En son cachot digne d’un cloaque,
Jean-Paul Marat
vivait encore, alternant les moments comateux et le délire conscient. Lors, il se lançait dans des discours, des diatribes qu’Agathon Jolifleur se contraignait à écouter, aussi folles qu’elles pussent lui sembler.
vivait encore, alternant les moments comateux et le délire conscient. Lors, il se lançait dans des discours, des diatribes qu’Agathon Jolifleur se contraignait à écouter, aussi folles qu’elles pussent lui sembler.
« Je suis l’ami du
peuple ! »
ainsi débutait-il. Il poursuivait, en défiant la logique oratoire : « Ma tête ne vaut pas un ancien besant d’or ! »
ainsi débutait-il. Il poursuivait, en défiant la logique oratoire : « Ma tête ne vaut pas un ancien besant d’or ! »
Les sons s’épreignaient de son masque de
pellagre,
déformés par l’acoustique sépulcrale du cachot. Ils glissaient de la gorge du fou, s’en éjectaient puis s’en venaient frapper les oreilles du muscadin. Les mots incohérents paraissaient surgir de quelque masque mortuaire grisâtre comme autant de sentences anathématiques d’outre-tombe proférées par un transi s’en allant en squames et en lambeaux de pierre cariée. C’était là le Logos des Lumières moribondes s’effilochant sous la férule et le joug du nouveau tyran qui avait nom Napoléon. Ce Logos n’avait plus aucun sens, hormis celui de l’agonie. Une agonie étrange, prolixe, interminable. Marat reprenait sa litanie énumérative :
déformés par l’acoustique sépulcrale du cachot. Ils glissaient de la gorge du fou, s’en éjectaient puis s’en venaient frapper les oreilles du muscadin. Les mots incohérents paraissaient surgir de quelque masque mortuaire grisâtre comme autant de sentences anathématiques d’outre-tombe proférées par un transi s’en allant en squames et en lambeaux de pierre cariée. C’était là le Logos des Lumières moribondes s’effilochant sous la férule et le joug du nouveau tyran qui avait nom Napoléon. Ce Logos n’avait plus aucun sens, hormis celui de l’agonie. Une agonie étrange, prolixe, interminable. Marat reprenait sa litanie énumérative :
« Mala, Maxa, Maja, Marat… »
avant qu’une hésitation vînt : « Marrr… » interruption qu’on eût
pu penser à la semblance d’un commencement de râle mais qui se conclut en un
demi-terme jusque-là inédit : « …chialy ! »
Agathon s’essaya à un assemblage des
hémistiches de mots :
« Marchialy ? Qu’est-ce donc
là ?
- Voltaire a dessillé les yeux du
peuple ! »
jeta l’opposant déchu. « Dix mille têtes ! Dix mille têtes doivent tomber ! Que la Terreur soit ! »
jeta l’opposant déchu. « Dix mille têtes ! Dix mille têtes doivent tomber ! Que la Terreur soit ! »
Agathon s’essayait à comprendre la raison
pour laquelle Napoléon avait embastillé ce déshérité qui, certes, appelait au
meurtre et au terrorisme, alors que Charenton, Bicêtre ou la vieille maladrerie
de Saint-Germain-des-Prés eussent mieux convenu à sa démence manifeste. Il
était d’autres Petites-Maisons dont notre élégant prisonnier n’avait pas
connaissance. Marivaux puis Rousseau en avaient fait mention. Toutes partageaient
avec la Bastille le point commun de la procédure d’incarcération par lettre de
cachet.
« Sache, citoyen, quelle fut la
vérité sur le Masque de Fer !
Danger ! Danger ! Il est faux de prétendre que notre homme se nommait Marchialy, Marchiergues ou Marchiel ! Il est tout aussi faux d’affirmer que son masque était de velours renforcé de ressorts d’acier car ce masque, en vérité rappelait les armets de Nuremberg, en usage dans l’inquisition espagnole !
Don Sepulveda de Guadalajara, le grand inquisiteur des Espagne, qui officia au début du XVIIe siècle, en connaissait l’emploi exact mais, sous Louis le despote quatorzième du nom,
cet usage s’était perdu et l’armet de Nuremberg avait connu un adoucissement, car ayant perdu ses pointes internes !
