Je ne sus plus à cet instant ce
que je ressentis. Ce fut une fusion totale des corps et des esprits avec le
Créateur. En une rêverie néoplatonicienne, j’entrevis la vérité intrinsèque de
l’Univers… Les Anciens avaient raison, les Anciens avaient raison !
Plus moi-même n’étais-je ;
symbole symbiotique rétrogradé prismatique hétérochronique universel
pan-mondes… La nef de basalte de Notre-Dame,
stabilisatio mundi terra-formatée crissant d’insectoïdes
polyédriques osmoses. Bleu fraise monofermal arroi des sphères multi
métalliques de Dyson troposphériques en ut majeur qui cascadaient d’un torrent
hyalescent vermifuge de thériaque masqué de brume de fuchsine, sise en un
coacervat cervical à la sphéricité concave, comme lorsque les fœtus d’airain
titanesques de Proxima du Centaure érigèrent le phallus trigonométrique de la
Sagesse du Kushan. Cette gigogne octaèdre contenait un débordement plat moiré
de feldspath grenadin, d’où s’échappaient en des vols lourds de stryges de
bismuth azimutal, au mitan de l’adret agrégatif, les surréelles complies
monacales issues des bouches-capuces de dinosauriens âgés de trente
quatrillions d’années mégalomanes,
en des gaz plombés d’une luminescence
abyssale, où nageaient des morulas, blastocœles et blastopores de crabes
iridescents en rubis safrané vert-cobalt. Des larves zooplanctoniques de cirons
hydraires polydactyles flottaient à l’intérieur d’amnios dodécaédriques micacés
d’une teinte de lapis-lazuli vert-citron. Ces œufs se déplaçaient au gré de
l’harmattan et du simoun via des huit-ressorts fonctionnant à la vapeur de
limonade éventée fabriquée en Nouvelle Galle du Sud, là où vivaient les hommes
cynocéphales xénarthres aux pots de laque japonais en ébréchures épizootiques.
Des mosaïques du Baloutchistan vomissaient des dorures nervurées de trumeaux
labiés gréco-bouddhiques ciselés d’amazonomachies zapotèques fondues par un
bronzier fulbé du Monomotapa. Il y eut aussi une noosphère de gastrulations de
trophoblastes de théorèmes de Gauss et de Fermat, conjectures pithiatiques dont
l’épicarpe inférovarié s’ornait de lamelles de micocoulier dicotylédone. Et je
vis une suite de Fibonacci de moutons sécants-sécables à la laine bleu
outremer des Célèbes et des Moluques se démultipliant en parturitions de zoés,
d’infusoires et de monères paramétrés, tout en vibrionnant sur un air de viola
pomposa. Les bêlements de ces ovins-Protoceratops, en infrasons, se décuplèrent
et se répercutèrent de bas en haut, provoquant ainsi le craquèlement et
l’écartèlement euclidien d’œufs de Diatryma de porphyre gemmé, d’où
s’extrayaient des nains de jardin en olivine aux brouettes spartiates emplies
de fleurs d’albâtre d’Albacete, fleurs parfumées au chypre roux et à l’or natif
du Pinde.
Au nadir, Jean de Patmos
aperçut
en moi-même, des voussées tortues colosses Archelon pentacosiomedimne à
l’orfroi écailleux, l’échappée belle du réseau ombellifère des siècles à venir,
en un nouveau char d’Ezéchiel d’amande amère constellé de becs d’Horus
trismégiste de palladium. Et les cris inverses psalmodiaient une hymne
monophysite, un péan entonné en l’Honneur d’une lumière violette et noire,
subsumée d’intrications de chats quantiques multicolores et versicolores de
chancissures septentrionales, tellement constellées de pourriture qu’elles
n’eussent pu être chantées par le barde Kraken. Ces anti-bouches d’or déphasées
criaillaient : « Commandeur Suprême ! Discordance des
Harmoniques lumineuses ! Lumière de néant inverti ! Sois des
nôtres pour les siècles des siècles ».
