C’était une nouvelle organogenèse.
Désormais, elle se trouvait au centre du monde, un monde qui sans cesse se recomposait, un monde blanc, uniformément blanc et variant sans trêve sur la clarté, mais d’une manière subtile et infinitésimale. Ici, une variation d’intensité. Là, une nuance plus mate. Plus rien n’existait à part la jeune fille. Aude Angélus était son nom. Au-delà et en-deçà, personne.
Désormais, elle se trouvait au centre du monde, un monde qui sans cesse se recomposait, un monde blanc, uniformément blanc et variant sans trêve sur la clarté, mais d’une manière subtile et infinitésimale. Ici, une variation d’intensité. Là, une nuance plus mate. Plus rien n’existait à part la jeune fille. Aude Angélus était son nom. Au-delà et en-deçà, personne.
Adonc, elle se retrouvait au cœur, en l’épicentre
(mais y avait-il un centre ?) d’une immensité nue, d’un blanc étincelant.
Cela eût pu brûler sa rétine, mais, aveugle, elle n’en avait cure. Elle
sentait, touchait, entendait la brillance. C’était une couleur vierge, une
couleur pure, une a-couleur originelle, primordiale, un néant positif et
prometteur, illuminé de mille miroitements hyalins. Aude attendait que cet
univers tout neuf fructifiât.
La lactescence primaire de ce lieu magique
procurait à la jeune fille une sensation délicieuse, pourvoyait en tout son
organisme l’irradiation d’une inédite volupté innocente. Cela d’autant plus
qu’elle avait recouvré sa liberté de mouvement. Des mains charitables inconnues
avaient délacé le carcan et ôté l’horrible camisole écrue portée à même la
chemise, seul vêtement qu’elle conservât, gangue qui l’avait tourmentée comme
un cilice. De ce supplice, elle gardait des traces sanglantes, des suppurations
d’escarres, des épanchements de carence. Des traînées pourprines souillaient
son humble vêture de vierge.
Au sein de la hyalescence infinie, aussi
loin qu’elle pût capter la sensation par les quatre sens actifs lui restant,
quelque chose commença à changer.
Un objet lisse ; l’épiderme des
doigts de sa main droite effleurèrent un objet lisse. C’était un volume ovale,
de la grosseur d’un œuf d’autruche,
dépourvu de toute aspérité. Aude se surprit à caresser cette surface, longuement, sensuellement. Les doigts explorateurs, au lieu de s’attarder, descendirent, semblant engendrer, par leur mouvement même, le reste du volume inconnu. Cela acquit des creux, des reliefs. Aude pensa ; la chose se constitua. Arcades sourcilières, yeux aux paupières tantôt ouvertes, tantôt fermées, saillie d’un nez minuscule, oreilles ourlées, lèvres closes… Une tête au front bombé, d’une juvénilité dérangeante, qu’elle appréciait pourtant.
dépourvu de toute aspérité. Aude se surprit à caresser cette surface, longuement, sensuellement. Les doigts explorateurs, au lieu de s’attarder, descendirent, semblant engendrer, par leur mouvement même, le reste du volume inconnu. Cela acquit des creux, des reliefs. Aude pensa ; la chose se constitua. Arcades sourcilières, yeux aux paupières tantôt ouvertes, tantôt fermées, saillie d’un nez minuscule, oreilles ourlées, lèvres closes… Une tête au front bombé, d’une juvénilité dérangeante, qu’elle appréciait pourtant.
Mue par un instinct inédit, peut-être
maternel, ambigu certainement, Aude éprouvait un authentique plaisir à l’examen
tactile de cet être.
Elle
caressait la tête d’un poupard de cire, un poupard chauve.
Sous la tête le cou ; au ras-de-cou,
une engrêlure festonnée de dentelles. Puis, un corps, imparfait, potelé,
inachevé, vêtu comme d’une robe de baptême. Aude ne sut pourquoi la main
gauche, se détachant de cette poupée glabre, éprouva le besoin de s’aventurer
ailleurs. Ce qu’elle atteignit possédait
des cheveux. C’était là un second jouet de fillette, d’une semblable
matière.