Danger ! Danger ! Il est faux de prétendre que notre homme se nommait Marchialy, Marchiergues ou Marchiel ! Il est tout aussi faux d’affirmer que son masque était de velours renforcé de ressorts d’acier car ce masque, en vérité rappelait les armets de Nuremberg, en usage dans l’inquisition espagnole !
Don Sepulveda de Guadalajara, le grand inquisiteur des Espagne, qui officia au début du XVIIe siècle, en connaissait l’emploi exact mais, sous Louis le despote quatorzième du nom,
cet usage s’était perdu et l’armet de Nuremberg avait connu un adoucissement, car ayant perdu ses pointes internes !
- Je ne comprends pas, répondit,
incrédule, notre muscadin.
- Le Masque se nommait en vérité Danger,
Eustache Danger ! coupa Marat.
- Je n’ai point l’heur de connaître ce nom
entaché de roture. Le grand Voltaire ne prétendit-il pas que l’homme au masque
était le frère jumeau de Louis XIV ?
- Danger était le valet de Fouquet à
Pignerol…
Il avait été arrêté en 1669, naturellement par lettre de cachet.
Il avait été arrêté en 1669, naturellement par lettre de cachet.
- D’aucuns firent courir le bruit que
l’ancien surintendant aurait été empoisonné en 1680. Ce Danger aurait-il été
préposé au versement du poison dans la nourriture ou la boisson de l’illustre
prisonnier ? Cette nécessité de dissimuler un crime – d’Etat ? –
justifia-t-elle que ce simple domestique demeurât au secret jusqu’à sa
mort ?
- Danger n’était point un vulgaire laquais !
affirma le pseudo-tribun déchu. Peut-être se nommait-il Danger de Cavoye, ou
Dauger de Cavoye. Il avait eu vent d’un secret de cour, nous ignorons lequel.
- La naissance illégitime de Louis
XIV ?
- C’est là l’un des points dont se servit
l’usurpateur Bonaparte pour détrôner le gros Louis, ce cochon dont le peuple
aurait dû s’occuper ! Son coup d’Etat ruina les espoirs d’en finir avec la
tyrannie par le soulèvement nécessaire des victimes de l’absolutisme. Je suis
un prisonnier politique et cette canaille de Bonaparte a intérêt que je meure
en ses geôles.
- Moi de même, répliqua Agathon. Je suis
détenu ici, en cette Bastille, contre mon gré, sous le chef d’accusation de
complicité dans l’attentat de la rue Saint-Nicaise.
- Un démon protège l’usurpateur
despote ! Il n’aurait pas dû échapper à l’ire du peuple !
- Hélas, ce sont les loyalistes Bourbons,
non pas la populace, qui prirent l’initiative d’attenter à la vie de celui qui
n’est pas du sang…
- Je ne me commets pas avec un partisan
des tyrans !
- Monsieur Marat ou Maxa, ou peu me chaut
votre patronyme, vous affirmez que ce Danger de Cavoye connaissait
l’illégitimité des Bourbons depuis au moins Louis XIV.
- Les portraits de famille des Cavoye
plaident pour cette cause : tous ressemblent étonnamment au nouveau Sylla
que fut Louis le maudit. De plus, Danger de Cavoye fut un libertin notable, qui se vautra dans la bamboche et dans les priapées, notamment en compagnie de Roger de Bussy-Rabutin. Apprenez, monsieur le loyaliste, monsieur le déshonnête indigne de la cause du peuple, que ce précieux, cet académicien débauché, organisa une horrible orgie lors des Pâques de 1659 au château de Roissy. Le scandale fut tel que Mazarin le fit exiler en ses terres.
que fut Louis le maudit. De plus, Danger de Cavoye fut un libertin notable, qui se vautra dans la bamboche et dans les priapées, notamment en compagnie de Roger de Bussy-Rabutin. Apprenez, monsieur le loyaliste, monsieur le déshonnête indigne de la cause du peuple, que ce précieux, cet académicien débauché, organisa une horrible orgie lors des Pâques de 1659 au château de Roissy. Le scandale fut tel que Mazarin le fit exiler en ses terres.