Loin, loin de Cathay, de Cipango,
aux antipodes du cosmos, un homme démultiplié en fragments de formica se
mouvait pesamment entre l’Amas de la Vierge et Cassiopée. Il excrétait des
pouponnières d’antimondes de son fondement putrescent, à la fragrance
périssodactyle d’un Pellucidar afro-mésopotamien. Et ces sanies se
solidifiaient en cristaux dont la température de moins trente degrés Kelvin
permettait toutes les audaces anticonceptionnelles, négatrices de la Vie. Et
les Tupinamba cannibales nécrophages, dévorateurs de chairs de neurulas
inachevées confites dans le népenthès gibbeux, attaquaient de leurs arcs de
palissandre et de brésil l’idole néphrétique
et méphitique d’une statue fasciée en forme de sexe féminin titanesque, d’une hauteur
d’Aconcagua de talc luminifère, idole indigène éthérée de papier tue-mouche aux
facettes d’améthyste vermillonnées par des fressures éclatées cryptozoologiques
de Gigantopithèques Blacki
birmans, de Paranthropes et d’Atlanthropes-valises
en cuir bouilli. Kakundakari-Kakou, Grand-prêtre d’Ogo le Renard blanc prit la
parole : il s’exprimait dans l’idiome primitif de Pi’Ou, le Singe sacré K’Tou qui, le
premier, se dressa sur ses jambes. Ses mots n’étaient que clics de Vénus
Hottentote, trémulations de Megarachne servinei, claquements de mâchoires de
Troodons diamantifères au pectoral de chrysoprase emprisonné dans l’ambre gris
de l’hyméno-paléoptère volant intraterrestre découvert par Richard Owen en 1840
avant le règne de Gudea de Lagash. J’embrassais tous les mondes ; je
copulais avec tous, déchirée par des millions de membres sadiens colossaux qui
distendaient et dilataient mon sphincter jusqu’à ce qu’il éclatât en pétales
rapiécés et fourchus. J’hurlais ma jouissance, sans que je comprisse aucunement
le sens des mots que je prononçais : « Quark ! Quark ! Cœur
de la matière, Chœur Multiple de la Pan-vie ! » De moi émergeaient
des créatures à plusieurs têtes embryonnaires atteintes de toutes les trisomies
possibles. Elles s’expulsaient à la chaîne de mon orifice intime multi fécond
en sanies sanguinolentes coiffées non épongeables, soudées quatre à quatre par
leurs têtes inachevées, par leur ébauche de bouche griffue, recouvertes d’un
lanugo moisi verdâtre et opiacé où poussait un mycélium fragrant de spermaceti
purulents. De leur occiput kystique, membraneux et squirreux, herniaire à tout
le moins, enflaient jusqu’à l’intumescence et éclataient, en s’épanchant comme
du chyme, des bulles kaléidoscopiques insanes d’organogenèse inaboutie, dont
les fluides rompus, gâtés, blets, s’en venaient jasper des robes auliques de mousseline
qu’en un bal paré autrichien rococo, arboraient des marquises marie-antonines
d’Elisabeth Vigée-Le Brun,
de Pajou et Clodion, figées et roidies de
dentelures, confites et empoissées dans des dentelles de Bruges et de Malines
tissées de toiles d’arantelles purpurines. Ces danseuses organsinées de
vertugadins à paniers d’osier, juchées sur des escarpins à ressorts, aux
vertigineuses perruques poudrées de riz paddy, enfarinées de manioc, surmontées
d’échafaudages intrigants de vaisseaux-maquettes marquetés à trois ponts et
quatre-vingt-cinq canons éjectant des boulets ramés ardents miniatures,
exécutaient des entrechats périlleux, partageaient leurs contredanses de
sarabande et de forlane, de menuet et de gigue padane avec des vidames
vampiriques de Polidori aux soubrevestes toilées de peaux mortes. Et ces goules
mâles ventrues à spina bifida, aux chignons crâniens néandertaliens éclatés par
des forceps de latex, faisaient ventouse sur moi, pompant mon fluide écarlate,
me métamorphosant en momie d’Hatshepsout copte réticulée de bandelettes de
Thaïs, traînées de Schmürtz jazzy des caves de Saint-Germain des Près, d’où le
son douloureux des saxhorn se syncopait en sixtes napolitaines galvaniques
empoussiérées et passepoilées de fausses notes pentatoniques doriennes et
sino-birmanes. Un Claude D., un Marcel P., inconnus de moi-même,
jouaient de la
contrebasse avec un archet aux crins en plâtre de Paris. Ils produisaient des
arabesques mozarabes outrepassées par un Salvador D., pseudo-christique, non-né, mort-vécu, de
Polycarpe de Samos et d’Apollonios de Tyane, pleurant de ses orbites caves
moustachues d’impériales teintes au henné anthracite, des larmes de gneiss des
terrains du Lias. Et mon sang menstruel jaillissait en geysers, en solfatares
soufrées de mon vagin tumescent d’accouplements taurins, sang de miasmes des
syrtes et des sphaignes qu’un Pablo Ruiz P., venu encore du futur, récoltait
pour en emplir des bombes aviaires arrosant une bourgade basque de guano de
condors casqués d’acier mat. Un révérend britannique me photographiait enfant,
dans le plus simple appareil, alors que j’étais attouchée par un incube
ithyphallique parfumé de vétiver et drogué à la poudre de cantharide après
qu’il eut vaincu la flotte des galions et des galéasses du Rio de la Plata
outre-espace.
