Obséquieux, le flibustier, canaille
unijambiste ayant embrassé la cause légitime
de Louis XVI aida les prestigieux voyageurs à descendre du fiacre non armorié.
La frégate
du capitaine Burke dressait ses mâts en la célèbre Jetée du bassin portuaire de Calais, dans l’attente de ses hôtes illustres quoique hors-la-loi. Cadoudal fut le premier à descendre, s’étonnant que la police ne surgît pas à l’assaut du véhicule.
La frégate
du capitaine Burke dressait ses mâts en la célèbre Jetée du bassin portuaire de Calais, dans l’attente de ses hôtes illustres quoique hors-la-loi. Cadoudal fut le premier à descendre, s’étonnant que la police ne surgît pas à l’assaut du véhicule.
« Drôle de comité d’accueil, vraiment »,
se contenta-t-il de déclarer.
Doit-on préciser que la scène se déroulait
à l’aurore ?
Le marin endurci effectua un baisemain
parfait lorsque Mousseline la Sérieuse se montra à sa personne mutilée.
Madame avait cru bon de présenter aux lèvres du fidèle une main droite diaphane d’une perfection innée, apprêtée de pâtes de beauté, au majeur serti d’un anneau royal enchâssé d’une entaille de béryl au profil des Enfants de France sous un dais de lys.
Madame avait cru bon de présenter aux lèvres du fidèle une main droite diaphane d’une perfection innée, apprêtée de pâtes de beauté, au majeur serti d’un anneau royal enchâssé d’une entaille de béryl au profil des Enfants de France sous un dais de lys.
Les jetées de Calais avaient connu
plusieurs prolongements successifs, l’un des plus notables remontant à 1697. La
grande Jetée ne tarderait pas à inspirer à William Turner, en 1803,
un de ses premiers tableaux remarquables. De fait, le port et la ville avaient subi un certain déclin au XVIIIe siècle, en raison d’une tendance à l’ensablement qui rappelait Bruges.
un de ses premiers tableaux remarquables. De fait, le port et la ville avaient subi un certain déclin au XVIIIe siècle, en raison d’une tendance à l’ensablement qui rappelait Bruges.
Pour convertir une frégate en brick ou en
goélette, il suffisait de supprimer le dernier mât près de la poupe, ce mât
d’artimon où se déployaient d’ordinaire la brigantine et le foc d’artimon.
Cette réduction de facto de la voilure près du gaillard d’arrière
suffirait-elle à tromper les commissaires maritimes ? Pour un maquillage
efficient de la frégate, n’eût-il pas mieux valu un navire de moindres
dimensions ? C’était oublier par exemple la variété de mâts dont pouvait
se doter la goélette, mâture s’échelonnant de deux à sept ! Quant au
brick, il ne posait point de problème : son gréement se limitait toujours à deux mâts. Disons, pour
conclure, que le capitaine Burke avait fait immatriculer et inscrire son
bâtiment sous la fausse appellation hybride de brick-goélette.
L’équipage crapuleux attendait donc de
pied ferme l’inspection portuaire et espérait que les autorités napoléonides
seraient les dupes de tous les stratagèmes utilisés pour aider les fugitifs.
La soi-disant Outarde rayonnante, commandée par le non moins soi-disant Edme-Louis de La
Jonquière, possédait un atout non négligeable. Comme tous ces bâtiments de
transition entre deux technologies – avec ici un demi-siècle d’avance – elle
était pourvue d’un moteur à vapeur, chaudière, pistons de Watt et cheminée,
pouvant suppléer à l’absence de vent. Notre brick-goélette habilement maquillé
affichait son caractère hybride, telles certaines automobiles du XXIe siècle
roulant à la fois aux carburants fossiles et à l’électricité.
