Chapitre 4
Oskar von
Preusse, en parfait Prussien qu’il était, n’avait pas même daigné jeter un coup
d’œil au valet de pied qu’on avait préposé à son service. Le jeune homme
croulait sous les bagages, les malles lourdes et les boîtes encombrantes.
L’Allemand se faisait passer pour un géologue suisse alémanique, accompagné de
son assistant, Werner.
La propriété ne possédait pas d’ascenseur et le
serviteur dut monter les valises jusqu’au deuxième sans afficher son
essoufflement. Une fois rendu devant la suite, il posa les bagages sur le lit à
baldaquin et tendit la main.
- Que veux-tu donc, groom? Demanda le faux Suisse d’un
air mauvais.
- La juste rétribution de mon service, monsieur.
Von Preusse contrefaisait l’accent suisse alémanique à
la perfection. Il fouilla dans une poche de son macfarlane de voyage à carreaux
écossais et en sortit péniblement quelques sous.
- Ah! Maudit Français! Tiens! File maintenant.
- Au plaisir, monsieur, répondit goguenard le jeune
serviteur qui répondait au nom de Daniel.
Obéissant, le valet de pied sortit en sifflotant Auprès de ma blonde… Il portait à ravir la
tenue de chasseur d’hôtel. Mais au lieu que celle-ci fût rouge, il avait
préféré endosser un uniforme vert.
Oskar demanda à Werner s’il n’avait rien oublié.
- Non monsieur. Les plaques photographiques sont
camouflées dans vos gilets de flanelle. Quant aux armes, elles sont dissimulées
dans votre télescope.
- Madame la duchesse va se demander pourquoi j’ai un
télescope.
- Un hobby.
- A quelle heure le souper est-il prévu?
- Dix heures du soir, commandant. Mais une collation
nous sera servie auparavant avec les discours.
- Cet imbécile de Barbenzingue va-t-il en dévoiler
beaucoup, à votre avis?
- Je l’ignore, commandant.
- Il serait peut-être bon que je fisse un tour en bas
afin de voir à quoi ressemble tout le gratin nationaliste revanchard…
- Prenez garde.
Assurément, Déroulède, Dillon, Drumont, Rochefort,
Naquet, Breteuil, Daudet
seront présents.
- Ah! Je préférerais de loin un combat où la mitraille
tonne, ou encore un duel au sabre contre Paul de Cassagnac en personne.
Sur ces paroles, Oskar chercha la salle d’eau afin de
se changer laissant son lieutenant s’installer à son tour.
****************
C’était l’heure de la collation dans le fameux grand
salon décrit précédemment. La duchesse d’Uzès, en hôtesse accomplie, avait bien
fait les choses. Ainsi, une sorte de chambellan annonçait à la cantonade le nom
des invités qui faisaient leur entrée dans la pièce.
- Monsieur de Beauséjour, chef de service au Ministère
de l’Instruction publique et des Cultes.
Un gros bonhomme au ventre proéminent, le cheveu rare,
la mine rubiconde, la soixantaine bien sonnée, s’inclina, en disant :
- Parfaitement, mon ami. Parfaitement. C’est cela.
Puis, il porta son attention en direction de la
desserte abondamment pourvue. Il n’eut pas le temps de s’avancer davantage que
madame la duchesse s’accaparait du personnage.
- Vous êtes donc venu, mon ami. Vous avez trouvé le
temps… c’est bien.
En homme du monde, Saturnin ne montra pas son
étonnement et fit un baisemain en bonne et due forme à Marie- Adrienne.
- Nous nous sommes rencontrés à l’Opéra la semaine
passée, mentit avec aplomb Beauséjour. Vous m’apprîtes que vous descendiez de
la veuve Clicquot.
- Oui, en effet.
- Dans ce cas, vos caves doivent comporter tout ce
qu’il faut pour un palais averti comme le mien.
Comme toute la domesticité dans les communs, la noble
assistance était placée en hypnose légère. C’était pourquoi la duchesse d’Uzès
était persuadée avoir déjà croisé Saturnin. Pendant ce temps, le
« chambellan » poursuivait sa tâche, annonçant cette fois-ci:
- L’Amiral Craddock, retraité de la Royal Navy et son
ami l’évêque de Bedford…
L’évêque de Bedford, Archibald Soper, ressemblait
furieusement à Louis Jouvet tandis que Symphorien portait admirablement
l’uniforme britannique. Pour une fois, il avait laissé de côté ses habituelles
hardes de loup de l’espace.
- Monsieur Irwin Molyneux, écrivain voyageur,
entomologiste réputé.
Michel Simon, tout en postiches, barbe poivre et sel,
son nez coiffé de besicles, en habit de soirée, pénétra d’un bon pas derrière
Louis et Symphorien. Le Suisse n’avait pas le trac au contraire du Français.