Elle ne put empêcher qu’elle le manipulât et le caressât à son tour. Jamais, au grand jamais, elle n’avait possédé de telles poupées, figures de luxe, d’aristocrates enfants, comme autrefois Madame Royale elle-même, s’étant depuis toujours contentée de chiffons insanes mal cousus à la vague silhouette humaine. Elle les faisait sauter béatement sur ses genoux malingres et cagneux, presque scrofuleux, ou alors les berçait en chantonnant. Nulle jalousie en elle : le pauvre ignorait tout des splendeurs détenues par les riches. L’exclusion sociale engendrait un barrage infranchissable.
Elle ne put empêcher qu’elle le manipulât et le caressât à son tour. Jamais, au grand jamais, elle n’avait possédé de telles poupées, figures de luxe, d’aristocrates enfants, comme autrefois Madame Royale elle-même, s’étant depuis toujours contentée de chiffons insanes mal cousus à la vague silhouette humaine. Elle les faisait sauter béatement sur ses genoux malingres et cagneux, presque scrofuleux, ou alors les berçait en chantonnant. Nulle jalousie en elle : le pauvre ignorait tout des splendeurs détenues par les riches. L’exclusion sociale engendrait un barrage infranchissable.
Plus elle les touchait, davantage ces
poupons mystérieux se remodelaient, malléables sous la caresse épidermique. En
quelle matière étaient-ils ? De quelle teinte la chevelure du second
était-elle ? Leur souplesse rappelait tant la chair enfantine ! Le
cheveu paraissait si authentique ! Elle se hasarda à griffer, oh, juste un
peu, la joue droite du bébé chevelu dont la consistance pileuse variait,
tantôt
lisse, tantôt bouclée puis crépue. Elle eut sous les ongles une matière
bizarre, non pas de la peau ou son imitation. Elle craignit soudain que son
examen par trop insistant provoquât la fonte de ce qu’elle supposait être de la
cire. Ses paumes ardèrent. Aude retira les deux mains des poupons. Plus aucun
n’avait sa préférence.
Des fulgurances jaillirent de nulle part,
comme des bulles luminescentes qui éclataient sans bruit. Elle sentit le vague
souvenir de ce qui s’apparentait à un feu d’artifice décoloré et silencieux.
Dès lors, le remodelage de cet univers macrocosme alla s’accentuant. Il sembla
à Aude que les poupons s’altéraient au fur et à mesure qu’explosaient les
lueurs taiseuses. Le remodelage de la matière, de cette recréation, acquérait
par places une consistance dysfonctionnelle. Les caps de ces babies mollissaient
sans que les doigts de la jeune fille y fussent pour quelque chose tandis que les corps eux-mêmes étaient blettis, envahis d’enflures bulbeuses, comme des ganglions lymphatiques. En parallèle, il semblait à Aude que des souffleurs de verre invisibles
créaient des formes nouvelles, tumescentes, invaginées, de méduses synthétiques et de siphonophores,
comme autant de galères portugaises
venimeuses aux reflets tout à la fois bleutés et adamantins. A l’amollissement des poupées s’ajouta leur fonte ; la pâte plastique de ces créatures innommables, franchissant les stades de la putréfaction, comme si elles avaient possédé une vie préalable, s’en alla en liquéfaction nauséabonde, en écoulements de sucs indéfinissables, s’épreignant sans trêve, maculant la chemise de l’humble enfant.
sans que les doigts de la jeune fille y fussent pour quelque chose tandis que les corps eux-mêmes étaient blettis, envahis d’enflures bulbeuses, comme des ganglions lymphatiques. En parallèle, il semblait à Aude que des souffleurs de verre invisibles
créaient des formes nouvelles, tumescentes, invaginées, de méduses synthétiques et de siphonophores,
comme autant de galères portugaises
venimeuses aux reflets tout à la fois bleutés et adamantins. A l’amollissement des poupées s’ajouta leur fonte ; la pâte plastique de ces créatures innommables, franchissant les stades de la putréfaction, comme si elles avaient possédé une vie préalable, s’en alla en liquéfaction nauséabonde, en écoulements de sucs indéfinissables, s’épreignant sans trêve, maculant la chemise de l’humble enfant.