- Un scandale notoire, certes, mais les
soupers du Régent, les soupers adamiques du maréchal de Richelieu, où l’habit
se limitait au port de la perruque ne furent-ils pas pis encore ?
- Monsieur le muscadin que je vomis, ne
m’interrompez pas ! Danger de Cavoye, compagnon des débauches de Bussy-Rabutin,
aurait en bonne compagnie consommé, à ce que l’on prétend, de la chair humaine…
péché de ci-devant !
- Rumeurs, légende, médisance, ragots,
clabaudage ! Les dévots, la Compagnie du Saint-Sacrement, l’Oratoire, qui
sais-je, montèrent une cabale destinée à ruiner la réputation des libertins, à
les perdre tous. Les épicuriens, dont Fouquet lui-même, en souffrirent. Mais de
là à condamner un personnage de second ordre à demeurer embastillé et masqué…
- Le masque, monsieur le propret, monsieur
l’antiphysique, parlons-en de nouveau ! »
Marat crachait ses mots, expectorait ses
phrases tandis que ses yeux gris-jaunes, presque de loup, brillaient d’une
fièvre d’aliéné. Il écartait les bras, étalait ses loques vestigiales et ses
squames hideuses, comme des ailes déployées de chauve-souris troglodyte, tout
en poursuivant un laïus exaltant sa haine des despotes et de leurs complices.
« Peut-être, hasarda Jolifleur,
quelque peu las des péroraisons délirantes du prisonnier, le masque n’était-il
qu’un symbole ? Dépourvu de prisonniers de marque après que Fouquet fut
mort et qu’il eut libéré Lauzun, Monsieur de Saint-Mars
avait-il signé un pacte avec Danger de Cavoye afin qu’on crût à son importance ? Ainsi naquit la légende politique dont Voltaire s’empara.
avait-il signé un pacte avec Danger de Cavoye afin qu’on crût à son importance ? Ainsi naquit la légende politique dont Voltaire s’empara.
- Henri IV lui-même n’avait nul droit à la
couronne et Danger le savait ! Henri IV, ce parpaillot insincère qui
louvoyait d’une confession à l’autre par opportunisme politique, Henri IV ce
vulgaire dépravé s’énamourant de fillettes à peine pubères, Henri IV le priapique,
le puant, qui exhalait l’ail et la crasse ! L’armet de Nuremberg, devenu
masque de fer de Monsieur Voltaire, s’inspirait directement des casques
savoyards, tels que le Bourbon les vit lorsqu’il combattit le duc
Charles-Emmanuel de Savoie. Tous deux
traitèrent après une guerre ridicule.
- Le traité de Lyon en 1601, si je m’en
souviens bien. Le Bourbon annexa la Bresse, le Bugey et le Valromey au royaume
de France.
- Le royaume ! Seule la République
doit être légitime ! Abolissons la royauté ! Cent mille têtes
tomberont !
- Diantre !
- Monsieur, ne m’interrompez plus !
Peu de temps me reste pour vous convaincre du bienfondé de mes propos. Une
autre personne, dès le règne d’Henri, connaissait son illégitimité. Jacques des
Isles, procureur à Senlis. Il attenta par conséquent à la vie du Bourbon, le 19
décembre 1605.
- Monsieur Maja ou Marat, vous reprenez-là
la propagande napoléonienne justifiant son usurpation. Buonaparte prétend
descendre de Pharamond, ancêtre de Mérovée
et de Clovis, et il appuie ses droits historiques sur Jacques des Isles qui avait apostrophé le bon roi Henri et lui avait crié : « Rends-moi mon royaume ! » Ce fou, ce forcené bon pour Bicêtre, est représenté dans les gravures du temps tel un homme sauvage, hirsute, vêtu de loques infâmes et tentant de désarçonner le monarque.
et de Clovis, et il appuie ses droits historiques sur Jacques des Isles qui avait apostrophé le bon roi Henri et lui avait crié : « Rends-moi mon royaume ! » Ce fou, ce forcené bon pour Bicêtre, est représenté dans les gravures du temps tel un homme sauvage, hirsute, vêtu de loques infâmes et tentant de désarçonner le monarque.