- Monsieur Arthur Meyer, directeur du journal Le
Gaulois, poursuivit le factotum.
Les huiles du boulangisme commençaient à se pointer.
Saturnin, de son côté, salivait par avance. Il s’enquerrait
auprès de l’hôtesse du programme et du menu.
- Mais
madame, que vous nous avez-vous réservé comme surprises?
- La présentation de ma dernière acquisition des arts de
l’Asie orientale, une pièce d’exception, venue, comme le dirait ma chère amie la
baronne de Lacroix-Laval, de l’ancienne Cipangu.
- Mais ensuite?
- Quelques
petits discours, la lecture par madame la baronne de morceaux choisis de ses
derniers poëmes sans omettre une petite démonstration de ses talents
pianistiques, tout l’honneur de la soirée sera donc pour elle et pour Georges.
- Je vois,
mais quid du souper proprement dit?
- Vous êtes un fin gourmet.
- Mes entrailles s’impatientent. Elles grondent déjà.
- Hé bien, voici donc les réjouissances. Rien que de
très léger:
Bisque de homard à la Créole, potage de crème aux deux
asperges, julienne aux légumes primeurs, fricassée de chapon aux morilles et
aux cèpes, perdreaux aux pruneaux en croûte de sel, hure de sanglier au
Sancerres, bar au fenouil à la Saint Jacques, rougets à la niçoise, soles à la
Sancy, flan à la bourguignonne, poires
pochées Rémusat, meringues à la Viel-Castel, parfaits aux trois mokas et aux
trois chocolats…
- Mais les vins?
- Rien que du très banal… des Bordeaux, des Anjou,
des…
Madame la duchesse s’interrompit car Aurore-Marie
faisait son entrée, une entrée de reine, jugez-en un peu.
- Madame de Saint-Aubain, baronne de Lacroix-Laval,
prononça le larbin perruqué.
La duchesse d’Uzès, à la vue de sa chère amie, ne put
s’empêcher de murmurer ces mots précieux:
- Ô Korê delphique ! Comme vous voilà parée !
Aurore-Marie avait revêtu une toilette de bal dernier
cri, signée Worth, tout en soie brodée, dont la sur-jupe ou polonaise s’ouvrait
sur une traîne gaufrée et brochée. Les motifs argentés, en formes de gouttes
d’eau, étincelaient sous la lumière des lustres à girandoles. Le décolleté, en
V évasé, laissant deviner le galbe de ses épaules, se terminait par une
engrêlure de dentelle chantilly. Les manches petit ballon avaient un revenez-y
de mode Premier Empire. Mais ce qui les différenciait fondamentalement de ces
dernières, c’étaient les nœuds marquant la naissance des épaules. Les longs
gants de satin montaient jusqu’à ses coudes ; par-dessus la main gauche était
passé un simple bracelet d’or blanc. Par contre, le cou gracile s’ornait d’un
magnifique pendentif octogonal en diamant dont un œillet rouge ne parvenait pas
à éteindre le feu. La coiffure de Madame la baronne était travaillée avec art.
Ses cheveux blonds avaient opté pour une torsade destinée à recevoir une
demi-lune toute adamantine. Il s’agissait de bijoux sans prétention mais dont
le coût total aurait permis à une famille ouvrière de vivre aisément durant
deux cent cinquante ans. Quant aux pendentifs, ils étaient du même acabit, des
gouttes d’eau, affinant encore si possible les lobes délicats et pellucides de
Madame de Saint-Aubain. On eût cru ces boucles d’oreilles atteintes de
stillation. Accessoire indispensable : l’éventail. Tel un Marcel Proust glosant
sur les monocles, il est temps pour nous de nous amuser à l’inventaire de ces
différents accessoires de toilette, qui, cette soirée-là, tentaient de
rivaliser entre eux, sans pour autant détrôner celui de la poétesse décadente.
Toutes les Dames présentes agitèrent à dessein leur
accessoire de mode, s’éventant comme si elles eussent eu grand chaud, bien que
la température qui régnait dans ce salon, du fait de ses dimensions
conséquentes le rendant malaisé à chauffer l’hiver, malgré le printemps assez
avancé, fût quelque peu fraîche. Ce geste délicat, bien synchronisé par une
quinzaine de mains gantées avec ostentation, longues, fines ou potelées,
n’avait donc pas pour but de soulager ces précieuses, de les aérer, de prévenir
de malséants accès de vapeurs, mais bien de montrer, à titre de comparaison,
de représentation, leur objet de toilette mondaine aux yeux de celle
qu’elles enviaient, nonobstant son provincialisme point toujours bien vu
à Paris. C’eût été inconséquent, malséant, de ne point leur donner la réplique
à l’identique ; aussi, Aurore-Marie répéta le même geste, ouvrant son éventail,
l’agitant de quelques languides battements, l’exposant aux regards avides et
concupiscents de celles dont ne manquait qu’un face-à-main pour mirer le
moindre détail infime de l’accessoire ouvragé. Quoi qu’elles murmurassent -
admiratives ou jalouses, appréciatrices ou critiques - les lèvres des rivales en coquetterie fat,
fort agitées et tremblotantes, indifférèrent la baronne de Lacroix-Laval, qui
poursuivit son entrée et salua tour à tour chaque invité, avec un jeu
d’échanges protocolaires de baisemains et de courbettes. C’était là plus
qu’un usage, plus qu’un savoir-vivre ; c’était une assuétude. Au friselis de la
robe d’Aurore-Marie se mêla le bruissement ostensible de son éventement,
superposé aux quinze autres, dont une ouïe exercée et subtile aurait su
distinguer et analyser les divers types de dentelles et autres matières nobles
entrant dans la façon des indispensables et dispendieux objets.