A cela s’ajoutèrent des légions inconnues
de sacs de jute suspendus on ne savait comment à un plafond absent, sacs dont
l’étoffe grossière se tachetait et constellait de pourritures diverses.
Certains d’entre eux, toutefois, juraient parce qu’ils étaient constitués
d’antiques indiennes d’Oberkampf
rapetassées, cousues tels des justaucorps d’Arlequins. D’autres rappelaient, par leurs carreaux composites, les tartans écossais et les tissus celtiques du pays mythifié du barde Ossian.
Et, dans ces sacs innombrables, épandus à l’infini de cet univers nouveau d’un blanc toujours plus sale, des choses vivaient, gigotaient. Des avortons dépourvus de membres, aux têtes intumescentes, hypertrophiées, se balançaient avec frénésie.
L’horreur suprême consistait dans le fait que notre aveugle percevait leurs clameurs, leurs souffrances, leurs cris muets. Dépourvus de cordes vocales, de l’aire du langage, les fontanelles largement éclatées, ébréchées, révélant des cervelles inachevées, ces monstruosités indicibles,
pis que celle du baquet de Mesmer, exprimaient leur souffrance à la face de ce monde ainsi engendré, bien que non désiré, non admis, non accepté. De plus, des gouttelettes nauséabondes perlaient çà et là de leurs sacs : c’était leur manière d’excréter.
rapetassées, cousues tels des justaucorps d’Arlequins. D’autres rappelaient, par leurs carreaux composites, les tartans écossais et les tissus celtiques du pays mythifié du barde Ossian.
Et, dans ces sacs innombrables, épandus à l’infini de cet univers nouveau d’un blanc toujours plus sale, des choses vivaient, gigotaient. Des avortons dépourvus de membres, aux têtes intumescentes, hypertrophiées, se balançaient avec frénésie.
L’horreur suprême consistait dans le fait que notre aveugle percevait leurs clameurs, leurs souffrances, leurs cris muets. Dépourvus de cordes vocales, de l’aire du langage, les fontanelles largement éclatées, ébréchées, révélant des cervelles inachevées, ces monstruosités indicibles,
pis que celle du baquet de Mesmer, exprimaient leur souffrance à la face de ce monde ainsi engendré, bien que non désiré, non admis, non accepté. De plus, des gouttelettes nauséabondes perlaient çà et là de leurs sacs : c’était leur manière d’excréter.
En cette aberration, les êtres dépourvus
de raison ne vivaient que végétativement, mus par le magnétisme animal
élémentaire, seul leur bulbe nerveux, reptilien ou limbique ayant acquis une
certaine fonctionnalité. Les bruits émis par les balancements des sacs mêlés
aux rumeurs de souffrance pourtant inexprimables de ces monstruosités fœtales
tronconiques atteignirent une intensité telle que le seuil de la douleur
franchi, Aude saigna du nez et des oreilles. Elle crut hurler ; il n’en
fut rien.
Elle constata son brutal emprisonnement en
vase clos. Plus exactement, devenue lilliputienne, elle partageait désormais un
bocal avec un des cousins des créatures infortunées, forme humanoïde
dépigmentée, aux yeux réduits à des boutons noirs. De cela, elle ne pouvait
d’évidence rien voir mais recréait le tout par la pensée, assemblant les pièces
de puzzle éparpillées, les fragments perceptifs communiqués par ses sens
demeurés fonctionnels. Enivrée par l’alcool du bocal dans lequel elle nageait,
presque nue, la modeste chemise trempée adhérant impudiquement à ses appas
maigres inaccomplis, presque androgynes à force de juvénilité et de privations,
elle reconstitua mentalement les pathologies du monstre, de l’hôte de cette
demeure singulière, de cet aquarium pour poisson humain mort-né.