- Bonaparte ! Votre prononciation
dénote votre loyalisme, votre allégeance à la cause insane de Louis le gros, de
Marie-Antoinette l’Autrichienne anandryne, incestueuse et dépravée, de son fils
scrofuleux dégénéré et de sa fille invertie et frivole qui couchaille avec ses
favorites ! Et j’oublie les frères du gras déchu podagres et
stupides ! Sachez, monsieur, qu’avant mon emprisonnement, je venais de
publier un pamphlet réclamant qu’on profanât les tombeaux royaux de
Saint-Denis, que les dépouilles des tyrans fussent jetées sans ménagement dans
une fosse commune et qu’on y épandît la chaux vive ! Qu’importent ces
charognes soi-disant sacro-saintes et ointes antan du Saint-Chrême ! Sans
doute est-ce là la raison de ma dernière incarcération. »
Après ces propos, il se tut aussi
brusquement qu’il avait débuté sa déblatération. Un simple « Marrr… »
s’extirpa de sa gorge. Il sombra dans un coma morbide dont il ne sortit plus.
Alors, Agathon s’écria, espérant que ses
mots franchiraient l’épaisseur des murailles et de la porte :
« Au secours ! Mon compagnon de
cachot se meurt ! »
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Fort marri de la réussite de la fuite des
comploteurs, Napoléon, fulminant son courroux, venait de réunir en urgence ses
principaux ministres, Talleyrand, Danton, Carnot, Fouché afin de leur adresser
ses remontrances et de leur donner de nouveaux ordres. Galeazzo, l’éminence
grise, avait été convié en observateur sarcastique. L’équipage des loyalistes
avait quitté Belleville, prenant la route du Nord, en direction de Calais. Le
récent souverain ignorait le jeu indépendant joué par Georges-Jacques qui se
gardait bien de lui dévoiler la mission parallèle de Stanislas Fréron. Il était
à peine huit heures du matin et certains, tel Carnot, n’apparaissaient ni
rasés, ni poudrés.
« Nous recourrons à la force pour arraisonner
leur navire dès qu’ils tenteront d’appareiller à Calais », lança-t-il.
La scène se déroulait dans le cabinet de
travail du roi dont les dorures contrastaient avec la sobriété volontaire de
Napoléon, qui s’était contenté d’arborer un simple uniforme de colonel du
régiment du Perche sans cependant omettre les décorations dont il s’était
affublé lors de la prise de pouvoir : cordon du Saint-Esprit, croix de
Saint-Louis etc. A quelle disgrâce chacun s’attendait-il ? Tous
seraient-ils congédiés comme le dernier des laquais, exilés, bannis à vie du
royaume ? La Bastille les attendait-elle ? Chacun essayait de ne rien
laisser transparaître de la tension qui l’habitait devant le déferlement de
colère, le fulminement d’hubris du despote corse.
Passant à un italien abâtardi, il exulta à
l’adresse de tous :
« Commedianti
maledetti ! »
Puis, désignant chacun tour à tour de
l’index droit, il jeta :
« Commediante
voi ? Voi ? O voi ? »
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
jouait les impavides, en hypocrite expérimenté. Toutefois, sans que les autres perçussent ces bruits ou expressions d’une insigne ténuité, il ponctuait chaque apostrophe de Napoléon à l’adresse des ministres tantôt par un tapotement discret de la férule de sa canne ou du talon de sa chaussure orthopédique, tantôt par un « Tsss…Tsss. » à peine murmuré.
jouait les impavides, en hypocrite expérimenté. Toutefois, sans que les autres perçussent ces bruits ou expressions d’une insigne ténuité, il ponctuait chaque apostrophe de Napoléon à l’adresse des ministres tantôt par un tapotement discret de la férule de sa canne ou du talon de sa chaussure orthopédique, tantôt par un « Tsss…Tsss. » à peine murmuré.