Madame Royale et sa suite venaient à peine
de monter à bord que, quelques minutes après que le capitaine lui eut présenté
ses quartiers et ceux des autres fugitifs, la police portuaire se pointa. Elle
était certes peu impressionnante car composée seulement de quatre personnes. Il
serait facile à Burke et à ses hommes, secondés de Cadoudal, de Kermor et même
de Félicitée Flavie pour n’en faire qu’une bouchée, bien que nos fonctionnaires
arborassent l’uniforme et fussent eux-mêmes armés. Il s’agissait d’un
commissaire maritime, d’un officier des douanes, d’un greffier et d’un garde
fusilier.
Ce dernier jouait le rôle d’appariteur dans le sens romain du terme (l’expression garde du corps, encore moins celle de « gorille » n’étant alors usitées). Autant les deux officiers portaient leur tenue bleu et or réglementaire et leur bicorne galonné avec une élégance certaine, autant le fusilier, qui avait le grade de caporal, avait tout du rustre non encore dégrossi. Cette montagne de six pieds de stature, aux épaules larges, s’engonçait dans son uniforme tout neuf qui menaçait de craquer aux coutures. Il avait de quoi susciter la moue des loyalistes du fait que tout en sa vêture obéissait à la nouvelle ordonnance napoléonienne ; surtout ce remplacement du blanc des Bourbons par le bleu, ces retroussis et revers beiges boutonnés d’or et ourlés de cramoisi, ces buffleteries jaunâtres impeccablement croisées sur une poitrine d’une largesse de lutteur de foire, et par-dessus tout ce tuyau noir à jugulaire dorée le coiffant, nouveauté qui répondait au nom exotique de shako que le roi-despote avait cru bon d’imposer à la place du bicorne ou du mirliton des hussards qu’il avait songé un temps à rendre obligatoire dans toutes les unités terrestres. Les moustaches cirées agressives et fournies du caporal Jurieux, d’une noirceur d’ébène passée au cirage, ses anneaux d’oreilles malsonnants et équivoques n’étaient pas les détails les plus susceptibles d’horripiler la sensibilité des fidèles de Louis XVI. C’était la cocarde tricolore, d’un diamètre insultant, bien épinglée au mitan du shako, juste au-dessus de la plaque régimentaire dont l’insigne en cuivre repoussé ajoutait au chiffre non plus la fleur de lys mais un curieux rapace aux ailes déployées, qui agaçait le plus les regards de Cadoudal, de Burke ou de Mousseline la Sérieuse. La « provocation » avait été suggérée au Buonaparte par le comte di Fabbrini, de même les impedimenta inspirés des dessins, lithographies et aquarelles de Charlet
et Raffet.
Enfin, une carabine américaine digne du Far West remplaçait dans son équipement l’antique fusil modèle 1777 tandis que le commissaire maritime et l’officier douanier portaient des ceintures à holsters dont les crosses des colts Paterson à six coups se montraient ostensiblement telles ces grenouilles tropicales bariolées dont les teintes vives informent les prédateurs de la toxicité de leur épiderme. Le greffier, quant à lui, vêtu d’un habit chamois de médiocre facture trahissant la faiblesse de son traitement et de ses appointements, s’encombrait de calepins et de plumes, certaines fixées n’importe comment à son ancêtre du gibus qui coiffait une tête doucereuse et soumise de sous-fifre. Et, partout sur les coiffes militaires et civiles, ces insignes de nouvelle allégeance, cet aigle cuivré et cette cocarde aux couleurs des partisans du prévôt des marchands Etienne Marcel (bleu et rouge) additionnées du blanc royal…
