Chapitre
8.
Au fin fond de la grotte inviolée du Mustang
reposait depuis près de mille années le catafalque de Langdarma le maudit. La vapeur méphitique et hircine des tulpas planait, protégeant la combe-tombe des intrusions indésirables. Au vestibule de la dernière chambre,
constellée de concrétions phosphorées, deux demi-sphères
scintillaient de part et d’autre de la paroi, attendant qu’un esprit sage
trouvât la clef et les réunît, les joignît, les fusionnât enfin en un astre
unique bichromatique. La première, d’un noir de jais, plus profond que l’Infra-Sombre,
pulsait d’anti lumière et exsudait le suc puant d’une matière noire incréée. La
seconde, d’une flavescence soufrée luminescente, émettait des clignotements
diffus. En son sein vibrait l’impulsion embryonnaire tout à la fois de la
Genèse et de la Fin du Monde. Toutes deux achevaient leur série, escortées par
la préséance de six autres compagnes.
En la cuve du sarcophage, tout se noyait dans l’enténèbrement.
L’on ne pouvait appréhender qu’en sa profondeur ultime reposait la dépouille, la momie desséchée de l’Empereur.
Rien ne filtrait ; nul photon n’émergeait du trou de néant, pas même la fugacité d’un éclat issu du masque funéraire bimétallique qui recouvrait la face émaciée du monstre humain défunt. Défunt ? Que non pas ! Langdarma demeurait en stase cataleptique, dans l’attente de l’intervention providentielle qui l’extirperait de son errance de neuf siècles passés au seuil du Bardo. Depuis le catafalque, auto-engendrés, rampaient des serpents de jadéite et de mica, glissaient en chuintant des vers d’obsidienne pulsatiles annelés, nourris d’une nécrophagie de pemmican humain. Accroupi dans la position du lotus, un tulpa sâdhu flottait, immatériel, translucide, au-dessus du semi-mort.
Qu’il fût Doppelgänger ou ka, toute sa charpente squelettique était visible, marquée çà-là de reliefs, de surrections et d’excroissances osseuses anormales et tumorales. Vêtue tel un ascète d’un simple pagne effrangé rongé de moisissures,
gainée de concrétions arachnéennes vestigiales, notre entité brahmanique absorbait les fluides pellucides qui, de Langdarma, s’éruptaient en jaillissements d’antimatière et d’anti-énergie d’étoiles à neutrons creuses. Ce sâdhu éthéré incarnait la Mort lucide, la Mort nécrophage… Il s’agissait d’un Aghori,
réputé dévoreur d’ordures organiques et
notamment des cendres des défunts.
Cependant,
la captivité immobile du monarque approchait de son terme sans que nulle force,
nul gardien sépulcral, ne le sussent.
A suivre...
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