« Commediante
io ? » acheva le souverain, se désignant lui-même du doigt.
« Oui, vous êtes tous des comédiens,
d’exécrables histrions. Vous ne valez guère plus que de la m… dans un bas de
soie. »
« Cette injure a neuf années d’avance
à tout le moins », songea le Maudit.
Tout à sa rage, Napoléon renversa un vase
Ming authentique qui reposait sur une console, foulant les bris au pied.
« Je vous exhorte à faire tout le
nécessaire pour que cette engeance termine son existence sous les balles d’un
peloton d’exécution, comme cet imbécile de duc d’Orléans qui crut me berner à
la manière de Pison contre Néron ou de Biron contre Henri IV.
- Souhaiteriez-vous plutôt, ô sire, qu’ils
se coupassent les veines ou fussent décapités ? crut pertinent de proposer
Fouché. Ainsi finirent Pison et Biron. Je connais leur histoire.
Napoléon balaya cette idée d’un revers de
main.
- La justice militaire convient mieux aux
traîtres, fussent-ils des princes de sang. Une cour martiale constituera le
meilleur des tribunaux d’exception. Madame Royale n’est point Mary Stuart et
j’estime que sa frimousse perverse, une fois le cap tranché, risquerait de servir
de relique, d’objet de ralliement morbide, de fétiche, aux plus fanatiques
loyalistes bretons ou provençaux. Ils se montreraient prêts à dérober cette
tête, à l’embaumer, à l’adorer ! Lorsque nous mettrons la main sur cette
engeance, nous l’incarcèrerons à Vincennes dont les fossés seront à même de
recevoir les corps criblés des balles de nos bons fusiliers.
- Pourquoi pas les passer à la
mitrailleuse ? siffla Fouché.
- Sire, suggéra le comte di Fabbrini, il y
a plus expéditif qu’une cour martiale. Ne pourrions-nous pas nous arranger,
lorsque surviendra l’arrestation des fugitifs, à Calais ou avant, à les faire
périr dans l’accrochage qui s’en suivrait ?
A ces mots, Napoléon tapa du poing sur la
table de son secrétaire.
- Non ! Faisons cela plus proprement !
Quitte à risquer qu’ils débarquent en Angleterre !
- En ce cas, sire, reprit Galeazzo d’une
voix mellifère, puis-je humblement vous suggérer d’avoir recours à nos
nouvelles armes ?
- Le Merrimack ?
questionna Carnot.
Quelle que soit l’embarcation qu’ils choisiront, elle sera dépourvue de pavillon ou en comportera un faux…
questionna Carnot.
Quelle que soit l’embarcation qu’ils choisiront, elle sera dépourvue de pavillon ou en comportera un faux…
- C’est cela, reprit le monarque. Mais, face
à l’un de nos cuirassés à vapeur, leur misérable barcasse ne fera pas le poids.
Elle sombrera, émiettée, sous notre feu ! Nous n’aurons plus qu’à recueillir leurs
cadavres tumescents de noyés – ou ce qu’il en demeurera - échoués en quelque
grève…
- Encore faut-il que nous les détections,
qu’ils se laissent surprendre. Les commissaires chargés de contrôler les
cargaisons et d’ordonner les appareillages ou les immobilisations auraient tôt
fait de remarquer la supercherie, d’autant plus que Calais, vous ne l’ignorez
pas, connaît une surveillance renforcée du fait des espions et contrebandiers
d’Albion à même de forcer le blocus de la Manche… Et s’ils passent le filtre de
nos commissaires maritimes, si en outre, ils possèdent des sabords habilement
masqués et des canons dissimulés dans la cale ? Par exemple sous des
ballots de coton, sous des indiennes ? reprit Fouché, matois.
- Ce sera lors un acte de guerre des
Anglais, car nous prouverons que le bateau affrété par Madame Royale
appartiendra de fait à la Royal Navy
et sera un navire militaire aussi habillement maquillé qu’il soit, jeta Danton.