Ce dernier jouait le rôle d’appariteur dans le sens romain du terme (l’expression garde du corps, encore moins celle de « gorille » n’étant alors usitées). Autant les deux officiers portaient leur tenue bleu et or réglementaire et leur bicorne galonné avec une élégance certaine, autant le fusilier, qui avait le grade de caporal, avait tout du rustre non encore dégrossi. Cette montagne de six pieds de stature, aux épaules larges, s’engonçait dans son uniforme tout neuf qui menaçait de craquer aux coutures. Il avait de quoi susciter la moue des loyalistes du fait que tout en sa vêture obéissait à la nouvelle ordonnance napoléonienne ; surtout ce remplacement du blanc des Bourbons par le bleu, ces retroussis et revers beiges boutonnés d’or et ourlés de cramoisi, ces buffleteries jaunâtres impeccablement croisées sur une poitrine d’une largesse de lutteur de foire, et par-dessus tout ce tuyau noir à jugulaire dorée le coiffant, nouveauté qui répondait au nom exotique de shako que le roi-despote avait cru bon d’imposer à la place du bicorne ou du mirliton des hussards qu’il avait songé un temps à rendre obligatoire dans toutes les unités terrestres. Les moustaches cirées agressives et fournies du caporal Jurieux, d’une noirceur d’ébène passée au cirage, ses anneaux d’oreilles malsonnants et équivoques n’étaient pas les détails les plus susceptibles d’horripiler la sensibilité des fidèles de Louis XVI. C’était la cocarde tricolore, d’un diamètre insultant, bien épinglée au mitan du shako, juste au-dessus de la plaque régimentaire dont l’insigne en cuivre repoussé ajoutait au chiffre non plus la fleur de lys mais un curieux rapace aux ailes déployées, qui agaçait le plus les regards de Cadoudal, de Burke ou de Mousseline la Sérieuse. La « provocation » avait été suggérée au Buonaparte par le comte di Fabbrini, de même les impedimenta inspirés des dessins, lithographies et aquarelles de Charlet
et Raffet.
Enfin, une carabine américaine digne du Far West remplaçait dans son équipement l’antique fusil modèle 1777 tandis que le commissaire maritime et l’officier douanier portaient des ceintures à holsters dont les crosses des colts Paterson à six coups se montraient ostensiblement telles ces grenouilles tropicales bariolées dont les teintes vives informent les prédateurs de la toxicité de leur épiderme. Le greffier, quant à lui, vêtu d’un habit chamois de médiocre facture trahissant la faiblesse de son traitement et de ses appointements, s’encombrait de calepins et de plumes, certaines fixées n’importe comment à son ancêtre du gibus qui coiffait une tête doucereuse et soumise de sous-fifre. Et, partout sur les coiffes militaires et civiles, ces insignes de nouvelle allégeance, cet aigle cuivré et cette cocarde aux couleurs des partisans du prévôt des marchands Etienne Marcel (bleu et rouge) additionnées du blanc royal…
Galeazzo conseillait vivement à Napoléon
de généraliser le drapeau tricolore, avec le même aigle royal au détriment de
la bannière fleurdelisée.
Après les salutations de rigueur, l’inspection
débuta par l’examen des rôles, le contrôle de la liste de l’équipage, du
registre des passagers et du journal de bord du capitaine. Le tout était écrit
en pattes de mouche, et les besicles du commissaire Ponsard de Boisrobert
furent juste suffisantes pour permettre le déchiffrement. Tout le monde
arborait une fausse identité. Madame Royale était ainsi inscrite sous le nom de
Mademoiselle de Boispréau, baronne d’Andrésy. Le joli minois de Félicitée
Flavie – rebaptisée pour la circonstance Eugénie de Peyrolles – ne se montra
pas aux regards sagaces des fonctionnaires. Elle souffrait prétendument d’une
indisposition périodique propre à son sexe. De fait, elle attendait les ordres en
cas d’un envenimement des choses.