Elle était l’intruse et sentait que le fœtus trépassé en gésine, à une étape peu avancée de la conception, souhaitait de toutes ses forces obtuses expulser l’indésirable qui lui disputait l’espace non vital post-amniotique. La bouche édentée du monstre s’entrouvrit afin d’émettre un son post-mortem, à la fois anthume et posthume, un son protestataire. L’étrangère au microcosme, l’Autre, devait partir de là !
Elle était l’intruse et sentait que le fœtus trépassé en gésine, à une étape peu avancée de la conception, souhaitait de toutes ses forces obtuses expulser l’indésirable qui lui disputait l’espace non vital post-amniotique. La bouche édentée du monstre s’entrouvrit afin d’émettre un son post-mortem, à la fois anthume et posthume, un son protestataire. L’étrangère au microcosme, l’Autre, devait partir de là !
La volonté de notre mendiante fut si
puissante qu’elle parvint à faire basculer le bocal dans le vide, depuis
l’étagère poussiéreuse sur laquelle il reposait depuis un temps immémorial.
Avant de toucher le sol – une chute ralentie, interminable, comme si Aude
possédait la faculté de modifier le cours de l’histoire et la loi de la
gravitation – elle fut surprise par l’éclatement de l’indicible dépouille
obstétricale, déchet tératologique indéfini (nous étions avant que Geoffroy
Saint-Hilaire classât les monstres) dont la pulpe décolorée interne et externe
éclaboussa le misérable dessous qui seul la couvrait. Elle roula par terre, au
risque que les bris du réceptacle de l’avorton la mutilassent. Une pâmoison
suivit…
Lorsqu’Aude reprit conscience, elle avait
recouvré sa taille normale. Elle exhalait des fragrances immondes,
pestilentielles, comme si elle se fût oubliée sous les effets conjugués de la
peur et du dégoût. Vomissures et sanies, ichor et miction la salissaient toute.
Certes, elle demeurait toujours libre de ses mouvements, l’absence de camisole
n’étant point fictive, mais elle ignorait ce qui venait de se révéler en
elle : reconstruction mentale, synesthésique de mondes, bilocation,
faculté d’agir sur la matière, de la modifier, de la refaçonner, force que l’on
dirait un siècle plus tard métapsychique.
Elle devinait les dommages qu’elle avait provoqués en ce laboratoire de
Bicêtre :
parquet maculé de cire fondue, d’éclats de verre, de chairs mortes explosées, de liquides préservateurs épanchés. Les odeurs diverses suscitèrent son écœurement et la bile remonta en sa gorge tandis que des infirmiers l’empoignaient afin de la conduire à une douche nécessaire.
parquet maculé de cire fondue, d’éclats de verre, de chairs mortes explosées, de liquides préservateurs épanchés. Les odeurs diverses suscitèrent son écœurement et la bile remonta en sa gorge tandis que des infirmiers l’empoignaient afin de la conduire à une douche nécessaire.
Elle eut le temps d’entendre l’un des
savants qui l’avaient utilisée dire, Pinel sans doute :
« Désormais, nous savons de quoi
Mademoiselle Angélus est capable. Il nous reste à la dresser, à domestiquer ses
capacités, à canaliser sa puissance. Nous tenons là une arme redoutable, qui,
un jour, pourra servir à la lutte contre les ennemis de notre nouveau
roi. »
***********
Dans son cachot de la Bastille, Agathon
Jolifleur se retrouvait présentement en l’encombrante compagnie du cadavre
frais de l’opposant Jean-Paul Marat.