Celui de la poétesse lyonnaise, voulions-nous
sous-entendre, l’emportait en préciosité sur tous les autres, non qu’il fût
d’exception ; mais les motifs japonards qui l’ornementaient, en sus de
la soie et des dentelles chantilly entrant dans sa composition, brodés de fils
d’or, surpassaient tout le reste… Il s’agissait d’une soyeuse reproduction art
pour l’art d’une estampe d’Hiroshige
s’intitulant Le Mont Fuji au
printemps. La mieux pourvue des convives - comtesse de** - brandissait une
pâle imitation de De Nittis calquée sur Hokusai, aussi inspirée et enchanteresse
qu’elle eût pu sembler, en mièvre évocation de cette Vague impressionniste,
fleuron de nos parangons du modernisme esthétique. Une autre - Gyp en personne,
qui n’avait point oublié qu’elle descendait de Mirabeau - arborait un éventail de dentelles du Puy où
se mélangeaient des broderies représentant des grues cendrées. Les autres se
contentaient d’éléments répétitifs floraux, agrestes, pastoraux, paysannesques,
grecs, marins ou faunesques, jamais géométriques ou schématiques, à la
stylisation limitée par l’esprit bourgeois du temps. Rien, selon ces
Dames, n’égalait les broderies anglaises (caractérisant dix des quinze
éventails rivaux), quoiqu’elles valussent peu (et encore moins que de dévaluées
toiles de Jouy passées de mode) aux yeux experts de Madame de Saint-Aubain, car
son accessoire surpassait indéniablement tous ceux de ses rivales, dont ne
restait que la variété des matières des manches pour la concurrencer, en sus du
gland ou du pompon bariolé retombant, argenté - car assorti à la toilette Worth
- dans le cas de la baronne. C’était donc un cortège de manches composites de
nacre, d’écaille, d’ivoire, d’ambre, de corne, d’os (ostéodontokératiques, eût
écrit Raymond Dart
selon une théorie paléontologique erronée émanant de lui
seul, bien que ces Dames ne pussent s’assimiler aux Australopithèques)
surmontés par d’arachnéennes images brodées ou tissées, osant parfois jusqu’aux
crêpures et lourdes damassures inutiles et superfétatoires, cortège qui
s’essayait à accompagner la marche triomphale d’Aurore-Marie. Elle s’amusa à
ouvrir grand son objet de coquette, y affichant et affirmant ostensiblement son
nom, broché et tissé, en caractères nippons, agrémenté du lambel des
Lacroix-Laval (cela afin d’ajouter une touche d’une superfluité encore plus
décadente) comme signature ou armoiries de la propriétaire du
chef-d’œuvre.
Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, la
vedette de l’instant fut surpassée par le couple que tout le monde attendait :
« Le général Georges Boulanger et Madame De Bonnemains ! » trompeta le
« chambellan ».
Le brav’général
était venu, non en uniforme de grande tenue - il ne s’estimait pas en service
et devait parfaire son allure civile pour la députation qu’il convoitait au
cours de diverses élections multiples - mais en habit de soirée, tandis que sa
maîtresse arborait une robe de brocart, soie et satin magenta, tissée de fils
d’or, la polonaise étant en brocart et le corsage en soie, le tout se chargeant d’une traîne et de force roses
et œillets écarlates. C’en fut trop, mais cela fut exquis. Le cœur
d’Aurore-Marie s’agita à tout rompre ; des spasmes d’une joie immodérée la
saisirent. Sa chère amie Marguerite, enfin ! Telle une Marie-Antoinette
s’émouvant de la venue de sa duchesse de Polignac, Madame eut du mal à
réprimer un soupir de contentement. Cependant, croisant Michel Simon, Carette
lui jeta, à l’oreille, alors qu’il proposait sur un plateau des coupes de
champagne et de punch :
« V’là Barbenzingue qui rapplique enfin. La
cavalerie est pas trop en retard. On va rigoler ferme ! »
Le
brav’général aurait pu se contenter de cette tenue de soirée civile, mais il
avait préféré l’affubler en sus des multiples médailles qui ornaient sa
poitrine et tintaient lorsqu’il se déplaçait. On aurait cru à une réclame
ambulante en faveur de la ferblanterie. La barbe parfaitement taillée, le
cheveu poivre et sel, le haut-de-forme dit chapeau claque tenu à la main
gauche, il tendit négligemment sa paire de gants beurre frais à un domestique
dont il ne daigna même pas dévisager la figure : fort marri, Julien hérita de
cet accessoire incontournable en sus du plateau comportant les boissons
alcoolisées.