Les semelles des bottes noires à revers et
glands d’or des fonctionnaires résonnaient sur le tillac de la proue à la
poupe, de bâbord à tribord, d’un niveau à l’autre, d’un pont à l’autre, de la
surface à la soute, de la barre aux quartiers, de la mâture jusqu’à la
cargaison. Leurs regards rappelaient quelque lynx à l’affut, examinant tout,
scrutant tout, surveillant tout, jusqu’à l’échelle de coupée comme s’ils
eussent redouté qu’on l’ôtât afin de les piéger. Selon la qualité des planchers
successifs qu’ils parcouraient, les talons n’émettaient pas le même tapotement,
et le bois craquait plus ou moins. Le commissaire Ponsard de Boisrobert
s’intrigua de la présence d’une protubérance singulière près du gaillard
d’arrière non loin du château ouvragé servant de demeure et de quartier général
au commandement. Ce môle oblong, à l’aspect d’une coque renversée, s’étendait
sur un tiers de la longueur du brick-goélette. S’il se fût agi d’une chaloupe,
elle eût été trop grande. Peut-être était-ce quelque baleinière récupérée chez
les terre-neuvas, servant de barcasse de pêche lorsque le bâtiment, en pleine
mer, pouvait se trouver en manque de vivres pour une raison ou l’autre,
situation nécessitant que le capitaine recourût aux ressources halieutiques. Il
le questionna et feignit se satisfaire de la réponse évasive confirmant l’idée
de baleinière démâtée et retournée. Or, il n’était point question que la
prétendue Outarde rayonnante s’aventurât
dans l’immensité indienne ou pacifique. Officiellement, elle cabotait le long
des ports secondaires localisés de la Flandre à la Bretagne, transportant des
denrées et marchandises importées des Antilles occidentales ou des Indes orientales
via l’exclusif et transitant par les entrepôts calaisiens : le gabarit de
l’unité, la contenance de sa soute au tonnage limité, excluaient a priori sa
conception de navire océanique, atlantique, pacifique ou autre. Mais le double
système de propulsion du navire infirmait cet usage limité. Chaque mode de
propulsion suppléait l’autre : en cas de manque de vent, la machine à
vapeur relaierait la voilure ; l’inverse se présenterait dans l’hypothèse
d’une insuffisance de charbon. Toutes ces conjectures impliquaient la pleine mer, le grand large, et notre
commissaire avisé se rendait bien compte de l’anomalie d’un bâtiment en théorie
destiné à naviguer seulement en La Manche ou près des côtes atlantiques d’Armor,
cependant suréquipé d’une cheminée et d’une chaudière pour de plus importants
périples océaniques. De même, la propulsion avait une technologie d’avance car,
à la roue à aube de Jouffroy d’Abbans,
le concepteur du navire avait préféré l’hélice – une hélice à deux pales, idée reprise de Bernoulli, formulée dès 1770 mais seulement appliquée en 1816 de l’autre chronoligne par Samuel Owen, ingénieux qui possédait la double nationalité anglo-suédoise. Cependant, dans la piste que nous dépeignons, Galeazzo di Fabbrini, comme au sujet de Trevithick, s’était arrangé pour qu’Owen fût assassiné à la fin des années 1790. Trop tard cependant pour que le brevet de l’hélice détenu par les ingénieurs français ne fût volé par les espions d’Albion en 1796. Le prince de Galles et régent George leur avait confié une seconde mission : enlever Jouffroy d’Abbans et lui soutirer les plans du pyroscaphe. Ce dernier croupissait désormais à la Tour de Londres.
le concepteur du navire avait préféré l’hélice – une hélice à deux pales, idée reprise de Bernoulli, formulée dès 1770 mais seulement appliquée en 1816 de l’autre chronoligne par Samuel Owen, ingénieux qui possédait la double nationalité anglo-suédoise. Cependant, dans la piste que nous dépeignons, Galeazzo di Fabbrini, comme au sujet de Trevithick, s’était arrangé pour qu’Owen fût assassiné à la fin des années 1790. Trop tard cependant pour que le brevet de l’hélice détenu par les ingénieurs français ne fût volé par les espions d’Albion en 1796. Le prince de Galles et régent George leur avait confié une seconde mission : enlever Jouffroy d’Abbans et lui soutirer les plans du pyroscaphe. Ce dernier croupissait désormais à la Tour de Londres.
