrelles atteignaient huit à dix mètres de circonférence, et il semblait qu’elles étaient parcourues de phosphorescences bleutées intelligentes, comme si elles communiquaient en réseau. Le banc s’étendait jusqu’à la côte, barrant au submersible toute possibilité d’accostage sans casse.
« Bigre !Siffla Pierre. Des cousins de notre Schlffpt ? Par quel miracle ont-ils été télétransportés sur cette Terre ? »

A suivre...
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