« Qu’est-ce que je vais en foutre ? Ils n’iraient
même pas aux pognes de Max Linder », marmotta-t-il.
Fort entouré,
Georges Boulanger dut serrer une légion de mains : Mackau, Dillon, le marquis
de Breteuil, Meyer…et se contraindre à la corvée des baisemains et des
compliments.
« Ah, mes amis, que je suis heureux de vous voir
ce soir si nombreux ! Cela augure bien de notre projet commun. »
Mackau crut bon de s’exclamer :
« A l’Elysée, mon cher, à l’Elysée ! »
Ce cri fut
repris en chœur par la majorité des hôtes. Légèrement en retrait, Oskar
affichait sa mauvaise humeur :
« Er hat
einen Dickkopf ! Schweinhund ! »
Sous
la colère, il en brisa sa coupe de champagne. Il gronda : « Scheisse
! »
Sous sa tenue de soubrette parfaite, la scène n’avait
pas échappé à Émilienne :
« Purée ! Je vais devoir nettoyer tout ça !
Fichue couverture ! »
Georges
Boulanger calma l’enthousiasme anticipé de ses partisans :
« Mes bons amis, n’allez point trop vite en
besogne ! Pour l’instant, contrairement à nos plans initiaux, je ne me
présenterai à aucune élection partielle. Je ne suis plus candidat. Ce que je
veux, c’est montrer notre force à la clique d’opportunistes qui occupe tous les
rouages de l’Etat et qui feint d’oublier l’objectif principal : récupérer les
provinces perdues. Bientôt, nous aurons les armes pour le faire ; bientôt
retentira le coup de tonnerre de notre puissance recouvrée ; bientôt l’Allemagne
tremblera ! »
Le baron
Hermann Kulm s’approcha tandis que Werner se faufilait afin d’en apprendre
davantage. Sa figure n’attirait pas l’attention. On pouvait le prendre pour le
secrétaire particulier d’un des hauts personnages de l’assistance. Aux paroles
pleines de feu et d’assurance, qui avivaient la fibre nationaliste, les
moustaches du jeune Maurice Barrès et les lèvres de Paul Déroulède avaient
frémi et tremblé d’excitation.
Kulm jeta à l’oreille du brav’général :
« Dois-je vous apporter les plans et la carte
maintenant ?
- Après le souper, quand ces dames siroteront un
alcool de poire. Ici, c’est une affaire d’hommes.
- Mais Madame
la baronne de Lacroix-Laval et Madame la duchesse d’Uzès, dont les subsides
sont si précieux à la réussite pleine et entière de notre cause, les
laisserez-vous aussi à l’écart ?
- Pour elles, je suis prêt à faire une
exception. »
Michel Simon se frotta ostensiblement les mains devant
le faux évêque anglican. Le pseudo religieux lui dit discrètement :
« Pourquoi tant vous réjouir ?
- Ben, Daniel avait raison. Vous avez entendu comme
moi. Il est question de plans et de carte. En pointant ce petit bijou de
technologie en direction de Barbenzingue, nous filmerons le tout ni vus ni
connus. »
Le minuscule appareil avait l’apparence d’une
chevalière. Il ne se contentait pas de capter les sons et les images, il les
mémorisait et restituait le tout en 3 D, sans en oublier le moindre détail.
Ainsi, alors qu’on se fût attendu à n’avoir pris dans l’objectif que le général
et deux ou trois de ses amis, en fait, l’enregistreur capturait tout jusqu’à la
plus improbable fragrance, la moindre particule de poussière, le bruit le plus
ténu et le plus lointain.
Louis Jouvet observa :
« Ne vaudrait-il pas mieux voler les documents
avant que Barbenzingue s’en serve ?
-Il faut dénicher la cachette ! Observa Craddock.
- Oui, mais ce sont les ordres. Moi, je les suis sans
discuter, répliqua le Suisse.
- Faut encore trouver le moment propice !
- Après les ripailles !
- Houlà, Craddock, ça risque d’être long. C’est
salonard ici. On s’presse pas et le repas doit comporter trois services au
moins !