Le coma avait bien peu duré. Il n’était besoin ni de lui tâter le pouls, ni de placer une glace contre ses lèvres pour constater sa mort. Notre muscadin déchu n’eut d’autre ressource que de crier afin qu’un geôlier l’entendît :
Le coma avait bien peu duré. Il n’était besoin ni de lui tâter le pouls, ni de placer une glace contre ses lèvres pour constater sa mort. Notre muscadin déchu n’eut d’autre ressource que de crier afin qu’un geôlier l’entendît :
« A l’aide ! Mon compagnon de
captivité est mort ! Au secours ! »
C’était là la seconde version de l’alerte,
et nul encore ne se dérangeait. Prendre le risque d’ouvrir la geôle exhalait le
piège pour les gardes expérimentés commandés par Maria-Elisa di Fabbrini, qui,
du Châtelet, suivait toute l’affaire, bien que ses supérieurs l’eussent blâmée
de la fuite du gros gibier princier.
En lieu et place de la clameur d’un gardien
de prison, notre captif perçut une voix venue de nulle part, une voix
assourdie, qui avait traversé la muraille, voix grasse s’exprimant avec un
accent anglais.
« N’ayez crainte, monsieur. »
Agathon ignorait que son cachot était
attenant à celui de Donatien marquis de Sade, alias Sydney Greenstreet…
avatar d’un gros homme de l’avenir dont seul Johann van der Zelden, cet Ennemi qui avait aidé le Maudit à bouleverser l’ordre des choses depuis 1782, connaissait l’identité réelle, extrahumaine.
avatar d’un gros homme de l’avenir dont seul Johann van der Zelden, cet Ennemi qui avait aidé le Maudit à bouleverser l’ordre des choses depuis 1782, connaissait l’identité réelle, extrahumaine.
« Monsieur, reprit la voix spectrale,
comme issue de la ventriloquie des murs, je sens votre détresse et ne souhaite
qu’une chose : que nous nous évadions tous deux. »
Le muscadin ne pouvait le croire. Il
lança, à l’adresse du détenu invisible :
« Spectre, qui que tu sois,
montre-toi !
- L’année et la piste chronologique dans
lesquelles nous nous situons impliquent que vous ne pouvez connaître Edmond
Dantès.
Il s’en faut de quinze années pour les faits, de bien plus encore pour la fiction.
Il s’en faut de quinze années pour les faits, de bien plus encore pour la fiction.
- De quoi donc parlez-vous ? Il ne
m’a pas suffi de supporter l’agonie délirante de ce Mala que voici un autre
fol, immatériel de surcroît ! Devrai-je boire le calice jusqu’à la
lie ?
- Monsieur, saisissez l’occasion. Je vous
tends la perche. Profitez de la mort de votre codétenu… Tenez, prenez sa
place !
- Je ne vous remets point, monsieur. Ayez
l’obligeance de décliner votre identité.
- Je pourrais répondre comme Ulysse :
je m’appelle « personne ». Disons que votre siècle finissant me
connaît sous le sobriquet de divin marquis.
- Sade ! » s’exclama avec effroi
Agathon.
Il savait par ouï-dire la réputation de
l’intrus, faute d’en avoir lu les exploits infâmes et, bien que lui-même goutât
à de peu orthodoxes pratiques, l’extrême perversion de l’écrivain lui
répugnait. Il y avait un monde entre se contenter de trousser de temps à autre
les nymphes délicates réduites à l’indigence et les soumettre aux pires
sévices. Aude Angélus eût été un mets de choix. Du moins, avec Jolifleur, elle
aurait subi une simple humiliation, alors que notre muscadin doutait qu’avec le
marquis, elle se fût tirée vivante de ses rets… Déflorer n’était rien ;
torturer et mutiler était tout.
« Vous qui semblez vous complaire
dans l’immatérialité des esprits, veuillez m’expliquer par quel phénomène je
puis entendre votre voix.
- Simple question d’acoustique, répliqua
l’avatar de Sydney Greenstreet. Je suis prêt à vous offrir tout l’or du monde
pour que vous me prêtiez sérieusement attention.