Des mines argentifères du Potosi, brusquement apparues tout comme
le temple Octavien tétracorde pseudo périptère sine postico de Mars Ultor, hors
de ses repères chronologiques et géographiques accoutumés, s’extravasaient des
légions de morions hispaniques squelettes, qu’un ru bleuâtre s’empressait
d’engloutir tout en dégorgeant des vomissures de poux papous célibataires. Et
j’étais la prophétesse de ces a-univers universaux. L’asphodèle cristallin des
zeugites de Zeugma se construisait et s’effritait en poudre de pendus terminaux
transsudant de jus de putréfaction viscérale. Tout cela s’exprimait par le bois
de cervidé, par la corne de brume viking du Parasorolophus.
Afin d’éviter un sort funeste, j’écartai
le fielleux objet septentrional.
« Communauté des
croyants ! Communauté des croyants ! Vous êtes tous
leurrés ! » m’exclamai-je, haranguant les bures pansues d’engobe,
sigillées et rubanées d’un glyphe pourpre de Zeus, tout en déféquant une
liquéfaction d’eau de rose passerinette qui s’épreignait et s’épandait,
fluviatile semence liquoreuse, sur la terre amarante. Du cinabre des fosses des
champs catalauniques Huns buvant le suc des cadavres barbares, émergea, comme
d’une fange, s’extirpant au son testamentaire des trompettes des morts en ut
double dièse mineur diachronique, la dépouille avancée et décharnée
d’Aurore-Marie en personne.
Elle s’avança vers moi, arrachant des cartonnages
démotiques momiformes stuqués de sa peau bistre ratatinée ensorcelante des
Martres auvergnates, encore emmaillotée de lin et de jute sassanide. Aux côtés
de ce spectre, en une cage d’orichalque, brillait un œil prophylactique de
poulpe luminescent parasité d’anatifes, casqué d’un heaume de Pavie au cimier
érectile de bambou mordoré constellé de gemmes tusculanes d’apocolocyntose. Cet
œil riait en me dardant de tridents et de trépieds housards chthoniens
qu’Athéna Parthénos, afin qu’elle possédât l’Attique, capturait avec son égide
à l’efflorescence écœurante de peaux de requins et d’anacondas mués d’une Amazonie
lithosphérique saharienne. Fourrure de Mammouth laineux toungouze dansant au
son d’un tambour de basque orné de sonnailles et de têtes de mort édentées de
déesse du Thibet animiste…
Ce fut alors, au lointain horizon
infrangible, qu’Exékias tua Patrocle d’un coup de dé pipé, à l’aide d’un glaive
celtibère cantabrique aux chamarrures damasquinées et maniéristes à la manière
du Sodoma. Tandis qu’à distance, la sphinge polymaste chryséléphantine
œdipienne, armée d’une griffe-poignard rétractile de paresseux édenté mutant,
tout en barbelures de harpon-pingouin, coupait trois de ses seins puis les
dégustait goulûment, la charogne d’Aurore-Marie, s’allant à moi, m’imposa une
étreinte morbide, me souillant de sa terre sépulcrale violine. Accolée à moi,
elle me soumit à ses desiderata, sans que je pusse les refuser, envahissant ma
robe, mon corps, de son coagulum tombal obscène. En un embrassement
d’archi-démon, elle s’obstina à me faire danser une valse lente, démesurément
lente, en sa putride compagnie poëtique. Ce fut alors un Maldoror de chant
saphique qui m’habita toute. Accouplement de la pourriture et du vivace, ola
podrida et acqua-toffana Médicis et Borgia mêlée d’une chaste Suzanne mutée en
Lucretia blondine, à la toison d’ossements, pubescence du sexe persistant
malgré l’œuvre de la putréfaction, distordue par le Temps, par la fantasmasie. Fusion
des êtres, des chairs, des liqueurs intimes de l’extase, vif-pourri. Macabre Marcabru
de légende transie transitionnelle entre l’état suspendu et la survie d’au-delà
de la chair. Luminescence pierreuse, niobium et molybdène, plaie cruentée et
escarre vivace. Alors que ce spectre me forçait, je ne pouvais m’empêcher
d’émettre des gémissements extatiques.