- Faites semblant de boustifailler pour être en forme
à la mi-nuit. En tout cas, si y’en a un qui va se réjouir, c’est Saturnin !
Conclut le cachalot de l’espace.
Violetta et Deanna Shirley rongeaient leur frein,
contraintes de manger avec les enfants. La soupe aux cressons, le blanc de
poulet aux morilles, la limonade et le flan à la pistache ne plurent guère à la
Britannique qui regrettait ses tourtes.
« What a
pity ! J’ai encore faim ! Mon estomac
n’est pas calé ! »
De plus, la jeune femme devait subir les bavardages
infantiles des fillettes qui dînaient à part des jeunes garçons.
« Qu’as-tu reçu pour ton anniversaire, Berthe ?
- Une lanterne magique, Léonore.
- Pouh ! J’ai eu mieux ! Un praxinoscope avec plein de
pantomimes : La Belle au Bois Dormant, les Malheurs de Sophie, Les Contes de
Ma Mère l’Oye.
- Oui, mais la lanterne, ce n’était que le premier
cadeau. Mon oncle m’a offert un Bébé Jumeau de cinquante centimètres de hauteur
avec un trousseau complet. Toute une lingerie en fine toile de batiste, une
robe de mariée, deux robes de bal, trois tenues de voyage, quatre d’intérieur,
deux robes de visites, trois manteaux…
- Je n’en peux plus ! Souffla DS De B de B.
- Pourquoi ? Tu en as acheté autant, lors de ta petite
sortie il n’y a pas longtemps. Berthe te ressemble, et cela te fait mal de le
reconnaître », siffla Violetta perfide.
Cependant, Boulanger avait complété sa déclaration
préliminaire :
« Notre salut passera par l’Afrique ; là-bas le
sous-sol regorge des moyens nécessaires à notre victoire. Messieurs,
vous en saurez plus à la fin de cette soirée inoubliable. Tout ce que je puis
vous dévoiler pour l’instant, c’est que le génie scientifique français sera
hautement mis à contribution et glorifié ! A cause du secret que je dois encore
garder, ces Dames ne seront pas conviées au petit conciliabule, à l’exception
de Madame la duchesse d’Uzès et de Madame la baronne de Lacroix-Laval !
- Comment ! se récrièrent deux voix masculines.
Attendre encore alors que le Palais Bourbon était à notre portée ! Et pourquoi
l’Afrique, auriez-vous embrassé les idées de ce Ferry-Tonkin ?
- Pas du tout, mon cher marquis et mon cher comte, fit
Barbenzingue avec un sourire qui en disait long, à l’adresse de Breteuil et
Dillon. Vous comprendrez tantôt le sel de la chose. »
Personne n’avait remarqué, sauf sans doute Daniel, la
réaction d’un des invités, qui n’était ni du camp d’Oskar et Werner, ni du
Deuxième Bureau. C’était le major Julius Morgan, le bras droit de Sir Charles
Merritt, qui avait officié en tant qu’ingénieur principal sur la conception et
la construction du Bellérophon Noir.
Il jouait un double jeu, travaillant à la fois en étroite collaboration
avec Kulm et Mirecourt mais aussi pour la cause du plus grand criminel que la
Terre ait jamais portée. Kulm avait apporté les idées. Morgan s’était
émerveillé devant autant d’anticipations militaires qui dépassaient Jules Verne
et son sous-marin du capitaine Nemo. Surtout, le mystérieux baron Alsacien
avait directement recruté l’officier en rupture de ban, bien qu’il fût décoré
de la Victoria Cross, car renvoyé de l’Armée des Indes pour dettes de
jeu. Merritt avait lu avec attention tous les rapports de Morgan, et en avait
conclu qu’un pareil savoir ne pouvait provenir du XIXe siècle. Il avait alors
émis maintes hypothèses. La plus absurde mais pas la plus improbable était que
Kulm était originaire de l’avenir. C’était la carte maîtresse d’Aurore-Marie et
de Barbenzingue. Il était le numéro deux de la secte qu’elle dirigeait, ce qui
signifiait qu’il avait possédé les fameux codex et s’en était déjà servi pour
explorer aussi bien le passé que le futur. Il était logique que Merritt
raisonnât ainsi. Le mathématicien émérite faisait des rêves étranges, dont un
récurrent qui se passait sous le dôme d’une pyramide précolombienne. De plus,
il avait capturé quelques mois auparavant un Velociraptor vivant. Présentement,
il dressait l’animal à des tâches qui ne resteraient pas longtemps obscures et
qui seraient appelées à un retentissement mondial et multiséculaire. Voilà où
allait se nicher le cruel génie de Sir Charles !
« Assez parlé affaires, nous devons maintenant,
en attendant le souper, réjouir nos oreilles, fit le général Boulanger à
l’adresse de l’assistance féminine. Madame la duchesse, à vous l’honneur.