- Vaine promesse que je ne peux ni croire,
ni accepter. D’évidence, vous devez croupir sur la paille infestée de votre
cachot, vêtu d’une chemise en loques. Ne me faites pas avaler le mensonge que
Napoléon vous a accordé la faveur de la pistole ! Nous logeons tous ici à
la même enseigne.
- Monsieur, apprenez que je partage ma
captivité avec une charogne de singe. Par cet acte, le nouveau despote espérait
que je fusse affamé en suffisance pour goûter aux chairs faisandées d’un Orang
de Sumatra.
A moins qu’il voulût que je transgressasse l’interdit biblique du commerce vil avec les bêtes. Son vœu le plus cher est mon internement à Charenton ou à Bicêtre. Et je veux éviter cela. Je préfère conséquemment supporter la corruption de cette dépouille jusqu’à son terme sans y toucher. Pour moi, il y a une différence fondamentale entre profiter des chairs nécrosées d’une trépassée et m’avilir avec un simien putride ! Souhaiteriez-vous que l’on palpât vos chairs roides et glacées et que l’on humiliât votre cadavre ? Croyez-moi, il n’est pire vice que la dégustation des chancissures.
A moins qu’il voulût que je transgressasse l’interdit biblique du commerce vil avec les bêtes. Son vœu le plus cher est mon internement à Charenton ou à Bicêtre. Et je veux éviter cela. Je préfère conséquemment supporter la corruption de cette dépouille jusqu’à son terme sans y toucher. Pour moi, il y a une différence fondamentale entre profiter des chairs nécrosées d’une trépassée et m’avilir avec un simien putride ! Souhaiteriez-vous que l’on palpât vos chairs roides et glacées et que l’on humiliât votre cadavre ? Croyez-moi, il n’est pire vice que la dégustation des chancissures.
- Oui-da, monsieur le marquis, mais, quel
plan d’évasion voulez-vous me soumettre ?
- Je reconnais rêver de surpasser Latude…
Tromper les geôliers à la manière du grand Dumas… Vous serez obligé de surmonter votre répugnance si vous tenez à la liberté. Accepteriez-vous de vous dissimuler dans la bière même de l’ami du peuple ?
Tromper les geôliers à la manière du grand Dumas… Vous serez obligé de surmonter votre répugnance si vous tenez à la liberté. Accepteriez-vous de vous dissimuler dans la bière même de l’ami du peuple ?
- Je n’y verrais nul inconvénient.
Toutefois, ce Maxa était dans un tel état que… »
Agathon Jolifleur demeurait sceptique aux
propositions sépulcrales d’un personnage qu’il ne pouvait voir, la pierre
constituant une barrière impénétrable entre les deux cachots. Alors, il souleva
la question de l’autopsie de Jean-Paul Marat.
« Vous ne croyez tout de même pas que
le gouverneur de la Bastille – Monsieur de Boissy d’Anglas -
va perdre son temps en de tels enfantillages ? tonna sarcastiquement la voix d’outre nulle-part dont l’accent britannique alla s’accentuant. Cela me rappelle un mien avatar de roman d’espionnage, Mr Peters, qui inlassablement répétait cet axiome : " le monde manque de bonté." Non, notre police se contentera d’entreposer temporairement le corps en quelque morgue avant de l’inhumer à la sauvette en une fosse commune, à l’abri des regards indiscrets, sans même que les mondains vicieux viennent s’encanailler au spectacle d’un Marat pourrissant exposé en l’auguste compagnie des noyés de la Seine ! Monsieur, vous n’êtes pas sans savoir que notre tyran Buonaparte a ordonné la construction générale de cimetières hors les murs de la capitale.
va perdre son temps en de tels enfantillages ? tonna sarcastiquement la voix d’outre nulle-part dont l’accent britannique alla s’accentuant. Cela me rappelle un mien avatar de roman d’espionnage, Mr Peters, qui inlassablement répétait cet axiome : " le monde manque de bonté." Non, notre police se contentera d’entreposer temporairement le corps en quelque morgue avant de l’inhumer à la sauvette en une fosse commune, à l’abri des regards indiscrets, sans même que les mondains vicieux viennent s’encanailler au spectacle d’un Marat pourrissant exposé en l’auguste compagnie des noyés de la Seine ! Monsieur, vous n’êtes pas sans savoir que notre tyran Buonaparte a ordonné la construction générale de cimetières hors les murs de la capitale.