Spectrum ! Speculum ! Misere nobis ! Puella impudica ! Le rictus
d’Aurore-Marie, encore vêtue de sa chevelure ternie, rongée de vers, s’apposa
sur mes lèvres, alors qu’elle m’étreignait à m’en briser l’échine, bouche
édentée de pus, exhalant l’empyreume et l’empyème ! Expression florale et
tumorale de la Rose morte, de la Myrto défunte, de la décomposition splendide
et spleenétique, humeurs viscérales liquéfiées, dissoutes, s’écoulant dans mon
gosier. Accouplement indicible, au sommet de la Grande Peur, du Fléau, contre
nature, forcé, tout en mictions et émulsions physico-chimiques d’un sang noir
s’égouttant des veines dilatées de celle qui n’est plus depuis déjà longtemps.
Hyménée du Soupir dernier, exsufflation de Haine amoureuse de
Soi-Altérité ! Pulsion morbide, rêve de buis du prêtre de l’Ancienne
Croyance. Soudure implacable des organismes, des consciences, des absences, des
âmes à la parfin ! des psychés vertueuse et pécheresse aussi !
Libation des sucs de la putridité terminale, en oblation divine, propitiatoire,
hybridation complète de deux antagonismes fondamentaux lors appariés,
d’apories… En l’hypallage fluidifiée, surgie du tombeau vain, en l’échange
miroitée des corps et des sangs vivant-blet, des sécrétions de jouissance
saphique, le dieu–colosse hiératique premier d’argile observa ce monstre
nouveau prometteur, fusionnel et confusionnel, puis s’exclama :
« Huitième merveille du
monde ! Homunculus, tu es né ! »
Engendré par parthénogenèse, par
l’Amour fille-femme, il fut !
Dieu, ô Dieu décomposé, proclamé
mort, mort-né, non créatif, reçois lors ma prière et mon imploration, accueille en Ta miséricorde la misérable
créature, la lorette vierge qui jamais ne voulut exister. Dieu de Scot Erigène,
prends pitié et accueille en Ton giron bienveillant, Très bon, Très grand,
l’âme de la primerose des charmilles ! Dieu change-sexe, Bona Dea, Tu reviendras du
Saint-Sépulcre, Marie de Magdala, fiancée de Jésus, crucifiée à sa place sous
l’imperium de Tibère Caprineus, sous
le chevalier Ponce Pilate ; Tu reviendras, te dis-je ! des Champs
Phlégréens consoler, bénir et pardonner à la Vierge à l’hymen déchiré, à Celle
qui Te trompa, Te parjura, T’apostasia, Te renia, deux, trois, mille fois après
le chant du coq, Te renia, je le redis, en embrassant la Foi, trompeuse et
hérésiarque de Pan Logos, le faux, le fourbe, le Conçu par un esprit malade.
Amen.
Ce n’était plus moi qui parlais,
moi qui m’exprimais ; c’était Aurore-Marie, surgie d’entre les Morts.
J’étais Elle ; Elle était Moi. Démente, démente inversion du miroir des
Hommes qui impose sa fata morgana !
Je devais à tout prix quitter ce
monde peccant. Il fallut que je sortisse de ce délire indésirable, exprimé en
un état transitionnel, intermédiaire, entre le rêve et la veille. Que je m’en
extirpasse sous peine de perdre à jamais la raison. Culte, fécondation des
hypostases en la matrice de la fillette, prenez donc fin ! Achevez votre
travail, sortez donc de ce corps de vierge de quatorze printemps !
Alors, comme obéissant à ma
volonté mutique, tout se précipita, s’accéléra. J’émergeai enfin du songe
hébété de la morbidité, ayant craint un instant que la Mort, personnifiée par
celle que j’eusse voulu aider, secourir, ne m’eût emportée. Je recouvrai un
semblant de raisonnement, aussitôt replongée dans cette cérémonie impossible,
dans cette prétendue réalité concrète, comme si je n’avais fait que franchir
une couche surréelle supplémentaire mais non point accessoire, superposée à
celle dans laquelle Nélie et moi agissions, nous mouvions, parlions, pensions,
depuis le commencement de cette nuit d’exception. Je venais d’éprouver des
phénomènes de perception proches de ceux vécus par les sorciers sibériens ou
indiens équatoriaux, sans que j’en pusse appréhender la cause, une fois de
plus.
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