- Mesdames, j’ai l’honneur d’abriter sous mon toit un
génie de la littérature, un prodige à boucles blondes, que la Grèce elle-même
nous envie ! Aurore-Marie de Saint-Aubain, la poétesse parnassienne par
excellence ! Reconnue par tous les critiques de l’Académie française. »
Jouant une feinte modestie, rougissante et
toussotante, Madame la baronne s’inclina.
« Je ne sais quoi dire…
- Justement, ma chère. Nous attendons un aperçu de vos
derniers chefs-d’œuvre.
- Ils ne sortiront chez les libraires que d’ici une
quinzaine, mais, pour vous, je veux bien vous en révéler l’exclusivité. Mon
recueil s’intitule : La Nouvelle Aphrodite.
Un grand
mouvement se fit parmi les chaises et les fauteuils avancés par les
domestiques. Cela constitua un cercle, presque à la semblance d’une tholos au
mitan de laquelle on eût érigé une statue à la gloire de la muse Polymnie. Un
docte silence se fit. Au fond de la salle, Daniel toujours affublé de son
costume de valet de pied, écouta avec un sourire indéfinissable, accoudé avec
nonchalance contre le chambranle d’une porte, les déclamations compassées de la
poétesse. Il s’agissait d’une œuvre manifeste destinée à ouvrir le recueil. De sa toute petite voix de fillette, elle
commença :
Exorde
Le
rhéteur discourait en sa cathèdre devant un prytanée.
L’incipit
de sa péroraison défendait l’hyménée.
Du
fait de ses paroles, le démos vint nombreux,
Applaudir
en l’agora de la polis à ses mots lumineux.
Il
conta le passé, l’idéal hoplitique du citoyen attique,
Alors
que moi, pauvre fille épiclère,
Je
languissais au gynécée, pleurant aux sons antiques,
A
l’éphébie lors obsolète, à l’onde, aux songes du vieux clerc!
Je
me souvins: c’était en mes primes années, dans la cité d’Ixelles.
Mes
sept ans accomplis, ayant quitté Bruxelles,
Père
m’accompagna, moi, la fragile enfant,
En
boutique enchanteresse, paradis du chaland,
Royaume
des petites filles, ô, marchand de joujoux!
Tu
vendis pour cent sous ce catoptrique bijou!
Un
phénakistiscope outre-Quiévrain conçu,
Par
Plateau, magicien, inventeur au génie mal perçu!
Les
images lumineuses, la pantomime de l’acrobate,
Commedia
dell’arte du pantin hylobate,
Ces
délicats dessins, précieux en leur écrin,
Ce
disque mouvant, illusion chromatique,
Émerveillèrent
mon cœur, effacèrent mon chagrin,
Mon
spleen de petite fille aux boucles romantiques!
Lorsque
vint le progrès, le jeu muta encor!
Au
disque succédèrent les miroirs du beau praxinoscope!
Las!
J’avais déjà quinze ans, la nostalgie au corps!
Regrets
de ces années enfuies, prévues par l’horoscope!
Adulte désormais, je me
voue aux Beaux-Arts!
Les picturaux prolégomènes
de ces jouets anciens,
Agirent, tels tremplins,
hors de mon quotidien,
Bien que désormais bannis
en un hideux placard!
Ma vocation venue,
s’ouvrirent à moi cénacles,
Salons aristocratiques où
des poëtes oracles
Exprimaient leurs vers
substantifiques
Pour émaux et camées, ô
Parnasse mirifique!
Ma mondaine beauté sut
plaire aux vieux roués,
Par talent affirmé, je
conquis les honneurs,
Grâce aux humanités, je
fus des plus douées!
Vint la préciosité, l’art
pour l’art, ô bonheur!
A Rome et à l’Hellade,
l’Orient s’additionna,
Tacfarinas, Jugurtha,
Timgad, Leptis Magna,
Métaphores raffinées,
insignes et pérennes vestiges,
Détruits par vieux
Berbères, Schleus, Mzabites et Gagaouzes,
Par rezzous senoussistes,
fantasias de prestige,
Méharis belliqueux ruinant
bordjs de bouse!
Renaissance attendue suit
toujours barbare déshérence,
Par le Quattrocento, moi,
nouvelle Vénus, ô fruits en déhiscence,
Je proclame que revivra le
Beau, de Catane au Mincio!
Masaccio, Masolino,
Ghirlandaio, Maestà de Duccio,
Transalpins
« masterpieces » par Albion qualifiés,
Célébrez mon incarnat de
porcelaine, ma chevelure de miel,
Sonnez, sonnez, trompettes
de la gloire pour mon corps déifié!