Notre commissaire napoléonide soupçonna
lors, à juste raison, que le capitaine de La Jonquière le trompait à la fois
sur le gabarit réel du navire mais aussi sur son usage. Registres et rôles, en
apparence parfaitement en règle, sans nulle falsification décelable à l’œil,
désignaient un bateau de tonnage médiocre. Or, Ponsard de Boisrobert eut
l’illumination de comprendre qu’il pouvait avoir affaire à une frégate de
guerre maquillée en navire caboteur marchand, un trois-mâts converti en
inoffensif deux-mâts bridé. Il avait suffi, en un premier temps, de supprimer
le mât d’artimon avant de procéder au maquillage de tout le bâtiment. Dans ce
schéma, on avait scellé les sabords et on les avait calfatés. On s’était même
arrangé à truquer la ligne de flottaison, à la « monter », afin de
donner l’apparence trompeuse d’un bâtiment plus plat au faible tirant d’eau. Où
donc étaient passées les pièces de marine ?
Mû par un zèle sourcilleux, jugeant le
précédent contrôle trop sommaire, le commissaire ordonna à son escorte de
redescendre dans la cale afin de procéder à un réexamen plus détaillé de la
cargaison, car soupçonnant au mieux découvrir de la marchandise de contrebande,
au pire poudre et canons dissimulés. Les marins de L’Outarde, à cette nouvelle, se concertèrent, échangeant des
murmures. Les faces de flibustiers mangées par la barbe, couturées de
cicatrices, s’altérèrent, marquant une hostilité sourde, tandis que les corps
revêtus d’uniformes de matelots français de façade commençaient à s’agiter
comme des varechs et goémons rejetés sur la grève par le flux. Rétifs à tout
savon, ils exhalaient de curieux relents composites de lait caillé, de poisson
pourri et de marée d’équinoxe. Les mains ulcérées et mangées par le sel
tremblèrent, tâtant le manche du coutelas à la ceinture, prêtes à dégainer et
égorger. Un regard furtif du capitaine lancé à son second eut valeur de
contrordre. On agirait en temps et en heure.
Sans nulle appréhension, Ponsard de
Boisrobert, son acolyte et son greffier descendirent les degrés de la soute
tandis que le caporal Jurieux tenait son espèce de carabine emmanchée d’une
baïonnette à douille bien évidente pointée en direction des supposés forbans
afin d’assurer les arrières. Tout en bas, des lanternes sourdes, fixées avec
soin à intervalles réguliers aux armatures et solives de la soute et dont la
gaine métallique ouvragée garantissait la cargaison du feu, permettaient d’y
voir à peine clair. Les minces filets lumineux sécurisants étaient filtrés par
la fente de ces lanternes dont le fer forgé aux motifs maniérés rappelait
certains luminaires orientaux d’Al Andalous et du Maroc. Le semi-enténèbrement
pouvait induire les inspecteurs en erreur et cela expliquait en partie la
raison pour laquelle le premier examen n’avait rien révélé. Ponsard de
Boisrobert et ses collaborateurs se pensèrent en sécurité car armés.
C’était compter sans les
« voyageurs » discrètement prévenus du mauvais coup se préparant. Les
naïfs serviteurs de Napoléon ignoraient que les cabines des loyalistes communiquaient
avec les cales par des issues secrètes, le bateau ayant été conçu non seulement
pour le combat, la riposte, mais aussi pour le sabordage surprise via
l’explosion de la sainte-barbe avec laquelle les passages occultes
communiquaient. Enfin, un indécelable système acoustique constitué de tuyaux et
cornets de cuivre cachés qui sous les planches du pont, qui dans les mâts et
dans le cabestan prévint Madame, Cadoudal, Kermor, l’ancien cocher carabinier
et Félicitée Flavie qui avaient regagné leurs quartiers.
Toujours sans méfiance, La Marck, l’officier
des douanes, imposa à deux soutiers le remuement des ballots, des indiennes et
des barils de mélasse et de rhum.
Il imposa qu’un des quidams brisât avec une hache l’un des récipients anodins. Le précieux alcool des Isles s’épreignit sur le plancher en flots odorants liquoreux. Les vapeurs alcooliques emplirent l’espace confiné de la cale tandis que, parmi les brisures de bois, se révélait le secret du baril, son double fond. Sous le compartiment renfermant le rhum, une cloison étanche dissimulait des boîtes de cartouches elles-mêmes fabriquées en un matériau hermétique. Il y en avait de tout calibre, cartouches modernes, d’avant-garde, à la balle cylindro-conique pour armes de poing à barillet, fusil à percussion et carabine rayée.