- Je ne souhaite pas être enterré vivant,
enveloppé dans un linceul, parmi le flamboiement des follets, des émanations
gazeuses dues à la corruption. Monsieur le marquis, j’ai souvenance du
cimetière des Innocents
avant que le Bourbon ne le fît fermer et démanteler. Les morts saillaient de sous la terre et le terrain exhalait mille effluves atroces. L’on marchait sur eux, sur les ossements, sur les membres en train de se dissoudre.
avant que le Bourbon ne le fît fermer et démanteler. Les morts saillaient de sous la terre et le terrain exhalait mille effluves atroces. L’on marchait sur eux, sur les ossements, sur les membres en train de se dissoudre.
- C’est pour de simples raisons d’hygiène
que vivants et morts ne doivent plus cohabiter. Monsieur le muscadin, soyez
prêt à vous vêtir de la peau même de l’ami du peuple, des squames effilochées
de celui-ci qui draperont votre intimité. Revêtez le cadavre de vos propres
habits et acceptez de vous substituer à lui. Ah, si nous nous trouvions dans la
bonne chronoligne, de surcroît dans les années 1840, je vous conseillerais de
vous plonger dans la lecture du Comte de Monte-Cristo,
ce chef-d’œuvre incontournable d’Alexandre Dumas,
et de vous inspirer d’Edmond Dantès qui n’hésita pas à s’évader en prenant la place de l’abbé Faria mort !
et de vous inspirer d’Edmond Dantès qui n’hésita pas à s’évader en prenant la place de l’abbé Faria mort !
- Je ne puis retenir longtemps une
respiration qui me trahira. Le contact même de l’épiderme en lambeaux de feu
monsieur Maja pourrait occasionner en ma complexion raffinée des accès nauséeux
fort gênants. Revêtir un cadavre de mes habits salis, soit, mais être nu avec
pour seule vêture cette peau écorchée dont la putridité est déjà manifeste,
non !
- Tête de mule ! jeta le prétendu
Sade. C’est moi, le ci-devant, non vous !
- Monsieur, vous usez de termes
inintelligibles. D’où et de quand venez-vous ?
- Votre intelligence est plus vive que ne
le pensais.
- Seriez-vous un esprit fait chair, ou
même, un démon incarné ? Ma raison vacille…
- Si vous m’obéissez et suivez
scrupuleusement mes instructions, vous serez libre sous les quarante-huit
heures. Vous n’aurez plus qu’à vous cacher chez une personne de confiance,
Madame Manon Phlipon, veuve Roland de la Platière.
Elle se cache rue de la Harpe. Elle permettra que vous vous réfugiiez en Normandie, à Rouen.
Elle se cache rue de la Harpe. Elle permettra que vous vous réfugiiez en Normandie, à Rouen.
- Je la croyais prisonnière à Saint-Lazare,
répliqua, surpris, Agathon. Je n’y comprends mie. Je lis pourtant les gazettes
qui m’ont informé de son arrestation et de sa détention. Elle passera en
jugement le mois prochain.