Frêle certes je suis, mais
reconnaissez en moi, quand vous rêvez au ciel,
La Nouvelle Aphrodite
investie par Sappho en cycladique épithalame,
La nymphe gracile aux yeux
ardents, d’un noisette de flammes,
Le très précieux nectar
d’or, de cristal et d’onyx initié par la théogonie.
Nul versificateur, ni
Pindare, ni Hésiode, ne me vouera aux gémonies!
Les
accents convaincants de ces strophes orfrazées, orfévrées et ouvragées, presque
gravées sur une stèle en marbre du Pentélique, déclenchèrent des larmes
sincères parmi ces Dames et des applaudissements nourris chez ces Messieurs. Au
contraire, Daniel Lin, qui entendait Craddock souffler et Michel Simon
marmonner des insultes, se retint à grand-peine d’éclater de rire. On ne savait
comment Aurore-Marie était parvenue à une telle performance déclamatoire digne
de la grande tragédienne Rachel et de Sarah Bernhard sans que la prissent des
accès d’étouffement turbides. L’ex commandant Wu pensait :
« Que de boursouflures !
Un salmigondis de nombrilisme et de mythologie ! »
A la deuxième poésie, la voix d’Aurore-Marie
sembla prendre davantage d’assurance. Aux oreilles raffinées de nos hôtes
décadents, la jeune femme paraissait dotée d’inflexions sacrales et exaltées,
telles qu’une orante, une nymphe ou une vestale eussent pu les posséder. En la
ciselure de ses lèvres pourprines, les vers précieux prirent la tonalité d’une
incantation hallucinatoire. C’étaient ceux qu’elle avait composés afin de
célébrer la beauté nonpareille d’Angélique de Belleroche ; ils l’avaient
choquée, scandalisée, tant les sous-entendus saphiques en étaient explicites.
L’assistance, convertie à l’esthétisme le plus turpide, s’en moquait. Derrière
un paravent de pudicité soi-disant préservé, la vénénosité de la baronne
s’exprimait toute, en des élans compassés quoique brûlants de volupté et de
suavité. Aurore-Marie exsudait toute la quintessence d’une jeune fleur du mal
alabandine, aux cheveux de jais, à l’iris d’obsidienne. Son émotion, à la
récitation de ce scandale artistique, transparaissait, se trahissait, se
manifestait malgré tout par une discrète trémulation de la bouche et des doigts.
De même, des tremblotements palpébraux donnèrent l’impression que ses grands
yeux d’ambre papillonnaient d’une manière extatique. Elle avouait, sans que nul
ne s’en rendît compte, ses coupables penchants, sa déviance, alors que tous n’y
entendaient que la manifestation la plus pure, la plus accomplie de son art
poétique insigne. Si Johan Van der Zelden avait été là, non point en tant
qu’Entité négative déchue, mais comme le banquier américano-hollandais que
Stephen Möll avait connu, impresario à ses heures, notre Ennemi aurait
rapproché Aurore-Marie de l’éphémère idole Rocky Travelling, qui, dans un de
ses tubes, costumé en mignon d’Henri III, avait fait son coming out, révélant
son homosexualité à ses fans.[1]
Ode à la nymphe furtive
L’appel
d’or retentit dans un ciel sans étoiles.
Je
te vis, esseulée, en cette contrée, sans voiles.
Fugitive
tu fus, ma sylphide craintive !
Coruscante
dryade, fruit défendu, fornication furtive !
Thébaine
aux yeux d’ébène qu’Athéna Parthénos
Modela
dans la glaise sur ordre de Chronos !
Matité
d’une peau, carnation exotique !
Naïade
d’Insulinde venue d’outre tropiques !
Noirs
tes cheveux, de jais tes iris, mais point ton âme,
Qui
mon cœur embrasa, voluptueux épithalame !
Farouche
vahiné nourrie au caroubier,
Pygmalion
te conçut, en futaie d’albergiers !
Es-tu
des Îles Heureuses, de l’Arabia Felix ?
De
Ceylan des Orientales Indes, du sommet de la Pnyx ?
La
superbe rabattue de l’Empereur de Chine,
Rejeta
en toi, ma mie, la fière concubine !
Nue
tu fus devant moi, prête aux transports hardis !
Neuve
tribade en Thébaïde, prépare mon Paradis !
L’univers
lutta lors, contre l’énergie sombre
Du
Fils du Ciel trahi, réservant sa faconde,
Engloutissant
les étoiles, les astres du Logos !
Corps
à corps dantesque, victoire du Rien, ô nouveau Polemos,
Encor
en apocryphe codex, Révélation, poussière en devenir,
Par
l’eschatologie, voici la Mort, ô Néant à venir !
Bien
qu’ils n’eussent rien saisi de l’hermétisme de la dernière strophe, au
contraire de Daniel, les aficionados de la poétesse renouvelèrent leurs
applaudissements et leurs vivats avec une intensité accrue.