- Il aura forcé la nasse du blocus par
quelque ruse démoniaque. George et Pitt ne sont plus à un stratagème près. Les
rapports secrets de notre émissaire Fabre d’Eglantine
sont explicites. Les arsenaux britanniques deviennent des officines secrètes, des laboratoires, où l’on expérimente l’art de camoufler les vaisseaux de guerre en vaisseaux marchands américains, hollandais, danois ou espagnols, poursuivit di Fabbrini.
sont explicites. Les arsenaux britanniques deviennent des officines secrètes, des laboratoires, où l’on expérimente l’art de camoufler les vaisseaux de guerre en vaisseaux marchands américains, hollandais, danois ou espagnols, poursuivit di Fabbrini.
- Dans ce cas, objecta Carnot, ne
serait-il pas préférable de recourir à la ruse, c’est-à-dire à l’un de nos
submersibles qui enverrait assurément par le fond le navire félon ?
- J’y ai songé, répliqua Napoléon, mais la
solution du Merrimack a toute ma
préférence. Cessons-là ces spéculations. »
Un silence pesant envahit le cabinet de
travail, ponctué par le crépitement des bûchettes ardant dans la cheminée et
par le tic-tac de la pendule. Même suggestif, un ordre du nouveau despote ne se
discutait pas.
Napoléon, calmé, rompit cette pause :
« Messieurs, vous pouvez disposer à
l’exception du comte di Fabbrini et de Monsieur de Talleyrand-Périgord. »
Une fois de plus, le roi avait en
apparence opté pour la solution avancée par Galeazzo, bien que celle-ci fût en
vérité duale, sous-entendant autant le recours au cuirassé à vapeur qu’au
sous-marin Fulton amélioré.
C’était Carnot qui, avançant le nom du Merrimack, avait permis de trancher. C’était aussi faire fi des armes secrètes d’Albion, elle aussi en possession de submersibles. Napoléon restait dans l’ignorance du cavalier seul de Danton, de la prochaine mission de Stanislas Fréron, qui incluait la destruction des arsenaux occultes fabriquant les propres Fulton de la Royal Navy, entre autres joyeusetés.
C’était Carnot qui, avançant le nom du Merrimack, avait permis de trancher. C’était aussi faire fi des armes secrètes d’Albion, elle aussi en possession de submersibles. Napoléon restait dans l’ignorance du cavalier seul de Danton, de la prochaine mission de Stanislas Fréron, qui incluait la destruction des arsenaux occultes fabriquant les propres Fulton de la Royal Navy, entre autres joyeusetés.
Lorsque l’assemblée se trouva réduite à
trois, Napoléon profita de la sonnerie du quart d’heure de la pendule pour
annoncer :
« Messieurs, il est présentement huit
heures trois-quarts. A neuf heures, mon mameluk Roustan introduira en ce même
cabinet Monsieur Laplace, en sa qualité d’astronome, et Monsieur Cuvier,
naturaliste. Nous causerons essentiellement d’un livre, ici présent, et de
projets capitaux pour l’avenir de l’Etat. Monsieur de Talleyrand-Périgord, vous
aurez un rôle conséquent à jouer en votre qualité de ministre des affaires
extérieures. Je vous chargerai d’une enquête, d’une double quête devrais-je
préciser… Elle concernera d’une part une personne que j’espère bien vivante et
d’autre part une machine. Pour l’instant, je ne puis vous en dévoiler
davantage. »
Galeazzo avait déjà compris de quoi il
s’agissait tandis que Talleyrand, bien qu’aimanté par ces phrases royales,
demeurait à quia, s’interrogeant.
« Les cauchemars rejoignent le monde
tangible, pensa le Maudit. Napoléon et moi-même continuons de partager des
visions fumeuses et fantasmées d’une similarité troublante. Il va s’enquérir de
l’existence du Baphomet et de l’ancien confesseur de Louis XVI, l’abbé
irlandais Henri Edgeworth de Firmont. Espérons que ce dernier ne soit point
réduit présentement à l’état de charogne répugnante… Quant à ce livre
prétendument surnaturel dont il m’a conté tantôt les circonstances de
l’apparition, nous verrons bien ce que notre tyran compte en faire. »
A suivre...
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