Il imposa qu’un des quidams brisât avec une hache l’un des récipients anodins. Le précieux alcool des Isles s’épreignit sur le plancher en flots odorants liquoreux. Les vapeurs alcooliques emplirent l’espace confiné de la cale tandis que, parmi les brisures de bois, se révélait le secret du baril, son double fond. Sous le compartiment renfermant le rhum, une cloison étanche dissimulait des boîtes de cartouches elles-mêmes fabriquées en un matériau hermétique. Il y en avait de tout calibre, cartouches modernes, d’avant-garde, à la balle cylindro-conique pour armes de poing à barillet, fusil à percussion et carabine rayée.
Cette révélation du secret de la cargaison
du capitaine Burke, de la contrebande (encore manquait-il le dévoilement des
canons de marine), eut l’effet d’un signal. Sorti d’un recoin obombré de la
soute, Georges Cadoudal, colt en main, fit feu sur l’officier des douanes,
visant la tête, provoquant en son front la naissance d’un orifice circulaire
vermeil, d’un cercle parfait sanglant, jusqu’à ce que La Marck, la figure
marquée d’une expression de surprise, s’effondrât à même les jaspures de rhum.
Son uniforme se trempa d’alcool alors que le sang commençait à se mélanger à la
flaque spiritueuse et sirupeuse, engendrant une boisson inédite qu’eût
peut-être appréciée un vampire souffrant d’ivrognerie.
Entendant la détonation, le fusilier
Jurieux descendit et voulut riposter, lorsqu’une furie lui sauta dessus, la
blanche main droite équipée d’un poignard imparable.
Durant tout ce tumulte, Madame Royale
était demeurée cloîtrée en sa cabine, confite en ses dévotions, tenant d’un
poing ferme le scapulaire, priant et re-priant, suppliant Notre-Dame
de permettre aux fugitifs d’échapper à
l’infamie d’une arrestation et à la mort. Elle baisait avec frénésie l’image de
la Sainte Vierge tout en marmottant : « Ma Mère, ô ma
Mère ! », mélangeant confusément un culte digne de la Théotokos
grecque ou Mère de Dieu et la
supplique à Marie-Antoinette en personne qu’il lui tardait de revoir.
Cependant, la guerrière Félicitée Flavie
égorgeait sans trembler le caporal dont le shako chuta, sa jugulaire rompue. Elle
s’obstina, insista, avec une jouissance cruelle et féline. Lâchant sa carabine,
la victime expiatoire destinée à la jeune femme fut secouée de spasmes d’agonie
tout en émettant des gargouillements immondes, le sang s’échappant en cascades
rubescentes du cou de l’homme à la carotide tranchée. L’hémorragie fut telle
que l’uniforme changea de couleur, devenant violâtre d’hémoglobine, les revers
blancs passant au rouge vif. Peu importait à Félicitée Flavie que les
épanchements du moribond souillassent ses mains délicates et le manteau de
voyage qu’elle n’avait point ôté. Durant ce meurtre, elle était demeurée muette
car elle savait tuer de sang-froid.
Restaient le commissaire et le greffier, à
l’autre extrémité de la cale. Maël de Kermor s’en chargea, surgissant d’un des
passages dissimulés évoqués tantôt.
« Sus ! » cria-t-il afin
d’intimider ses adversaires. Pleutre, le gratte-papier prit la poudre
d’escampette mais bien plus brave, Ponsard de Boisrobert dégaina son colt dont
le cran d’arrêt et le barillet cliquetèrent. Maël était aussi armé et tenait
également un briquet incandescent, menaçant le commissaire de bouter le feu à
la sainte-barbe. Dans la semi obscurité, il apparaissait à la semblance d’un
archange vengeur brandissant la flamme céleste, le foudre de Jupiter, ses
cheveux blonds tirés en catogan diaprés d’étranges reflets roussâtres. Le
combat s’avéra incertain.
A suivre...
********
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire