« Le fusil de chasse » de Yasushi Inoué
présenté par Dominique Thomé
Biographie
de l’auteur :
Yasushi Inoué (1907-1991) est un romancier
japonais.
Fils d’un chirurgien militaire souvent muté, il est pendant un temps,
élevé par la maîtresse de son arrière grand-père, une ancienne geisha qu’il
appelle grand’mère, alors qu’elle est étrangère à la famille Inoué.
Dans un roman autobiographique « Shirobamba », Il racontera, plus
tard, cette enfance.
Dès 1929, il écrit des poèmes.
Après des études de philosophie à Kyoto et une thèse sur Paul Valéry, il se
lance dans la littérature en publiant des poèmes et des nouvelles dans des magazines,
puis devient journaliste. Sa carrière fut entrecoupée par le service militaire
(1937-1938).
Il publie Le fusil de chasse en 1949 et se fait connaître
grâce à une nouvelle Combats de taureaux pour laquelle il
obtient le prestigieux prix Akatagawa. Il écrit ensuite nombre de romans et de
nouvelles historiques, minutieusement documentés, comme :
- La tuile de Tenpyô (1957),
- Le loup bleu roman sur Gengis Khan
(1959)
- Le maître de thé (1981).
Certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma :
- Le sabre des Takeda par Hiroshi Inagak en 1953,
- Asunarô par Akira Kurosawa,
filmé par Hiromichi Hirikawa.
- Le maître des thés inspira Kei Kumai pour son film La Mort d’un
maître de thé qui obtint en 1989 un
Lion d’argent au Festival du film de Venise.
En 1964, il est élu à l’Académie des Arts et préside l’Association littéraire
japonaise de 1969 à 1972. Il reçoit l’Ordre National du mérite en 1976. Il est
également élu vice-président du Pen Club international en 1984.
Le livre
Un poème intitulé le fusil de chasse a donné le titre à ce très court roman épistolaire, écrit en 1949 par Yasushi Inoué, dans un Japon très traditionnel, une société dominée par les hommes, et pourtant… quelle modernité !
Ce récit est bref, intense, intemporel, tout en délicatesse.
Trois longues lettres, de trois femmes différentes mais très proches, toutes adressées au même homme, Josuke Midori, ne demandant aucune réponse, constituent l'essentiel du roman.
Peut-on parler d’une nouvelle à une chute ?
Ces trois lettres s'encastrent comme les éléments d'un puzzle et vont rompre le silence.
Mieux, par touches successives, elles laissent apparaître le tableau. La densité affective et émotionnelle est de plus en plus grande.
Ces lettres expriment la complexité de l’amour et ses tourments, la passion, la jalousie, le mensonge, la trahison, la souffrance, la colère, les désillusions, la culpabilité, le péché, la tristesse, le chagrin, la solitude, la froideur, la vengeance…
Ce sont des lettres de rupture, de séparation et d’adieu.
Nous sommes touchés autant par la poésie du texte que par la dure profondeur des sentiments exprimés pourtant avec beaucoup de réserve et de précaution.
Des images poétiques aux cris de détresse, les mots sont chargés d'émotion, choisis avec précision et beaucoup de pudeur.
Ces lettres s’imposent à nous car Josuke lui même, affirmant se reconnaître dans le poème, les fait parvenir au narrateur, demandant leur destruction après lecture.
Il le situe ainsi (et nous) à la place du “sujet supposé savoir”. Celui qui va le comprendre.
De la « dite » trahison, à l'impossible pardon, que de vies ratées ou pour le moins compliquées !
Chaque personnage vit avec un secret.
Chacun a sa vérité, une partie de la vérité, mais personne ne détient “la Vérité”.
Ce roman s’inscrit dans ce que Lacan nomme “l’horreur de savoir”.
“Aimer, être aimée !”.... La question reste ouverte.
C’est à dessein que je n’en dis pas davantage sur la trame du roman, vous laissant ainsi l’envie de lire (ou de relire).
Jean d'Ormesson
écrivait à propose du Fusil de chasse : “C’est un chef-d'œuvre… le tout est d’une sobriété et d’une force remarquables, sans aucun éclat de voix, d’une intensité glacée et brûlante à la fois”.
Je souhaiterais que les lecteurs du café littéraire qui vont intervenir, tant sur la forme que sur le fond, le fassent par une courte lecture d’un passage, étayant leurs propos.
Dominique Thomé
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