- Napoléon a été dupé ; il ignore que
Manon Roland a plus d’un tour dans son sac. Elle a pris la place de sa
domestique, recrutée par les soins des opposants parce que possédant une vague
ressemblance avec elle. Vêtue des effets de l’égérie des libéraux, celle-ci a
été appréhendée à
sa place par les mouches. Lorsque l’instant sera venu, la supercherie sera
éventée… après que les agents de Blacas et d’André auront procédé à l’évasion
de la susdite. Elle risque donc peu. Afin d’éviter de telles erreurs, la police
devra bien un jour se résoudre à adopter le niepçotype,
cette invention révolutionnaire conseillée par le comte di Fabbrini, éminence grise du monarque qui s’y connaît bien en efficacité policière et en criminalistique… »
cette invention révolutionnaire conseillée par le comte di Fabbrini, éminence grise du monarque qui s’y connaît bien en efficacité policière et en criminalistique… »
A peine le pseudo-marquis eut-il achevé ces
propos qu’un cliquetis se fit entendre en la porte de la geôle. C’était l’heure
de la soupe. Le garde ne s’inquiétait de rien car il pensait toute communication
impossible entre les prisonniers, et l’absence de soupirail aux cachots rendait
une évasion classique inenvisageable. Aussi n’effectuait-il que des passages de
routine : ronde, repas etc. Si jamais la « belle » se fût
produite, les détenus se seraient retrouvés dans un dédale d’égouts vétustes
jouxtant la forteresse médiévale, puis dans un cloaque inextricable à proximité
de la Seine. L’efficacité de la nouvelle police de Fouché aurait fait le reste.
Cueillir nos évadés en cette fange eût été rapide. Agathon Jolifleur n’avait
plus le choix : il devait laisser le garde constater le trépas de Marat. Le
temps que l’on vienne récupérer le défunt afin de procéder aux formalités
funéraires, aurait-il le temps de procéder à l’échange ?
A suivre...
*******
1 commentaire:
Mes traitements de chimiothérapie...
Je reviens maintenant pour partager mon expérience parce que la douleur et la souffrance émotionnelles que j'ai ressenties à cause du cancer du sein se sont atténuées. Je pleure encore lorsque je raconte mon histoire, mais je ne me sens plus comme une victime du cancer.
En juin 2005, j'ai commencé la chimiothérapie. Mon oncologue m'a recommandé de commencer par la chimio puis de subir une intervention chirurgicale. J'ai dû subir 8 cycles de chimio, une fois toutes les deux semaines. C'était ce qu'on appelait la dose dense. J'ai reçu trois cycles d'AC, trois cycles de Taxotere, puis le reste sous Taxol. Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Le premier cycle de chimio n'a pas été aussi mauvais que je le pensais. Je n'étais pas si malade. Je me disais que je pouvais le faire. La chimio n'était pas si mauvaise. Bon sang, j'avais tort. Le deuxième tour m'a frappé de plein fouet. Mes globules rouges étaient bas, alors on m'a fait une injection de Procrit. Je tombais normalement malade le troisième jour. Je me rendais au traitement le jeudi, on me faisait la piqûre de Procrit le vendredi (si nécessaire), puis j'étais malade au lit pendant 3 à 5 jours. Lors du cycle suivant, je n'ai pas reçu la piqûre de Procrit. Je me sens toujours malade, mais pas autant que lors du dernier cycle. Lorsque je suis tombée très malade lors de mon tour suivant, après avoir reçu la piqûre de Procrit, j'ai réalisé que la piqûre aggravait mon état. J'ai donc continué à chercher des herbes naturelles et je suis tombé sur le centre d'herboristerie du Dr Itua qui soigne des maladies comme l'herpès, le cancer, l'infertilité des hommes et des femmes, le charme, les douleurs corporelles, la maladie de Parkinson, la SLA, la SEP, le diabète et l'hépatite, Le Dr Itua était la seule solution à mon problème, j'ai donc acheté ses herbes médicinales et j'ai terminé le traitement complet comme on me l'a demandé, sans chirurgien, j'ai été guéri. Je lui ai demandé ce que je devais faire pour le remercier, puis il m'a demandé de témoigner de son travail, c'est pourquoi j'ai laissé ce message ici pour aider quelqu'un à relever le défi de la santé, Dieu merci ! Le Dr Itua allait beaucoup mieux.
**N'hésitez pas à envoyer un message au Dr Itua à l'adresse drituaherbalcenter@gmail.com si vous avez des questions concernant les traitements ou tout autre problème de santé.
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