Intérieurement,
Daniel frémissait, se posant la question : « Comment connaît-elle Fu ? Qui
a pu la renseigner ainsi ? »
Craddock,
Louis Jouvet et Michel Simon n’avaient compris que la partie scabreuse de la
poésie.
« Mes
aïeux ! Cette fille a besoin d’se faire culbuter derrière un buisson ! Jeta le
comédien suisse.
-
Peut-être, mais pas par moi, rétorqua Symphorien. C’est pas mon genre, et que
dirait Gemma ?
-
A moi non plus, elle ne me dit rien, compléta l’ancien bègue. »
Cependant,
Aurore-Marie fatiguait. Sa toux la reprenait. Elle déclara ne pouvoir réciter
qu’un court acrostiche, lequel, elle promit, plairait grandement. Sa voix parut
quasi éteinte, au niveau du murmure moribond.
Acrostiche boulangiste
Bellone
au champ d’honneur entonne le péan du guerrier,
Oaristys
du grand Chénier résonnant à l’ombre des mûriers !
Unissez-vous,
soldats, sous l’égide du Sauveur à la barbe d’airain !
Lapidaire
! Ecoute le corps à corps des valeureux peltastes !
Armada
improbable, célébrée en antiques glyptiques, en la psyché sans tain,
Négondo
tropical, topique forsythia en leur cryptoportique, tragédie de Jocaste,
Gerousia
armillaire célébrant encor les champions d’armes d’hast !
Éoliens
dithyrambes, oyez le Général, sur Tunis monté, fier en l’amble,
Restaurer
l’ancien trône, œuvrer enfin qu’en Gaule pour que Peuple s’assemble !
Daniel
se fit la réflexion suivante : « Si ce n’était le physique, j’aurais cru
qu’il s’agissait de Jane Birkin en train de susurrer une de ses
chansons. »
Il était plus que temps qu’elle achevât. Prise de
faiblesse, d’une presque asthénie, accompagnée comme de coutume d’un accès de
toux incontrôlable, Aurore-Marie se laissa choir sur un fauteuil au doux
capiton prune que la duchesse d’Uzès s’empressa de lui tendre. Elle déclara :
« Merci, mon amie. » comme indifférente au
triomphe, aux hourras qu’elle suscitait par la grâce de cet empesé
acrostiche, poème si partisan, si militant, qu’on pouvait se demander si la
République ne risquerait pas de mettre à l’index à cause de lui l’ensemble de La
Nouvelle Aphrodite lorsqu’elle serait sous presse. Il suffirait d’un arrêté
préfectoral, voire d’une intervention en sous-main de Monsieur Floquet,
président du Conseil et adversaire déclaré de la cause du brav’général, pour
que l’œuvre tout entière de la baronne de Lacroix-Laval fût frappée
d’interdiction et succombât sous les ciseaux d’Anastasie.
« Vous me laisserez bien tantôt le piano ; je
n’ai point encore fini pour ce soir… Marguerite m’aidera… » osa dire à Manuela
la fluette enfant.
« Madame la baronne prend un quart d’heure de
pause ! Déclara à l’assistance la duchesse. En attendant qu’elle soit remise,
j’aurai l’honneur de vous faire admirer ma dernière acquisition. »
Craddock fit à l’oreille de Julien :
« Hé, si c’était l’occasion propice ?
- J’sais pas. Faudrait savoir ce que Jean fiche
dehors. Il ne nous rend compte de rien. Le communicateur ne nous a rien
signalé.
- Bon signe ?
- Je ne crois pas, Symphorien. C’est assez intriguant
! »
Adonc, tandis que Clémentine, comme elle souhaitait
qu’on l’appelât, faisait venir, dans un fort précieux coffret gemmé, le fameux
masque automate japonais de Nara auquel nous avons déjà fait allusion, afin que
tous les bibeloteurs invétérés l’admirassent et félicitassent Madame de
Rochechouart de Mortemart pour ses goût exquis et raffinés et son choix avisé,
préoccupons-nous du sort de Jean Gabin au dehors, notre Gueule d’Amour préposée
au guet extérieur avec l’encombrant et fantasque O’Malley, qui n’obéissait qu’à
sa maîtresse, pour l’heure occupée à se plaindre de la compagnie pesante des
fillettes s’apprêtant à se coucher en bonnes petites filles bien élevées, notre
Deanna Shirley refusant que des domestiques fussent chargées de la mettre au
lit après lui avoir imposé une fort peu seyante chemise de nuit loin de ses goût
tapageurs pour le linge suggestif et vaporeux hollywoodien. Quant à Violetta,
souper pris, elle s’était éclipsée, se confondant avec les murs, usant de son
don de métamorphe, abandonnant son encombrante compagne afin d’épauler Daniel
dans sa mission : retrouver les plans du Bellérophon noir et de l’expédition
congolaise.
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